Innovation Pédagogique et transition
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Former des citoyen·nes émancipé·es à l’ère de l’Anthropocène : Quels dispositifs pour l’enseignement et la formation des enseignant∙es ? Argumentaire du numéro thématique

Un article repris de http://journals.openedition.org/eds...

À l’ère de l’Anthropocène [1] où l’humain est confronté à des changements globaux inédits, résultant de son activité industrielle et de son empreinte écologique (Delord, 2019), le pari sur les solutions technicistes pour sauver la planète est illusoire en raison de plusieurs limites du système Terre qui sont déjà outrepassées, parmi lesquelles le changement climatique, l’effondrement de la biodiversité terrestre et marine, l’altération des cycles biogéochimiques, l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique, l’acidification des océans, l’utilisation globale de l’eau douce et des terres cultivables, la pollution chimique et la charge en aérosols atmosphériques (Rockström et al., 2009 ; Steffen et al., 2015). D’autant plus que le franchissement des deux premières limites est suffisant à lui seul pour « faire basculer l’ensemble du système Terre dans un fonctionnement nettement moins propice à la vie – et tout particulièrement à la vie humaine en société » (Redondo et al., 2022, p. 40).

Le tourbillon de la grande accélération de l’altération anthropique du système Terre (Rosa, 2017) est particulièrement alimenté par le développement incessant des technosciences (Albe, 2009 ; Hottois, 2005) comme l’agriculture intensive et les biotechnologies agricoles, les nanotechnologies, la gestion des déchets nucléaires, l’intelligence artificielle ou les technologies numériques. Si elles confèrent aux êtres humains une puissance inouïe sur le monde, les ressources puisées pour leur développement et les effets de leur utilisation sur l’environnement mettent en péril la vie sur Terre (Fabre, 2021). Dans le courant de pensée du post-modernisme, l’idéal moral de l’humain, hérité des Lumières, mène à une catastrophe d’un monde déshumanisé et dominé par la science et la technologie (Piron, 2003), trop exclusivement soumis aux contraintes du rapport coût-bénéfice (Lecourt, 2003). Dans les sociétés technologiquement avancées, il ne s’agit plus pour l’humain d’inscrire ces activités dans le paradigme de la croissance, mais plutôt dans celui de la décroissance en misant sur la sobriété dans l’exploitation des ressources, des modes de production et de consommation à toutes les échelles spatiales, du local au mondial. Pour ce faire, des initiatives alternatives dans toutes les sphères de l’activité humaine doivent être opérées sans plus tarder afin d’éviter un « futur barbare » (Bonneuil, 2022).

Les multiples changements globaux auxquels les humains sont confrontés constituent un vivier par excellence pour l’émergence des « problèmes complexes flous » (Toussaint et Lavergne, 2005), voire des problèmes pernicieux (Fabre, 2022). Ce type de problème interpelle ce que Legardez et Simonneaux (2006) appellent des questions socialement vives (QSV), soit des questions ouvertes qui suscitent des débats et dont la vivacité est tangible dans les savoirs de référence, la société et les savoirs scolaires. Ces questions mettent en jeu des « savoirs chauds » non stabilisés, chargés de valeurs éthiques, d’attentes comportementales et de compromis politiques (Lange et Victor, 2006). Soulevant des « controverses socioscientifiques » ou des « controverses sociotechniques » (Lascoumes, 2002 ; Simonneaux, 2011a), ces questions sont sujettes à des formes de « conflictualité » entre des acteur∙rices aux intérêts divergents et aux postions sociales contrastées, selon qu’ils∙elles privilégient des enjeux écologiques, sociaux, économiques ou politiques (Fabre, 2021 ; Hervé, 2019). Leur caractère multidimensionnel, l’incomplétude de leurs données et conditions ainsi que la pluralité de leurs solutions font en sorte de confronter les humains à plusieurs registres de l’incertitude (Nedelec et Molinatti, 2019, p. 65) :

L’incertitude épistémique (portant sur le statut des savoirs en jeu), l’incertitude des effets (quant aux conséquences des technosciences), l’incertitude des réponses possibles (quant aux décisions à prendre face à ces effets) et l’incertitude des acteurs prenant position dans l’arène sociale de la controverse (quant à leur place, leur responsabilité et leur légitimité dans cet espace).

Si l’incertitude peut contribuer à l’accroissement de l’anxiété, du stress ou d’un sentiment d’impuissance, elle peut être réduite par un engagement actif des acteurs dans des processus de résolution de problèmes conduisant à la recherche de solutions et à la construction de nouveaux savoirs sur le fonctionnement des phénomènes (Lancry, 2007). C’est dans cet esprit que se font les sciences citoyennes en intégrant activement les « citoyen∙nes ordinaires » dans des réflexions sur les controverses, prenant ainsi en compte de la vivacité des enjeux sociétaux dans les processus de production des savoirs (Simonneaux, 2019).

Dans la sphère éducative, le développement d’une culture scientifique et technique inclusive s’inscrit comme finalité de nombreux systèmes éducatifs qui promeuvent une éducation aux sciences plus citoyenne, en introduisant les controverses socioscientifiques ou sociotechniques à l’école (Albe, 2009 ; Girault et Molinatti, 2011 ; Urgelli, Hasni et Morin, 2022). L’enseignement des QSV y contribue en permettant aux élèves de comprendre et de participer à divers débats de la société portant sur des problèmes complexes (Albe et Simonneaux, 2002 ; Legardez, 2006 ; Simonneaux, 2019). C’est donc au niveau de la formation des élèves que se posent ces enjeux sociétaux, tant au niveau des connaissances que des compétences à leur faire acquérir. Une telle éducation citoyenne à l’ère de l’Anthropocène nécessite néanmoins de repenser, voire de reconfigurer les curricula pour mieux préparer les élèves à penser et agir dans ce monde problématique (Fabre, 2021 ; Lange et Kebaïli, 2019). Dès lors, quelles sont les caractéristiques et les modalités opératoires d’une telle formation citoyenne à l’ère de l’Anthropocène ?

Des curricula à reconfigurer en vue d’une formation citoyenne émancipatrice

Depuis l’antiquité, on peut repérer une grande diversité de réflexivités environnementales chez les humains, en particulier sur le climat, la vulnérabilité et l’interdépendance des êtres vivants et les limites des ressources à disposition (Bonneuil, 2022). Dès lors, se posent des questions comme les suivantes : Pourquoi ces réflexivités n’ont-elles pas conduit les humains à prendre en charge plus sérieusement leur avenir ? Pourquoi l’éducation formelle ou informelle n’a-t-elle pas réussi à former des citoyen∙nes plus responsables de ces enjeux ? L’une des hypothèses, du moins pour le monde actuel, est que « la logique néolibérale enferme les individus dans des procédures et des processus normatifs conçus spécifiquement pour les soulager de l’exigence de penser par eux-mêmes » (Lang et al., 2016, p. 26). À l’instar de Billouet et Fabre (2015), Redondo et al. (2022, p. 37) relèvent que nous sommes à l’ère d’« une nouvelle ignorance, une nouvelle aliénation sociale et une aliénation économique qui, sur fond de capitalisme, s’est creusée depuis la généralisation des logiques néolibérales de la fin du XXe siècle ». Cette hypothèse interpelle les finalités éducatives des curricula et pousse à les inscrire dans une visée citoyenne émancipatrice pour contrer ces formes d’aliénation et bousculer ce monde inégalitaire (Barthes, 2023). Plus que jamais, il est nécessaire de doter les élèves de nouvelles manières d’être, de penser et d’agir pour participer pleinement à la construction d’un monde meilleur. Ces élèves doivent disposer de la capacité à comprendre des enjeux socio-technico-scientifiques (issus de questions complexes émergeant des interactions entre la science, la technologie et la société), à participer activement à des débats publics, à remettre en cause les modèles inégalitaires structurant les organisations et à proposer des solutions alternatives pour améliorer les conditions humaines et sociales sur Terre (Audigier, 2009 ; Hertig, 2015 ; Roy, Pache et Gremaud, 2017 ; Westheimer et Kahne, 2004a, 2004b).

L’UNESCO insiste auprès des États-nations sur l’importance que les élèves puissent mieux cerner la complexité du monde et disposer d’un plus grand pouvoir d’action sur celui-ci. Cependant, une école contemporaine ancrée dans le paradigme néolibéral qui se focalise sur le développement d’un « portefeuille de compétences » (Pachod, 2015) pour servir le monde économique contrevient à cette demande. En effet, Laval et al. (2012), dans le synopsis de leur ouvrage « La nouvelle école capitaliste », mentionnent qu’on « cherche moins à transmettre une culture et des savoirs qui valent pour eux-mêmes que de fabriquer des individus aptes à s’incorporer dans la machine économique ». Dès lors, comment reconfigurer les curricula de manière à ce qu’ils soient porteurs d’une formation citoyenne émancipatrice et de finalités sociales égalitaires ?
Des « éducations à » en tension pour former les élèves aux modes de pensée à l’ère de l’Anthropocène

Afin d’ouvrir l’école aux problématiques de la société, on assiste depuis les trois dernières décennies à une multiplication des éducations à [2] dans les curricula du monde francophone (Barthes, 2023 ; Lebeaume, 2012 ; Pagoni et Tutiaux-Guillon, 2012). Émanant dans la plupart des cas des instances internationales, ces éducations à véhiculent de forts enjeux politiques à travers un curriculum caché (Barthes et Alpe, 2013 ; Barthes, 2017). C’est le cas de l’éducation en vue d’un développement durable (EDD) qui, sous la pression de l’Organisation des Nations Unies, émerge comme un projet politique planétaire porté par le développement durable (Pache et al., 2011). Les éducations à présentent une pluralité de tensions quant à leurs finalités éducatives : normative ou réflexive, adaptation ou remédiation, instruction ou socialisation, conditionnement ou émancipation (Lange, 2020 ; Lebrun et al., 2019 ; Roy et Gremaud, 2017). Selon les pôles retenus, elles peuvent se concrétiser selon trois modèles (Barthes et Lange, 2022) :

un “modèle cumulatif” d’empilement de connaissances […] ; un “modèle techno-économiciste”, réduisant l’agir sociétal à des technicités pratiques, indiscutables […] ; et enfin, un “modèle émancipateur” et donc critique, impliquant un étayage par des modèles scientifiques, des débats, et acceptant, tout en cherchant à la réduire, l’incertitude intrinsèque de l’avenir (Lange, 2020, p. 28).

Des dispositifs éducatifs poursuivant une éducation forte, transformatrice et émancipatrice

Parmi les finalités de l’école pour répondre aux exigences d’une éducation au temps de l’Anthropocène, figure celle d’une « éducation forte et transformatrice » (Lange et Keibili, 2019) où il s’agit de tendre vers une citoyenneté politique (Barthes, 2023). Cette finalité a pour but la formation de futur·es citoyen·nes motivés et capables de s’investir dans des actions politiques ou des projets collectifs de transformation du monde (Barthes et Lange, 2024). Une telle éducation convie les enseignant·es à recourir à des dispositifs d’enseignement-apprentissage dont les réflexions et les actions des élèves s’appuient sur une éthique de la responsabilité au sens du philosophe allemand Hans Jonas (1993). Cette éthique pose comme condition que chaque citoyen·ne de la Terre agisse « de telle sorte qu’une humanité future existe encore après nous, dans l’environnement d’une terre habitable », « en prenant en compte les conséquences à longue portée des décisions de la puissance publique et aussi des citoyens à l’âge de la technique » (Ricoeur, 1990, p. 342). En d’autres mots, chaque citoyen·ne doit se sentir « responsable de soi-même et des autres – c’est-à-dire en altérité, en relation aux autres humains et non humains, au sein de la biosphère comme un tissu vivant et solidaire » (Prouteau, 2022, p. 79). Dans cette perspective, l’humain ne peut entretenir un rapport de domination sur la Nature.

Au cours des trois dernières décennies, plusieurs auteur·es ont développé des formes d’éducations à qui intègrent la dimension du « politique » (Sauvé, 2011) et plus particulièrement, des modalités de formation à la pensée ou aux modes de pensée. Soulignons ici quelques exemples :

L’éducation à l’écocitoyenneté, promue notamment par Lucie Sauvé (2017), correspond à la dimension politique de l’éducation relative à l’environnement et est axée sur le développement d’une compétence politique. Cette compétence est reliée au développement de compétences d’ordre critique (pour développer la capacité des élèves à l’auto-défense intellectuelle, à décoder les rapports de pouvoir et les situations d’injustice), éthique (pour répondre à l’exigence éthique inhérente au fait de cheminer collectivement à propos d’un monde partagé) et heuristique (pour imaginer, créer d’autres modes de pensée et d’agir et proposer des alternatives dans la manière de mettre en œuvre un projet collectif).

L’impolitique [3] est marqué par une tendance à la « dissolution du politique ». Elle s’exprime notamme (...)
L’éducation en anthropocène (Barthes et Lange, 2022 ; Hétier et Wallenhorst, 2023) intègre une composante d’éducation au politique mobilisatrice des questions environnementales, en appui sur les disciplines contributives du curriculum et privilégiant le recours à la pensée critique pour contrer l’« impolitisme »3 (Rosanvallon, 2006). En s’appuyant sur divers auteurs qui ont traité de la pensée critique (ex. : Lang et al., 2016 ; Lipman, 2003) ou de la pédagogie critique (Freire, 2013 ; Giroux, 2011), Barthes et Lange (2022) proposent une éducation en anthropocène ayant pour finalité de développer chez les élèves leurs capacités à :

  • reconnaitre la pluralité des savoirs, leur valeur épistémologique et leur modalité d’élaboration ;
  • reconnaitre la multiréférentialité, liée aux rapports sociaux complexes et contradictoires, de classe, de genre, de cultures, de postures ;
  • envisager le pluralisme dans les manières de penser et de s’exprimer ;

-* problématiser des questions sociétales en clarifiant les buts et les valeurs des divers acteur·rices sociaux·ales, en décodant des rapports de pouvoir et d’injustice et en prenant en charge des affaires collectives (Chauvigné et Fabre, 2021).

Dans cette éducation à, les élèves ont le statut d’auteur·es en faisant preuve de créativité/innovation sociale. La pensée critique se présente ici comme une pensée conscientisée, un moyen de s’affranchir de l’aliénation et de tendre vers l’engagement et l’émancipation.

L’éducation au futur, promue par Hervé (2022), intègre également une composante d’éducation au politique permettant d’engager activement les élèves dans le traitement de controverses environnementales et sociotechniques ou de questions scientifiques socialement vives au travers d’images du futur. En adoptant une perspective du futur, les élèves peuvent réfléchir à l’articulation de temporalités multiples, aussi bien propres aux phénomènes naturels (les changements climatiques et les cycles de vie des espèces végétales et animales, par exemple) que sociaux (les prises de décision politiques, les cadres temporels de nos modes de vie, etc.). Cette éducation à qui conduit à la problématisation des évolutions possibles des systèmes sociaux et écologiques, interpelle les espaces curriculaires se situant à la croisée de l’éducation à l’environnement et à la citoyenneté et de l’enseignement de sciences de la nature, humaines et sociales. L’éducation au futur « promeut les savoirs, habiletés et raisonnements nécessaires pour penser de manière plus critique et créative le futur » (Hicks, 2012, p. 46) et mobilise une triple dimension : instructionnelle (sur les savoirs), pédagogique (sur les dispositifs) et axiologique (sur les valeurs). En vue d’une éducation pour le futur, on pourrait par ailleurs rappeler les préceptes préconisés par Edgar Morin (2015) dans son ouvrage « Introduction à la pensée complexe » qui insiste sur le développement de plusieurs modes de pensée : complexe, systémique, dialectique, hologrammatique et éthique.

Dans la note de synthèse de son HDR, Simonneaux (2011b, p. 143) propose quatre stratégies didactiques pour aborder des questions socialement vives économiques et sociales, dont la stratégie problématisante, où les « enjeux sociaux liés au DD conduisent à s’intéresser aux pratiques sociales, à contextualiser les savoirs en construisant ainsi une problématisation spécifique, articulant des échelles spatiales (local/global), temporelles (présent/futur) et sociales (individuel/collectif) » et la stratégie de questionnement critique qui cherche à développer un sens critique chez les élèves : « L’enjeu est de préparer les élèves à argumenter, à évaluer des expertises, des positions différentes sur des questions complexes, porteuses d’incertitudes et de risques. Une impartialité engagée permet d’identifier et de débattre des valeurs. » (Ibid., p. 143).

Roy et Gremaud (2017) proposent de recourir à une démarche d’investigation interdisciplinaire pour traiter des problématiques d’éducation en vue d’un développement durable dans une perspective d’instruction et de socialisation émancipatrices. Dans cette démarche pensée pour une « formation des élèves à la prudence » (Fabre, 2014), les élèves sont appelé·es à mobiliser des savoirs issus de plusieurs registres (de savoirs disciplinaires, de pratiques sociales de référence, personnels, etc.) et à fonder leurs décisions sur des systèmes de valeurs en intégrant les enjeux éthiques dans les débats de classe. Il s’agit de faire en sorte qu’ils∙elles puissent « reproblématiser » (Fabre, 2017) des savoirs scolaires en relation forte avec des enjeux sociétaux (Barthes et Lange, 2022). La problématisation interdisciplinaire (Fourez et al., 2002) est amorcée par une élucidation des enjeux [4], ce qui permet d’entamer la construction du problème en opérant certains choix (Lange et Victor, 2006) et d’engager par la suite les élèves dans une investigation sur ces enjeux, en mobilisant leurs pensées complexe et systémique. En amont de ce travail, l’enseignant conçoit une « matrice interdisciplinaire » (Gremaud et Roy, 2017) afin de se donner une représentation épistémique de la situation problématisante qui est proposée aux élèves.

Ces quelques exemples d’éducations à mettent en évidence le rôle central qu’exerce la pensée dans leur mise en œuvre. Si la compréhension des phénomènes se manifestant à l’ère l’Anthropocène nécessite des éclairages interdisciplinaires des sciences de la nature et des sciences humaines et sociales (Delord, 2019), nous pensons qu’il en est de même à l’école, où les disciplines scolaires doivent être mobilisées dans une perspective intégrative de résolution des problèmes (Fourez et al., 2002).

Les contributions proposées dans ce numéro thématique rendent compte de dispositifs qui intègrent, à l’ère de l’Anthropocène, des modalités de formation aux modes de pensée transversaux (pensées créative, critique, complexe, etc.) ou disciplinaires (pensées scientifique, historique, technique, etc.) (Gagnon et Hasni, 2020) chez des élèves, des étudiant∙es ou des professionnel∙les de l’enseignement de tous les degrés d’enseignement (primaire, secondaire, professionnel ou supérieur).

Si la notion de dispositif peut prendre des significations plurielles, nous l’appréhendons du point de vue de sa technicité, dans le champ de la rationalité instrumentale, en tant qu’agencement technique impliquant « la création d’un artefact qui répond à un besoin préalablement identifié par l’organisation finalisée et calculée de ses différentes composantes » (Albero, 2010, p. 2). Ainsi, nous retenons la définition au sens large du dispositif d’éducation et de formation proposée par Zaid (2017, p. 58), soit un « ensemble prescrit de composants hétérogènes agencés en réseau et considérés par des acteurs comme pertinents ou nécessaires pour réaliser une fonction dominante et satisfaire des finalités », en considérant l’« intentionnalité agissante » du∙de la concepteur∙rice et de ses utilisateur∙rices (Peeters et Charlier, 1999). Lors de leur mise en œuvre, ces dispositifs ont le potentiel de faire « circuler des savoirs » (Marlot, 2020) entre les acteur∙rices dans les démarches cognitives qui sont sollicitées (Bishop et Dupont, 2023). Ces savoirs peuvent prendre des formes plurielles : savoirs savants, savoirs expérientiels, savoirs des pratiques sociales de référence, savoirs à enseigner ou pour enseigner, etc.

Ce numéro est constitué de 13 contributions inscrites dans trois axes non mutuellement exclusifs.

Axe 1 : Les dispositifs curriculaires en tant qu’artefacts culturels pour influer sur les orientations des systèmes éducatifs

Cet axe s’intéresse à des contributions portant sur la proposition de nouveaux curricula ou sur l’analyse de curricula existants, soit des réflexions curriculaires conviant à une recomposition des disciplines scolaires et centrées sur une formation à la pensée, ou aux modes de pensée, pour des élèves ou des étudiant∙es, de tous les degrés d’enseignement.

Le curriculum émergeant au service des Éducations à : l’exemple de l’Éducation aux droits de l’enfant. Dans cet article, Maude Louviot (HES-SO Valais-Wallis) montre l’importance et les limites d’une approche par curriculum émergeant. En effet, à l’ère de l’Anthropocène qui renforce la visée transformative de l’éducation, les pratiques pédagogiques inhérentes à l’émergence des éducations à dans les plans d’études, font entrer de nouvelles sources de savoir dans la classe : les élèves et leur vécu. Il s’agit alors de faire appel aux intérêts et aux expériences des élèves pour donner sens aux thématiques abordées et pour éviter des contenus dogmatiques. La question que se pose l’auteure est : Comment les enseignant·es appréhendent-il·elles la place des élèves et quels enjeux identifient-il·elles ? Cet article, en s’appuyant sur l’exemple de l’éducation aux droits de l’enfant, montre qu’en faisant entrer l’expérience des enfants dans la classe, les enseignant·es sont parfois confronté·es à des situations inattendues et complexes à gérer, mais qu’il·elles ont aussi à la possibilité de développer une réflexion critique et éthique chez leurs élèves, dans une visée transformative de justice sociale.

Une méthode pour évaluer les curricula d’éducation au changement climatique dans une visée transformative. Ce travail présenté par Frédéric Leterme (Aix-Marseille-Université), Angela Barthes (Aix-Marseille-Université) et Nicole Mencacci (Université Côte d’Azur) se situe dans la recherche de nécessaires changements de paradigmes dans l’évaluation des éducations à. Les auteur·es partent de l’hypothèse que, en Anthropocène, des quatre finalités éducatives possibles proposées par Lange (2020), la transformation sociétale est celle qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris. Il·elles proposent alors une méthode pour évaluer les curricula d’éducation au changement climatique. Si, traditionnellement, les évaluations en contexte scolaire s’effectuent au travers des compétences centrées sur les apprenant·es, face à l’urgence climatique, les auteur·es affirment qu’un changement de paradigme évaluatif s’avère nécessaire. Il·elles proposent alors un nouveau modèle d’évaluation, basé sur les externalités relatives à la lutte contre le changement climatique, où l’apprenant·e est évalué·e par ses effets sur le monde.

Axe 2 : Les dispositifs pédagogico-didactiques qui se déploient dans le système didactique de la classe pour influer sur les processus d’enseignement-apprentissage

Cet axe regroupe des contributions portant sur la conception, la mise en œuvre et/ou l’analyse de dispositifs d’enseignement-apprentissage qui intègrent des modalités de formation à la pensée, ou aux modes de pensée, pour des élèves ou des étudiant∙es de tous les degrés d’enseignement.

Enseigner la transition énergétique en école d’ingénieur par le design fiction : une approche prospective et politique. La contribution de Igor Potapoff et Nicolas Hervé (École Nationale Supérieure de Formation de l’Enseignement Agricole) s’intéresse à la transition énergétique (TE) qui se situe au carrefour des sciences et des techniques et qui constitue un défi de taille pour les activités d’ingénierie. Cette contribution se focalise sur la formation des étudiant∙es-ingénieur∙es pour imaginer et concevoir des futurs énergétiques au moyen d’un dispositif pédagogique de design fiction s’inscrivant dans une approche prospective et politique. Plus particulièrement, les auteurs cherchent à comprendre les images du futur énergétique que les étudiant∙es génèrent lors de la mise en œuvre de ce dispositif. Les productions écrites de huit groupes d’étudiant∙es, collectées au cours d’un module de quatre séances thématisées sur la TE, ont été analysées en mettant en exergue les éléments contribuant à nourrir leurs représentations et leurs images du futur. Les résultats montrent que celles-ci se caractérisent par des imaginaires anthropocentrés, souvent pessimistes qui s’appuient sur un présentisme exacerbé, et que les narratifs associés à la TE font plusieurs impasses au profit d’un ordre scientifique high tech et apolitique.

Le rapport au savoir en Anthropocène entre problématisation et coopération. L’article de Cécile Redondo (Université Jean Monnet Saint-Étienne), Mathieu Ferrand (Université Catholique de l’Ouest), Éric Mutabazi (Université Catholique de l’Ouest), Renaud Hétier (Université Catholique de l’Ouest) et Nathanaël Wallenhorst (Université Catholique de l’Ouest) se focalise sur l’évènement Anthropocène (Bonneuil et Fressoz, 2016) qui, par l’ampleur de ses effets et par son urgence, bouscule les possibilités de vivre en société dans un monde habitable. Au regard de cette menace qui se dédouble à la fois sur la vie et sur la démocratie, les auteur∙es soulèvent les questions de l’autoritarisme et de l’illibéralisme qui peuvent sembler plus efficaces que le débat (et parfois l’indécision) démocratique. Ils∙elles insistent sur le fait qu’une éducation formelle réclame un temps long pour apprendre à problématiser, à construire des problèmes, considérant que cela s’inscrit dans un paradigme opposé à celui de recevoir des vérités immédiates. Face au problème complexe de l’Anthropocène, les auteur∙es font valoir l’importance d’adopter une pédagogie coopérative et problématisante, et en particulier, une didactique de l’enquête. L’exemple de la pédagogie Freinet est décrit et analysé selon les exigences spécifiques de la problématisation afin de relever le défi d’une éducation en Anthropocène.

Le rôle du débat dans l’appropriation de la complexité par des élèves de classes élémentaires dans le cadre d’une éducation à l’environnement et à la pensée critique. L’étude proposée par Jeanne-Aël Odin (INSPE, Université Claude Bernard Lyon 1) et Olivier Morin (S2HEP, Université Claude Bernard Lyon 1) explore comment aborder la complexité avec des élèves de l’école primaire en proposant en classe un débat sur une question socialement vive au sujet de l’industrie textile. Après une analyse de documents aux sources et perspectives variées, les élèves ont mené un débat et leurs échanges ont été enregistrés. Les résultats de l’analyse des retranscriptions et codages montrent que les élèves commencent à mobiliser des compétences telles que la pensée en réseau, la pensée critique, la projection dans l’avenir et la prise en compte des enjeux humains et non-humains. D’après les auteur∙es, cela témoignerait d’une première appropriation de la complexité.

Développer des modes de pensée à travers un dispositif mettant en œuvre un jeu de rôle en Éducation au Développement Durable : une étude de cas. Le travail présenté par Laurence Dedieu et Élisabeth Plé (Université Reims Champagne Ardennes) s’appuie sur un dispositif original d’éducation au développement durable dans lequel les élèves doivent concevoir un nouvel espace de vie, restant fictif, mais impliquant de transformer radicalement leur territoire pour le rendre agréable et durable. Après avoir rêvé ce territoire, puis l’avoir transformé par l’introduction de contraintes et s’être posé des questions, les élèves rencontrent, lors d’un forum, des acteurs locaux experts de leur domaine. Au cours d’un jeu de rôle, point d’orgue de ce dispositif, les élèves sont invités à endosser le rôle d’experts et à développer un argumentaire à propos de l’implantation d’un parc d’attractions dans leur quartier. L’objectif de cet article est d’identifier, dans le dispositif, les conditions qui favorisent le développement d’une pensée créative et d’une pensée critique chez les élèves. Le processus créatif est exploré du point de vue des pensées divergente et convergente, convoquées dans le dispositif. La pensée critique est abordée sous l’angle de l’argumentation dont elle en est la manifestation. Les conditions de l’argumentation et les savoirs mobilisables pour sa construction sont analysés.

Enjeux environnementaux : quand les « travaux terrains » s’arriment avec l’école secondaire pour le développement d’une écocitoyenneté chez des élèves de 12 à 14 ans en S&T au Québec. L’étude de Catherine Simard (Université du Québec à Rimouski), Ghislain Samson (Université du Québec à Chicoutimi), Émilie Morin (Université du Québec à Rimouski) et Geneviève Therriault (Université du Québec à Rimouski) s’inscrit dans le cadre des nombreux défis environnementaux auxquels l’humanité est confrontée, en particulier ceux affectant les écosystèmes et la biodiversité. Elle porte sur le programme pédagogique Opération PAJE qui propose une approche renouvelée de l’enseignement des sciences et technologies (S&T) au niveau secondaire et appliquée à la proximité des écoles québécoises. Fondé sur l’apprentissage expérientiel à visée émancipatrice, ce programme intègre des travaux terrains aux contenus curriculaires, incitant les élèves à concevoir des solutions concrètes aux enjeux environnementaux identifiés localement. L’enjeu est d’examiner ce dispositif pédagogique comme un levier permettant aux jeunes de s’engager activement face aux problématiques environnementales rencontrées dans leur communauté. Les analyses des groupes de discussion et des dessins des élèves montrent que la réalisation de projets ancrés dans le territoire donne un sens aux apprentissages scolaires, tout en procurant un sentiment de fierté et de responsabilité chez les élèves. Parmi les apprentissages observés figurent ceux d’ordre cognitif, affectif et comportemental, dont l’identification de la biodiversité, le fait de se sentir en interrelation avec la nature, d’avoir le sentiment d’aider la biodiversité par leurs actions et d’en prendre soin.

Axe 3 : Les dispositifs professionnalisants qui se déploient dans le système métadidactique de la formation pour influer sur l’activité des professionnel∙les

Cet axe s’intéresse à des contributions portant sur la conception, la mise en œuvre et/ou l’analyse de dispositifs professionnalisants qui intègrent, à l’ère de l’Anthropocène, des modalités de formation à la pensée ou aux modes de pensée, pour des (futur∙es) professionnel∙les de l’enseignement de tous les degrés d’enseignement.

Construire des vigilances pour un enseignement scientifique qui mène aux apprentissages pour tous. La contribution de Sabine Daro (HELMo ; Hypothèse), Marie Noëlle Hindryckx (Université de Liège) et Corentin Poffé (Université de Liège) porte sur une étude menée sous la forme d’une recherche participative de type collaboratif. À travers l’articulation des savoirs de recherche et des savoirs professionnels, ce dispositif vise à questionner les méthodes d’apprentissage des sciences relevant des pédagogies actives et apporte un regard didactique constructif pour un enseignement des sciences pour tous. Dans cette optique, l’article rend compte d’une analyse fine des écarts de compréhension des activités scientifiques entre la vision des chercheur·es-formateur·rices et enseignant·es participant·es, notamment à l’aide de l’émergence des objets bifaces. Le travail mené montre le potentiel des pédagogies actives, en lien avec une épistémologie contemporaine des sciences et dans une perspective éducative visant à aider les élèves à développer des modes de penser et d’agir à l’égard des enjeux sociétaux actuels de l’Anthropocène. Il pointe également des enjeux et des malentendus didactiques qui peuvent conduire à des inégalités d’apprentissage et propose un cadre des vigilances affiné pour un enseignement scientifique pour tous. Il s’agit là d’un outil inspirant pour les enseignant·es dans la construction et l’analyse critique de leurs leçons.

Restituer les résultats d’une recherche aux participants : un levier ou une impasse pour le questionnement didactique ? La contribution de Hichem Dahmouche (Université Libre de Bruxelles) porte sur une étude s’intéressant à un dispositif de la restitution des résultats de recherche aux participant·es dans le but de produire de nouveaux résultats sur le plan des renoncements qu’ils·elles opèrent dans leurs enseignements. Tant pour des raisons morales que méthodologiques, la restitution des résultats et le droit de réponse qui s’en suit, constituent une participation originale des praticien·nes à la recherche. Dans une approche qualitative, c’est au moyen d’entretiens que quatre enseignants de Sciences de la Vie et de la Terre ayant participé à une recherche plus vaste, ont été confrontés aux interprétations réalisées par l’équipe de recherche de leurs leçons. Les résultats montrent notamment des possibilités d’intervention en formation initiale ou continue. Plus globalement, la participation renouvelée des participant·es à la recherche proposée par l’auteur vise à diminuer le rapport de surplomb que les chercheur·es peuvent avoir sur les enquêté·es. En effet, en reconnaissant sur le plan méthodologique l’autonomie de ces dernièr·es, l’article interroge ainsi les rapports de domination en Anthropocène.

La typologie des « Prudences numériques », un outil didactique au service d’une intégration d’une éducation au numérique en Anthropocène. Laurent Heiser (Université Côte d’Azur), Cyril Drouot (Université Côte d’Azur), Audrey Raynault (Université Laval), Audrey Bonjour (Aix-Marseille Université), Didier Mouren (Université Côte d’Azur) et Jean-François Céci (Université de Liège), soulignent que le concept de « numérique pour l’éducation » se doit de dépasser une approche technocentrée afin d’intégrer les enjeux sociétaux, éthiques et environnementaux induits par le numérique. Pour répondre à cet enjeu, dans le cadre d’un projet de développement et d’innovation pédagogiques impliquant la France, le Québec et la Belgique francophone, les auteurs ont mis en place un outil didactique : la Typologie des Niveaux de Prudences Numériques (TNPN). Cet outil, centré sur le concept philosophique de prudence, est travaillé lors de sessions de formation des enseignant∙es, pour intégrer ces enjeux au sein de leurs pratiques pédagogiques, sans bouleverser leur activité professionnelle. Le dispositif de formation-enquête a permis de dégager quatre grandes catégories qui renvoient aux quatre niveaux principaux de la TNPN (les prudences individuelle, infocommunicationnelle, sociale et sanitaire), révélant deux niveaux supérieurs (la prudence environnementale et terrienne), où la conscientisation des problématiques et enjeux est quasi inexistante. Selon les auteurs, le défi est majeur : renforcer les dispositifs de formation des enseignant∙es et des cadres, en mettant l’accent sur la pertinence d’une analyse systémique qui intègre tous les niveaux de prudences numériques pour élever l’éducation au numérique en intégrant les enjeux de l’Anthropocène.

Démarrage d’une communauté discursive de pratique entre enseignant·es et chercheur·ses portant sur la pratique du terrain au cycle 1 : vers une pensée géographique expérientielle et émancipatrice. La contribution de Justine Letouzey-Pasquier (HEP Fribourg), Suzy Blondin (HEP Vaud) et Carole Wuichet (HEP Fribourg), présente le processus et les résultats d’une recherche collaborative sous la forme d’une « Communauté Discursive de Pratique » impliquant chercheuses et enseignantes autour de la place du terrain en géographie scolaire. Il s’agit d’une question peu discutée en didactique de la géographie francophone, mais qui est importante en éducation en Anthropocène, soucieuse d’intégrer la pluralité des savoirs et leur caractère situé. Les résultats de cette communauté mettent en lumière la pertinence du travail de terrain dès les premières années d’école, ce qui s’avère être une voie d’accès privilégiée à une géographie scolaire renouvelée permettant de développer une pensée géographique et réflexive dans le traitement des questions sociétales d’actualité et de former des citoyen·nes éclairé·es conscient·es de leurs impacts multiples sur leur environnement. Par ailleurs, l’article montre comment cette communauté, comme dispositif professionnalisant, peut enrichir et influer sur l’activité professionnelle de ses membres.

Les questions socialement vives, quel dispositif dans la formation des enseignants et conseillers principaux d’éducation au temps de l’Anthropocène ? Le cas de la matrice problématique. Céline Chauvigné (Nantes Université) et Michel Fabre (Nantes Université) relèvent que la porosité entre les questions de société et l’école oblige à une évolution curriculaire dans beaucoup de disciplines scolaires avec, bien souvent, une approche transversale que sous-tendent la présence des éducations à et les questions socialement vives qui les accompagnent. Ces questions qui posent un véritable défi chez certain∙es enseignant∙es, font l’objet d’un module de formation à l’Institut National Supérieur de Formation (INSPE) de Nantes. L’objectif de leur contribution est de décrire, comprendre et analyser comment des enseignant∙es en devenir s’approprient un outil de formation s’appuyant sur un modèle didactique et pédagogique élaboré par des chercheur∙es : la matrice problématique. L’analyse des témoignages des formateurs responsables de sa mise en œuvre auprès des futur∙es enseignant∙es montre que la démarche instrumentée par cette matrice problématique ne va pas de soi et met en lumière les conditions, les difficultés, les obstacles, ainsi que les réussites d’une telle entreprise.

Problématiser et modéliser le quartier durable par une enquête interdisciplinaire au temps de l’Anthropocène à l’école secondaire : quel espace interprétatif partagé entre divers acteurs sociaux ? La contribution de Patrick Roy, Delphine Schumacher et Hélène Kolly (HEP Fribourg) met en jeu une communauté discursive de pratiques professionnelles ayant engagé un collectif d’acteurs de la Suisse romande issus de différents mondes sociaux (professeurs en didactique disciplinaire, architectes, ingénieurs, enseignants du secondaire, etc.) dans la conception de situations d’enseignement-apprentissage et d’un dispositif de formation continue sur le quartier durable appréhendé comme objet d’une éducation à l’innovation technologique responsable. Ces auteur∙es explorent la question du potentiel de ce dispositif de recherche participative, médiatisé et instrumenté par un système d’outils culturels et sémiotiques, pour construire un espace interprétatif partagé sur l’enseignement de cet objet complexe, en conjuguant les exigences d’une éducation MINT à celles d’une éducation en Anthropocène. Une analyse des interactions discursives entre les acteurs sur 15 séances, couplée aux situations de classe, a été réalisée sur trois échelles de granularité (macroscopique-mésoscopique-microscopique). Les résultats montrent que si les acteurs s’adonnent à construire un espace interprétatif partagé sur la conduite d’une enquête interdisciplinaire articulant problématisation et modélisation tout en intégrant le processus de conception technique, la dimension du politique reste en marge des situations d’enseignement-apprentissage mises en œuvre dans les classes.

Bibliographie

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Notes

[1L’Anthropocène est l’époque géologique (kainos-cène) de l’humain (anthropos) (Delord, 2019).

[2Par exemple : l’éducation relative à l’environnement, l’éducation en vue d’un développement durable, l’éducation à la biodiversité, l’éducation à l’(éco)citoyenneté, l’éducation à la santé, l’éducation aux médias, etc.

[3L’impolitique est marqué par une tendance à la « dissolution du politique ». Elle s’exprime notamment par la distanciation à l’égard des institutions qui a pour objectif d’affaiblir les gouvernants en les situant en quelque sorte dans un rapport d’extériorité par rapport à la société.

[4Par enjeu, nous entendons à la fois “ce qui se joue”, mais aussi “ce que nous avons à perdre” si nous ne nous en préoccupons pas.

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