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Le sigle MOOC à la loupe

12 juin 2016 par Matthieu Cisel Veille 530 visites 0 commentaire

Un article repris de https://numpedago.hypotheses.org/17

Dans le dernier billet, je vous avais promis que nous reviendrions sur la définition du terme MOOC en décomposant le sigle. Nous allons donc revenir aujourd’hui sur la signification des termes Massif, Open, Online et Course. Si je me suis déjà prêté à l’exercice il y a longtemps dans le cadre d’un billet assez court, je vous propose aujourd’hui de renouveler l’exercice dans un esprit un peu plus académique.

Le terme Massif, pour Massive, a le défaut d’imposer une part d’arbitraire. Les premiers MOOC comme le CCK08 organisés par Georges Siemens ne rassemblaient que quelques milliers d’inscrits. Ces chiffres sont difficilement comparables à ceux du premier MOOC de Sebastian Thrun sur l’intelligence artificielle, et qui avait recueilli plus de 160.000 inscriptions. La complexité de ce critère est d’autant plus importante que les niveaux d’implication des participants varient significativement d’une formation à l’autre. Rappelons qu’un nombre « massif » d’inscrits ne signifie pas nécessairement qu’il y ait un nombre « massif » de participants terminant la formation (Ho et al., 2014, 2015). Il arrive que la proportion des utilisateurs actifs ne représente au bout de deux ou trois semaines qu’une faible proportion des inscrits. Sur la base de quels indicateurs fixer des seuils à partir desquels on considère qu’un MOOC est massif ? Doit-on refuser l’appellation MOOC à un dispositif qui échouerait à réunir un certain nombre d’inscriptions ?

Il est d’ailleurs impossible de savoir en amont du lancement du cours si celui-ci attirera ou non une audience massive. Par souci de rigueur, on ne devrait parler de MOOC qu’après que la formation ait prouvé sa capacité à attirer une audience importante. Le terme Massif est donc problématique, et on le retrouve à l’identique dans la traduction française officielle de MOOC la plus utilisée, CLOM, pour Cours en Ligne Ouvert et Massif. L’utilisation d’un équivalent de l’acronyme français FLOT, pour Formation en Ligne Ouverte à Tous, a l’avantage de contourner ce problème. Il permet d’insister davantage sur la notion d’ouverture que sur la taille de l’audience, et rassemble ainsi sous la même appellation des formations différant aussi bien par le nombre d’inscrits ou de certifiés. Néanmoins, dans la mesure où les traductions françaises CLOM et FLOT n’ont reçu qu’un écho minime aussi bien auprès du grand public que de la communauté scientifique francophone, nous conserverons le terme MOOC tout au long de ce travail de recherche. Pour conclure, dans le débat qui entoure le terme « Massive » nous avons fait le choix de ne pas fixer de seuil à partir duquel un cours pourrait être considéré comme massif. Nous accepterons ainsi sous l’acception MOOC aussi bien des dispositifs rassemblant mille inscrits que des cours qui en rassemblent plusieurs centaines de milliers. Le critère d’ouverture, le O de Open, mérite à notre sens un examen plus attentif.

Le terme Open pose un certain nombre de problèmes de traduction ; il n’a pas la même signification selon la perspective que l’on adopte. Dans le cadre de l’Open Education, le terme Open de Open Educational Ressource est traduit par Libre  ; on parle de Ressource Educative Libre. Dans ce cadre, le terme Open ne signifie pas seulement accessible à tous, mais aussi Openly Licensed, c’est-à-dire en licence libre (Caswell et al., 2008). Le Open de MOOC ne saurait donc correspondre au Open de Open Educational Resource dans la mesure où la plupart des contenus diffusés dans les MOOC sont sous licence propriétaire, à l’exception des MOOC de la plate-forme FUN. Ce n’est pas non plus le Open que l’on peut trouver dans Open & Distance Education, et qui correspond au mot Ouvert du terme Formation Ouverte et A Distance (FOAD) ou Université Ouverte de Open University. Dans le contexte de la Formation à Distance, le terme Ouvert n’exclut pas des frais d’inscription, alors que l’inscription à un MOOC se doit d’être gratuite pour que celui-ci réponde à la définition que nous adopterons.

Le O correspond donc davantage au Open de Open Registration (Daniel, 2012). Cela signifie que tout le monde peut s’inscrire gratuitement, indépendamment de sa profession, de son niveau d’étude, de sa maîtrise du sujet enseigné ou de quelconque critère démographique. En revanche, il ne signifie pas qu’il y ait possibilité de suivre la formation à n’importe quel moment. La traduction la plus appropriée dans ce contexte serait donc Gratuit. Certains MOOC proposent certes des services payants en sus de l’accès gratuit à la formation ; ce peut-être une certification authentifiée, un tutorat personnalisé, des espaces privatisés. Néanmoins, ces services payants ne sont pas en contradiction avec la gratuité de l’inscription. La question se pose dès lors qu’il est nécessaire de payer pour accéder à une partie significative des ressources et des activités du cours. Pour tomber sous le coup de la définition, nous considérerons que les inscrits qui n’ont rien payé doivent pouvoir accéder à la totalité des ressources pédagogiques de la formation, vidéos de cours, etc. Nous excluons donc les cours proposés sur des sites comme la une maison d’édition de cours en ligne Lynda.com, ou le site Codeschool spécialisé dans l’apprentissage de la programmation. Dans un cas comme dans l’autre, les cours ne sont disponibles que sur abonnement, même si une partie des formations peut être accessible gratuitement en guise de produit d’appel. Nous renverrons à Weller (2013) pour un approfondissement du débat sur la signification du terme Open, et à Weller (2015) pour une critique de l’emploi du terme dans le contexte de l’essor des MOOC.

Nous n’insisterons pas outre mesure sur le terme Online car il présente moins d’ambiguïté. Il signifie que le cours est conçu pour pouvoir être suivi entièrement en ligne, et n’est pas simplement le complément d’un cours en présentiel. Il ne s’agit pas uniquement de mettre à disposition des vidéos pédagogiques ou des contenus de cours pour parler de MOOC. Les éventuels exercices, devoirs, activités et examens doivent pouvoir être réalisés entièrement en ligne, ou à défaut en téléchargeant un logiciel sur son ordinateur personnel. Dans notre définition du terme, séances en présentiel, livres papier ou e-books peuvent être proposés en complément du MOOC mais ne doivent pas être indispensables à son bon suivi.

Le terme Course pose également un certain nombre de problèmes de définition. Ce terme exclut selon nous les dispositifs dont l’objectif affiché est de faire la promotion d’un produit, sans visée formative. Nous imposerons également dans cette optique un critère d’interactivité. Une activité prescrite délimitée dans le temps doit être proposée aux inscrits, que cette activité soit ou non évaluée. Ce peut être un quiz, la réalisation d’une production évaluée par les pairs, ou une interaction sur un forum de discussion. Un dispositif qui ne serait constitué que de ressources statiques comme des vidéos ne saurait être qualifié de MOOC dans le cadre de ce travail ; nous excluons ainsi les bibliothèques de ressources, quand bien même elles seraient gratuites.

Nous insistons enfin sur la délimitation dans le temps de la formation, car c’est l’un des critères les plus à même de distinguer les MOOC d’autres formats similaires. En effet, il est fréquent que des sites basés sur des Open Coursewares ou de manière générale des Ressources Educatives Libres intègrent quiz ou forums de discussion. Pour lever toute ambiguïté, la formation devra disposer d’une date de début et d’une date de fin fixes pour répondre à notre définition. Ce critère permet ainsi de définir le MOOC comme un événement délimité dans le temps ; nous fixerons arbitrairement une durée maximale de quatre mois correspondant aux plus longs MOOC que nous ayons observés. L’utilisation de ce critère de temporalité se justifie par le fait que les dynamiques observées sur des sites ouverts perpétuellement diffèrent a priori significativement de celles observées au sein de formations définies dans le temps.

Cher lecteur, maintenant que nous sommes sur la même longueur d’onde eu égard à la définition du terme MOOC, je vous propose que l’on s’attaque aux choses sérieuses dans les billets qui suivent, en revenant notamment sur les principaux cadres théoriques que je mobiliserai par la suite. Recherches sur la formation à distance, apprentissage autodirigé, et tout le tintoin.

PS : en ce qui concerne la bibliographie, j’ai créé un billet dédié dans un autre blog, pour des raisons de lisibilité : http://www.matthieucisel.fr/la-bibliographie-de-ma-these-sur-les-mooc/

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