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Raconter pour apprendre

5 mars 2021 par Melanie Veille 597 visites 0 commentaire

Un article repris de http://www.cahiers-pedagogiques.com...

Clothilde Jouzeau Kraeutler contribue régulièrement aux dossiers des Cahiers pédagogiques. Enseignante en classe de maternelle, elle nous raconte comment l’écriture et le partage de ses pratiques construisent sa professionnalité.

Dès ses débuts dans l’enseignement, elle se « questionne sur sa façon de faire ». Nommée dans une classe de CP dans un quartier de Paris où les origines et les langues sont multiples, elle se demande comment prendre en compte cette diversité pour faciliter les apprentissages. Elle invite les parents dans la classe, s’appuie sur des associations d’aide aux familles allophones pour faciliter la communication et « rendre la classe transparente ».

Au fil de sa carrière, elle enrichit ses pratiques. Elle organise des ateliers où chaque parent peut à son tour partager un savoir-faire avec en tête le souci de ne pas discriminer, de ne pas écarter ceux qui ne maitriseraient pas suffisamment l’écrit ou ne seraient pas à l’aise à l’oral. En début d’année, elle organise un marché des connaissances pour que chacun explique ce qu’il peut apporter et partager.

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Atelier langage du quotidien

Ensuite, les ateliers prennent différentes formes selon la classe, l’école, le village ou le quartier. Ils peuvent s’organiser autour de jeux de société sous forme de rituel hebdomadaire. « Quand les papas viennent, c’est un grand succès. » Dans une classe où douze langues différentes étaient représentées, elle a mis en place une thématique « un jour, une culture, une saveur » permettant de découvrir un pays avec des parents pour ambassadeurs qui partageaient une comptine, un conte, un plat, un dessert. « Les parents se regroupaient, des tutorats se mettaient en place entre les anciens et les nouveaux venus »

La classe et le quartier

Pour elle, la classe est un lieu de vie, « un microcosme de la société », l’ouvrir à la famille est un moyen de ne pas l’isoler du quartier où l’école se trouve. Elle est attentive à son aménagement pour que les enfants et les parents s’y sentent bien, aient envie d’y venir et d’y revenir. « Cela favorise la complicité, l’intimité entre l’école et la maison, instaure une relation de confiance avec les familles et donc facilite le passage de l’enfant à l’élève ». Lorsqu’elle enseignait en CM2, elle avait initié avec des professeurs du collège voisin des activités partagées pour animer la liaison avec la 6e.

Elle a enseigné à la ville et à la campagne, dans différents cycles, et à chaque fois elle suit les mêmes principes et méthodes avec comme fil rouge pédagogique la reconnaissance de la diversité. Praticienne et chercheuse à la fois, elle tâtonne, se questionne, cherche des solutions avec ses collègues de l’ICEM-Pédagogie Freinet qu’elle rejoint en 2015, ou en étudiant à l’université.

Pour mieux accueillir des stagiaires dans sa classe et comprendre ce qui est attendu, elle a suivi un master MEEF (métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation). Là, en explorant les écrits de Freinet, elle met des mots sur ce qu’elle met en place, ce qu’elle a aussi vécu petite, et qui ressort des pratiques coopératives. « Lire d’autres choses qui se font ailleurs conforte mes pratiques, amoindrit le sentiment d’isolement ». Cela a été particulièrement important dans ses premières années d’enseignement de confronter ce qu’elle pressentait comme bénéfique pour ses élèves à des récits d’autres expériences.

Entrée en écriture

Alors, en 2018, à son tour, elle franchit le pas avec une première contribution pour le dossier « Des alternatives à l’école ? » des Cahiers pédagogiques. « Quand j’écris, je me dis que d’autres sont dans cette situation de tâtonnements, de questionnement. » Elle apprécie cette expérience, où elle se sent accompagnée dans sa réflexion et son écriture par l’un des coordonnateurs, Richard Étienne.

Elle propose depuis régulièrement des témoignages, lit les appels à contributions, ne répond pas toujours mais en retient les termes pour réfléchir encore à ses pratiques. Lorsqu’elle soumet un texte, elle partage ce qu’elle fait en classe. « Je raconte ce que je fais, comment je le fais. » Mettre en mots lui apporte une forme de recul, échanger avec les coordinateurs et le comité de rédaction l’amène à préciser ses propos. « Je me forme à travers les commentaires, je développe d’autres pratiques, d’autres postures. »

À chaque fois, le binôme de coordonnateurs qui l’accompagne est différent, apportant d’autres regards, d’autres éclairages. Elle puise aussi une certaine légitimité, une reconnaissance de ses pratiques dans ces écrits enrichis par le dialogue. La question qui sous-tend son approche, et donc ses contributions, est constante. « Comment fait-on pour respecter les élèves, leur diversité, leurs histoires familiales, les faire gagner en autonomie ? »

Pour le dossier sur la co-intervention, elle choisit de raconter le tandem constitué avec son Atsem (Agent territorial spécialisée des écoles maternelles). « Le fonctionnement de ma classe donne un rôle à chacune. Il n’y a pas d’ateliers dirigés mais des groupes d’enfants autour d’activités d’apprentissage auxquelles peuvent être associés des parents. » Elle a impliqué deux Atsem avec qui elle a constitué ou constitue ce tandem pour écrire l’article, lire les commentaires des coordonnateurs du dossier et réajuster les propos. « On a toutes un rôle à jouer, quelque chose à apporter. Elles avaient aussi envie d’en témoigner. »

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Jouer à des jeux de société

Les deux assistantes ont le même âge avec des expériences différentes, l’une auparavant en ULIS, l’autre toujours en maternelle souvent en retrait pour préparer, nettoyer, consoler. Elles se sont retrouvées dans une implication où leurs regards et leurs intentions étaient reconnues, d’importance égale. « C’était d’autant plus intéressant d’écrire l’article à trois. On discutait ensemble des retours. »

La contribution a été prolongée d’un témoignage lors d’un webinaire organisé sur le dossier. Elles ont réfléchi toutes les trois pour cette « marque de confiance » qui a encore une fois interrogé les pratiques. Et « rendu la classe transparente comme le blog de classe pour partager avec les parents, la même chose mais avec une dimension méta ». Raconter le partage, inclure ce qui favorise les apprentissages, le récit de Clothilde Jouzeau Kraeutler s’enrichit sans cesse des rebonds d’une éducation ouverte et émancipatrice

Monique Royer


Deux articles de Clothilde Jouzeau Kraeutler publiés sur notre site :
Dans le n° 562, Profs : exécutants ou concepteurs ? : Un vilain petit canard ?
Dans le n° 551 - Expliciter en classe : Un marché de connaissances coopératif

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