Igor Potapoff et Nicolas Hervé, « Enseigner la transition énergétique en école d’ingénieur par le design fiction : une approche prospective et politique », Éducation et socialisation [En ligne], 76 | 2025, mis en ligne le 30 juin 2025, consulté le 30 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/edso/33494
La transition énergétique
Les rapports du GIEC se succèdent depuis trois décennies et confirment les mêmes trajectoires. Celles d’une planète qui devient à la fois inhabitable et invivable pour une part croissante de la population mondiale. Ce contexte inédit impose de relever des défis immenses, dont celui d’une transition énergétique (TE).
Relevant à la fois d’une quête de sens (Jarrige, 2022), d’une nécessité bio-géophysique (Rockström et al., 2009), et d’un narratif scientifique, prospectif, social et technique, la TE est le réceptacle d’agencements sociotechniques énergétiques dépendants de choix politiques et sociétaux. C’est une notion polysémique, s’inscrivant dans une diversité d’échelles spatiales (du local au mondial), des temporalités multiples (celles de processus naturels, sociaux, industriels, politiques), et mobilisant une myriade d’acteurs dont les ingénieurs.
Former les ingénieurs à la TE
Des enjeux techniques et scientifiques
1 A
2 Nous faisons référence aux sources primaires d’énergie (bois, charbon, pétrole, gaz…).
3Imaginer des alternatives énergétiques pour sortir des énergies fossiles relève d’enjeux inédits et systémiques. Inédits, car l’histoire de l’énergie montre davantage un empilement des sources et des vecteurs énergétiques plutôt qu’une substitution à grande échelle (Fressoz, 2024). Systémiques, car à l’avenir, notre production d’énergie doit s’appuyer en majorité sur des flux intermittents et non sur des stocks finis. Ces enjeux traduisent l’absence d’échappatoire, car, quand bien même nous déciderions de ne pas nous préoccuper des limites planétaires (Rockström et al., 2009), nous serions de toute façon confrontés à la finitude des stocks terrestres. Continuer à nous appuyer sur un mix minéral ne fait que retarder le passage de la « voiture-balai » (Auzanneau, 2021, p. 55). La parenthèse thermo-industrielle (Gras, 2007), et la densité de puissance qui l’accompagne, va se refermer et, avec elle, les conditions de notre mode de développement. Il ne s’agit pas uniquement d’accommoder notre civilisation à moins d’énergie fossile, mais bien de préparer une sortie inéluctable du mix carboné. Un défi immense auquel il faut ajouter l’impérative pertinence des choix énergétiques à effectuer au regard de l’inertie considérable de la macro-structure énergétique et de la fenêtre de tir dont nous disposons [1] (IEA, 2021). Au-delà de l’apparence d’un consensus sur la nécessité de transiter énergétiquement (Naudet et Reuss, 2018), la TE est porteuse de changements profonds (Duruisseau, 2014). Elle concerne autant les modes de production, de transport, de distribution et de consommation de l’énergie que certaines modifications inéluctables du bouquet énergétique [2] et leurs usages afférents (Lazar, 2014). Cela impose donc aux métiers de l’ingénierie de non seulement porter une attention particulière à l’optimisation sous contrainte des modes de productions et de consommations énergétiques, mais aussi de questionner les pratiques et les usages de l’énergie sur le plan individuel, collectif ou normatif.
Face à ces constats, la culture techno-scientifique des formations d’ingénieurs doit être actualisée (Martin et al., 2022 ; Milovanovic et al., 2022), notamment en hybridant les contenus et les méthodes des sciences humaines et sociales avec ceux des sciences de l’ingénieur (Lemaître, 2018). La Commission des Titres d’Ingénieurs engage ainsi les écoles d’ingénieurs « à accompagner les transitions, notamment numériques, énergétiques et environnementales, en intégrant les impératifs écologiques et climatiques » (CTI, 2024, p. 21). À cette fin, les compétences clés en matière de durabilité sont mobilisées pour encadrer la conception de la formation en ingénierie (Linow, 2019 ; Quelhas et al., 2019). Ces auteurs considèrent qu’aborder les questions techniques et sociétales d’un monde incertain et problématique nécessite la capacité de conceptualiser les futurs à court et à long terme. Former les étudiants en ingénierie à imaginer et concevoir des futurs est le point central de notre travail présenté ici.
Des enjeux politiques et culturels
La revue de littérature conduite par Jorgenson et al. (2019) souligne le fait que la majorité des travaux éducatifs portant sur la TE s’appuient essentiellement sur l’aspect performatif d’écogestes individuels favorisant les économies d’énergie dans la sphère domestique, au détriment d’actions publiques et collectives. En ne se concentrant que sur les changements individuels en matière d’utilisation finale de l’énergie, les éducateurs en environnement négligent d’une part, les aspects politiques, spatiaux et sociaux consubstantiels à la macro-transformation des systèmes énergétiques en place (Jacobsson et Lauber, 2006) et d’autre part, leur responsabilité́ dans la transmission d’un éventail d’options permettant à l’individu de participer activement à ces changements systémiques (Stevenson, 2007). Jorgenson et al. (2019) suggèrent donc de concevoir des situations d’enseignement qui permettent aux élèves de se confronter à l’aspect politique des mutations en cours et à venir et insistent sur l’opportunité́ d’accompagner les actions collectives que ce soit au niveau local, à l’échelle d’une région ou sur le plan international.
En conséquence, il ne s’agit plus, pour les élèves-ingénieurs, de « se cantonner à une analyse en termes d’efficacité, mais à tenir compte de l’arrière-plan politique » (Chouteau et Nguyen, 2023, p. 3). Toutefois, la nature politique des systèmes énergétiques est entrelacée à leur dimension culturelle : il existe une diversité d’« imaginaires sociaux » associés aux systèmes sociotechniques énergétiques (Lemarchand, 2021). En effet,
« Le bois-énergie est, par exemple, une énergie autonome (la biomasse se renouvelle), frugale (limitée en puissance) et conviviale (produisant du lien social et territorialisé). Inversement le nucléaire est une technologie hétéronome (qui dépend de sources d’approvisionnement extérieures et de ressources limitées), inappropriable par les citoyens et destinée à la masse (via le réseau électrique national) » (Lemarchand, 2021, p. 7).
À ce titre, les travaux de Chouteau et Nguyen (2015, 2019, 2023) montrent qu’un travail sur les récits et les imaginaires peut participer au développement de la culture technique dans les écoles d’ingénieurs, notamment dans ses dimensions éthique et politique. Nous souhaitons prendre la perspective ici de la pensée prospective, définie comme « la capacité d’analyser, d’évaluer et d’élaborer collectivement de riches images du futur » (Wiek et al., 2011, p. 207). En effet, construire des images du futur, c’est imaginer l’imbrication d’éléments hétérogènes (des technologies, des manières de vivre, d’habiter, de se nourrir, des espaces naturels, etc.), dont l’assemblage relève de visions politiques et culturelles. C’est dans cet esprit que nous avons étudié les images du futur que des étudiants en ingénierie construisent dans un dispositif de design fiction sur la transition énergétique.
Qu’est-ce que le design fiction ?
Le design fiction, popularisé par un des pères du cyberpunk Bruce Sterling, articule la création de récits spéculatifs sur le futur (d’une technologie ou d’un service) à celle d’un artefact (donnant à voir à quoi pourrait ressembler cette technologie ou ce service). Ce tandem créatif « a pour effet de questionner les normes et les perceptions de ce qui pourrait advenir dans un futur proche » (Hervé et Huez, 2024, p. 194). Lindley et Coulton (2015) précisent que trois éléments sont nécessaires à toute démarche de design fiction : (i) la conception d’un monde cohérent qui permet de générer des récits (worldbuilding) ; (ii) la production d’un artefact qui facilite l’immersion ; (iii) la création d’un espace discursif propice à l’expression d’enjeux sociaux et éthiques de ces futurs. Ainsi, « les fictions conçues aident à raconter des histoires qui provoquent et soulèvent des questions » (Bleeker, 2009, p. 8), sans doute parce que « les personnages romanesques saisissent mieux la vérité d’une période que les personnages réels appréhendés par les sociologues ou les historiens » (Toffin, 2017, p. 177). La force du design fiction tient donc dans sa capacité à appareiller des récits hypothétiques avec des artefacts qui peuvent prendre des formes variées : texte, image, son, vidéo, prototype fonctionnel ou événement (Blythe et Encinas, 2016).
Cette approche, éligible à « l’art du détour » (Chouteau et Nguyen 2023), propose un cadre de réflexion fécond où les imaginaires techniques, scientifiques et socio-politiques se déploient grâce à une mise en débat des interrogations qui les accompagnent. C’est pourquoi il permet d’envisager des dispositifs réflexifs en sciences humaines et sociales au sein des formations d’ingénieurs (York et Conlay, 2020). C’est dans cette logique que le design fiction nous semble pouvoir constituer une stratégie pédagogique intéressante pour engager une démarche de problématisation des élèves-ingénieurs. C’est donc un dispositif de formation inspiré du design fiction que nous présentons par la suite.
Questions de recherche et méthodologie
Description du dispositif
Nous avons élaboré et mis en œuvre un dispositif de design fiction avec 32 élèves-ingénieurs (14 filles et 18 garçons) de troisième année à l’École nationale supérieure des ingénieurs en arts chimiques et technologiques de Toulouse. Quatre séances, de 1 heure et 20 minutes chacune, reprennent en partie la structure décrite dans Hervé et Huez (2024). Les auteurs mobilisent la technique de prospective de « la matrice 2x2 » (Rhydderch, 2017), qui permet de générer quatre scénarios du futur bornés par le croisement de deux variables.
Au cours des deux premières séances, nous mobilisons une telle matrice thématisée sur la TE (Figure 1). Les deux variables sont respectivement le mix énergétique – sera-t-il abondant ou contraint ? - et le réseau – sera-t-il centralisé ou territorialisé ? Ce tandem reflète l’aspect « contenant/contenu » de la macro-structure énergétique. Avant de pouvoir questionner les usages et les pratiques énergétiques, il est nécessaire que l’énergie soit produite - le mix énergétique - puis acheminée par le réseau en vue d’être consommée ou stockée. Ainsi le « mix énergétique » et le « réseau » sont les constituants fondamentaux d’une maîtrise de l’énergie à grande échelle (Lopez, 2022).
Cette matrice permet de donner naissance à quatre futurs énergétiques que nous décrivons succinctement :
- « Tempérance » - une énergie contrôlée - où la puissance publique procure des quotas énergétiques individuels et collectifs et conduit une politique de sobriété énergétique à grande échelle. Ce futur propose de hiérarchiser et prioriser les productions et les consommations.
- « Permanence » - une énergie pilotée - où les sources d’énergie fossiles sont progressivement substituées au profit de vecteurs énergétiques comme l’électricité et l’hydrogène. Il s’agit d’un monde où l’énergie est disponible partout, tout le temps, bon marché et sans limites apparentes.
- « Intermittence » - une énergie partagée - où les sources ne sont plus des stocks à bruler, mais des flux à convertir, dont le stockage et les surplus permettent un foisonnement énergétique. La notion de territoire énergétique s’affirme et s’envisage du point de vue de la mise en relation inclusive de différentes spécificités géographiques.
- « Appartenance » - une énergie appropriée - où les atouts géographiques prescrivent les conditions des productions énergétiques exclusives du territoire. Celui-ci définit les besoins et les usages énergétiques locaux.
Les élèves-ingénieurs sont répartis en groupes. Chaque groupe choisit librement un cadran identique au cours des séances 1 et 2, et écrit un récit de ce cadran en 2060 (étape de worldbuilding).
Figure 1 : Matrice 2x2 permettant de construire quatre images du futur énergétique contrastées. En abscisse, la variable « Mix énergétique » – abondant ou contraint ? En ordonnée, la variable « Réseau » – centralisé ou territorialisé ? Chaque cadran formé par l’intersection des deux variables fait apparaitre quatre mondes énergétiques distincts nommés comme suit : « Tempérance, une énergie contrôlée », « Permanence, une énergie pilotée », « Appartenance une énergie appropriée », « Intermittence, une énergie partagée »
La troisième séance consiste à imaginer par écrit une situation professionnelle ou du quotidien en lien avec la TE et s’inscrivant dans le récit écrit lors des séances précédentes. La séance 4 est consacrée à la conception d’un artefact représentatif de la situation décrite précédemment (voir des exemples sur la figure 2), qui est accompagnée d’une description écrite. La session se conclut par une discussion intergroupe sur les futurs énergétiques. À chaque étape de ce dispositif gigogne (figure 3), les productions écrites sont archivées. À l’issue de la dernière séance, nous disposons d’un recueil de textes écrits pour chaque groupe.

Figure 2 : Exemples d’artefacts produits au cours de la séance 4. L’exemple I est un prospectus vantant les mérites des panneaux « solunaires ». L’exemple II représente un dessin à la main d’un réacteur nucléaire portatif.

Figure 3 : Aperçu des quatre séances composant le dispositif
Questions de recherche et méthodologie
Nous nous intéressons dans cet article à comprendre les images du futur que ce dispositif de design fiction peut générer chez les étudiants. En effet, en les plongeant dans un futur aux caractéristiques spécifiques (un cadran de la matrice), il s’agit pour nous d’appréhender aussi bien les représentations qu’ils se font de la TE que les imaginaires qui sont véhiculés. Cette compréhension pourrait nous permettre d’améliorer le dispositif pour davantage solliciter la pensée prospective sur les questions énergétiques.
Nos données sont constituées des productions écrites émanant de huit groupes d’étudiants différents.
Pour les analyser, nous avons fait une analyse de contenu (Bardin, 2013), en reprenant les critères définis par Lindley et Coulton (2015) pour caractériser une démarche de design fiction, auxquels nous avons greffé des indicateurs caractéristiques de la TE. Ainsi le type de futur énergétique sélectionné (le cadran de la matrice), l’horizon temporel choisi, le mix énergétique, la situation contextuelle choisie et les aspects sociétaux thématisés par catégories (économie, gouvernance, organisation de la société, santé, alimentation, etc.) permettent d’analyser l’étape de worldbuilding. Ces contenus fournissent des informations sur les dimensions sociales, technologiques, environnementales, économiques et politiques du monde décrit. Puisque la formalisation de l’artefact se déroule en créant ce dernier au sein de la situation professionnelle ou quotidienne décrite lors de la séance 3, cet engendrement permet d’identifier le contexte dans lequel l’artefact a été produit, l’analyse du contenu des écrits des séances 3 et 4 vise à comprendre les questions que soulève l’artefact dans ses usages et le public auquel il s’adresse. Nos dernières données rassemblent les aspects énergétiques décrits par les élèves-ingénieurs. Ils constituent des éléments à mobiliser en fin de séance au sein de l’espace discursif prévu à cet effet. L’analyse du contenu permet d’accéder aux enjeux énergétiques des différents futurs, et donne des indications sur le rapport à l’énergie que les élèves-ingénieurs entretiennent avec leurs imaginaires.
Résultats
Vue synthétique des images du futur construites par les élèves-ingénieurs
Le tableau 1 donne à voir les images du futur des élèves-ingénieurs via une description de la situation contextuelle, de l’artefact, et des enjeux énergétiques de chaque production. Celles-ci sont identifiées (IMAT_), associées à un cadran de la matrice 2x2 et à l’horizon temporel choisi.

Tableau 1 : Vue synthétique des images de futurs énergétiques
Gouvernance, réseaux et territoire
Le cadran « tempérance » est le plus populaire (IMAT_4_6_7_8), suivi de « intermittence » (IMAT_1_5), puis « permanence » (IMAT_2) et « appartenance » (IMAT_3). La composition du mix énergétique est dominée par les énergies renouvelables intermittentes et le nucléaire. Trois groupes (IMAT_1_5_6) envisagent un stockage d’énergie et deux groupes considèrent le travail humain (IMAT_5) et la biomasse (IMAT_7) comme éléments d’un bouquet énergétique futur. La composition de ce dernier traduit une électrification considérable des usages et par voie de conséquence, la production massive de convertisseurs dédiés, impliquant des quantités vertigineuses de métaux consommés (Hache et Louvet, 2023).
Le cadran « tempérance » représente un mix énergétique contraint couplé à un réseau centralisé. Synonyme de régulation et de pouvoir normatif, fabricant de « beaucoup plus de lois » (IMAT_6) ce cadran implique un rôle majeur de la puissance publique dans le déploiement de la TE. La popularité du cadran « tempérance » pourrait être un indicateur d’une sensibilité particulière aux aspects normatifs et aux choix politiques qui en découlent et illustre de manière opportune le principal enseignement du 25e baromètre de l’ADEME (2024) sur les représentations sociales du changement climatique : une appétence en baisse des petits gestes individuels au profit de politiques publiques plus ambitieuses.
Des futurs majoritairement pessimistes
La majorité des groupes (IMAT_1_2_3_4_8), nous immerge au sein d’un narratif sombre et parfois dystopique. D’une « 3e guerre mondiale […] qui a rendu 90% de la surface de la Terre irradiée » (IMAT_2) à une « baisse significative de l’espérance de vie » (IMAT_1) en passant par un « échec de la politique environnement » (IMAT_4) les récits véhiculent une atmosphère pessimiste. Des fictions où le peuple, baignant dans une « atmosphère artificielle » (IMAT_4), « n’aurait plus accès aux aides telles que les aides sociales » (IMAT_1) et séjournerait sous des « dômes où vivent les classes moyennes et les plus riches, les pauvres [étant] restés à la bordure » (IMAT_4).
La « hausse des inégalités sociales » (IMAT_1) touche aussi bien la santé avec des « technologies médicales de pointe [qui] ne seraient plus accessible au grand public » (IMAT_1) que l’habitat dans la mesure où « les plus aisés tendent à habiter les étages les plus hauts tandis que les pauvres vivent dans l’obscurité » (IMAT_8). Le contrôle de l’individu s’effectue en injectant « une puce et des nano robots à la naissance » (IMAT_2) afin de « sonder [l’] humeur [et les] pensées, [au moyen d’un] casque d’interaction neuronal » (IMAT_3). Certaines situations nécessitent l’intervention d’une « police énergétique » (IMAT_3) et seul IMAT_7 imagine une utilisation apaisée et raisonnable de l’énergie.
Présentisme [3], extrapolations high tech et situations ordinaires
Pour six groupes sur huit (IMAT_1_2_3_4_7_8), la noirceur généralisée des images du futur n’empêche pas ces dernières d’être parsemées d’objets high tech ordinaires, confirmant le recours à des exemples qui se nourrissent d’un présentisme exacerbé. Nous y croisons des « voitures volantes [et] des hologrammes » (IMAT_8), des « véhicules hybrides » (IMAT_7), de l’« impression 3D [et des] nanotechnologies » (IMAT_4), de « l’intelligence artificielle, [de] l’e-sport, [de] la réalité virtuelle » (IMAT_2) ainsi qu’une « base lunaire » (IMAT_1). Il en ressort des récits où le futur est le réceptacle d’un imaginaire technologique qui ressemble à un négatif de notre époque.
Les productions recyclent des innovations ou des inventions déjà existantes pour nourrir leur récit ou comme support à l’élaboration des artefacts. Ces derniers, bien qu’issus d’un imaginaire limité à une activation exclusivement technocentrée, n’en demeurent pas moins variés. Ils concernent aussi bien un journal personnel (IMAT_6), qu’un compte rendu (IMAT_2) en passant par un prospectus (IMAT_5) ou un dessin technique (IMAT_8). Tous les groupes ont fait des propositions cohérentes avec la situation professionnelle qu’ils ont eu l’occasion d’imaginer lors de la séance 3. La cohérence des propositions d’artefacts avec leur milieu, concourt à donner du sens et de l’épaisseur aux récits bien que ces derniers peinent à s’arracher aux innovations déjà présentes dans notre quotidien. C’est aussi le cas pour certaines descriptions de situations professionnelles choisies. Bien que situées dans le futur, ces situations sont réalistes. Elles miment un quotidien professionnel ancré sur une tâche technique dans laquelle les contraintes sont souvent plus présentes que les opportunités, et les acteurs sont avant tout des exécutants. Nous avons identifié un gestionnaire d’approvisionnement électrique de nuit (IMAT_1), un technicien de maintenance photovoltaïque (IMAT_6), un installateur de panneaux solaires (IMAT_5) et un inspecteur de parc éolien (IMAT_7). Un panel de métiers dont les ingénieurs sont de près ou de loin partie prenante.
Une TE déconnectée de son substrat matériel
Quel que soit le récit, à part les « champispots », des lampadaires dont la lumière est produite par des espèces animales phosphorescentes (IMAT_5), les propositions narratives ne tiennent pas compte du champ du vivant. Les enjeux de production et de consommation d’énergie liés à la TE s’écrivent sans tenir compte de notre substrat. Les récits qui en découlent sont exclusivement anthropocentrés et n’abordent que des situations spécifiques à notre espèce. Par exemple, la santé et les acquis sociaux pour IMAT_1_2, l’éducation pour IMAT_3_4.
Si nous partons du postulat que la TE vise à sortir de l’emprise considérable des énergies fossiles, alors tout récit portant sur la TE comporte certains indices expliquant comment s’est effectué ce renoncement (réduction de l’offre, arrêt de la production, déplétion naturelle des réserves, etc.). Or, seul IMAT_7 explique comment la sortie des fossiles s’est effectuée – par la « destruction des infrastructures pétrolières » - les autres ne l’évoquent pas. La sortie des fossiles semble digérée au travers des récits produits sans que soit mentionnée la remise en cause des liens qui unissent notre assise énergétique minérale et son excroissance, la société thermo-industrielle. Nous retrouvons les mêmes carences au regard des descriptifs consacrés aux caractéristiques du réseau énergétique. Pour les groupes IMAT_1_2_6, celui-ci est composé de câbles. « Souterrains » (IMAT_1), « invisibles » (IMAT_2) et servant à « relier les interfaces d’échanges » (IMAT_6), ils sont indissociables d’une électrification massive donc leur présence est rendue nécessaire. Autant certains récits (IMAT_1_4_8) abordent les enjeux d’accès à l’énergie sur le plan individuel, autant nous n’avons trouvé aucun indice sur l’état futur du réseau lui-même. Sous quelle forme le réseau consacré aux énergies fossiles allait-il vieillir ? Comment sa maintenance sera-t-elle assurée ? Quelle part d’actifs échoués ou de « communs négatifs » (Monnin, 2021) devra être gérée dans ces futurs ? Par ailleurs nous remarquons qu’à part IMAT_6 qui signale une « moins grande consommation d’énergie », les groupes (IMAT_3_4_7_8) qui ont décidé de s’appuyer sur les cadrans dont le curseur du mix énergétique est « contraint » n’abordent pas la notion de sobriété et certains choix et conflits d’usages qui en découlent. Finalement, renoncer à la société thermo-industrielle et son réseau réticulaire (Lopez, 2022) ne fait pas partie des images du futur énergétique des élèves-ingénieurs.
Tempus fugit
Bien que la consigne ait fixé un horizon temporel à 2060, les étudiants ont éprouvé le besoin de l’étendre de 2060 à 3400. Cinq groupes se positionnent avant 2100 (IMAT_1_3_5_6_7) et trois très au-delà (IMAT_2_4_8), respectivement 2124, 2218, 3400. Ces productions très lointaines tendent vers des univers où la domination, le pouvoir, les richesses conditionnent une partie des conditions d’existence et du rapport à l’énergie. Ainsi, « il ne reste maintenant que les dômes où vivent les classes moyennes et les plus riches, les pauvres sont restés à la bordure » ; « les pauvres ne survivent que grâce aux ressources des dômes, qu’ils achètent aux giga municipalités en échange des rares ressources existantes en dehors […] » (IMAT_4). Pour IMAT_2, « la population mondiale est contrôlée par une politique de l’enfant, un maximum de deux enfants par foyer est autorisé afin d’éviter la surpopulation ». IMAT_8 évoque une « dictature écologique très sévère où tous les hommes sont égaux, mais les plus riches habitent en hauteur et les plus pauvres au ras du sol ».
Plus l’avenir est lointain, plus le futur se déploie au profit d’un passé qui s’éloigne. Les certitudes sur lesquelles nous sommes ancrés se fragmentent au profit de multiples possibles. Engager le récit énergétique du futur suppose de ne pas gommer les jalons temporels consubstantiels au processus de transition. Ce dernier ne peut se conduire que de manière graduelle, compte tenu de l’inertie de la macro-structure énergétique. Un horizon temporel trop important postule que les problèmes du présent - qui imposent la TE - ont tous été résolus puisque plus nous nous éloignons, plus nous laissons derrière nous nos contraintes initiales. À ce titre, parmi les propositions recueillies, certaines ont retenu notre attention. Nous retiendrons « la disparition de l’argent et de la concurrence » (IMAT_2) qui montre que, dans certains cas « les plus pauvres […] revendent leurs productions organiques en échange d’énergie qui sert majoritairement à faire fonctionner les installations agricoles » (IMAT_4) ; ainsi l’énergie peut se troquer et se trouve être la seule monnaie universelle, car il faut transformer une de ses nombreuses formes pour accomplir quoi que ce soit (Smil, 2017).
Discussion
29Au même titre que les travaux sur lesquels nous nous sommes appuyés (Huez et Hervé 2024), cette étude montre qu’il est difficile pour les étudiants de se projeter dans un avenir ou les temporalités et l’aspect multiscalaire - sa spatialisation - de la TE sont articulés entre eux. Elle met également en évidence de manière flagrante, un imaginaire colonisé quasi exclusivement par des archétypes de haute technologie confirmant que les élèves-ingénieurs éprouvent des difficultés à envisager des relations low tech avec la technologie (Huez et Hervé 2024).
30Notre corpus s’articule autour de récits anthropocentrés, parfois sombres et souvent pessimistes. Ces imaginaires du futur s’appuient sur un présentisme exacerbé et font l’impasse sur certains enjeux majeurs de la TE. En l’occurrence notre servitude aux énergies fossiles et leurs inéluctables déclins dans les décennies à venir. Ainsi,
« […] les implications de l’après carbone pour l’école sont potentiellement profondes, étant donné que les parcours de formation actuels sont fondés sur un modèle de société carbonée. Les domaines d’apprentissage scolaire […] supposent le maintien d’une société fondée sur le carbone sans comprendre comment un futur [à l’assise minéral] est maintenant compromis par le changement climatique et les pressions sur les énergies fossiles à mesure que l’on s’approche du pic pétrolier » (Matthewman et Morgan, 2014, p. 27).
31Une situation tragique qui impose de gouverner une part d’incertitude (Coquidé, 2018) et invite à aborder l’histoire des systèmes sociotechniques et leurs conséquences politiques avec les élèves-ingénieurs en formation. Cela permettrait d’apprécier les temporalités, les inerties et les processus cumulatifs de la macro-structure énergétique et ainsi de passer en revue certaines alternatives énergétiques avortées qui jalonnent l’histoire de la société thermo-industrielle (Jarrige, 2022).
32Des imaginaires consacrés à des dimensions technologiques et accompagnés de leurs amnésies respectives amènent à penser qu’il manque « une prise » permettant de s’arracher aux grands récits d’innovation et de progrès de notre époque. Une clef autorisant l’exploration de certaines trajectoires énergétiques qui seraient restées lettre morte en l’absence de catalyseur fictionnel. En ce sens, la science-fiction à travers son pouvoir d’extrapolation exacerbé nous semble constituer une piste intéressante pour déconstruire ou oxygéner les imaginaires des étudiants. Celle-ci revendique, dans sa nature utopique ou dystopique, une position centrale de la science et des techniques, des tendances actuelles amplifiées ou atrophiées ainsi que la possibilité d’une polarité excessive facilitant le positionnement des individus (Chouteau et Nguyen, 2023). C’est notamment au travers des représentations, des imaginaires et des idéologies que la science-fiction prescrit sur le plan social et symbolique l’objet technique comme corollaire de l’activité technique (Chouteau et Nguyen, 2019). Cette prescription nourrit les questionnements sur les usages et les pratiques énergétiques dans un monde en transition et peut contribuer à libérer les verrous des imaginaires des étudiants.
33Les agencements sociotechniques d’hier justifient les extrapolations de demain, et révèlent un attachement au présent qui est d’autant plus prégnant que les horizons temporels sont lointains. Brider les temporalités lors d’une activité de design fiction ne nous permettra sans doute pas d’empêcher l’homothétie croissante de concepts déjà existants (imprimante 3D, nourriture de synthèse, transports électriques, etc.). En revanche cela pourrait éviter d’occulter d’une part, la densité de puissance à laquelle nous allons devoir renoncer et d’autre part les relations fondamentales unissant la sortie des fossiles et la fin de la société thermo-industrielle. À ce titre, l’expression « transition énergétique » est dotée d’une sémantique trompeuse. Cette dernière nous engage à nous hâter lentement bien que cet adage ne réponde pas à l’urgence de la situation. Il est sans doute nécessaire dans les contenus de formation consacrés à la TE d’insister sur la mid-transition (Grubert et Hastings-Simon, 2021) et ses aspects de cohabitation avec le mix fossile au moins pendant un certain temps. En effet :
« La transition à mi-parcours risque d’être douloureuse à certains égards, à la fois en raison de l’apprentissage (par exemple, des nouvelles technologies et de la navigation dans un monde soumis à un changement climatique continu et dynamique) et des manquements associés à l’adaptation réciproque de deux systèmes fondamentalement différents, de sorte qu’il sera probablement important de veiller à ce que la vision de l’avenir soit claire et positive pour réussir dans ce processus politique de changement » (Grubert et Hastings-Simon, 2021, p. 13).
34Élaborer une vision claire d’un futur énergétique suppose d’être en mesure de le définir. Cette démarche nous parait importante, car elle met en lumière certains questionnements en rapport avec le monde de l’énergie. Par exemple : quelle gouvernance énergétique pour quels types de consommation ? Quelles surfaces énergétiques géographiques dédiées à la production et avec quelles finalités ? Quelles garanties de disponibilités énergétiques ? Produire de l’énergie pour qui et pour quoi faire ? Sans ces questionnements préalables, il nous parait excessivement difficile d’effectuer un choix, donc de renoncer et par voie de conséquence de pouvoir changer. C’est au travers de ce vortex de questions que la pensée prospective procure les moyens de penser implicitement les futurs de l’énergie. En s’en affranchissant, le futur énergétique ne sera pas un objet de réflexion et de dialogue. Nous nous empêcherons « de donner une direction et du sens au passé » (Hervé, 2022, p. 149) que ce soit sur le plan technique ou politique. À ce propos, notons la quasi-absence de référence à des cadres politiques ou de processus de décision dans les productions des étudiants. Un seul récit (IMAT_2) propose une plongée au sein d’une instance de délibération, mais les mécanismes de décisions et de représentations sont laissés à l’appréciation d’une intelligence artificielle à l’issue des débats. Ceci révèle une absence de porosité entre le politique et sa capacité d’action chez les élèves-ingénieurs mais également le manque de délibérations citoyennes pour pouvoir décider collectivement de notre avenir énergétique. Nous nous interrogeons sur cette absence alors que dans le même temps le cadran le plus populaire (« tempérance ») est justement celui où la puissance publique planifie et arbitre. Est-ce que l’appétence pour des politiques publiques plus ambitieuses sans agora démocratique ne serait pas un signal faible d’une attente d’un pouvoir autoritaire sur les questions écologiques et en particulier sur les enjeux énergétiques ?
Raconter et imaginer incombe au narrateur, mais rien ne l’oblige à incarner son récit. Pour notre dispositif l’incarnation nécessite que les élèves-ingénieurs soient porteurs de leur vision et pas seulement de simples commanditaires. Ainsi déclarer une intention au travers d’une vision globale - une charte - déclinée en missions et objectifs reflétant une gamme de valeurs nous semble propice pour construire une démarche prospective énergétique à visée identitaire. Une identité énergétique ce n’est pas uniquement le nombre de quantas d’énergie à disposition, mais aussi la possibilité d’habiter « dans la vallée du vent » e [4]t ainsi de mettre en valeur les liens entre flux énergétiques et territoires par exemple. Dans cette adaptation du dispositif, à tout moment, les étudiants pourraient se référer à la charte et vérifier d’un point de vue axiologique si ce qu’ils imaginent est cohérent avec leurs déclarations d’intentions. Nous pensons que cet addendum rédactionnel pourrait conduire davantage à mobiliser les aspects politiques sous-jacents.
Quel que soit le cadran de la matrice aucun des futurs énergétiques décrits ne prétend essentialiser la TE. Le réel est souvent la conséquence d’une porosité entre deux cadrans. Ainsi le monde de l’intermittence est déjà en formation. Les ENRi composent déjà certains paysages alors que nous ne sommes pas pour autant dans un monde 100% renouvelables. Le futur de l’énergie agrège des modalités de fonctionnements empruntées à plusieurs cadrans, dont les temporalités, les ordonnancements et l’inéluctabilité ne sont pas définis. C’est pourquoi il nous semble intéressant de préciser pour chaque proposition énergétique : à quelle échéance la situation décrite fait son apparition dans la chronologie du récit ? Appartient-elle à un ordonnancement particulier ? Si oui dépend-elle d’un point de passage obligé ? Prenons la fusion nucléaire comme exemple. Produire en série des centrales à fusion nucléaire est une échéance du XXIIe siècle, qui nécessite au préalable, d’avoir réalisé un prototype de centrale ayant fait ses preuves et impose comme obligation de contrôler un certain état de la matière (plasma) à grande échelle. Nous émettons l’hypothèse que ces informations supplémentaires concourent à la cohérence du récit et favoriseront l’expression de situations où les dimensions techniques et temporelles caractéristiques de la TE induisent des imaginaires dont les degrés d’adhésion sont proportionnels à l’objectivité dont ils font preuve.
Pour ne pas perdre de vue ce qui est en jeu, et par enjeu, nous entendons à la fois « ce qui se joue », mais aussi « ce que nous avons à perdre » si nous ne nous en préoccupons pas (Lange et Kebaïli, 2019), nous sommes partisans d’introduire la notion d’héritage (Monnin, 2021). En d’autres termes : qu’est-ce que la TE va nous léguer ? Ou plutôt dans le cadre d’une démarche prospective, de quoi souhaiterions-nous hériter à l’avenir ? Nous pouvons illustrer cette proposition de nouveau avec l’exemple du nucléaire. Il ne s’agit pas de composer un futur énergétique avec ou sans nucléaire, mais de s’interroger sur les conséquences de conserver ou pas une activité de fission. Dans un cas, nous aurons à nous préoccuper des déchets radioactifs qui vont s’accumuler, dans l’autre une partie du paysage sera composé de friches industrielles figées au regard des coûts de démantèlements vertigineux. Se familiariser avec l’héritage reviendrait à incarner le rôle d’« archéologue du futur » et pourrait constituer une approche facilitante dans le cadre d’une démarche de design fiction.
Conclusion
Le dispositif de design fiction conçu est une opportunité pour les élèves-ingénieurs de réfléchir au futur en problématisant le développement technologique dans des pratiques sociales et culturelles, mais nos résultats montrent aussi la difficulté qu’ils ont à générer des futurs qui proposent des alternatives durables et souhaitables à notre présent.
Les récits produits sur la TE s’articulent en effet autour de récits anthropocentrés, parfois sombres et souvent pessimistes. Ces imaginaires du futur s’appuient sur un présentisme exacerbé et font plusieurs impasses - appartenance au vivant, sortie des fossiles, sobriété, fin de la société thermo-industrielle - au profit d’un ordre scientifique high tech, apolitique supposé résoudre l’intégralité des problèmes. Ces éléments constituent des limites du dispositif tel que nous l’avons conçu, ils nous conduisent cependant à proposer certaines modifications didactiques pour de futures expérimentations.
- Brider les horizons temporels afin que l’imaginaire sur le point de se raconter tienne compte de « là où nous en sommes ». Cela devrait favoriser l’attention aux enjeux énergétiques et de sobriété qui nous préoccupent « maintenant » et nourrir les « frictions » de cohabitation énergétique d’une transition intermédiaire attendue (mid transition).
-* Utiliser la science-fiction et ses implications pour faciliter le déverrouillage des imaginaires.
- Compléter les contenus de formation avec l’histoire des systèmes sociotechniques et leurs implications politiques.
- Commencer par une déclaration d’intentions pour chaque groupe pour pouvoir s’y référer et ajuster la cohérence des récits.
- Favoriser l’adhésion aux imaginaires en faisant preuve d’objectivité chaque fois qu’une proposition énergétique se présente.
- Adopter la posture de l’« archéologue du futur » si la projection depuis le présent est limitée.
Il s’agira alors d’étudier dans quelle mesure ce nouveau cadrage impacte les dimensions politiques, les temporalités du changement et les imaginaires activés dans les images du futur énergétique produites par les étudiants.
En proposant de s’appuyer sur les imaginaires et notamment ceux en devenir, nous ne sommes pas à la recherche de prédictions ou de prophéties, mais plutôt d’une réflexivité autour des trajectoires énergétiques et de leurs potentiels passés, présents et futurs. Élaborer un univers fantasmagorique convoque à la fois les réalités du présent, du passé, mais aussi celles à venir y compris celles qui nous ont échappés (Godelier, 2015). Devant certaines ambiguïtés énergétiques, la pensée prospective et ses vecteurs imaginaires concourent à pallier l’absence de réponse.
Le design fiction est un outil intéressant pour prototyper le futur et ainsi le mettre plus aisément en débat afin qu’il puisse servir de leviers de discussion dans le cadre d’un processus décisionnel. Le design fiction à l’instar d’une boussole concourt à naviguer efficacement dans l’incertitude. Il oscille entre l’architecture de mondes qui n’ont pas encore été construits et la fouille archéologique d’une période en devenir. Une situation schizophrène bienvenue au regard d’une situation écologique préoccupante où l’avènement de présents, non pas désirables, mais durables, ne peut être selon nous que le résultat de la matérialisation de futurs souhaitables.
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