Situé à moitié dans le Parc national des Calanques, à moitié en zone urbaine, le lycée agricole des Calanques, à Marseille, déploie des projets pour relier les deux espaces avec vue sur les perspectives méditerranéennes. Rencontre avec Johann Berthaut, son proviseur.
À l’origine enseignant d’éducation physique et sportive, Johann Berthaut est nommé à Marseille en 2018, après deux postes de direction en Seine-Maritime et à Gap (Hautes-Alpes). Si « le site est extraordinaire, classé dans le top 5 des plus beaux lycées de la région », le climat dans l’établissement à son arrivée est plus tumultueux. Son premier objectif est de fédérer la communauté éducative autour des valeurs de respect, de bienveillance et de réussite. La notion de respect englobe celui de la nature. Le travail engagé déjà depuis quelques années par les écodélégués fournit le terreau d’une concrétisation des principes, avec l’idée de transformer des terres inexploitées en ferme urbaine.
L’établissement compte aujourd’hui 210 élèves et 100 apprentis. Il voisine avec la cité scolaire Marseilleveyre accueillant 1000 lycéens et 1000 collégiens. Les deux réfléchissent ensemble pour traduire dans les faits le souhait de développer et d’observer la biodiversité dans un espace partagé. Outre son site et ses formations orientées vers l’environnement et le paysage, le lycée agricole possède comme atouts un fort rayonnement et un réseau de partenaires étoffé. Cette force gomme l’impression d’une alliance déséquilibrée par le nombre d’apprenants.
Le projet de ferme des Calanques se déploie depuis 2018 dans cette interface entre ville et nature, dans un espace où les énergies se conjuguent pour développer idées pédagogiques et environnementales. Il est soutenu par la Région, la Métropole, le rectorat et également par le ministère de l’Agriculture, avec l’attribution d’un tiers-temps d’enseignant dédié au projet et d’un financement du programme d’appui à la transition agro-écologique CASDAR (Compte d’affectation spécial au développement agricole et rural). Le lycée Marseilleveyre met à disposition deux parcelles et ainsi « place la question de l’agriculture au cœur des réflexions de ses élèves, futurs écocitoyens en démarche de développement durable ».
CORDÉES VERTES
L’association Cultures permanentes apporte son expertise en permaculture. Car la ferme est un lieu de production pour fournir des cantines scolaires en appliquant des méthodes agroécologiques. Elle constitue une vitrine de l’agriculture urbaine tout en étant un lieu d’apprentissage. « C’est un foisonnement d’idées où nous travaillons à la fois sur la limitation de la propagation des plantes invasives dans les calanques, le développement de la biodiversité en ville et la création de cordées vertes. » Les cordées vertes structurent l’axe pédagogique en associant tous les niveaux scolaires, de la maternelle au supérieur autour de la thématique du développement durable.
Les lycéens en bac pro GMNF (Gestion des milieux naturels et de la faune) accueillent sur le site des élèves de maternelle et de primaire ou vont dans les écoles pour expliquer, partager des travaux pratiques sur le cycle des cultures et la biodiversité. Des relais dans les écoles sont mis en place pour prolonger les travaux dans les jardins. Le collège Marseilleveyre a créé une classe de 6e « développement durable » sur le modèle des 6es internationales avec cinq heures hebdomadaires consacrées à la thématique. Les étudiants de l’antenne marseillaise de l’École nationale supérieure de paysage et ceux de l’École nationale supérieure d’architecture viennent aussi enrichir leurs connaissances sur la transition agroécologique en milieu urbain.
Les lycéens et apprentis du lycée des Calanques trouvent, eux, un terrain propice pour de nombreux travaux pratiques en lien avec l’application des principes de la permaculture. Ils bénéficient de l’expertise de spécialistes de l’agroécologie invités par l’association Cultures permanentes. « Lorsque des experts viennent parler de transition, cela favorise l’adhésion de tous les acteurs. » L’Institut technique de l’horticulture (ASTREDHOR) et le laboratoire Population environnement développement participent aussi au projet apportant leurs éclairages dans une approche de sciences participatives.
- Les élèves contribuent à l’aménagement et l’entretien des espaces en expérimentant des techniques anciennes ou novatrices.
UN LIEU DE VIE PARTAGÉ
Les élèves contribuent à l’aménagement et l’entretien des espaces en expérimentant des techniques anciennes ou novatrices. Ils ont construit une maison en mur de paille porteur, lieu de vie partagé. « Étudier quand d’autres cultivent autour, c’est aussi un moyen de bien vivre les scolarités, de bien vivre ensemble. » Sur les parcelles, l’approche est pluridisciplinaire. Sur le site se côtoient des niveaux scolaires et d’expertise différents, où chacun apporte sa curiosité et ses connaissances.
Les ouvertures pédagogiques se dessinent dans une réflexion constante au sein du réseau des établissements locaux et de sa branche dédiée au développement durable. Des élèves du lycée Marseilleveyre préparent leur grand oral sur les plateaux techniques cultivés par le lycée des Calanques. « Ils questionnent les enseignants, les associations partenaires du projet. Leur préparation englobe plusieurs disciplines. Les initiatives pédagogiques du côté de l’Éducation nationale vont se multiplier à l’avenir pour aborder l’agriculture de façon pluridisciplinaire, une démarche à laquelle nous tenons dans l’enseignement agricole. »
Le lycée des Calanques regarde aussi vers la Méditerranée. Le bac pro GMNF propose la spécialité « mer et littoral ». Les lycéens bénéficient d’une option plongée sous-marine qui leur permet de passer le BNSSA (Brevet national de secourisme et de sauvetage aquatique). Avec les biologistes marins de l’association Septentrion environnement, ils contribuent à des opérations de comptage d’espèces et observent le corail rouge. Ils participent au projet du musée subaquatique de Marseille en suivant la colonisation de la faune et de la flore sur les sculptures.
- Le lycée des Calanques est le seul à proposer la spécialité mer et littoral pour les bacs pro Gestion des milieux naturels et de la faune.
« ACCOMPAGNER LA MUTATION MARITIME DE MARSEILLE »
Un projet de bachelor « gestion production maritime plongée », destiné aux stagiaires adultes et aux apprentis, a été déposé auprès du Conseil régional. Il a été créé en réponse à la demande des employeurs à la recherche de techniciens supérieurs aux compétences intermédiaires entre celles des opérateurs plongeurs et celles des scientifiques. « Nous souhaitons accompagner la mutation maritime de Marseille comme ont pu le faire des villes comme Barcelone. » Amorce d’un réseau, d’autres lycées agricoles français des littoraux sont progressivement associés à ce nouveau projet.
La coopération internationale étend ce réseau sur d’autres rives méditerranéennes. Avec Twinning 3D, un échange a été initié avec un lycée d’Oran autour de la photogrammétrie. Cette technique permet de modéliser en 3D un paysage ou un objet à partir de prises de vues sous-marines, en l’occurrence des photos d’un site archéologique à Oran, d’une part, et du Musée subaquatique à Marseille, d’autre part. « Il y a eu beaucoup d’échanges pendant le confinement pour approfondir le projet, préparer l’accueil des élèves algériens et notre venue ensuite à Oran. »
La pandémie a suspendu une autre initiative avec les bacs pro Aménagements paysagers, en Grèce cette fois. Dans le cadre d’Erasmus+, deux enseignants ont prévu un chantier d’aménagement d’un sentier littoral et la réhabilitation d’un cinéma de plein air afin de créer un festival du film naturaliste. Le lieu est situé dans le parc national du Péloponnèse et présente nombre de points communs avec celui des Calanques. « Tous les projets tournent autour de la protection de l’univers marin et du développement durable. » La thématique est une question vive, et le foisonnement des initiatives développées par le lycée des Calanques est remarqué. Les organisateurs du Congrès mondial de la nature, qui se tiendra début septembre 2021 à Marseille, ne s’y sont pas trompés : ils ont invité des lycéens à venir témoigner sur les différents projets.
Monique Royer
Reportage de La Provence sur la ferme des Calanques
Reportage de France Bleue
Le projet Twinning 3D
L’extrait de l’émission Thalassa racontant le projet Twinning 3D sur son volet marseillais (Musée subaquatique de Marseille)
Pour découvrir les projets et les formations du lycée des Calanques, des portes ouvertes virtuelles sont organisées les samedis 27 mars et 10 avril matin.
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