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Les motifs de décrochage à l’université

1er octobre 2016 par Matthieu Cisel Veille 982 visites 0 commentaire

Un article repris de http://numpedago.hypotheses.org/44

Un article repris du blog "Numérique pédagogique" de Mathieu Cisel

DiplomaCela fait quelques billets que je vous parle de décrochage à l’université. Cela nous change un peu des billets sur les MOOC, n’est-ce pas ? La raison en est simple, la question de l’attrition, qui est au cœur de ma thèse, ne date pas exactement d’hier, et il s’agirait de ne pas réinventer la roue. Aujourd’hui, j’aimerais vous parler des motifs de décrochage en formation, université, formation à distance, peu importe, au travers d’une typologie développée au fil de recherches doctorales, principalement. Comment les étudiants justifient-ils leur abandon ? Une réponse en quatre grands types de motifs.

Depuis trois décennies, se développe une littérature centrée sur les « obstacles », ou « barrières », qui poussent les participants à se retirer volontairement d’une formation. On trouvera dans la thèse de doctorat de McClelland (2014) une revue de littérature récente reprenant les développements de ces recherches. Au cours de ses travaux doctoraux, Cross (1981) identifie trois barrières potentielles chez les apprenants adultes :

  • les barrières d’ordre situationnel, liées aux circonstances particulières que rencontre l’apprenant, responsabilités familiales, etc,
  • les barrières d’ordre dispositionnel, liées aux croyances, attitudes, ou valeurs de l’étudiant
  • les barrières d’ordre institutionnel, dépendant de l’institution.

Au cours de ses propres recherches doctorales, Garland (1992) développe le travail de Cross selon une approche ethnographique, dans le contexte de recherches sur l’enseignement à distance. Elle propose une catégorie supplémentaire, la barrière épistémologique, liée aux attentes des étudiants, à la pertinence du contenu de la formation au regard de ces attentes, à la maîtrise des prérequis, entre autres choses (Figure 3). Des recherches ultérieures dédiées à l’apprentissage sur Internet feront émerger une autre forme de barrière, la barrière technologique (Roberts, 2004) : difficultés d’accès à Internet. Si d’autres auteurs ont proposé des terminologies sensiblement différentes – Berge & Huang (2004) et Herbert (2006) utiliseront notamment le terme circonstanciel en lieu et place du terme situationnel – cette typologie des « barrières » finit par se stabiliser. Cette terminologie a été réemployée par la suite dans des contextes variés, aussi bien dans celui de la formation à distance par correspondance (Brown, 1996 ; Morgan & Tam, 1999), que dans celui de l’enseignement en ligne, plus spécifiquement (Roberts, 2004).

Nous utiliserons par la suite cette terminologie pour qualifier les différentes formes de retrait volontaire. Nous parlerons ainsi de retrait situationnel pour désigner un retrait volontaire où le motif avancé par le participant pour justifier la cessation de sa participation à la formation représente une barrière d’ordre situationnel, et nous utiliserons le terme motif situationnel pour désigner le motif correspondant. Notons que le motif correspond à l’explication avancée par l’apprenant, et pas nécessairement la motivation qui a effectivement conduit au retrait volontaire. Nous nous proposons maintenant de reprendre avec Garland (1992) ces différentes barrières, afin d’illustrer davantage leur signification et les cas de figure que chacun de ces motifs recouvrent.

Dans le cas du motif situationnel (Garland, 1992, p.124), ce sont les circonstances particulières de la vie de l’individu qui sont à l’origine du retrait volontaire. L’auteur liste les éléments suivants : manque de support de la part des pairs ou de la famille, environnement de travail peu propice à l’apprentissage, notamment du fait de responsabilités domestiques, manque de temps, dû à un changement de situation familiale ou professionnelle, ou dû au fait que la formation prend davantage de temps que prévu initialement, problèmes de santé, engagement dans un nombre de tâches excessif.

Dans le cas du motif dispositionnel (Garland, 1992, p.131), ce sont des dispositions personnelles que l’individu met en avant pour justifier sa décision : le participant n’a pas d’objectif clair de ce qu’il désire, éprouve des difficultés à gérer son temps, notamment car il a tendance à procrastiner, éprouve des difficultés à se structurer, à s’imposer la discipline nécessaire pour le bon suivi de la formation. Il peut invoquer son style d’apprentissage, comme la nécessité de pouvoir interagir en face-à-face avec un instructeur ou avec des pairs, ou au contraire un besoin d’indépendance, il déclare mal supporter, de manière générale, le fait d’avoir à se plier à des contraintes imposées par un membre de l’équipe pédagogique.

Dans le cas du motif institutionnel (Garland, 1992, p.126), l’individu met en avant des manquements de l’institution ou de l’équipe pédagogique pour justifier sa décision de se retirer. Le rythme du cours est insuffisant, ou au contraire trop rapide. L’équipe pédagogique est trop peu réactive aux yeux du participant, les retours éventuels se révéler de médiocre qualité. Des changements déstabilisants du fonctionnement du cours sont réalisés. Les ressources pédagogiques sont de médiocre qualité, les vidéos sont ennuyeuses, ou il existe des erreurs. Les objectifs du cours, ou les instructions et les dates-limite ne sont pas suffisamment clairement expliqués.

Enfin, dans le cas du motif épistémique (Garland, 1992, p.134), c’est sur la discipline et le contenu du cours que l’individu trouve la justification de son abandon : difficulté avec une discipline particulière (exemple : je ne suis pas bon en mathématiques), manque de maîtrise des prérequis, décalage entre les attentes en termes de contenu et l’offre de cours, pour un cours qui, par exemple, ne serait pas suffisamment pratique. Le cours peut utiliser un vocabulaire trop technique, trop théorique au vu des attentes. Dans les exemples cités par l’auteur, le participant déclare ne pas parvenir à appliquer à son activité professionnelle ou personnelle le contenu du cours. Le participant attendait à ce qu’une thématique particulière ait été abordée, ou au contraire constate que les thématiques abordées dans la formation ne sont pas celles qu’il attendait. Enfin, il peut y avoir un manque de cohérence interne, entre les ressources pédagogiques rendues disponibles, et les tâches prescrites.

Image2

Voilà, c’est tout pour aujourd’hui, je pense que vous vous retrouverez tous dans ce type de situation, à défaut d’avoir décroché de votre formation. Ce n’est pas de la Rocket Science, mais ça peut servir de cadre de pensée pratique si l’on veut réfléchir sur ces questions sans avoir à réinventer la roue.

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