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Pourquoi coopérer ? par Joel Candau article de la revue Terrain, mars 2012

13 juin 2019 Coopérer 2230 visites 0 commentaire

Notre espèce est la seule où on observe des coopérations fortes, régulières, diverses, risquées, étendues et supposant des sanctions parfois coûteuses entre individus sans relations de parenté. À ce titre, la coopération humaine constitue un défi tout autant à la théorie la plus orthodoxe de l’évolution, arc-boutée sur la notion de compétition entre individus uniquement préoccupés par leur propre reproduction, qu’à la théorie économique classique fondée sur l’existence d’acteurs « égoïstes » entièrement voués à la maximisation de leurs intérêts. Il y a donc là un fait anthropologique qui demande à être expliqué. L’approche proposée ici consiste à opposer deux formes de la coopération, l’une dite fermée – bornée à la parenté ou au groupe d’appartenance – et l’autre dite ouverte, débordant ces limites. Cette approche a) offre une grille de lecture de la masse considérable de données rassemblées sur la coopération ; b) met en évidence une spécificité d’Homo sapiens : son aptitude à des formes de coopération toujours plus ouvertes ; c) est à longue portée anthropologique, en ce sens qu’elle induit la question des choix politiques qui peuvent favoriser une coopération ouverte ou fermée.

Cet article qui décrit les concepts de coopération fermée et de coopération ouverte dans l’histoire de l’évolution et la société d’aujourd’hui a été publié dans la revue Terrain anthropologie et sciences humaines en mars 2012.

A la veille du colloque QPES 2019 dont le thème est "(Faire) Coopérer pour (Faire) apprendre" il nous a semblé un apport très intéressant qui éclaire ses deux facettes de la coopération.
Un article, qui signe d’une coopération ouverte et publié par Openedition sous une licence Creative Commons qui en permet la réutilisation, base aussi de ce magazine.
Dans un atelier d’analyse sensorielle de la faculté des sciences, à Nice, j’observe des étudiants participant à une expérience de reconnaissance d’odeurs à partir de leur description verbale. Ils se sont portés volontaires, ils sacrifient de leur temps libre, ils s’exposent à des substances odorantes parfois désagréables, et la tâche qui leur est demandée est difficile. Ce type de comportement – coopérer, éventuellement avec des personnes étrangères et sans rien attendre en retour – tisse nos vies quotidiennes. Pourtant, malgré sa banalité, il intrigue. Pourquoi les étudiants ont-ils ainsi accepté de coopérer avec notre petite équipe de chercheurs, qui plus est de manière altruiste puisqu’ils sont tous bénévoles ? Ce comportement aussi commun qu’étrange est considéré aujourd’hui comme un objet de recherche de tout premier plan. « Understanding the evolution of cooperation is one of this century’s foremost scientific challenges », a-t-on pu lire dans un article publié l’année dernière dans la revue Nature (Mesterton-Gibbons 2010).

Bien sûr, une citation extraite d’une revue, aussi prestigieuse soit-elle, ne suffit pas à doter de pertinence un objet de recherche. Cette pertinence vient d’ailleurs. En premier lieu, du constat suivant : la coopération intervient à tous les étages de la vie. Les gènes doivent coopérer pour former un génome dans une cellule, les cellules doivent coopérer pour former un organisme multicellulaire (Koschwanez et al. 2011), et les organismes multicellulaires doivent coopérer pour former une société (Bourke 2011 : 5). L’histoire de la vie est celle de l’évolution vers des systèmes plus complexes, des entités de bas niveau coopérant pour se regrouper dans des ensembles de plus haut niveau. Dans les termes de Michael Lachman (cité dans Bourke 2011), chaque niveau hiérarchique des organismes est « constitué d’une succession de couches de coopération » (« composed of layers upon layers of cooperation »).

La pertinence des recherches sur la coopération tient ensuite à l’énigme que représentent les comportements coopératifs pour la théorie darwinienne et pour la théorie économique de l’acteur rationnel. Coopérer a un « coût » pour l’individu, évident quand la coopération est altruiste (Harman 2011). Lorsqu’elle est intéressée, ce coût est moins facile à quantifier puisqu’il doit être pondéré par les bénéfices attendus, mais il persiste. Par conséquent, même dans ce cas, la coopération constitue un défi, tout autant à la théorie la plus orthodoxe de l’évolution, arc-boutée contre la notion de compétition entre individus uniquement préoccupés par leur propre reproduction (fitness), qu’à la théorie économique classique fondée sur l’existence d’acteurs calculateurs (Sigmund 2010) et « égoïstes » entièrement voués à la maximisation de leurs intérêts. Suivant ces principes, si j’appartiens à un groupe de chasseurs-cueilleurs dont tous les membres sont des coopérateurs inconditionnels, mon intérêt évident est de faire défection lorsque le groupe se mettra en quête de nourriture puisque j’aurai l’assurance d’avoir ma part sans dépenser la moindre énergie et sans m’exposer à un quelconque danger. Pourtant, dans la vie sociale, la plupart du temps nous ne tenons pas ce raisonnement et nous coopérons. Pourquoi ?

Enfin, en lien avec le point précédent, la pertinence scientifique de la notion de coopération tient au fait que, dans sa modalité humaine, elle se manifeste sous une forme originale. En effet, les êtres humains sont l’unique espèce où on observe des coopérations fortes, régulières, diverses, risquées (Axelrod 1992 ; Kappeler & Van Schaik 2006), étendues et supposant des sanctions parfois coûteuses (Henrich et al. 2006) entre individus sans relations de parenté (Richerson & Boyd 2005). Il y a donc là un fait anthropologique qui demande à être expliqué.

Quand on se plonge dans la littérature scientifique récente, on compte une profusion de publications s’attachant à la compréhension des différents niveaux biologiques de la coopération, ou s’efforçant de résoudre les problèmes que l’existence des comportements coopératifs pose à la théorie de l’évolution et à la théorie économique classique, ou encore cherchant à préciser ce qui signe l’identité de notre espèce dans la pratique de la coopération. Les contributions théoriques, méthodologiques et empiriques relèvent de champs disciplinaires aussi divers que la primatologie, les neurosciences, la psychologie cognitive, la psychologie du développement, la biologie, la génétique, l’endocrinologie, l’économie, l’écologie comportementale, les sciences politiques, etc. L’anthropologie est également représentée, mais pas autant que l’on pourrait s’y attendre. Cette remarque s’impose au vu des ouvrages les plus récents sur la coopération humaine. Curieusement, la plupart ne sont pas dus à des anthropologues, du moins au sens que nous donnons à ce mot en France. Pourtant, plusieurs de ces publications cherchent à répondre à une question – qui, pour trois d’entre elles, constitue leur titre commun – incontestablement anthropologique, « Pourquoi les êtres humains coopèrent-ils ? » : Why People Cooperate. The Role of Social Motivations (Tyler 2010), Why Humans Cooperate. A Cultural and Evolutionary Explanation (Henrich & Henrich 2007), Why We Cooperate (Tomasello 2009) (voir aussi Bowles & Gintis 2011 ; Nowak & Highfield 2011 ; Sussman & Cloninger 2011).

En regard de cette production scientifique profuse, l’anthropologie a pris du retard, non pas du point de vue des données, qui sont considérables – en réalité, tout bon ethnographe, à un moment ou à un autre, a observé des comportements coopératifs et les a documentés –, mais d’un point de vue théorique. Après la publication en 1937 de l’ouvrage Cooperation and Competition Among Primitive Peoples dirigé par Margaret Mead, la notion de coopération en tant que telle n’a pas fait l’objet d’une exploration systématique en anthropologie théorique, en tout cas pas aussi souvent qu’elle le méritait, bien qu’elle fût sous-entendue dans le vocabulaire courant de la discipline : alliance, association, collaboration, don, échange, entraide, partenariat, « participation », partage, réciprocité, etc.

Pour combler ce retard, la première tâche est d’identifier les principaux acquis dans les données rassemblées et d’en dégager des problématiques intéressant notre discipline. C’est un petit pas dans ce sens qui est ici proposé, en choisissant pour angle d’attaque l’opposition entre des formes de coopération dites « fermées » et des formes de coopération dites « ouvertes », notions que je précise dans les lignes qui suivent.

Le grand problème humain, affirme Auguste Comte dans son Catéchisme positiviste, est de « subordonner l’égoïsme à l’altruisme » (Comte 1852 : 82). En fait, définir l’homme par sa nature égoïste est profondément réducteur. En effet, il est extrêmement rare qu’un être humain ne s’intéresse qu’à soi, sans être capable d’altruisme à un moment ou à un autre de son existence, au moins dans son entourage immédiat. Ce sentiment, toutefois, peut s’exprimer sous deux formes opposées : un altruisme « de clocher » (parochial altruism), borné au groupe d’appartenance (famille, « communauté », « ethnie », mafia, nation, etc.) et un altruisme qui déborde les limites de ce groupe. J’appelle la première forme « coopération fermée » et la seconde « coopération ouverte », en référence à la distinction bergsonienne (1932) puis poppérienne (1979) entre sociétés fermées et sociétés ouvertes. La société que Henri Bergson appelle « close » a « pour essence de comprendre à chaque moment un certain nombre d’individus, d’exclure les autres ». Elle est celle, précise-t-il, « dont les membres se tiennent entre eux, indifférents au reste des hommes, toujours prêts à attaquer ou à se défendre, astreints enfin à une attitude de combat ». À l’opposé, « la société ouverte est celle qui embrasserait en principe l’humanité entière » (Bergson 2008 : respectivement 25, 283, 284). Suivant cette logique, on peut donc distinguer d’une part la coopération qui s’applique exclusivement à l’intérieur de la parenté ou du groupe d’appartenance et qui est commune à l’homme et à d’autres espèces animales (Lakshminarayanan & Santos 2008), et d’autre part la coopération au bénéfice d’individus non apparentés (au sens très large), comportement spécifique à Homo sapiens. Pour donner des exemples concrets et extrêmes de ces deux facettes des sociétés et de la coopération humaines, considérons d’une part le cas d’un individu qui décide de projeter un avion sur un gratte-ciel et, d’autre part, le cas d’un autre individu qui fait le choix de donner un peu de sa moelle osseuse. Le premier cas – les attentats du 11 Septembre – est un exemple extraordinaire non seulement de coopération réussie mais aussi de coopération fermée et altruiste, si on accepte de définir l’altruisme comme un acte coûteux – en l’occurrence, le suicide des terroristes – qui confère un bénéfice à d’autres individus que soi-même. Le second cas est une forme de coopération altruiste et ouverte qui ne se soucie pas de s’appliquer uniquement à l’intérieur du groupe d’appartenance, mais qui est capable de s’en décentrer. Dans ce numéro, Morgan Jouvenet donne par sa description du réseau des acteurs de la recherche dans le domaine des nanosciences et des nanotechnologies une excellente illustration de cette coopération ouverte, la question posée est de savoir ce qui l’emporte, chez l’homme, entre ces deux comportements.

Cette approche consistant à opposer les formes ouvertes et fermées de la coopération a, me semble-t-il, un triple mérite : a) aussi arbitraire puisse-t-elle paraître, elle offre une grille de lecture fort simple – mais, je l’espère, non simpliste – de la masse considérable de données rassemblées sur la coopération ; b) elle met en évidence ce qui semble bien être une spécificité d’Homo sapiens : son aptitude à des formes de coopération toujours plus ouvertes ; c) elle est à longue portée anthropologique, en ce sens qu’elle induit la question des choix politiques et des formes de pouvoir qui peuvent favoriser une coopération ouverte ou fermée. Ce sont ces trois aspects que je vais maintenant développer, en lien avec les différentes contributions offertes dans ce numéro.

Formes ouvertes et fermées de la coopération

Avant de s’interroger sur les raisons de la coopération, sans doute faut-il s’entendre sur la notion elle-même. Elle se situe à un carrefour sémantique particulièrement encombré, pour trois raisons au moins. Je ne fais qu’évoquer la première qui est la nébuleuse des termes qui lui sont associés, soit parce qu’ils sont connexes (eusocialité, prosocialité, mutualisme, symbiose, confiance, loyauté, altruisme), soit parce qu’ils lui sont opposés (compétition, rivalité, défection). Les articles de Benoît Dubreuil et de Véronique Servais, dans le présent numéro, précisent fort utilement quelques-unes de ces notions (voir aussi West et al. 2007). La deuxième raison est le caractère très contrasté des niveaux biologiques où la coopération opère. On imagine mal que le mot puisse avoir exactement le même sens lorsqu’il s’applique à des gènes, à une espèce eusociale ou à une population humaine travaillant par exemple à la construction d’un pont. La troisième raison tient à la diversité des formes de la coopération qui peut être contrainte (quand je m’arrête à un feu rouge par peur de la sanction ou de l’accident) ou volontaire (dans le métro, je maintiens la porte ouverte pour la personne qui arrive derrière moi), conditionnelle (je ne coopère que si les autres le font) ou pas (je coopère à tous les coups), altruiste (je donne ma moelle osseuse) ou intéressée (je participe aux élections car je veux donner une expression politique à mes idées), équitable (à chacun selon sa contribution) ou égalitaire (à chacun selon ses besoins), à réciprocité directe ou indirecte (Trivers 1971) et, comme je le soutiens dans cet article, ouverte ou fermée. Face à cette richesse et cette diversité du champ sémantique, la meilleure option est celle de la simplicité. Je retiendrai par conséquent la définition de Margaret Mead (2002) qui voit dans la coopération le fait d’œuvrer ensemble dans un but commun. Observons au passage que, définie ainsi, la coopération peut être considérée comme le fait social par excellence car, comme le note justement ci-après Alpa Shah dans son article sur la coopération chez les naxalites, il est difficile d’imaginer un phénomène qualifié de social – et a fortiori de culturel – qui ne suppose, sous une forme ou une autre, des comportements coopératifs, simples ou complexes (Godelier, cité dans Cresswell 1975 : 90).

Cette définition est-elle opératoire ? Permet-elle de distinguer avec certitude un comportement coopératif d’un autre qui ne l’est pas ? Plus précisément, rend-elle compte de toutes les interactions qualifiées de coopératives ? Si on l’applique à la magnifique description du jeu de kwaang – un combat de scarabées en Thaïlande – livrée par Stéphane Rennesson, Emmanuel Grimaud et Nicolas Césard, la réponse est négative, en ce sens que rien ne permet de savoir si le scarabée partage avec son propriétaire un but commun. Cette contribution, cependant, est passionnante, car l’interprétation de cette interaction interspécifique dans les termes de la coopération permet d’une part de décrire avec une finesse saisissante la communication qui s’établit entre l’homme et le coléoptère et, d’autre part, laisse ouverte la question d’une compréhension plus large ou plus lâche du comportement coopératif qui aurait la forme, en l’occurrence, d’un flux vibratoire entre deux êtres véhiculant des signaux à l’interprétation incertaine.

La théorie de la sélection de parentèle

Si, dans un deuxième temps, on se demande à quoi sert la coopération, on en vient inévitablement au cœur du questionnement qui nourrit cet article : l’existence de comportements coopératifs sous des formes ouvertes ou fermées. Ces comportements, on l’a vu, semblent remettre en cause un des principes essentiels de la théorie de l’évolution. Je rappelle à grands traits l’argument : la sélection naturelle jouant sur la fitness des individus, ces derniers n’auraient aucun intérêt à coopérer avec autrui, notamment dans les cas où la réciprocité peut être indéfiniment différée (comme c’est le cas chez les Sulka, population insulaire de Nouvelle-Bretagne en Papouasie-Nouvelle-Guinée, dans la forme de coopération appelée mokpom dont rend compte Monique Jeudy-Ballini), voire tout simplement non prévue. Pourtant, c’est ce qu’ils font. L’énigme sera (partiellement) résolue lorsque William Hamilton (1964a, 1964b) proposera sa théorie de la kin selection (sélection de parentèle) basée sur la notion d’ » inclusive fitness » : les comportements qui aident un individu génétiquement apparenté sont favorisés par la sélection naturelle quand rb > c (ou rb – c > 0, règle de Hamilton), où r (relatedness) représente le coefficient d’apparentement génétique, b (benefit) et c (cost) respectivement le bénéfice reproductif pour le receveur et le coût pour le donateur. Son article, un des plus cités en biologie, explique l’existence de la coopération altruiste parmi les organismes apparentés. L’exemple canonique est celui des espèces eusociales, telles que les fourmis, les termites, les crevettes alphéides, le rat-taupe glabre, certaines guêpes, abeilles, thysanoptères, coléoptères et, selon des découvertes récentes (Hechinger et al 2011), certains vers. L’apport de Hamilton peut se résumer ainsi : a) la coopération est explicable dans le cadre de la théorie de l’évolution puisque, exercée au sein de la parenté, elle améliore la fitness des individus ; b) c’est une coopération fermée.

La théorie de Hamilton est subtile, féconde (Bourke 2011) et régulièrement confortée par de nouvelles données, bien qu’elle ait été récemment exposée à des attaques sérieuses (Nowak et al. 2010). Elle est donc robuste. La sélection de parentèle joue par exemple un rôle crucial au sein des espèces pratiquant l’élevage coopératif (Nam et al. 2010). Une étude conduite par Charlie K. Corn-wallis sur 267 espèces d’oiseaux fait apparaître que les ancêtres des espèces qui pratiquent le plus cet élevage étaient davantage monogames que ceux des espèces qui le pratiquent le moins (Cornwallis et al 2010). L’explication donnée est que la monogamie remplit les conditions de Hamilton, tous les membres de la fratrie (siblings) étant également apparentés les uns aux autres et à chaque parent, ce qui est une confirmation des résultats obtenus par l’équipe de William O. H. Hughes auprès d’espèces eusociales (Hughes et al. 2008). D’une manière générale, la théorie hamiltonienne permet de comprendre pourquoi de nombreux animaux, comme les rats, les souris, les poulets, montrent des signes d’empathie quand ils voient leurs plus proches apparentés en détresse (Edgar et al. 2011).

La théorie est-elle robuste au point d’expliquer les comportements coopératifs au sein de toutes les espèces animales ? Grosso modo, oui… sauf dans l’espèce humaine. Parmi les autres espèces que la nôtre, il y a bien quelques exceptions à la règle, mais leur interprétation est douteuse. Reprenons l’exemple des oiseaux, chez qui on a observé la pratique de l’élevage coopératif parmi des individus non apparentés. Chez l’ani des palétuviers (Crotophaga major), une espèce de la famille des cuculidés (comme les coucous), plusieurs couples d’oiseaux coopèrent pour bâtir les nids et défendre les oisillons. Selon Christina Riehl (2011), ces couples sont « relativement » non apparentés. Cette coopération qui ne peut donc être expliquée par la théorie de la kin selection accroît cependant la fitness individuelle des oiseaux qui l’adoptent : les groupes de trois couples ont un meilleur succès reproductif que les groupes de deux couples qui, eux-mêmes, réussissent mieux que les couples seuls. Une observation similaire a été faite parmi les espèces eusociales. Des éthologues ont récemment décrit (Leadbeater et al. 2011) une espèce de guêpes (Polistes dominulus) qui bâtit de nouveaux nids chaque printemps, soit individuellement soit en petit groupe de femelles qui ne sont pas toutes apparentées. Les femelles subordonnées participant au travail collectif de construction des nids ont une descendance plus nombreuse que les guêpes solitaires. L’équipe menée par Philip Johns (Johns et al. 2009) a montré de son côté qu’après une rencontre (meurtrière pour les rois ou les reines) entre des colonies non apparentées de termites termo-psidés, les membres survivants de chaque colonie coopèrent pour n’en faire qu’une seule, sans régression de la fitness. Selon eux, cela prouve que des facteurs écologiques peuvent favoriser l’émergence de comportements coopératifs non entièrement soumis à la kin selection. La même cause a été mise en avant à propos des éléphants, dont les aptitudes à coopérer sont équivalentes à celles des chimpanzés (Plotnik et al. 2011). Ils pratiquent pour l’essentiel une coopération fermée entre individus apparentés, la fission/ fusion des groupes suivant des principes hiérarchiques complexes. Cependant, une augmentation significative de la coopération ouverte (avec des individus non apparentés) a été observée là où les populations sont exposées à de sévères dommages anthropiques (Wittemyer et al. 2009).

Ces diverses données appellent trois remarques. En premier lieu, ces formes de coopération s’affranchissant de la règle hamiltonienne demandent à être confirmées, a) à cause de leur manque de précision (qu’est-ce qu’un individu « relativement non apparenté » ?) ; b) parce que plusieurs observations sont obtenues en contexte expérimental, sans qu’on ait la certitude que la manipulation de certaines variables, tels les facteurs écologiques, induise la reproduction fidèle des comportements en contexte naturel. Ensuite, l’analyse de ces données est souvent entachée d’une confusion fréquente dès qu’il est question de juger du caractère adaptatif ou non des comportements animaux, celle entre les causes ultimes (ou fonctions du comportement) et les causes proximales qui sont la cause du comportement (voir à ce sujet la contribution de Véronique Servais sur la coopération animale). C’est poser la question du « pourquoi » et la question du « comment » qui ne sont pas nécessairement congruentes. Elles le sont, par exemple, quand on constate que notre inclination à l’apprentissage et à l’imitation (la question du « comment ») donne un avantage en termes de fitness (la question du « pourquoi »), soit direct ou indirect (West et al. 2007), notamment quand nous imitons ou apprenons des stratégies gagnantes. Elles ne le sont pas quand, par exemple, je persiste à prendre mon apéritif tous les soirs bien que je sache, d’un point de vue évolutionnaire, que se droguer n’est pas avantageux. Enfin, nonobstant les deux remarques précédentes, les données que je viens de présenter peuvent laisser supposer que l’emprise de la kin selection sur les comportements coopératifs n’est pas aussi impérieuse qu’on le pense depuis plus de quarante ans.

Les origines de la coopération chez les primates

Rapprochons-nous maintenant de notre espèce pour considérer ce qu’il en est chez les primates. Notre plus proche parent sur l’arbre phylogénétique, le chimpanzé commun (Pan troglodytes) est capable de comportements prosociaux à l’intérieur de son groupe, y compris en captivité contrairement à ce que l’on a longtemps cru (Horner et al. 2011). Mais leur prosocialité, même si elle n’est pas restreinte à la parenté comme le rappelle Véronique Servais, reste confinée dans le groupe d’appartenance (Silk et al. 2005). Par exemple, ils émettent des cris associés à la découverte de nourriture plus souvent lorsque des alliés sont présents (Batler 2010), ils se consolent principalement entre affiliés (Romero et al. 2010), et organisent des patrouilles qui contrôlent les frontières de leur territoire et qui sont généralement féroces à l’égard des intrus (Mitani et al. 2010).

Même si l’actualité politique et sociale montre que nous pouvons nous comporter comme des chimpanzés, la coopération humaine est un défi à la notion de kin selection car, comme l’illustrent les diverses contributions à ce numéro, elle n’est jamais entièrement limitée à la seule parenté, bien que celle-ci soit un des lieux privilégiés où elle se déploie (Alvard 2009), ce qu’illustre fort bien l’article d’Alpa Shah montrant que les naxalites s’emploient à développer avec la population locale des relations faisant de celle-ci une sorte de famille étendue. La coopération humaine doit pourtant pouvoir s’expliquer dans le cadre de la théorie de l’évolution puisque cette aptitude fait partie de notre héritage phylogénétique. En effet, cette coopération a des bases neuronales (King-Casas et al. 2008) et hormonales (Bos et al. 2010). Certaines régions cérébrales ont pour particularité d’être davantage activées lorsque la coopération est engagée entre êtres humains. Par exemple, la région du striatum, associée à la satisfaction, est beaucoup plus active quand un individu coopère avec un autre être humain que lorsqu’il coopère avec un ordinateur (Rilling et al. 2002). Diverses raisons ont été avancées pour tenter d’expliquer l’ancrage génétique de notre aptitude à coopérer. Comme chez les primates non humains (Silk et al. 2010), l’intensité des interactions sociales accroît notre longévité (Holt-Lunstad et al. 2010). L’exceptionnelle aptitude à l’imitation de notre espèce a pu également promouvoir les comportements coopératifs. Nous sommes des imitateurs, et même des superimitateurs, ce qui favorise les comportements conformistes. Lorsque des enfants âgés de 3 à 5 ans s’efforcent d’imiter la tâche d’un adulte, ils reproduisent toutes les séquences supposées conduire à l’accomplissement de la tâche, y compris celles qui sont inutiles (McGuigan et al. 2007), contrairement par exemple aux chimpanzés. Il a été démontré récemment que ce phénomène était encore plus prononcé chez les adultes (McGuigan et al. 2011). Nous nous engageons dans des comportements imitatifs de manière automatique, non consciente – le « chameleon effect » – et cela a des effets en termes de catégorisation sociale. Quand les autres nous imitent, nous les aimons davantage (Stel & Fieke 2011), nous éprouvons pour eux une empathie plus forte et nous sommes plus serviables, plus confiants et plus généreux à leur égard (Call & Carpenter 2009 ; Kühn et al. 2010). Cette exceptionnelle faculté d’imitation – communément mise en rapport avec les neurones miroirs (Rizzolatti & Sinigaglia 2007 ; Iacoboni 2008 ; Mukamel et al. 2010) – et ses effets sur notre perception d’autrui sont considérés comme une des origines possibles de notre propension à coopérer et de nos tendances altruistes (Paukner et al. 2009). L’adoption d’un comportement coopératif par un individu induit d’ailleurs, par imitation, des comportements similaires dans son entourage (Fowler & Christakis 2010).

On considère aussi que grâce au langage, les stratégies de coopération humaine ont pu être inscrites dans la durée, contrairement aux autres animaux contraints à des stratégies qui leur apportent des bénéfices immédiats. Dans sa contribution, Monique Jeudy-Ballini souligne l’importance de la circulation de la parole chez les Sulka, indispensable à la conception processuelle de la parenté (« fabriquée » en prenant appui sur un réseau de coopération), à l’affirmation du caractère hérité de la coopération mokpom ou à l’entretien des réputations. En soi, la conversation est un comportement coopératif entre un locuteur et un auditeur, dont une des finalités est de diffuser de l’information sur les « bons » et les « mauvais » coopérateurs au sein d’un groupe (Smith 2010 ; Anderson et al. 2011).

Dans un autre registre, mais qui n’est pas entièrement étranger au langage, certains chercheurs (Johnson 2005 ; Rossano 2007 ; Atkinson & Bourrat 2011) partent du constat de la co-émergence au Paléolithique supérieur de certaines pratiques religieuses et d’une coopération renforcée à l’intérieur des groupements humains, pour soutenir que la croyance en des êtres surnaturels omniscients et capables par ce fait même d’exercer à tout moment un contrôle social (Weingarten & Chisholm 2009) aurait dissuadé les non-coopérateurs. Sans défendre la même thèse, Maurice Bloch (2008) attribue lui aussi un rôle central à l’imagination par Homo sapiens d’entités transcendantales, sociales cette fois (clans, nations, etc.), dans la sociabilité et les interactions humaines, toujours fortement coopératives.

D’autres explications des origines de la coopération chez l’homme ont encore été risquées, comme la nécessité de mettre au point une stratégie anti-prédateurs (Fuentes et al. 2010 ; Shultz, Opie & Atkinson 2011), la pratique de la chasse, la cueillette, la division sexuelle du travail, le recours régulier à la guerre, la transition démographique, le caractère cumulatif de la culture et l’existence d’institutions sociales (Tomasello 2009), ou encore la prohibition de l’inceste qui contraint « à collaborer » (Lévi- Strauss 1983 : 82) et, plus largement, les règles d’alliance et de parenté qui ont essentiellement pour but d’établir une dépendance mutuelle entre des familles biologiques différentes qui s’engagent alors dans des « rapports d’échange » (ibid. : 87, 90). Je m’attarderai sur un autre fait, notre immense aptitude en matière de cognition sociale, c’est-à-dire à nous comporter avec compétence (pas toujours, à vrai dire…) dans nos interactions avec autrui (Zuberbühler & Byrne 2006). Il n’est pas facile de décider si cette aptitude est la cause de notre tropisme coopératif, un effet de celui-ci ou s’il s’agit de dispositions co-émergentes. Quoi qu’il en soit, il est indubitable que notre espèce est prodigieusement douée pour les interactions sociales, grâce à sa capacité à prendre appui sur des gestes (par exemple, la synchronisation de la rythmique gestuelle et corporelle entre deux individus interagissant), certains stimuli sensoriels (Prehn-Kristensen et al. 2009), des émotions (phénomènes d’intersubjectivité affective) et une théorie de l’esprit (attribution d’états mentaux à nos semblables et aptitude à les interpréter).

L’effet Caïn

Dans le cadre de cet équipement cognitif et émotionnel inné, on peut interpréter le rôle important que jouent la réputation, les récompenses et les sanctions dans la régulation de la coopération chez Homo sapiens. Punir un individu qui refuse de coopérer, par exemple s’il viole des normes sociales, se traduit au niveau cérébral par une activation du striatum dorsal, région associée à la récompense (Quervain et al. 2004). Du point de vue de notre histoire évolutive, cette satisfaction apportée par une sanction qui représente toujours un coût pour celui qui la donne peut s’expliquer par la nécessité de maintenir un haut niveau de coopération au sein du groupe d’appartenance. Les êtres humains sont non seulement enclins à pratiquer la sanction intéressée (je punis ceux qui n’ont pas coopéré avec moi) mais aussi la sanction « altruiste » (je punis ceux qui font défection avec d’autres), même si ce type de sanction semble plus fréquent dans les sociétés complexes et de grande taille que dans les autres (Marlowe 2009). Certes, ces récompenses et sanctions peuvent être purement matérielles (médailles, argent, diplômes, prison, amendes), mais leur expression la plus forte et sans doute la plus efficace a le visage des émotions sociales qui, telles la honte ou la fierté, sanctionnent les interactions humaines. Dans des travaux récents, l’équipe de Jennifer Jacquet a montré que le fait d’honorer ceux qui donnaient le plus et de faire honte à ceux qui donnaient le moins lors d’un public goods game augmentait d’environ 50 % la coopération (Jacquet et al. 2011). On sait que le recours à des dons pour « être à la hauteur de sa réputation » ou pour accroître celle-ci est une vieille pratique panhumaine (Mauss 1950). Tout comme la punition, la bonne réputation d’un individu active chez lui des régions cérébrales associées à la récompense (Phan et al. 2010). Hommage contingent à Victor Hugo, il y a là ce que je suis enclin à appeler un « effet Caïn », les comportements coopératifs des individus étant fortement influencés par le regard d’autrui. Excepté dans le cas de désordres mentaux tels que l’autisme (Izuma et al. 2011), on est plus généreux si on se sent observé (Nowak & Highfield 2011), comme le rappelle Benoît Dubreuil dans son article, et cela même si l’œil qui nous observe est une simple image sur un ordinateur (Mifune et al. 2010). Il est évidemment tentant de mettre cet « effet Caïn » en rapport avec la croyance en des êtres surnaturels omniscients évoquée supra. L’évolution de notre oeil a pu par ailleurs favoriser cette hypersensibilité au regard d’autrui. En effet, notent Tomasello et ses collègues, nous sommes le seul primate doté d’une sclérotique (blanc des yeux) très visible, ce qui permet de bien suivre les mouvements des yeux (Tomasello et al. 2007). « I feel good when I do good », disait Abraham Lincoln, probablement parce que ce sentiment intégrait le regard porté sur lui par ses concitoyens. Il n’est pas impossible que les relations confiantes, les attentes morales et les comportements coopératifs aient été ainsi renforcés tout au long de notre histoire évolutive par cet « effet Caïn », parce que le lien social (social glue) est essentiel à la survie (Churchland 2011). Voilà pourquoi les êtres humains sont les seuls parmi les grands singes à aider régulièrement les enfants des autres, le plus souvent en contribuant à leur alimentation ou en les adoptant. Alors que chez les autres grands singes, les soins aux enfants sont assurés à 100 % par la mère (mais on connaît des cas d’adoption, voir Boesch et al. 2010), la moyenne chez les humains est d’environ 50 % (Tomasello 2009), le reste de l’aide venant de coopérateurs. Sans cette aide, note Sarah Hrdy (2009), peu d’enfants vivant dans des sociétés de chasseurs-cueilleurs auraient pu atteindre l’âge adulte. Certes, le souci de la survie privilégie la parenté (Crittenden & Marlowe 2008), notamment quand le coût de l’aide est élevé (Stewart-Williams 2008). Toutefois, la question reste entière de savoir pourquoi ce souci s’exprime souvent bien au-delà de la famille, au contraire de ce qui se passe (presque toujours, comme nous l’avons vu) dans les autres espèces animales où la théorie de la kin selection permet de résoudre l’énigme posée par l’existence des comportements coopératifs.

L’observation chez Homo sapiens d’un haut niveau de coopération non explicable par cette théorie introduit donc une nouvelle énigme. On peut éclaircir celle-ci en recourant à la notion de sélection de groupe, qui fut occultée à partir de 1964 par l’article de Hamilton mais qui a été reprise récemment par David S. Wilson, Elliot Sober et Martin A. Nowak (Wilson & Sober 1994 ; Sober & Wilson 1998 ; Nowak et al. 2010), avec de nouveaux arguments. Leur thèse ne se veut pas une machine de guerre contre la thèse hamiltonienne mais une théorie complémentaire visant à dépasser les limitations de la première. Selon eux, quand à l’intérieur d’un groupe des individus sont tous en compétition les uns avec les autres, ce sont les individus qui coopèrent le moins qui réussissent le mieux, mais quand des groupes entrent en compétition, les groupes où la coopération est la plus forte sont les gagnants (Frith & Frith 2008). C’est en définitive à ce dernier niveau que la sélection aurait œuvré. Au cours de notre histoire évolutive, l’aptitude des groupes à coopérer a été un avantage adaptatif : les groupes fortement coopérateurs ont davantage survécu que les groupes faiblement coopérateurs (Bowles & Gintis 2011). La coopération serait devenue contagieuse au sein des groupes humains (Boyd & Richerson 2006) dans le cadre d’une compétition souvent féroce entre groupes. Cela justifie, disent Martin A. Nowak et Roger Highfield (2011), que l’on voie dans la coopération le maître-architecte de l’évolution.

De cette section, on peut retenir l’idée que la coopération est un des traits qui signent l’identité de notre espèce. Ce qui caractérise l’être humain, soutient Alfred Russell Wallace (1864 : clxii), co-découvreur de la théorie sélective, c’est qu’il est « social » et « sympathetic », c’est-à-dire porté à coopérer et à partager. On retrouve cette idée chez Charles Darwin lorsque, dans La Filiation de l’homme, il souligne les qualités sociales d’Homo sapiens, « qui l’ont conduit à apporter de l’aide à ses semblables et à en recevoir en retour ». Il existe incontestablement chez l’homme une sorte de « sympathie instinctive » – selon les termes mêmes de Darwin (2000 : 148, 200) – envers ses congénères. Les êtres humains, note John Searle (2000), ont une aptitude naturelle « à s’engager dans des comportements coopératifs ». Nous avons une aptitude innée et exceptionnelle à coopérer au-delà de la parenté qui fait de nous des « super-coopérateurs » (Nowak & Highfield 2011) ou des « ultra-coopérateurs » (Tomasello 2009). Cette aptitude trouve une explication plausible avec l’hypothèse de la sélection de groupe. Cette hypothèse permet de rendre compte a) de la sélection de la coopération au sein d’une population d’individus « égoïstes » ; b) de notre engagement permanent dans des comportements coopératifs non restreints à la parenté, supposés assurer le succès du groupe d’appartenance dans sa compétition avec les autres. Ces comportements coopératifs sont donc également compétitifs et, à ce titre, ils ont toute l’apparence d’une coopération fermée. Ce modèle est-il entièrement satisfaisant ? Malheureusement non, car la coopération humaine déborde non seulement la parenté mais aussi le groupe d’appartenance.

L’aptitude humaine à la coopération ouverte

Notons en premier lieu que la notion de fermeture ou d’ouverture appliquée à la coopération est toujours relative. Par exemple, les comportements coopératifs dans le cadre de la sélection de groupe peuvent être considérés selon une double perspective : ils sont plus ouverts en regard d’une coopération bornée à la parenté mais ils sont fermés quand on considère que c’est la compétition entre groupes qui est en jeu. On peut dès lors se demander si les formes de coopération qui ne sont bornées ni à la parenté ni au groupe d’appartenance sont toujours un peu plus ouvertes (ou un peu moins fermées) que d’autres, ou bien si elles peuvent être indéfiniment ouvertes.

Les bases évolutionnaires de la coopération fermée

D’un point de vue neuronal et hormonal, la coopération fermée ou ouverte est prédite par des réponses distinctes, le premier comportement dans l’insula antérieure, le second dans le noyau accumbens (Hein et al. 2010). L’oxytocine, qui est un neuropeptide produit par l’hypothalamus, semble favoriser la coopération fermée. En contexte expérimental, elle augmente la confiance et la coopération au sein du groupe et elle provoque un comportement d’agression défensive (mais non offensive) à l’égard des autres groupes en compétition (De Dreu et al. 2011). À partir de données expérimentales, Aldo Cimino et Andrew Delton (2010) soutiennent que la psychologie humaine des coalitions intègre le concept de « nouveau-venu », représenté ancestralement comme un danger possible pour le groupe d’appartenance parce qu’il peut être un free-rider (celui qui use d’un bien commun sans verser sa quote-part) ou, plus simplement, parce qu’on ignore ses capacités coopératives. Des expériences menées avec des enfants suggèrent que l’expression d’une préférence pour le groupe d’appartenance et d’une défiance à l’égard des autres groupes survient tôt dans la vie de l’individu, notamment par le biais du langage. Les jeunes enfants regardent plus volontiers une personne qui a parlé préalablement leur propre langue. Des enfants plus âgés acceptent préférentiellement des jouets venant de locuteurs de leur langue maternelle. Ces préférences précoces pour une langue particulière – ou pour un accent – peuvent servir de base à une coopération fermée (Kinzler et al. 2007) que les individus auront tendance à privilégier tout au long de leur vie. Selon Christine R. Olson et Elizabeth S. Spelke (2008), des enfants d’environ 3 ans partagent plus volontiers avec des membres de leur groupe. Dans une enquête ethnographique auprès des 317 familles de Lamalera, un petit village indonésien de 1 227 habitants, David Nolin (2010) a constaté que la parenté, conjuguée avec la réciprocité et la distance entre les maisonnées, augmentait la probabilité du partage de nourriture, confirmant d’autres observations similaires (Gurven 2006). Bien entendu, il n’y a là rien de surprenant, puisque la probabilité de ce partage avec des personnes connues – ce que sont généralement les parents – est plus grande qu’avec des inconnus, mais on peut à nouveau voir dans ces résultats un effet de la kin selection.

Ces différentes données laissent penser que si nous sommes « programmés », pour ces deux comportements, la coopération fermée semble largement prévaloir sur la coopération ouverte. Serait ainsi confortée l’hypothèse de l’ » instinct social tribal » (Richerson, Boyd, & Henrich 2003 ; Fox 2011), réponse adaptative à des environnements sévères et à des menaces sociales extérieures qui aurait conduit les groupements humains, tout au long de leur histoire évolutive, à se refermer sur eux-mêmes (Olsson et al. 2005 ; Santos et al. 2010). L’idée générale est que nos lointains ancêtres chasseurs-cueilleurs se seraient régulièrement opposés à d’autres groupes, renforçant ainsi la coopération en leur sein et contribuant du même coup à un meilleur contrôle des ressources naturelles sur leur territoire. Les conflits intergroupes auraient renforcé l’affiliation et la solidarité à l’intérieur du groupe en même temps qu’ils auraient induit l’ethnocentrisme et l’hostilité envers d’autres groupes (Bowles 2008), comme cela se produit lorsqu’une unité de soldats est engagée dans une zone de combats (Radford 2010), chacun d’entre eux étant prêt à se sacrifier au profit de son groupe en affrontant les « ennemis ». Ces rigidités sociosymboliques (Alber 1997 : 220) dans l’appréhension des identités collectives sont très anciennes. On cite toujours à ce propos l’opposition bien connue entre la grécité et la barbarie, mais l’ensemble de l’histoire humaine est prodigue en exemples de représentations du partage (de manières d’être, de faire, de penser…) qui, au sein du groupe d’appartenance, sont exclusives de tout ce qui est désigné comme relevant de l’altérité. L’ethnologie, notamment l’ethnologie du lointain, a amplement décrit des sociétés dites traditionnelles qui s’identifient selon les critères « Eux »/ » Nous », chacun des termes étant pensé comme une totalité relativement homogène, essentialisée et irréductible à l’autre. Cela, toutefois, n’est pas propre aux sociétés traditionnelles : dans toute société humaine, les « barbares » sont toujours les autres, et on pourrait en trouver de multiples exemples dans les débats politiques qui agitent la France aujourd’hui. Dans cette perspective, l’utilisation de « superstimuli » (Sperber & Hirschfeld 2004) tels que les peintures corporelles, tatouages, codes vestimentaires, hymnes, drapeaux, etc. tout comme l’usage de stéréotypes feraient fonction de greenbeard genes (West & Gardner 2010) en symbolisant l’appartenance au groupe (l’identité dite ethnique), soutenant ainsi les pratiques de coopération au sein de celui-ci et les comportements de défense vis-à-vis de tous les autres. « L’instinct social, écrit Bergson (2008 : 27), vise toujours – l’instinct étant relativement immuable – une société close, si vaste soit-elle. » « Qui ne voit, ajoute-t-il, que la cohésion sociale est due, en grande partie, à la nécessité pour une société de se défendre contre d’autres, et que c’est d’abord contre tous les autres hommes qu’on aime les hommes avec lesquels on vit ? »

Une inclination à la coopération ouverte

Cette hypothèse, reprise récemment dans un ouvrage de Francis Fukuyama (2011), est congruente avec les données que j’ai présentées jusqu’ici et elle l’est également avec la théorie de la sélection de groupe. Cependant, la « tribal social instinct hypothesis » n’explique pas la totalité des comportements coopératifs chez Homo sapiens. Dans la mesure où la comparaison des espèces humaines qui ont coexisté a un sens, il semble bien que la nôtre ait toujours manifesté une plus forte inclination à une coopération ouverte. Plusieurs données relatives à Homo neanderthalensis mettent en évidence la pratique du cannibalisme, l’exploitation prédominante de ressources lithiques locales, des interactions réduites avec les groupes voisins et la défense de territoires très fermés (Ambrose 2010). Les néanderthaliens construisaient des « niches sociales » peu étendues, contrairement à Homo sapiens. Ils manquaient de réseaux de coopération extraterritoriaux, estime Stanley H. Ambrose, alors que nos ancêtres chasseurs-cueilleurs s’intégraient déjà dans de larges réseaux (Hill et al. 2011). Peut-on alors faire l’hypothèse que si notre espèce l’a emporté sur Néanderthal, c’est grâce à sa capacité à coopérer avec ses voisins, ce qui lui a permis d’échanger davantage d’informations et de mieux s’adapter aux environnements rudes du Pléistocène, notamment pendant les périodes glaciaires ? Nous aurions là un bel exemple des avantages qu’a pu trouver notre espèce dans la pratique de la coopération ouverte : aimer ses voisins apporte plus d’avantages que les manger, pour reprendre une heureuse formule d’Ambrose !

Nous avons une prédisposition à coopérer de manière très ouverte avec ceux qui coopèrent (Thomsen et al. 2011) et à ne pas le faire avec les non-coopérateurs (Suzuki et al. 2011). Encore faut-il être capable d’identifier les bons partenaires. Un moyen de déterminer si un individu peut être pour soi un bon coopérateur est d’observer comment il coopère avec les autres. Selon J. Kiley Hamlin et Karen Wynn (2011), les enfants y sont très tôt attentifs. Dès leur première année de vie, ils manifestent une préférence pour les personnes qui adoptent des comportements prosociaux à l’égard d’autrui. Notre aptitude à la coopération ouverte se vérifie également dans le fait qu’un individu ne se soucie pas de sa réputation uniquement en regard du groupe d’appartenance, comme l’illustre l’expérience dite du dictator game. Dans ce jeu, une somme d’argent est donnée à une personne qui peut la partager ou pas avec un second joueur. Quand l’offre du premier joueur au second ne se fait pas dans un complet anonymat, c’est-à-dire quand le comportement du premier est exposé aux yeux et au jugement d’autrui (à nouveau, l’effet Caïn), la somme redistribuée (en moyenne 20 % du total) est bien supérieure à ce qu’on pourrait attendre d’un comportement purement égoïste (Frith & Frith 2008).

Une autre illustration de notre inclination à la coopération ouverte est l’importance des dons à des organisations charitables ou à des organisations non gouvernementales à vocation humanitaire. Une des explications avancées pour expliquer ce qui est présenté comme un « problème » par certains théoriciens de l’évolution (Sylwester & Roberts 2010) est que nous serions en présence, dans ce cas, d’un « altruisme compétitif ». En faisant de tels dons, les individus chercheraient à accroître leur réputation et, du même coup, leurs chances d’être à leur tour choisis comme partenaires pour des coopérations qui leur seraient profitables. Ils prendraient ainsi avantage sur ceux qui n’en font pas ou qui en font moins. Il n’est pas dans mon intention de nier que le souci de la réputation motive de nombreux comportements coopératifs, point que j’ai souligné dans la section précédente. Cependant, je fais le pari que parmi les lecteurs de ce numéro de Terrain, plusieurs d’entre eux font régulièrement des dons sans se soucier le moins du monde de le faire savoir. Si le don du sang peut être considéré comme un pari réciprocitaire intelligent – quand je donne mon sang, je suis bien conscient que je peux un jour avoir besoin du sang d’un autre –, comment expliquer le comportement d’un individu qui se jette dans une mer en furie pour sauver une personne en train de se noyer, avec laquelle il n’a aucun lien de parenté, qu’il n’a jamais rencontrée auparavant et qu’il ne reverra peut-être jamais plus ? Comme on le sait, ces cas existent et on ne peut donc expliquer la coopération inconditionnelle dans le seul cadre de l’altruisme compétitif. Ce cadre est d’autant plus insuffisant que, chez les humains, la coopération peut même être interspécifique : nous pouvons voler au secours d’un animal en détresse, parfois en acceptant un coût important (Shipman 2011). Il y a donc incontestablement chez Homo sapiens, conjointement à une inclination à la coopération fermée, une aptitude exceptionnelle à la coopération ouverte, bien au-delà de la parenté et du groupe d’appartenance. On peut dès lors se demander quels sont les facteurs qui nous conduisent à privilégier l’une ou l’autre.

Quels choix coopératifs ?

« Pour commercer, il fallut d’abord savoir poser les lances », dit joliment Marcel Mauss (1950 : 278). La capacité à échanger à des échelles toujours plus grandes est indissociable de l’histoire de notre espèce (Chanda 2010). Alors que l’humanité doit aujourd’hui affronter des enjeux écologiques et économiques immenses qui, bien souvent, supposent une coopération planétaire, il est légitime de se demander s’il est possible de favoriser des choix coopératifs toujours plus ouverts.

En premier lieu, est-ce vraiment nécessaire ? D’un point de vue très général, il semble bien que notre aptitude à étendre toujours plus nos réseaux de coopération ait été profitable à notre espèce. Si depuis la dernière sortie d’Afrique, il y a environ 50 000 ans, les hommes anatomiquement modernes ont réussi à essaimer jusqu’aux confins de la planète, n’est-ce pas parce qu’ils ont régulièrement coopéré plus loin qu’à l’intérieur de leur groupe d’appartenance ? Dans une perspective davantage historique, ce que l’on sait de certaines sociétés ou civilisations disparues permet d’identifier deux causes déterminantes – et la plupart du temps liées – de leur « effondrement » (Diamond 2006) – notion par ailleurs controversée (McAnany & Yoffee 2009 ; Schwartz & Nichols 2006). La première cause est un ensemble de variables géographiques, écologiques et démographiques, la seconde une difficulté des sociétés considérées à s’ouvrir aux influences extérieures. L’effondrement des Mayas d’Amérique centrale entre 800 et 950 ou celui d’Angkor, la capitale de l’Empire khmer, à partir du xive siècle, sont probablement à rattacher à la première cause (Diamond 2009 ; Pringle 2009). Pendant le Pléistocène supérieur, la seconde cause n’est certainement pas étrangère au moindre succès reproductif des petits groupements humains isolés en regard de populations plus importantes enrichies d’apports migratoires (Powell et al. 2009). Dans un registre différent, on a pu noter sur le continent américain une corrélation entre le mode de gouvernement plus ou moins ouvert des anciennes puissances coloniales et la stabilité plus ou moins grande du pouvoir en place dans les anciennes colonies. Dans presque toutes celles qui, en Amérique centrale et en Amérique du Sud, furent sous l’influence du Portugal ou de l’Espagne, pays caractérisés par des gouvernements moins démocratiques et moins enclins au libre-échange que la Grande- Bretagne, on compte en moyenne 8,5 coups d’État au cours du xxe siècle alors que dans la même période il n’y en a eu aucun au Canada ni aux États-Unis (Miller & Diamond 2006).

La modélisation des effets de la démographie sur l’apprentissage culturel, présentée lors du colloque « Human Uniqueness and Behavioral Modernity » qui s’est tenu à l’Université d’Arizona en février 2010 (Culotta 2010), a également mis en évidence les effets bénéfiques d’une coopération ouverte. Le modèle simulait l’évolution culturelle d’une population constituée de petits groupes, partant du principe que les uns pouvaient apprendre des autres comment, par exemple, fabriquer un kayak ou un bijou. Il est apparu que les groupes numériquement les plus grands ou que les membres des groupes qui voyageaient le plus souvent avaient plus de chances d’innover. En résumé, dans la simulation, les groupes de plus grande taille avec le plus fort taux de migration (Powell et al. 2009) étaient capables de davantage d’accumulation culturelle. Les données ethnographiques présentées par l’anthropologue Robert Boyd au cours de ce même colloque ont confirmé le modèle. La comparaison des outils utilisés pour pêcher dans dix îles d’Océanie montre que leur nombre et leur complexité augmentent avec la taille des populations. Inversement, note Boyd, des populations contraintes à l’isolement peuvent perdre leur culture, comme cela se produisit en Tasmanie où se perdirent certains savoir-faire techniques (fabrication d’outils ou de bateaux) après que l’île fut isolée du continent australien par la montée du niveau de la mer il y a 10 000 ans. Bref, il semble bien qu’une condition nécessaire de l’innovation au sein des sociétés humaines, de leur capacité d’adaptation et de leur plus ou moins grande stabilité politique soit l’ouverture à des influences extérieures, à d’autres savoirs, à d’autres manières de faire et de penser, même si cette ouverture peut parfois être grosse de dangers comme l’a tristement montré l’histoire des populations tasmaniennes au début du xixe siècle.

Si la coopération ouverte est globalement profitable, comment la promouvoir ? Les variables pouvant jouer sur les choix coopératifs sont très nombreuses. Sans entrer dans les détails, on peut citer les variables démographiques et écologiques (Lamba & Mace 2011), le niveau des inégalités sociales dont la réduction promeut la coopération (Tavoni et al. 2011), ou encore le langage dans lequel les individus sont invités à coopérer, un langage diplomatique étant beaucoup plus efficace qu’une forme impérative (Ambrose 2010). Trois autres variables méritent qu’on s’y attarde car elles sont essentielles à une meilleure compréhension des bases évolutionnaires de la coopération humaine et de la manière dont celles-ci sont culturellement modulées.

Coopération et sanctions

La première est la plus ou moins grande place accordée aux sanctions des « mauvais » coopérateurs (punition dite altruiste, voir Fehr & Gächter 2002) et à la punition antisociale (punition infligée à des « bons » coopérateurs parce qu’ils ont sanctionné les « mauvais »). Cette variable a pu moduler l’extension des réseaux de coopération (Flack et al. 2006 ; Mathew & Boyd 2011) puisque, en contexte expérimental, on a constaté que les individus migrent vers des groupes où sont sanctionnés les comportements non-coopératifs (Gürerk et al. 2006). Les êtres humains sanctionnent volontiers les « mauvais » coopérateurs, rappelle justement Benoît Dubreuil dans sa contribution au présent numéro – cela dès la toute petite enfance (Hamlin et al 2011) –, y compris quand la sanction est coûteuse pour celui qui l’inflige. Des résultats expérimentaux obtenus auprès de quinze populations d’Afrique, d’Amérique du Sud et du Nord, d’Asie et d’Océanie (Henrich et al. 2006) confirment que toutes manifestent une inclination à punir quand la coopération est menacée. Ils montrent également a) que cette inclination connaît une variabilité interculturelle ; b) que la punition coûteuse est corrélée positivement avec les comportements coopératifs. Dans une enquête portant sur l’exploitation du patrimoine forestier communal par quarante-neuf groupes de Bale Oromo (Éthiopie), Devesh Rustagi et ses collègues (Rustagi et al. 2010) ont montré a) que les groupes comprenant le plus de coopérateurs conditionnels étaient les plus performants dans la gestion des ressources forestières, évitant ainsi la « tragédie des communs » (Hardin 1968) ; b) que le consensus pour s’engager dans des sanctions coûteuses – par exemple, organiser des patrouilles pour empêcher le pillage des ressources – était décisif pour améliorer la coopération. Par ailleurs, lors d’une expérience menée avec des participants appartenant à seize sociétés différentes à travers le monde, l’équipe conduite par Benedikt Herrmann a montré que la punition anti-sociale, c’est-à-dire la sanction des « bons » coopérateurs, existait partout (Herrmann et al. 2008). Cependant, sa variabilité interculturelle est très grande. Dans certains cas, la punition antisociale est suffisamment importante pour annihiler les effets positifs de la sanction prosociale. Cela se produit surtout dans les pays où les normes civiques et la loi sont faibles et où la coopération bornée à un petit groupe (parents ou amis) apparaît comme plus importante qu’une coopération plus ouverte.

Le coût des sanctions peut être lui-même un obstacle à l’ouverture. Si nous maintenons des barrières entre les groupes, soutiennent Mark Pagel et l’anthropologue Ruth Mace (2004), c’est parce que coopérer est toujours une entreprise risquée. D’une part, il est cognitivement coûteux, au sein du groupe d’appartenance, d’identifier les « bons » coopérateurs – ceux qui, réputés loyaux et efficaces, respectent les normes, les règles et les usages et qui contribuent équitablement à l’effort commun – et les « mauvais » coopérateurs, soit tous les autres (Brown & Feldman 2009). D’autre part, il est socialement coûteux de sanctionner ces derniers (Milinski & Rockenbach 2008 ; Ohtsuki et al. 2009 ; Wu et al. 2009), le coût de la sanction pouvant même excéder le gain que représente le fait de dissuader les individus de s’écarter du « droit chemin ». Une fois qu’un équilibre a été trouvé à l’intérieur du groupe où les individus sont nés ou ont été intégrés – les « bons » et les « mauvais » coopérateurs sont identifiés, les modalités des sanctions sont à peu près consensuelles (Boyd et al. 2010) –, une méfiance peut naître à l’égard de nouveaux entrants car ils risquent de remettre en cause cet équilibre.

De ces différentes données, on peut conclure que la sanction n’a des effets positifs sur la coopération que si existent par ailleurs des normes prosociales puissantes (Henrich et al. 2010), une légitimité des acteurs (Baldassarri & Grossman 2011), notamment de ceux qui exercent le leadership (Gutierrez et al. 2011), et la confiance dans les dispositifs institutionnels (Alexander & Folini, 2011).

Coopération et identité

La deuxième variable est l’intensité du sentiment d’identité collective induit par le comportement coopératif. Quand un individu coopère, à qui donne-t-il un peu de lui-même : aux autres ou au projet commun ? En entreprise, Norbert Alter (2009) a montré que les salariés coopèrent plutôt parce qu’ils se sentent liés ou veulent se lier – l’enjeu est de créer un « nous » ou, dans les termes de Michael Tomasello (2009 : 39), une « “we” intentionality » – alors que les managers veulent qu’ils coopèrent par souci d’efficacité. Dans le même esprit, Tom R. Tyler (2010) ainsi que Samuel Bowles et Herbert Gintis (2011) soutiennent que les motivations sociales (exigence de loyauté, de réciprocité, souci de la réputation, émotions telles que la honte et la culpabilité, etc.) jouent un rôle bien plus grand dans les comportements coopératifs que les motivations instrumentales (incitations, sanctions). Benoît Dubreuil insiste lui aussi, dans ce volume, sur le rôle que jouent les émotions sociales dans notre motivation à coopérer, tout comme le fait Véronique Servais pour la coopération chimpanzée. Il semble bien que la construction de la « nécessité collaborative » dont rend compte Morgan Jouvenet dans sa contribution obéisse également à des intimations affectives, identitaires et axiologiques qui se diffusent à travers des frontières disciplinaires (physique, biologie, chimie) mouvantes et changeantes et pas seulement à une logique utilitariste qui serait sous l’emprise des objectifs scientifiques à atteindre et des bénéfices attendus. Du fait de l’internalisation des normes sociales, coopérer devient un engagement éthique personnel et ne peut être réduit à un moyen d’éviter des sanctions ou d’obtenir des récompenses matérielles.

La troisième variable est la nature du pouvoir politique. « Chaque mouvement politique qui réussit, estimait Bertrand Russell (2011 : 145), s’adresse à l’envie, à la rivalité ou à la haine, mais jamais au besoin de collaboration. » Il péchait peut-être par excès de pessimisme, mais le pouvoir se conquiert sans doute plus facilement en favorisant la coopération fermée que la coopération ouverte. La première est une excellente stratégie de conquête ou de conservation du pouvoir, parce qu’elle permet de fabriquer des ennemis en même temps que des alliés. Les multiples scissions au sein du Parti communiste de l’Inde (maoïste) dont rend compte Alpa Shah me semblent à cet égard révélatrices de ce phénomène. Son article suggère qu’il est plus facile de flatter chez l’être humain son hypothétique module fof (« friendor- foe », « ami ou ennemi ») que de chercher à passer d’un « nous » exclusif à un « nous » inclusif, c’est-à-dire à un processus agrégatif de toujours plus de complexité et de diversité sociales. Le pouvoir non seulement prend forme, mais se renforce « sous la pression des dangers extérieurs – réels et/ou supposés » (Balandier 1967 : 44). Ainsi, un individu a plus de chances de bénéficier d’un leadership au sein d’un groupe en rejetant tout processus de nature à remettre en cause ce que Douglas Campbell (1958) a appelé l’entitativité du groupe, c’est-à-dire sa perception comme un ensemble d’individus doté d’une unité cohérente et radicalement différente de celle des autres groupes.

Cependant, lorsqu’un pouvoir politique favorise la coopération fermée, il est souvent porteur du risque d’un traitement inégalitaire des « autres », c’est-à-dire ceux qui sont extérieurs au groupe. Ce risque est inhérent à la stratégie du « Nous versus Eux » consistant à enfermer les individus dans une supposée identité collective (culturelle, religieuse, ethnique, nationale). Il encourage des pratiques d’exclusion ou de discrimination de tous ceux qui ne relèvent pas du « Nous », et peut provoquer des affrontements meurtriers. C’est le cas, par exemple, quand est entretenue la croyance dans des « racines » communes, ce que réussissent si bien les idéologies nationalistes et communautaristes.

Tout bien pesé, les risques associés à la coopération ouverte semblent infiniment moins élevés que ceux que porte en elle la coopération fermée. Au xxe siècle, celle-ci a donné deux guerres mondiales et d’innombrables conflits « ethniques » ou religieux, alors que celle-là a contribué à la construction d’une unité européenne qui fait œuvrer ensemble des États aux identités souvent (re)présentées comme disparates voire antagonistes. Finalement, le choix politique d’une coopération ouverte est avant tout un choix moral, consistant à tolérer le doute inhérent aux multiples problèmes auxquels sont confrontés les membres de toute société. Faut-il borner la coopération aux membres de la communauté ou bien l’ouvrir toujours davantage vers d’autres groupes ? Quel équilibre trouver entre la coopération et la compétition au sein du groupe ? Quel sort réserver aux free-riders, à ceux qui dont défection ? Parmi ces derniers, faut-il distinguer ceux qui sont déjà membres du groupe et ceux qui viennent de l’extérieur ? Qui doit supporter le coût de la sanction des « mauvais » coopérateurs ? Comment s’assurer que la coopération profitera au plus grand nombre ? etc. Tout pouvoir politique qui choisit la coopération ouverte accepte d’assumer la complexité de ces questions – la coopération est un combat, rappelle Monique Jeudy-Ballini – alors que celui qui choisit la coopération fermée répugne à le faire.

Conclusion

Quelle réponse provisoirement conclusive puis-je risquer à la question au cœur de cet article, celle de savoir si la coopération doit être ouverte ou fermée ? En définitive, il semble que la coopération humaine ne puisse s’exprimer autrement que sous ces deux formes simultanées, chacune présentant des avantages et des inconvénients. Fermée, la coopération renforce les liens au sein du groupe d’appartenance, le protège de l’arrivée de « mauvais » coopérateurs, favorise l’interconnaissance des réputations, offre des ancrages identitaires solides et peut assurer un meilleur succès reproductif du groupe en comparaison de ceux avec lesquels il est en compétition. Toutefois, outre les objections morales que cette forme de coopération peut susciter (notamment quand est exacerbée l’intolérance à l’altérité, avec le risque inhérent de la xénophobie ou du racisme) – objections qu’il est impossible de développer ici –, elle prive le groupe des apports de nouveaux membres, limite de ce fait son accès à de nouvelles connaissances, réduit son exposition au doute qui est une condition de l’innovation et peut restreindre in fine le succès reproductif du groupe en regard de ses compétiteurs, au point même de provoquer sa disparition. En valorisant la mixité sociale et culturelle (voir par exemple Horstmann 2011), la coopération ouverte élimine tous ces inconvénients mais, dans le même mouvement, peut fragiliser l’assise identitaire dont les groupements humains semblent ne pouvoir se passer. L’enjeu, dès lors, est peut-être de trouver l’équilibre entre, d’une part, la tension permanente qui, au sein de notre espèce, naît de notre double aptitude à la coopération fermée et à la coopération ouverte et, d’autre part, des attentes identitaires. Sans pouvoir jamais espérer la disparition de la coopération fermée, le choix (politique, culturel) pourrait alors consister à toujours rendre subalternes ces attentes identitaires par rapport aux comportements coopératifs. « On ne naît pas, on devient semblables », rappelait Gabriel Tarde (1993 : 78). À mon sens, si on le devient, c’est avant tout en coopérant (Fitzsimons & Shah 2008 ; Gruenfeld et al. 2008). Au principe : « Identifiez-vous, puis coopérez » (songeons, par exemple, à feu le ministère de l’Identité nationale), on opposerait alors un tout autre principe : « Coopérez, puis vous vous identifierez. » Bref, on substituerait au vieil adage « Qui se ressemble s’assemble » une tout autre logique : « Qui s’assemble se ressemble », ce qui reviendrait à faire le choix politique de privilégier la coopération ouverte. Là est sans doute le défi des sociétés modernes qui relèvent, comme le dit John Dewey (2003), de « cette nécessaire et improbable invention d’un monde commun entre étrangers ».

Bibliographie

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Pour citer cet article

 Candau J., 2012, « Pourquoi coopérer », Terrain, n° 58, pp. 4-25.

 Joël Candau, « Pourquoi coopérer », Terrain [En ligne], 58 | mars 2012, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 13 juin 2019. URL : http://journals.openedition.org/terrain/14604 ; DOI : 10.4000/terrain.14604

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