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La transformation de la formation professionnelle continue et les conséquences sur l’université. Analyse critique d’une expérience

2 avril 2025 par Gilles Rault, Hugues Pentecouteau Veille 519 visites 0 commentaire

Un article repris de http://journals.openedition.org/eds...

Nous proposons de mettre au jour les effets d’un double mouvement qui se compose à la fois avec la mutation des universités et avec les évolutions du cadre économique et législatif de la formation professionnelle. Pour cela, nous nous appuyons sur deux analyses. Celle de Christophe Dejours (1998), en psychodynamique du travail, qui montre comment la centralité du travail et les nouvelles organisations du travail impliquent l’évolution de la cité. Nous invitons également la philosophie de Barbara Stiegler (2019) sur l’injonction permanente à devoir s’adapter au rythme des mutations d’un monde complexe. Notre lecture porte sur les conséquences des transformations dans les universités en matière de gestion et de développement de la formation continue et sur ce qu’elles créent comme dysfonctionnements organisationnels par des injonctions pouvant être vécues, par les acteurs, comme étant paradoxales. À partir de ces travaux et de nos expériences, complémentaires et capitalisées, nous présentons une réflexion qui constate des situations et les conséquences de celles-ci sur les façons de travailler.

Gilles Rault et Hugues Pentecouteau, « La transformation de la formation professionnelle continue et les conséquences sur l’université. Analyse critique d’une expérience », Éducation et socialisation [En ligne], 75 | 2025, mis en ligne le 31 mars 2025, consulté le 01 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/edso/31395

Introduction

 [1]

Nous proposons de questionner le contexte particulier du développement de la formation continue universitaire [2] (FCU) dans une université de Lettres, Sciences Humaines et Sociales (LSHS).

Notre démarche est un témoignage critique et situé. Nous nous appuyons sur notre expérience pratique en ingénierie pédagogique et en ingénierie de formation pour adultes ainsi que sur notre connaissance de l’environnement universitaire [3]ations analysées non seulement dans d’autres universités (Pineau, 2002) mais également dans des organisations publiques ou privées telles que les formations en soins infirmiers (Bouveret et al., 2012), en masso-kinésithérapie (Perez-Roux, 2019) ou dans les domaines du travail social (Triby, 2023).

La problématique développée ici porte sur les injonctions paradoxales (Dejours, 1998) que produisent les mutations organisationnelles de l’université qui sont apparues au gré des différentes réformes et qui ont conduit à une évolution des activités de formation continue. Ces dernières sont de plus en plus centrées vers l’adéquation formation emploi et non vers la formation des citoyens. Notre point de départ est que, toujours imposées et rarement accompagnées, les nouvelles formes de management mises en place pour gérer la FCU créent du trouble et, par voie de conséquence, de l’insécurité. Pour les usagers, cette insécurité se manifeste par tout un ensemble de règles qui rigidifient l’accès à la formation, l’industrialisant au détriment de la mise en œuvre d’un accompagnement personnalisé. Pour le personnel, l’insécurité se traduit dans l’apparition de nouveaux fonctionnements organisationnels qui favorisent la perte de repères et la mise en tension du sens accordé aux missions de service public, aux missions de formation continue et, de manière plus générale, aux missions concernant les formations professionnalisantes4 développées en LSHS. Le mouvement de mutation des universités est corollaire d’une transformation de la formation professionnelle qui s’est accélérée avec la loi de mars 2014 et s’est amplifiée avec la Loi Avenir Professionnel de septembre 2018. [4]

Ce texte est organisé en trois parties. La première est consacrée au développement de l’autonomisation des universités et à l’évolution de la formation continue universitaire. La deuxième présente les références qui ont alimenté notre réflexion sur les injonctions paradoxales en établissant des liens entre notre expérience et les analyses critiques de Dejours et Stiegler. La troisième aborde les conséquences d’une nouvelle organisation et d’un nouveau management public pour la formation continue universitaire et pour les acteurs, usagers et personnels.

Le contexte de l’université et de la formation professionnelle : un double mouvement

Ce double mouvement se caractérise par une évolution des universités vers une plus grande autonomie. Cette autonomie s’avère relative car elle est à la fois extrêmement contrôlée et se trouve contingentée par les nouvelles logiques de présentation de l’offre de formation qui doit notamment être déclinée en termes de compétences.

Une mutation sous pression

De la démocratisation à l’autonomisation

Dans la période récente, l’université n’a cessé de se transformer autour d’un double mouvement articulant à la fois une démocratisation de l’accès aux études supérieures et une autonomisation, à l’origine politique, portée par différentes réformes Ce double mouvement conduit à la mise en concurrence des universités (Finance, 2015).

Depuis la loi Faure de novembre 1968 permettant la mise en place d’un « système où la délibération collective est déterminante » puis la loi Savary de 1984, l’université a fortement évolué vers un fonctionnement de plus en plus démocratique et représentatif. Quatre décennies plus tard, la loi LRU relative aux libertés et responsabilités des universités du 10 août 2007 a initié une rénovation de la gouvernance. Au service de l’élaboration et de la mise en œuvre d’un contrat d’établissement, un nouveau management public (new public management [5]) s’est mis en place, par étapes, menant les universités vers de nouvelles formes d’organisation du travail en leur donnant plus d’autonomie et de responsabilités. En parallèle de cette autonomie, relative car elle s’appuie désormais sur une dotation pour fonctionnement de service public qui contraint à la mise en œuvre d’un nouveau management public, la compétitivité entre universités est favorisée par la loi Fioraso du 22 juillet 2013 en accentuant la logique de regroupement territorial (sous la forme de COMUE, d’associations ou de fusions) qui sera elle-même renforcée par l’ordonnance Vidal du 12 décembre 2018 avec de nouveaux leviers de coordination territoriale (EPE ; COMUE expérimentale ; association sans chef de file). Il s’agit de développer une université nouvelle, qui serait à la fois bien placée dans les classements internationaux et bien intégrée dans son territoire. Dans ce qui peut être considéré comme une injonction paradoxale (visibilité internationale et implication locale), un glissement apparaît donc progressivement à différents niveaux : dans la gouvernance, dans le fonctionnement des établissements, dans la mise en œuvre de leurs missions et dans la formation des étudiants.

Partant d’un modèle organisé autour d’une coordination par l’État qui a longtemps accordé une place importante à une gestion corporatiste par des universitaires, est apparu un deuxième modèle articulé autour d’un partage des responsabilités, des objectifs fixés et de la gestion du personnel dans une forme de cogestion « employeur/employés » (Bollecker, 2021). Ce passage d’un modèle à un autre ne s’est pas fait sans mal et a notamment produit de la tension et de la contradiction dans l’exercice des missions.

Des missions qui se transforment

Pour les universités, l’autonomie se trouve de plus en plus soumise à une injonction à produire des comptes-rendus (ou des “reportings”) pour justifier et tracer les activités. L’autonomie fait alors l’objet d’un contrôle croissant, de plus en plus constant, donnant ainsi le primat de la gestion financière sur la qualité du travail (Dejours et Gernet, 2012). Dans le domaine de la formation, l’université est un lieu toujours ouvert mais dont l’accès se complexifie par la mise en place de plateformes et par une réduction de l’accompagnement humain. Au nom d’une plus grande ouverture de l’université, de nouvelles procédures sont mises en place. Ces dernières étant pilotées par des algorithmes parfois opaques, elles contribuent à développer un effet à contre-courant de ce qu’elles sont censées favoriser, conduisant par exemple à des difficultés de coordination entre services, à un engorgement des inscriptions, à une fragilisation de certaines formations. De plus, la multiplication des labellisations, tel que le label qualité Qualiopi, dont la pertinence des indicateurs est rarement questionnée et analysée, normalise la formation sur un volet administratif et renforce les procédures.

De manière plus générale, les valeurs de l’université comme espace critique, lieu d’universalisme sont complètement troublées par les nouvelles organisations pédagogiques inspirées des approches programme et compétences présentées comme étant au service de la lisibilité d’une offre de formation. Ce qui est discutable et discuté notamment par Stiegler lorsqu’elle évoque la disparition de « l’idée que la formation tout au long de la vie, la formation des adultes, ou tout simplement l’éducation, pourraient servir à apprendre un métier » en témoignant de la manière dont elle vit cela : « cela est désormais remis en cause par la pédagogie des compétences transversales, compétences qui mettent l’accent sur “l’adaptabilité” et “l’employabilité”, pour parler comme les textes officiels ». Témoignant d’une forme de souffrance au travail, Stiegler ajoute qu’à l’université, elle vit en permanence une pression s’exercer sur elle, « et qui vient de toutes parts : de l’administration, des textes, des réformes - tout ce qu’on nous impose d’en haut. Je dois cesser de former mes étudiants de philosophie à cette discipline ; désormais, la formation que je dispense doit être essentiellement au service de compétences transversales susceptibles de rendre les étudiants plus adaptables, employables, dociles, dans un monde incertain où ils vont devoir maintes et maintes fois au cours de leur vie changer d’activité » (Stiegler, 2020, p. 18).

En contradiction avec la logique d’autonomisation, les universités se trouvent aujourd’hui dans des difficultés budgétaires importantes qui altèrent leurs capacités d’autonomie. Il en va de même pour l’ingénierie de formation, contrainte de se structurer autour de la logique emploi formation. Cette « pression » évoquée par Stiegler révèle les limites de la liberté d’action des universités et de ses personnels.

Les évolutions de la formation continue à l’université

Formation professionnelle continue et Formation Tout au Long de la Vie : enjeux de définition

Depuis la révolution industrielle et surtout depuis les années 50, l’éducation populaire a été un lieu de formation articulé ou en tension avec la formation professionnelle. Fondamentalement l’éducation populaire est issue des mouvements sociaux et politiques alors que la formation professionnelle est portée par les acteurs économiques et l’État.

Après les lois de 1971 avec notamment la loi-programme de 1966 organisant « la formation professionnelle et la promotion sociale », la formation professionnelle continue (FPC) devient un moyen d’insertion et de promotion professionnelle. Historiquement, elle s’articule autour de deux axes : la formation professionnelle dans l’entreprise et le congé individuel de formation. Sous l’effet d’une politique européenne, la notion de Formation Tout au Long de la Vie (FTLV – lifelong learning) va entremêler les logiques de formation initiale et de formation continue, occultant par là-même la notion de formation professionnelle. La lecture du Livre blanc de la Commission européenne de 1995, sous-titré « vers la société cognitive », fait apparaître deux interprétations non exclusives qui semblent éloignées l’une de l’autre (Dubar, 2015). Dans la première, la formation tout au long de la vie est un ensemble de demandes individuelles dont chacun est responsable et ce sont ces demandes de formation qui font évoluer les offres de formation du marché à l’intérieur duquel se trouvent les systèmes d’enseignement (et donc, les universités). Dans la deuxième interprétation, la FTLV renoue avec « les utopies mobilisatrices de l’éducation permanente et populaire » (Dubar, 2015). La démocratie participative doit permettre à chaque « citoyen actif » d’être « capable de s’adapter constamment aux changements et d’y contribuer activement avec les autres » (Dubar, 2015).

Avec l’accord national interprofessionnel du 5 octobre 2009, on parle désormais d’orientation et de formation professionnelle tout au long de la vie, dans une logique de professionnalisation qui sera maintenue et renforcée avec plusieurs textes : la loi du 5 mars 2014 sur la formation professionnelle, l’emploi et la démocratie sociale ; la loi du 8 août 2016 relative au travail à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi Travail » et la loi de 2018 sur la « Liberté de choisir son avenir professionnel ».

La formation professionnelle continue a évolué d’une vision émancipatrice culturelle, sociale, économique des individus (promotion sociale) vers une logique d’employabilité (insertion et réinsertion professionnelle).

La multiplication des termes pour définir des personnes qui se forment en dehors de la formation initiale est révélatrice et signifiante des tensions qui traversent le champ de la formation professionnelle.

La FCU : une des missions de l’université

Nous utilisons le terme de Formation Continue Universitaire (FCU) pour désigner les dispositifs de formation accueillant des publics qui n’intègrent pas l’université directement après le bac (salariés, demandeurs d’emploi… exprimant un besoin de formation en lien avec un projet d’insertion ou de transition).

La FCU est l’une des principales missions de l’université (Bourdoncle et Lessard, 2003 ; Pineau, 2002) et le Diplôme d’Accès aux Études Universitaires apparaît toujours comme l’étendard d’une seconde chance pour des personnes qui n’auraient pas pu intégrer l’université. Depuis une vingtaine d’années, le développement de la formation continue payante devient un levier de plus en plus utilisé par les universités pour créer des ressources propres. Par ailleurs, la loi Avenir, avec la proposition d’aller “vers une nouvelle société de compétences”, propose différentes mesures qui modifient le champ de la formation professionnelle continue. La loi ne parle plus de formation mais uniquement d’acquisition de compétences. La notion de compétence qui s’est imposée de manière quasi définitive dans le champ de la formation est arrivée par la formation des adultes. Comme le confirme le recensement effectué par Fouché, Peterson et Naji (2003) repérant 34 définitions qui ne se réfèrent pas à une base commune, la notion de compétence repose sur une définition floue. Aujourd’hui, si l’approche par compétences (APC) s’impose dans l’enseignement supérieur elle reste néanmoins traversée par des débats à la fois disciplinaires portant sur la notion de compétence (psychologie, psychologie sociale, sociologie, sciences de l’éducation…) et idéologiques6 dévoilant de manière critique les soubassements qui érigent le terme “compétence” comme étendard d’une culture néolibérale s’immisçant dans les politiques des gouvernances des universités. « Sommés de penser d’abord et avant tout en termes de professionnalisation et d’insertion, de compétences et performances » (Eneau et Brémaud, 2023, p. 31), les établissements universitaires intègrent lentement mais solidement ces principes. [6]

Une organisation polarisée autour de la compétence

Le passage obligé de la compétence

Depuis la loi de 2018, la compétence devient le mot clef autour duquel doit être développée l’offre de formations faisant de chaque formation un réceptacle ou plutôt un fil conducteur de ces compétences identifiées en référentiels et traduites en blocs permettant de former à un métier. Dans cette logique, la formation est appréhendée non plus comme une forme cohérente, à une échelle territoriale donnée, mais comme un puzzle déstructuré dont les pièces pourraient, du moins de manière très théorique, être sous-tendue, à une échelle nationale, par une vision taylorienne du travail. Ces différents blocs peuvent être aisément dissociés ou associés à d’autres pièces permettant ainsi de construire un ou plusieurs autres puzzles-métiers. Avec la loi de 2018, il n’est plus fait référence à la formation mais à des actions de formation et à l’acquisition d’une succession de compétences. Cette nouvelle terminologie indique que l’essentiel n’est pas le processus de formation mais son résultat, niant ainsi les processus formateurs d’acculturation professionnelle inhérents au temps de formation comme la sociabilité formative (Pentecouteau, 2015) par et avec les pairs, la fabrication d’une identité professionnelle nouvelle, la construction d’un réseau de réassurance professionnelle…

Il y a plus de 20 ans, Zarifian insistait sur le fait que raisonner en termes de compétences était le marqueur d’une transformation profonde du rapport au travail en mettant en tension l’organisation du travail, les modes de contrôle et la question de la rémunération. La réduction de la formation à l’acquisition de compétences pose un certain nombre de questions. Dans un dossier critique du CRES datant de 2017, Anderson-Levitt, Bonnéry et Fichtner indiquent que l’approche par compétences est présente dans les réformes éducatives depuis les années 90. Ce qui permet par conséquent de discuter certains points comme “l’intéressement des milieux patronaux aux réformes de l’approche par compétences”, “pour contribuer à l’économie de la connaissance”, “au développement des compétences requises directement par les employeurs sans que les futurs salariés soient en maîtrise des savoirs qui ne permettent pas seulement de faire mais de comprendre ce qu’ils font” (Anderson-Levitt, Bonnéry et Fichtner, 2017). Pour légitimer tout cela, la loi de 2018 crée une institution nationale publique, France Compétences, qui apparaît comme “l’autorité nationale de financement et de régulation de la formation professionnelle et de l’apprentissage” et le “moteur de la transformation de l’offre de formation”.

Avant France Compétences, l’université développait une offre de formation continue en analysant les besoins locaux des secteurs professionnels avec lesquels elle entretenait des relations privilégiées et construites dans le temps en proposant des diplômes ou des filières identifiés par le milieu professionnel. Cette logique cède aujourd’hui le pas à une offre nationale, centralisée et descendante misant sur des politiques de correspondance entre emplois et formations. Ce sont aujourd’hui les branches professionnelles qui, au niveau national, définissent les besoins de formation, les mentions de formation et les fiches RNCP. Avec la centralisation de l’ingénierie de formation, la gouvernance, les équipes de formation, responsables de formation voient le lien privilégié avec les éco-environnements locaux se distendre.

Une nouvelle logique d’ingénierie de formation

L’idée centrale de l’ingénierie centrée sur la formalisation de compétences combine deux logiques. La première est fondée sur une efficacité de la formation en rendant visible les compétences acquises au sein de chaque formation de manière à proposer aux stagiaires de formation continue uniquement les blocs de compétences manquants à leur professionnalisation future. La deuxième logique est basée sur une réduction des dépenses en diminuant le temps de formation (pour notamment limiter les coûts salariaux de remplacement de la personne en formation). Ce qui peut être considéré comme un allègement de formation au profit de la professionnalisation apparaît également comme une limite à cette dernière (Wittorski, 2007). Par exemple, dans le cadre d’une reconversion professionnelle pour devenir peintre en bâtiment, nous avons observé que la formation est aujourd’hui découpée en trois blocs de compétences (peinture intérieure ; peinture extérieure ; peinture industrielle) et en fonction de l’orientation professionnelle projetée, le stagiaire ne suit qu’un de ces blocs de compétences. Cet exemple issu du monde artisanal se retrouve à l’université où pour toute reconversion professionnelle, il est demandé d’identifier les blocs de compétences « déjà acquis ». Cette logique limite la formation d’un sujet pluriel (Wittorski, 2007) car l’exercice d’un métier suppose des compétences transversales voire globales telles que la culture du métier et l’approche réflexive. De plus, rien n’indique que cette logique de formation au coup par coup soit économiquement justifiée. En effet, l’acquisition d’une succession de blocs de compétences nécessite des retours en formation fréquents, entraînant ainsi des coûts de formation supérieurs à ce qui était initialement prévisible dans le cadre d’une formation complète.

Avec France Compétences, l’État prend la main sur la formation professionnelle, au détriment des Régions. Ce qui est là un changement fondamental. France Compétences est notamment chargée de l’actualisation du répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et de l’identification des certifications en évolution ou émergentes. Elle est surtout chargée de la répartition des fonds de la formation professionnelle continue et de l’alternance en veillant à répondre aux besoins de main-d’œuvre et en orientant les financements de la formation professionnelle en fonction de ses besoins, au service d’une orientation politique (comme, par exemple, le fait de vouloir développer l’apprentissage).

Avec la rationalisation budgétaire et les nouvelles ingénieries de formation liées en particulier à la compétence, les universités changent d’organisation. De plus, la formation continue universitaire est aspirée par la logique de l’adéquation formation emploi.

Cadrage théorique : une approche critique du travail

Pour faire écho à nos observations, nous avons repris des auteurs proposant une analyse critique d’un monde qui change et qui évolue au profit d’une économie dite néolibérale. En rappelant que l’économie néolibérale est un courant de pensée (Foucault, 2004) voire une pseudo-science ayant favorisé la domination d’un capitalisme spéculatif et financier, Morin souligne son caractère idéologique (Morin et Pistoletto, 2015). Évoquant les “forces aveugles [qui] sont mises en mouvement par des personnes qui ne sont pas conscientes ou qui sont irresponsables”, le sociologue insiste sur le fait que les gens se trouvent formés à être ce que le système attend qu’ils soient. Pour tenter d’approcher et de comprendre ces “forces aveugles”, nous nous sommes appuyés sur deux ouvrages. L’un est écrit par un chercheur en psychodynamique du travail et l’autre par une philosophe.

Dejours : une intériorisation de la domination managériale

En questionnant les ressorts subjectifs en cause dans l’avancement du système libéral, Dejours propose une mise en garde contre le libéralisme et son possible retournement vers une approche totalitaire au travers notamment des liens qu’il établit entre virilité et violence. En cela, l’auteur développe un certain nombre de propositions conduisant à une réflexion sur la résistance à un système néolibéral. Si résister est en partie s’opposer, l’ouvrage présente ce contre quoi il s’agit de résister en s’appuyant notamment sur les travaux de Arendt. C’est là qu’apparaît sans doute l’une des limites de la démonstration qui se construit dans un parallèle osé et malaisant entre la direction d’un camp de concentration et celle d’une entreprise néolibérale en soulignant cependant que la fonction première de ces deux organisations est identique. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit, de manière prioritaire et au-delà de toute interrogation sur les conditions de vie au travail, d’atteindre les objectifs fixés à moindre coût. Malgré la violence de cette analogie, on ne peut que considérer que c’est également là la force du texte qui montre que la banalisation du mal existe dans chaque environnement qui en vient à ignorer, mésestimer, normaliser la souffrance au travail ou qui la met en scène en faisant appel à des personnes zélées. Dejours appelle cela la “rationalisation du mal”. Cette rationalisation se traduit par ce qu’il nomme un cynisme viril qui fait passer l’exercice de la force et de la violence pour une vertu. Le cynisme viril apparaît alors comme une forme de rationalisation défensive, en particulier du côté des cadres, qui justifient leur participation à l’injustice sociale. Dans un rapport de force, le cynisme viril rencontre la servitude volontaire au service d’un système dont sont pourtant désapprouvés les méthodes (Dejours, 2009). Forme de domination et de soumission contribuant à développer le paradoxe d’une soumission par consentement volontaire, la servitude volontaire conduit à une intériorisation générale.

Engagé, le propos de Dejours revient à développer trois dimensions de la résistance qui s’imbriquent les unes aux autres (Duarte, 2019) : une lutte contre l’injustice sociale et le processus de banalisation du mal ; une lutte contre la solitude qui apparaît comme une conséquence de l’évaluation individuelle ; une lutte contre le déni du travail vivant lié à la mise en œuvre de dispositifs de certification et de normalisation et à la mise en place de stratégies de distorsion communicationnelle comme les espaces de non-discussion, les mensonges et les désordres qui grèvent la communication (Dejours, 2009, pp. 83-84). L’idée de résistance apparaît comme une notion centrale de l’ouvrage.

Stiegler : une injonction à s’adapter

Dans un ouvrage plus récent que celui de Dejours, Stiegler produit une critique du néolibéralisme à partir des sources évolutionnistes de la pensée du journaliste états-unien Lippmann. Ce dernier est à l’origine du Colloque Lippmann, souvent considéré comme un événement fondateur du concept de néolibéralisme. Elle insiste sur la différence entre l’ultralibéralisme et le néolibéralisme. Si l’ultralibéralisme souhaite un État réduit à sa plus simple expression, le néolibéralisme pense que l’État doit participer à l’éducation des masses au profit des gouvernants. Ce sont les gouvernants qui sont les experts et qui montrent la voie car « la société n’est visible pour personne, pas plus qu’elle n’est intelligible de façon continue ou comme un tout » (Lippmann, cité par Stiegler, 2019, p. 74). Dans la lignée de travaux de Lippmann, Stiegler souligne que pour ce dernier “et pour nombre de ses contemporains progressistes qui entendent justement combattre ces ultralibéraux, la révolution industrielle a créé au contraire cette situation complètement inédite de désadaptation, qui explique toutes les pathologies sociales et politiques de notre époque, aggravées par le laisser-faire. Il faut donc repenser l’action politique comme une intervention artificielle, continue et invasive sur l’espèce humaine en vue de la réadapter aux exigences de son nouvel environnement” (Stiegler, 2019, 15). Cette idée de réadaptation constante et verticale des individus aux évolutions socio-économiques (Stiegler, 2019, p. 66) est un des fondements de la pensée néolibérale. Dans cette perspective, le mouvement est la finalité ultime qui conduit « à disqualifier l’intelligence des publics, réduits au statut de masses ineptes et dont il faudrait reprendre le contrôle par le haut, [et] éclaire le sentiment actuel et diffus d’un perpétuel retard, susurré en permanence par le monde des dirigeants ». L’auteure ajoute que « les injonctions à l’adaptation, à rattraper nos retards, à accélérer nos rythmes, à sortir de l’immobilisme et à nous prémunir de tout ralentissement, le discrédit général de toutes les stases7 au nom du flux et la valorisation de la flexibilité et de l’adaptabilité dans tous les champs de la vie trouvent peut-être ici leurs sources les plus puissantes, et les plus ambivalentes à la fois » (Stiegler, 2019, p. 17). En questionnant les sources évolutionnistes du nouveau libéralisme, l’ouvrage fait dialoguer l’approche de Lippmann avec celle de Dewey, le philosophe pragmatique qui présente à la même époque que Lippman une refonte du libéralisme à partir de constats et de problématiques similaires. Si pour Lippmann, l’adaptation à l’environnement et à l’économie de marché devient le but d’un gouvernement d’experts qui constatent « la défectuosité du matériau humain » (Lippman, cité par Stiegler, 2019, p. 222) et n’attendent que de « créer des hommes polyvalents » (Lippman, cité par Stiegler, 2019, p. 261), chez Dewey, l’expérimentation active et démocratique ne peut être dirigée car l’évolution est buissonnante, hétérogène et imprévisible (Stiegler, 2019 [7]

Ces lectures critiques de l’évolution du travail et des organisations ne concernent plus uniquement le monde de l’entreprise privée ou celui de l’entreprise publique qui s’ouvre à de nouvelles logiques (Pesqueux, 2006). Dejours montre les effets de l’organisation de l’entreprise néolibérale et la souffrance qu’elle génère tandis que Stiegler souligne que le néolibéralisme oblige les personnes à continuellement s’adapter dans une mécanique qui s’impose et qui est non discutable. Fonctionnant comme une entreprise, selon Morin, l’université « en passe de se trouver sous la coupe de l’économie de marché » devient une quasi-entreprise : « On veut appliquer à l’université les critères de rentabilité économique ». Après avoir lancé l’alerte en considérant qu’il s’agit là d’une “catastrophe historique”, il appelle à « lutter contre cet état de fait » (Morin et Pistoletto, 2015, pp. 48-49).

Méthodologie

Notre réflexion sur les transformations de la formation professionnelle continue et de l’université repose sur des ressources documentaires officielles et des observations de terrain de différentes natures comme nos participations à des réunions d’équipe, à des conseils de perfectionnement, à des commissions portant sur le développement de la formation tout au long de la vie. Nous avons cherché à analyser les conséquences de ces transformations sur les différents acteurs de l’université.

Dans la typologie que proposent Arborio et Fournier (2021), notre posture fut celle de participants qui observent. Par ailleurs, nous sommes également des praticiens car nous développons de la formation professionnalisante universitaire depuis 20 ans et nous occupons des responsabilités de diplômes en participant aux différentes étapes de l’organisation d’une formation (communication, recrutement, gestion d’équipe, interventions, évaluation…). Dans cet engagement en tant que responsables et ingénieurs de formation, nous avons vu évoluer le cadre politique et institutionnel universitaire par une complexification de l’organisation des formations. Nous avons également pu constater à l’échelle des différents niveaux de la gouvernance, une méconnaissance des contraintes pédagogiques de l’articulation avec les milieux professionnels. Dans la majorité des cas, la FCU apparaît quasi-exclusivement comme une ressource propre, a fortiori dans un contexte tendu de déficit chronique [8] des universités. Notre engagement est également politique et éthique du fait de notre volonté de maintenir la formation d’adultes à l’université et de préserver une ouverture vers la promotion sociale et l’émancipation des individus (Eneau et Brémaud, 2023). C’est certainement sur ce point que se trouve l’une des limites de notre propos car notre position n’est pas neutre. Cependant, les auteurs que nous avons mobilisés (Stiegler et Dejours) nous permettent de corroborer nos observations.

Fondé sur un ensemble de constats hétérogènes, ce texte a plus la forme d’un récit d’expériences capitalisées que d’une recherche académique menée avec un protocole classique.

Discussion : conséquences pour l’université

Des tensions à l’université

Contraintes budgétaires

Le fonctionnement à budget (quasiment) constant, surtout depuis la loi LRU, contraint les universités à faire des choix entre leurs différentes missions, à définir des priorités, rendant difficile la possibilité d’expérimenter des dispositifs d’accompagnement. L’accompagnement des publics en reprise d’étude, éloignés du monde universitaire, et des publics de formation initiale demande du temps, des financements. Cela exige une reconnaissance institutionnelle, de la créativité et de l’audace pédagogique.

Au niveau des budgets de formation de l’université, la loi LRU a donné l’illusion d’une autonomie qui se révèle finalement être un abandon des universités à leur propre sort en ne compensant pas des frais d’inscription réduits dans un contexte d’évolution inéluctable des charges structurelles et du coût de la masse salariale. Les universités sont contraintes de mettre en place une réduction des coûts doublée d’une augmentation des recettes pour espérer équilibrer leur budget jusqu’au point de rupture que révèle la rentrée 2024. Dans ce contexte de réduction des dépenses publiques [9], la formation continue professionnalisante apparaît encore plus comme un levier, pour ne pas dire la solution miracle, pour réduire les déficits structurels. Ce qui apparaît complètement illusoire au regard des déficits actuels des universités.

La formation continue à l’université : une injonction paradoxale plurielle à développer de la formation continue

La vision de la formation continue portée par les politiques publiques et incarnée par France Compétences vient se confronter à l’idéologie qui sous-tend la formation continue dans les universités (et plus particulièrement en LSHS) dont les origines se sont fondées sur la promotion sociale (Dubar et Gadéa, 1999), l’accompagnement des réorientations des parcours et des projets de vie. Cependant, si la formation professionnelle continue à offrir une nouvelle dynamique des parcours de vie et de reconversion professionnelle, les analyses des parcours du public en présentent les limites. Soulignant pourtant sa nécessité et sa contribution à la formation tout au long de la vie, différents auteurs (Dubar, 2015 ; Duru-Bellat, 2006) indiquent que d’un point de vue statistique, la formation professionnelle n’a pas réduit les inégalités et semble même les renforcer au bénéfice des mieux formés alors qu’elle devrait cibler les plus fragiles.

Malgré les données statistiques, la FCU apparaît comme un élément important pour les stagiaires, avec de fortes attentes individuelles. Il en est de même du côté des responsables de formation qui ont bien conscience de leur rôle parfois militant et engagé dans une redynamisation des stagiaires de la formation continue. De plus, la mixité des publics formation initiale et formation continue au sein d’une même formation crée des dynamiques d’interactions bénéfiques pour l’ensemble des publics.

L’université est en tension entre un modèle universaliste d’accueil de différents publics et la demande de formation adéquationniste assignée par les milieux professionnels et politiques pour perpétuer à court terme les modèles économiques actuels dont ils tirent parti.

Une injonction plus globale à la mise en place de blocs de compétences

Le développement de la FCU entraîne des injonctions paradoxales à différentes niveaux : celui de l’individu en formation (être bien formé au moindre coût) ; de l’ingénierie (former sans se soucier de la construction de la professionnalisation ; s’investir dans la FCU sans reconnaissance institutionnelle) ; de l’organisation des activités et de la gestion des budgets (développer de la ressource propre sans investir en moyens humains). Ces injonctions sont démultipliées par la mise en place de l’APC.

Pour les publics, l’obligation de réduction des parcours en blocs de compétences annule deux éléments fondamentaux de la formation professionnelle continue que sont le temps pour se reconstruire (par exemple, après une rupture professionnelle) et la capacité des responsables de formation à comprendre les besoins de formation et de compétences dans leur domaine de spécialité pédagogique pour adapter et personnaliser les contenus. Cette accélération ne permet pas d’avoir le temps de la réflexion et encore moins de favoriser la construction d’un projet qui fasse sens pour soi. L’analyse des publics en formation montre une attente de formation pour obtenir un diplôme national ou un diplôme d’université. Par conséquent, on ne vient pas à l’université, ou rarement, pour obtenir un bloc de compétences.

Une tension sur l’ingénierie

Au niveau de l’ingénierie de formation, la déclinaison de l’offre de formation en mentions et parcours à un niveau national (notamment en LSHS mais pas uniquement) réduit la possibilité de prendre en compte les besoins locaux. La liste nationale des mentions est tellement limitée pour certaines disciplines (dont les sciences de l’éducation et de la formation) qu’elle contraint à des regroupements sous des mentions qui, parfois, n’ont pas beaucoup de sens à un niveau local.

Les formations articulées au milieu professionnel (dont l’alternance) nécessitent un suivi pédagogique spécifique pour les visites des structures d’accueil (associations, entreprises…), les suivis des budgets de l’apprentissage, les bilans de l’évolution de la professionnalisation.

L’alternance intégrative entre formation sur site professionnel et formation académique nécessite des conditions spécifiques peu compatibles avec le rythme universitaire général. De ce fait, les personnels administratifs et de coordination de l’alternance sont tiraillés entre une organisation massifiée pensée pour la formation initiale et les contraintes spécifiques liées à la formation professionnelle. Ils se trouvent ainsi parfois en porte-à-faux entre leurs représentations, l’éthique qui les porte et un management qui fonctionne de manière indépendante d’une réalité formative quand est priorisée la réduction des coûts (Dejours, 1998).

Ces injonctions paradoxales révèlent la nécessité de s’adapter à une organisation qui change (Stiegler, 2019) et qui s’impose avec habileté sans qu’il n’y ait de véritable opposition à celle-ci. Si l’organisation pose problème, c’est sans doute moins dans ces paradoxes que nous venons d’évoquer que dans la tolérance de nos sociétés, c’est-à-dire de nous-mêmes, à nous adapter bon an mal an à une évolution du travail que nous finissons par intérioriser.

Une transformation du travail à plusieurs niveaux

La formation continue à l’université a amorcé, depuis plusieurs décennies et bien après la création des DUT, la professionnalisation des formations universitaires. Cette professionnalisation s’est développée timidement et parfois avec réticence dans les universités généralistes. Le succès des DESS puis des licences professionnelles a dévoilé une attente sociale si bien que l’adaptation à ce virage professionnalisant a pu être menée dans le tâtonnement et avec une certaine réserve.

Les questionnements liés à la professionnalisation ne sont pas les seuls à produire une transformation du travail. Plus récemment, le développement et la gestion numérique ont également eu un rôle important. Avec virtuosité se sont mêlés différents discours se voulant vertueux autour de la technicité des tâches, de l’économie durable et d’une efficience pratique permettant un gain de temps et une réduction des coûts. Sans que tout cela ne soit évalué. De même, l’émergence et l’installation du télétravail est aujourd’hui discutée malgré les effets bénéfiques que cela produit dans certains secteurs. On peut se demander dans quelles mesures le télétravail ne rendrait-il pas acceptable la dégradation des conditions de travail générées par les nouveaux modèles d’organisation. Ces développements déjà perceptibles en 2018 (Dudézert, Gibert et Laval, 2023) se sont accélérés avec la crise du COVID et la nouvelle organisation qui sommeillait a été mise en œuvre et s’est fortement développée.

Si traditionnellement les universités sont organisées autour des disciplines puis avec des unités de formation de recherche, elles sont aujourd’hui de plus en plus organisées en services et sous services qui distendent les relations entre les personnels administratifs (Biastss) et les personnels enseignants. Les communautés d’universités et d’établissements (COMUE), les fusions entre universités, les établissements publics expérimentaux ainsi que les politiques de sites entrent dans cette même logique. Quasi-permanentes, les réorganisations créent des nouveaux modes de fonctionnement dont le sens finit par échapper aux acteurs de terrain (Stiegler, 2019). L’université, héritière d’une logique de service public, vit comme d’autres institutions publiques une mutation qui a des impacts délétères sur les agents des services publics qui subissent une pression sur l’efficacité du travail, un accroissement de l’activité, une augmentation de la charge mentale liée aux procédures…

Par ailleurs, la création de nouvelles entités (comme par exemple le regroupement des universités) contribue à rompre avec la socio-histoire de chaque établissement si bien que chaque nouvelle organisation conduit à créer un nouveau récit se substituant au précédent. Ces situations génèrent dans le discours ambiant des dichotomies socio-symboliques et des tensions entre les personnes : les anciens contre les nouveaux ; les réfractaires contre les innovants ; les incurables contre les agiles. On remarque encore qu’à chaque nouvelle réorganisation sous prétexte d’efficacité, la question du pourquoi est éludée au profit de l’urgence du comment : “Comment faire pour fusionner ?” ; “Comment faire face aux diminutions budgétaires ?”... La technocratie administrative se renforçant au détriment des orientations de la gouvernance, les responsables politiques de l’université apparaissent comme uniquement serviteurs ou médiateurs d’un système et d’une organisation dans laquelle chacun peine à trouver sa place dans un contexte où le sens a disparu au détriment de considérations normatives et/ou budgétaires.

Face aux contraintes budgétaires, le développement de la FCU apparaît comme une solution. Son développement est soumis à des injonctions paradoxales sur l’ingénierie de formation et la place de la formation continue dans l’université qui ont, elles aussi, des conséquences sur les personnes.

Conséquences pour les personnes

Réécrire l’histoire pour favoriser les réorganisations

Il est plus aisé de recruter de nouveaux décideurs (des experts avertis, selon Stiegler) pour mettre en place un nouveau management en s’inscrivant en rupture de la socio-histoire de l’institution voire en la niant, afin d’imposer de nouveaux objectifs à un personnel qui lui ne bougera qu’au fil des départs à la retraite et des nouveaux recrutements. L’un des grands drames de l’université est la volatilité de sa mémoire (Eneau et Brémaud, 2023). Dejours (2009) parle d’effacement des traces. Faire disparaître les anciens permet d’effacer les preuves de la mémoire. C’est là un jeu de patience qui s’avère être d’une redoutable efficacité. Le nouveau management implique donc un recrutement de nouveaux cadres dont l’éthique est en accord avec de nouveaux principes qui consistent à élaborer un cadre contraignant donnant moins de place à la réflexivité et plus à la gestion. En découle une centralisation des activités et des décisions politiques ; un éloignement parfois géographique de ces autorités ; et la création d’une distance symbolique. Cette façon de travailler a des conséquences sur les personnels et sur les étudiants.

Créer un nouveau management au service d’une nouvelle économie

Le nouveau management conduit à une mutation, comme le souligne Stiegler (2020) qui touche au sens et à la signification de l’éducation et de la recherche. La démarche-qualité donne accès à une labellisation sans véritablement révéler ni les pratiques réelles d’accompagnement ni la complexité, ni la pertinence des ingénieries développées. Dans cette perspective, elle est d’un grand secours pour masquer les problèmes organisationnels, les divergences d’objectifs et le manque de moyens. Elle apparaît souvent comme étant contraignante, obligatoire pour l’activité, se limitant à un contrôle de conformité. On peut même ajouter que la démarche-qualité ne dit en définitive que peu de choses sur les pratiques réelles de formation mises en œuvre. Pourtant, elle porte initialement d’autres valeurs qui sont celles de l’amélioration progressive et non uniquement celle du reporting.

Vandervelde-Rougale parle de rhétorique positive et affirmative du discours managérial car celui-ci développe une dimension rassurante en parlant d’amélioration de l’efficacité, du gain de temps et de l’intercommunication entre les différentes fonctions et les différents services. L’accent est alors mis sur le bien commun, sur l’acteur au centre du système - présenté de manière théorique et idéalisée - et sur la promotion de valeurs socialement valorisées. Dans ce système, de nombreuses injonctions paradoxales (accueillir largement un public étudiant ou professionnaliser ; individualiser et accompagner les parcours ou privilégier les enseignements de masse ; gérer et animer une formation ou produire de la recherche…) estompent le sens de la mission de l’enseignement supérieur. Le discours managérial consiste parfois à se replier vers un management traditionnel, pyramidal, avec une forte hiérarchisation demandant une capacité d’acceptation des agents. Pour ceux qui ne rentreraient pas dans ces logiques, des cellules d’accompagnement individuel sont proposées. Ce qui est le cas, non sans cynisme, des organisations qui ont développé un management par la peur, comme France Telecom/Orange, Free, Lidl dans les années 2000. Créer ces cellules d’écoute permet dans le meilleur des cas d’inaugurer un échange pouvant aboutir à des formes de management plus sociales. Le plus souvent, cela renvoie la responsabilité du dysfonctionnement à l’individu et non à la matrice organisationnelle.

Imposer de nouvelles règles de fonctionnement

Pour changer de management, il ne suffit pas de mettre en place de nouvelles règles. Il est également nécessaire de prendre conscience de l’effort à fournir par les personnels qui vont subir le nouveau management afin d’éviter « une dislocation progressive de l’organisation” (Dudézert, Gibert et Laval, 2023). Comme c’est le cas pour la formation des cadres de santé (Rivière, Commeiras et Loubès, 2019) dont la formation est de plus en plus orientée vers le management en privilégiant une rationalisation des pratiques de soin au détriment de la réflexivité sur l’activité et de la prise en compte des spécificités des patients.

Depuis une trentaine d’années, le nouveau management public impose une logique gestionnaire néolibérale qui s’étend du privé vers le public en passant par le secteur associatif si bien qu’ « on peut retrouver aujourd’hui une même insistance sur le contrôle des coûts, la mesure de la qualité à l’aide d’indicateurs de performance, et des codes de communication autour de la “marque employeur” similaire entre une entreprise de biens de consommation et un hôpital ». (Vandevelde-Rougale, 2022). Les équipes administratives et enseignantes deviennent de plus en plus les prestataires d’une gestion administrative qui n’est plus au service d’un projet éducatif mais qui initie, encadre, pilote et rationalise le projet tout en en rendant compte au ministère de tutelle. Cela conduit également à ce que Cultiaux (2012) nomme des “collectifs individualisés”, c’est-à-dire des individus soumis aux mêmes contraintes organisationnelles mais incapables d’y faire face de manière solidaire et ordonnée. À l’université, c’est le cas entre les Biatss et les enseignants-chercheurs. Les effets délétères sont individuels (Dejours, 2009) car ces fonctionnements contribuent à développer une systémique défiance entre les différentes catégories de personnels et nous savons que la question de la confiance est centrale dans les rapports de travail (Dejours et Gernet, 2012). De plus, les décisions sont prises de manière très descendantes dans une bureaucratie galopante soi-disant au service de la fluidité et de l’efficacité du travail. Les effets délétères sont également collectifs car tout cela fragilise les relations et les dépersonnalise. De plus, le développement de procédures à distance sur des plates-formes numériques ou l’attribution d’adresses électroniques génériques renforcent ces effets de dépersonnalisation. On ne s’adresse plus à des personnes mais à des compétences et à des rôles professionnels. Ces mutations ont des conséquences sur les modes de vie au travail qui sont trop peu étudiés. Avec l’usage à outrance du numérique, Stiegler souligne que nous avons « des rapports non prudents, non intelligents, comme s’il s’agissait d’une nouvelle donne à laquelle il fallait s’adapter sans réfléchir » (Stiegler, 2020, p. 17). Tout comme la sédentarité et l’accélération des rythmes de travail… C’est également le cas de la dématérialisation qui favoriserait des économies de papier. Bien que cette réflexion sur l’usage du papier et de son gaspillage soit bien entendu légitime, l’imposition du numérique comme étant nécessaire pour tous les usages n’est pas du tout discuté. Si bien que l’on se trouve face à une imposition qui se veut vertueuse (Pesqueux, 2006) et qui ne questionne que de manière très épisodique l’impact écologique de la consommation électrique des data centers, du matériel informatique et de son usure, corollaires à la dématérialisation. Il n’y a pas non plus de réflexion sur les impacts que ces nouveaux usages peuvent avoir sur la dynamique du travail collectif et sur la cohésion des équipes. On expérimente comme des apprentis-sorciers en analysant a posteriori les conséquences des décisions prises et tous questionnements sur ces allants de soi sont suspectés de résistance au changement.

Empiler les tâches sans y mettre de sens

Le nombre de procédures en lien avec la formation professionnelle continue augmente par la mise en œuvre d’une nouvelle organisation du travail sur des plateformes afin de contrôler les déficits ou de répondre à des réformes (portant par exemple sur la normalisation des conseils de perfectionnement, la mise en œuvre d’une procédure de VAPP validée par l’université de manière centralisée et non plus par les équipes pédagogiques…) L’un des avantages de ces procédures est qu’elles permettent de rendre visible la complexité d’un travail qui est rarement valorisée. La créativité, l’engagement, la prise d’initiatives ne sont pas ou trop peu reconnues par une promotion, un capital temps ou des remerciements. La mise en place de procédures permet l’identification des missions de chacun pour faciliter les passages de relais. Encore faut-il que le remplacement soit effectif ou que le soutien puisse être mis en place. A l’opposé, on remarque que les procédures s’empilent et conduisent généralement à une multiplication des tâches et rarement à une réduction de celles-ci. Ce qui veut dire que du point de vue d’une logique de management, ne pas supprimer, ne pas réduire le nombre de tâches, c’est favoriser le maintien en tension d’une cadence de travail.

Cette accumulation se trouve également dans le développement de nouvelles prestations qui ne tiennent pas toujours leurs promesses, faute de moyens pour les faire vivre et de stratégies politiques à long terme (reporting pour l’évaluation de la qualité ; signatures à distance ; évaluation des enseignements…).
Une nouvelle souffrance à l’université pour les personnels et les usagers

Pour les personnels, la mise en œuvre de certaines activités questionne l’utilité de la tâche. Les arguments pour imposer de nouvelles façons de faire sont toujours un peu les mêmes : « cela va permettre de gagner du temps » ; « d’être plus efficace » ; « d’être plus écologique » ; « de simplifier le travail » ; « de fluidifier la relation aux usagers » ; « de clarifier les circuits d’information à l’attention des usagers ». Si ces arguments de bon sens ne peuvent être contestés, au moins dans un premier temps, ils posent à terme de nouveaux questionnements. Ainsi la reconnaissance du travail et du sens est fortement posée par les agents lorsqu’il y a inadéquation entre les principes fédérateurs énoncés et leurs pratiques quotidiennes. Des pratiques aberrantes et chronophages apparaissent et perdurent avec le temps. C’est le cas notamment des plannings de formation (Eneau et Brémaud, 2023). Il est nécessaire de produire des plannings pour répondre aux attentes des financeurs or l’université n’a pas de calendrier prévisionnel pensé dix mois avant le début des formations. Par conséquent, les calendriers produits sont dans certains cas fictifs. La multiplication des tâches parfois inutiles contraint à mal travailler (Dejours, 2009), générant de l’incompréhension (Dejours, 2009) et des questionnements par rapport aux finalités des missions et à leur reconnaissance (Dejours, 2009).

Pour les usagers, l’accueil et l’accompagnement en formation continue ou en formation initiale ne devraient plus être aujourd’hui un problème car les universités françaises ont une certaine expérience. Cependant, les difficultés perdurent ou se renforcent avec un accueil réduit.

La structuration institutionnelle en services déconcentrés et parfois cloisonnés les uns par rapport aux autres pour la gestion des stages, l’accompagnement et le suivi des contrats de formation… rend complexe, voire illisible, la compréhension et le parcours de formation des stagiaires de la formation continue qui souvent méconnaissent l’organisation des services.

S’inscrire à l’université n’a jamais été simple. Mais la dématérialisation et les plateformes d’inscription (parcoursup ; monmaster) font de l’inscription un parcours du combattant. On peut parler de maltraitance institutionnelle dans le sens où l’université, en tant que système de pouvoir crée une situation encore moins accessible pour les usagers qu’elle ne l’était par le passé.

Dans ce contexte qui, au nom de l’inclusion, crée de l’exclusion, on peut légitimement se demander ce qu’il en est de la promotion sociale et professionnelle dans le cadre de politiques publiques privilégiant l’adéquation entre l’emploi et la formation…

Conclusion

Sous couvert de l’analyse et de propositions, Dejours esquisse les prémisses du concept de résistance au système néolibéral. C’est un peu ce que propose également Duarte en considérant la modélisation de l’action dans une constitution de couples antonymes : l’émancipation face à l’aliénation, la domination par rapport à la servitude et le consentement contre la résistance. En cela l’ouvrage de Dejours, Souffrance en France, invite à contester et à lutter contre les injustices sociales, contre l’évaluation individualisée des performances et du processus d’individualisation du rapport au travail, contre le déni du travail vivant lié à l’instauration de l’organisation de la qualité totale et des distorsions communicationnelles (Duarte, 2019). Zarifian met également en garde vis-à-vis de ces aspects. Comme le font également Stiegler, Morin et le plasticien Pisteletto dans un livre au titre évocateur (Impliquons-nous !). Dans les métiers de formation, Eneau et Brémaud soulignent que l’université se trouve interpellée par les visées humanistes de certains chercheurs qui se trouvent en porte-à-faux à la fois entre une construction de compétences et une visée critique et (en citant Wittorski) entre une finalité de légitimité et des finalités d’efficacité (Eneau et Brémaud, 2023).

Dans ce texte, nous avons cherché à présenter la situation de la formation continue au sein d’une université LSHS à partir des évolutions du champ de la formation professionnelle et de la transformation politique et organisationnelle de l’université. Au fur et à mesure des lois successives et particulièrement avec la loi AVENIR de 2018, la formation devient un outil économique de lutte contre le chômage. Elle constitue aujourd’hui un facteur de mise en adéquation des individus par rapport à l’emploi et cette mise en adéquation se fait grâce à la formation (Eneau et Brémaud, 2023). De plus, cette loi a réduit la formation à un processus d’acquisition de compétences indépendamment de la réflexion sur la transformation identitaire nécessaire à une transition professionnelle, tandis que le discours politique les valorise très fortement. De son côté, l’université a pris une certaine autonomie politique qui trouve ses limites dans la loi LRU. Elle fait face comme elle peut à des difficultés budgétaires récurrentes et croissantes, semblant être complètement abandonnée à son propre sort. La question de la compétence entre dans cette logique de transformation du rapport au travail et vient requestionner un certain nombre d’ingénieries mises en place pour développer de la formation continue. La rationalisation budgétaire et la mise en place de managements issues de logiques néolibérales créent des situations de tension, d’injonctions paradoxales, de troubles identitaires et de questionnement du sens au travail. La formation continue souvent issue de pratiques militantes est elle aussi très questionnée. Traditionnellement, les responsables pédagogiques entretenaient des relations étroites avec les éco-environnements locaux pour répondre à des besoins de formation spécifique. C’était le modèle des IUT. La centralisation de la formation professionnelle par France Compétences (et par les branches professionnelles) ainsi que la généralisation des blocs de compétences et du RNCP perturbent ces écosystèmes de réponse directe aux acteurs locaux. Ces transformations majeures, souvent légitimées par un discours managérial et politique, ne sont pas parlées au sein de l’institution. Souvent imposées dans une logique de mouvement perpétuel pour lutter contre l’inadaptation biologique de l’humain aux contraintes du libéralisme (Stiegler, 2019), ces transformations ont des impacts non négligeables et insuffisamment évalués sur les agents, sur les stagiaires de formation continue et plus largement, sur l’ensemble des étudiants. Les idées de la promotion sociale, de l’appétence à la formation, ont été remplacées par de nouvelles thématiques : l’efficacité, le retour sur investissement, l’employabilité… De nombreuses injonctions paradoxales ont été mises en lumière (ouverture au monde / adaptation à l’emploi ; formation complète / blocs de compétences ; prise en charge personnalisée / gestion de masse ; mission de service public / rationalisation budgétaire ; accompagnement humain / procédure qualité ; liens avec les territoires locaux / centralisation nationale…). Il apparaît important de les discuter collectivement pour éviter que les personnels et les usagers se sentent seuls et responsables face à ces contradictions dont ils ne sont que les agents.

En analysant la manière dont l’université a évolué vers un nouveau management qui prend en charge la gestion de publics importants à bas coûts et dans des conditions d’accueil parfois dégradées, nous nous demandons quelle est la finalité de tout cela. Si l’université, dans une logique de réduction des coûts, est uniquement au service de l’employabilité, elle perd une part importante de ses missions originelles. Certes, il est essentiel que l’université contribue à la réflexion sur la formation tout au long de la vie et qu’elle soit innovante également sur ce terrain, y compris en LSHS. Mais l’orienter à marche forcée vers ce schéma unique est une erreur. L’université est un espace-temps où l’on devrait continuer à réfléchir, à produire des savoirs nouveaux, à écrire, à problématiser, à polémiquer également. Faire cela, c’est former à l’esprit critique. C’est cet esprit critique qui mène et porte des questions vives de société comme celles sur le genre, l’écologie et le développement durable, l’anthropocène, la démocratie et les tensions socio-politiques mondiales, le réchauffement climatique, le développement des IA ou la fin de vie. Que désirons-nous faire ? Mettons-nous vraiment ce pouvoir critique au service de l’environnement dans lequel nous nous trouvons ? Au-delà des questions sur les missions de l’université, il est aussi important d’interroger les étudiants et les agents sur leur souffrance. En tout état de cause, ce passage par la parole est une condition pour commencer à désigner les dysfonctionnements et réduire la double injonction paradoxale politique et organisationnelle en redonnant du crédit et du sens aux études universitaires. Bien que possiblement utopique, cette proposition apparaît comme étant une étape obligée afin de limiter la souffrance individuelle et les dysfonctionnements organisationnels que nous avons décrits.

De plus, il faudra une réflexion politique sur les spécificités de la formation continue universitaire, sur sa place dans la formation professionnelle continue, sur les services qu’elle propose, à l’attention de quels publics et pour quelles finalités économiques et sociales.

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Notes

[1ans intention discriminatoire, le genre masculin est ici employé afin de faciliter la lecture.

[2FCU désigne l’ensemble des formations accueillant un public en reprise d’études à l’université. La formation professionnalisante est une formation construite et/ou aménagée pour un public en reprise d’études et pour des apprentis au regard des attentes d’un éco-environnement. Le terme de formation professionnelle continue renvoie à l’ensemble des formations financées par des fonds dédiés à la formation professionnelle. Par conséquent, la FCU dont la partie formation professionnalisante est englobée dans la FPC. La FCU a été désignée par des sigles qui ont évolué au fil du temps : formation permanente ; formation professionnelle ; Formation Tout au Long de la Vie.

[3. En cela, le regard que nous portons sur la transformation de la formation continue à l’université fait écho à des situ Gilles Rault a eu une activité de consultant avant de devenir ingénieur de recherche en formation continue. Hugues Pentecouteau a été ingénieur de formation, responsable du développement de la formation continue à l’université Rennes 2 puis responsable de formations professionnelles. Tous les deux développent de la formation en alternance à l’université depuis plus de 20 ans.

[4Bien que l’apprentissage relève de la formation initiale, sa mise en œuvre nécessite des articulations avec le milieu professionnel qui amènent à des contraintes analogues à celles de la formation continue universitaire.

[5Selon Pesqueux (2006) parler de « new public management » plutôt que « nouveau management public » permet d’accentuer l’entrée de la logique entrepreunariale dans les modes de gestion : « Le projet du new public management est d’insuffler « l’esprit d’entreprise » dans l’appareil d’État en introduisant des logiques de marché dans son fonctionnement, perspectives de la gouvernance privée comprises, c’est-à-dire en faisant comme si la concurrence qui est toujours citée comme étant fondatrice de l’efficience du marché puisse tenir lieu de principe politique ».

En gestion des ressources humaines, « le new public management va mettre l’accent sur la notion de mérite, l’individualisation des rémunérations, l’appréciation du personnel sur la base des entretiens annuels d’évaluation ». En gestion financière, ce sera sur le « développement du contrôle de gestion avec des analyses en termes de « coûts-performances » des activités, en particulier avec une attention portée sur la réduction des effectifs ».

[6En janvier 2024, un “appel des enseignantes et des enseignants à lutter contre l’entrée de l’approche par compétences dans les écoles – de la maternelle à l’université” a été lancé et diffusé par l’intermédiaire d’un éditeur : “La « compétence » entre aujourd’hui dans les écoles – et les universités. Un grand nombre d’enseignantes et d’enseignants sont, comme on sait, hostiles au néolibéralisme et à son entrée dans l’école. Comment expliquer que contre la compétence aucun front de résistance, pourtant, ne se constitue ? Que font, que disent, les enseignants et enseignantes hostiles au néolibéralisme quand est employé en leur présence le mot de « compétence » ou quand on les invite à le relayer ? Le sens de cet appel est de faire exister simultanément dans tous les établissements scolaires (de la maternelle à l’université) une prise de parole d’opposition, apte à dessiner sur le terrain une ligne de front suffisamment nette autour de ce « concept » : car les implications de l’entrée de la compétence dans les écoles sont absolument considérables. La compétence est elle-même envisagée comme ressource et elle fonctionne par exploitation – ou mobilisation – de ressources. Par elle, l’élève comme le futur salarié devient ressource ; l’enseignant devient ressource ; et le monde même (s’il ne sert plus qu’à acquérir ou faire acquérir des compétences) devient ressource” (collectif, 2024).

[7Dans une définition générique, la stase est l’arrêt, la stagnation d’un liquide organique circulant. Chez Stiegler, la stase est “tout ce qui relève d’un effort des vivants pour ralentir et stabiliser artificiellement le flux du devenir” (Stiegler, 2019, 14).

[9Sur les 10 milliards de crédits annulés par le décret n° 2024-124 du 21 février 2024, 900 millions concernent la mission enseignement supérieur et recherche de l’Etat, dont 200 millions pour les universités et la vie étudiante.

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