Innovation Pédagogique et transition
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Intégrer une pratique artistique dans une progression pédagogique pour préparer les futurs ingénieurs agronomes à la complexité des enjeux sociétaux : l’élevage au coeur d’un procès théâtral fictif

22 mai 2025 Transition 235 visites 0 commentaire

Cet article présente une démarche pédagogique intégrant le théâtre pour préparer les futurs ingénieurs agronomes à la complexité des enjeux sociétaux liés à l’élevage. Proposé à l’Institut Agro, ce parcours permet, par des exercices collectifs, de créer et représenter un procès fictif sur ce thème. L’approche développe des compétences transversales comme l’argumentation, la gestion des émotions et l’esprit critique. Une typologie des profils étudiants révèle une diversité des vécus. Les résultats montrent que la pratique théâtrale favorise l’émancipation individuelle et collective, tout en développant des compétences essentielles pour faire face aux controverses sociétales et professionnelles.

Cet article est présenté au collloque QPES 2025 Ecosystémes de formation pour quelle(s) transformation(s) du 19 au 23 mai Brest, dont les actes sont publiés sous licence CC by sa nc. Il est présenté lors de la session "Sensibiliser les étudiant.es à la transition écologique"

Justine Faure, INRAE, Institut Agro, Rennes,

Céline Martel Institut Agro, 35000, Rennes,

Charlotte Baheu, La Compagnie Les Bottes Rouges Rennes

1. Introduction

La place de l’élevage dans la société est aujourd’hui questionnée par les citoyens. Les acteurs des filières animales sont confrontés à de multiples remises en question. Les controverses touchant l’élevage sont multidisciplinaires, elles portent sur des préoccupations environnementales, le bien-être animal, la santé ou encore les différentes modes d’élevage (Delanoue et al., 2018). Une meilleure compréhension de la perception des acteurs et de l’impact des controverses permettra de mieux accompagner les éleveurs demain dans la transformation de leurs pratiques et de leurs systèmes pour répondre aux enjeux sociétaux.

Face à la complexité des défis sociétaux touchant l’élevage, analyser sa place au sein des systèmes alimentaires nécessite d’appréhender une diversité de point de vue dans les sociétés pour des étudiants qui pourront conseiller les éleveurs dans l’évolution de leurs pratiques. Cette compétence est développée dans les formations portées par l’Institut Agro – Rennes Angers (IARA) pour permettre aux élèves ingénieurs agronomes d’identifier des chemins de transition pour concevoir des systèmes durables et socialement acceptables.

Néanmoins, pour un jeune adulte en formation, cet apprentissage nécessite un changement de posture parfois compliqué. Il est à la fois étudiant, futur professionnel et citoyen/consommateur au quotidien. Il doit de plus avoir le recul nécessaire pour remobiliser des connaissances, exprimer un avis construit et porter rapidement un regard critique pour se positionner face à des problématiques sociétales et environnementales complexes. Dans un écosystème de formation, la posture même des enseignants peut alors être questionnée et travaillée pour mettre en oeuvre des pratiques pédagogiques actives.

En effet, l’enseignante est en mesure d’élaborer le cadre et les modalités pour faire du lien entre le contexte sociétal, les phénomènes sensibles (vécu, intériorité et sensibilité des étudiants) et leur expression en classe (Ryngaert, 2010). Plusieurs théories de l’apprentissage soulignent qu’une expérience concrète, tel que le jeu de rôle, favorise l’immersion des étudiants (Kolb, 1984). Des outils artistiques, comme une approche par le théâtre, facilitent l’acquisition de compétences relationnelles et sont des vecteurs de l’émancipation individuelle (Wardavoir, 2019). Ainsi, l’apprentissage au travers de modalités pédagogiques actives peut entraîner des changements fondamentaux dans la façon dont les individus voient le monde et provoquer une transformation de la compréhension des enjeux sociétaux (Duchesne, 2010).

La transformation cognitive permise par une telle approche considère l’individu comme étant au coeur du processus d’apprentissage et de l’écosystème de formation. Un engagement du corps, de la voix et du regard permettent de développer des compétences émotionnelles et relationnelles (Cifali et al., 2018). Afin de permettre aux étudiants de porter un regard critique et argumenté sur les controverses touchant l’élevage et de les sensibiliser au dialogue avec la société, un parcours artistique (basé sur la pratique théâtrale) est mis en place depuis 4 ans dans le cadre de l’Unité d’Enseignement (UE) « Animaux Elevages et Sociétés » (AES) dispensée à 35-40 étudiants de niveau Master 1 (M1) à l’IARA. Au sein de cette UE, des blocs thématiques proposent un apport de connaissances disciplinaires et spécialisées (services rendus par l’élevage, durabilité sociale des élevages, impacts environnementaux, règlementation, comportement animal, évaluation du bien-être animal, comportement du consommateur et consommation, communication des filières…) en amont du parcours artistique qui propose lui une appropriation interdisciplinaire.

Ce parcours est un dispositif pédagogique créé en collaboration entre une enseignante-chercheure, une ingénieure pédagogique et une metteuse en scène. Il propose aux étudiants, en partant de leur vécu, de faire émerger une préoccupation sociétale commune et partagée autour de l’élevage et la co écriture d’une pièce de théâtre prenant la forme d’un procès fictif. L’écriture de la pièce est une production collective qui donne une place à chacun lors d’une présentation, qui se fait en fin d’UE devant un public invité.

Après plusieurs années de recul sur ce dispositif pédagogique, cet article fait la synthèse de l’expérience vécue par les étudiants. L’objectif est de questionner en quoi l’apport d’une pratique artistique (théâtrale) soutient la posture du futur ingénieur agronome et le prépare à la complexité des enjeux sociétaux. L’hypothèse générale testée dans ce dispositif est la suivante : une pédagogie active et innovante, intégrant une pratique artistique et créative, favorise l’appropriation individuelle et collective des enjeux sociétaux touchant l’animal et l’élevage par le développement de compétences transversales du futur ingénieur agronome.

Le parcours artistique proposé sera présenté et analysé au regard des compétences mobilisées, de la progression de la perception des étudiants et de leur profil.

2. Matériel et méthodes

2.1. Objectifs pédagogiques et compétences visées

L’objectif général du dispositif pédagogique de l’UE AES est de sensibiliser et d’éduquer les citoyens que sont les élèves ingénieurs agronomes. Cette situation d’apprentissage leur permet de travailler un ensemble de compétences transversales du référentiel des ingénieurs agronomes et des compétences plus spécifiques attendues pour les étudiants se spécialisant en sciences et productions animales. Les compétences visées et communiquées aux étudiants sont les suivantes :

  • Ecouter, argumenter, négocier et débattre
  • Pondérer ses propos
  • Se connaitre soi-même pour oeuvrer avec pertinence et efficacité quelle que soit la situation
  • Sortir de ses propres représentations, comprendre et respecter les représentations et les différences de perception des individus, des organisations professionnelles, de la société dans des contextes socio-culturels variés
  • Mobiliser les contenus des cours de l’UE AES et des ressources complémentaires mises à disposition
  • Synthétiser une information complexe en un temps court
  • Identifier des points de vue différents
  • Formuler des réponses documentées, nuancées et argumentées

Depuis 4 ans, le parcours pédagogique proposé utilise la pratique artistique (théâtrale) comme modalité pédagogique active. Après la période de confinement, le théâtre avait été choisi comme un moyen d’expression utile et nécessaire pour (re)créer du lien entre des étudiants qui ne se connaissaient pas et avec les enseignants qu’ils découvraient en présentiel.

2.2. Parcours pédagogique et artistique

Une évolution progressive de sept séquences (18 h) réparties en trois semaines permet de faire vivre aux étudiants une expérience individuelle et collective (Figure 1) pour toucher la complexité d’une thématique, s’engager corporellement et oralement grâce à des exercices et des techniques théâtrales. Elle aboutit à une présentation théâtrale de 45 minutes sous la forme d’un procès fictif de l’élevage. Au cours de cette progression, metteuse en scène – comédienne, ingénieure pédagogique et enseignante-chercheure s’impliquent dans le processus en réalisant avec les étudiants les exercices de chauffe corporelle et de technique théâtrale. L’encadrement proposé est un accompagnement pas à
pas, en groupe et individuel. Les prises de décisions sont collectives et soumises parfois au vote (gommettes, positionnement dans l’espace…). L’organisation collective est annoncée en début de parcours, rappelés en début de chaque séquence et ritualisée.

Quatre étapes sont respectées par séquence : un échauffement collectif, des exercices de techniques théâtrales, des travaux de groupe, de recherche documentaire et d’écriture, et un retour de la séance. Plusieurs temps de prise de recul et d’expression (individuelle et collective) de leur vécu sont proposés aux étudiants (Tableau 1).

Figure 1 : Schéma de la progression pédagogique

2.3. Analyse du recueil du vécu des étudiants

2.3.1. Diversité de supports pour une analyse qualitative

L’analyse présentée s’appuie sur des données collectées auprès des étudiants ayant suivi cette expérience, en 2024, au travers des supports détaillés dans le tableau 1. Le temps de collectage individuel à chaud (production d’un carnet de bord) permet de renseigner ce que les étudiants retiennent de la séance, ce qu’ils ont vécu, ce qui a été facile/difficile, ce qui les a touchés. Il est remis à l’enseignante en fin de parcours à l’issue de la présentation de la pièce de théâtre.

2.3.2. Exploration des profils des étudiants

Le questionnaire individuel transmis à la fin du parcours est divisé en 4 parties : 1/informations sur le répondant et son lien avec les activités artistiques, 2/caractérisation de l’expérience vécue, 3 caractérisation des activités proposées, 4/perception des compétences mobilisées. Les données collectées en 2024 ont permis d’établir une base de données caractérisant 35 individus au travers de 45 variables recensées dans un tableur Excel.

Tableau 1 : Données disponibles pour caractériser le vécu des étudiants

Support Retour en salle Carnet de bord individuel Questionnaire individuel
Période de réalisation A chaud : à la fin de chaque séquence A chaud : à la fin de chaque séquence A court terme : quelques jours après la présentation finale
Type de retour CollectifIndividuel Type de collectage Oral Ecrit
Type de questions Question répétée à chaque séquence Expression libre Questions qualitatives et quantitatives
Type d’analyse réalisée Observation, verbatim Analyse qualitative – sélection de verbatim - appui de ChatGPT Analyse descriptive et multidimensionnelle – utilisation du logiciel R

Tableau 2 : Base de données issue du questionnaire individuel des étudiants

Structure de la base de données Exemple de variables et modalités
45 variables 24 questions qualitatives fermées Perception globale Peu satisfaisante, Satisfaisant, Très satisfaisante
Implication personnelle Faiblement, moyennement, fortement
Soutien à l’apprentissage grâce à la pratique artistique Oui/non
Remobilisation possible des activités proposées Oui/non
Par compétence : perception de la mobilisation de la compétence Pas du tout, un peu, beaucoup, oui tout le temps
11 questions qualitatives ouvertes Image, mots clefs, commentaires Données textuelles
10 questions quantitatives Par activités : implication personnelle, apport individuel, apport pour le collectif Score donné par type d’activité (/100)

La structure de la base de données et une sélection de variables d’intérêt sont présentées dans le tableau 2. Après une analyse descriptive variable par variable, une analyse multidimensionnelle (Analyse en Composantes Multiples) et une classification ascendante hiérarchique ont été réalisées pour établir une typologie du vécu des étudiants avec le logiciel R 4.4.2.

Quatre variables actives (perception globale, implication personnelle, soutien à l’apprentissage, remobilisation possible des activités) ont été utilisées pour cette analyse. L’ensemble des autres variables ont été utilisées comme variables illustratives pour expliquer les différences entre classe.

3. Résultats et discussion

3.1. Evolution des ressentis au cours des séquences

Les étudiants ont une perception globale de l’expérience vécue en majorité satisfaisante (25/35) (figure 2A). L’implication personnelle globale est moyenne (16/35) à forte (18/35) tout au long du parcours (figure 2B). Le ressenti des étudiants a évolué au cours des séquences. Une analyse des carnets de bord individuels permet d’établir une courbe d’évolution de l’intensité des émotions perçues et décrites par les étudiants (figure 3). Après une période d’appréhension, l’engagement dans les exercices fait expérimenter et vivre une expérience individuelle qui donne un élan. Après une phase intense de créativité et d’émulation collective permettant la définition de la problématique, la phase d’instruction du procès représente une période de doute et de frustration. Le travail d’écriture et d’incarnation des personnages donne un élan nécessaire pour retrouver une motivation. L’approche de la présentation est une phase de stress intense. Une fois le défi relevé, les étudiants tirent une fierté de leur travail qu’ils perçoivent alors comme l’aboutissement du parcours artistique. Parfois critiques, ils reconnaissent en fin de parcours l’intérêt et la complémentarité des activités. L’image marquante du parcours est celle des « montagnes russes ».

Figure 2 : Perception des étudiants recueillie pour la perception globale du parcours (A), leur implication personnelle (B)

Figure 3 : Evolution de l’intensité des émotions vécues par les étudiants tout au long des séquences

3.2. Analyse des compétences mises en oeuvre par les étudiants

Les compétences (figure 4) mobilisées « tout le temps » « beaucoup » par les étudiants sont celles liées aux situations de controverse qui ont émergé dans le cadre de la construction du procès fictif « identifier des points de vue », « sortir de ses représentations », « écouter, argumenter, débattre » correspondant aux séquences 2 et 3. Il est cependant étonnant de constater que les compétences « formuler des réponses nuancées » « pondérer ses propos » ne soient pas perçues comme mobilisées « tout le temps ». « Synthétiser une information complexe » fait état d’une compétence mobilisée « beaucoup » notamment tout au long des séquences, et dans le cadre de la construction du procès fictif mettant en jeu les différents acteurs. Enfin « se connaître soi-même » est une compétence « peu » mobilisée, or les séquences permettaient d’expérimenter des exercices et techniques théâtrales, mettant en jeu corps et voix. Quant à la compétence « mobiliser des connaissances », elle est peu mobilisée, les étudiants ne semblent pas s’appuyer sur ce qu’ils ont déjà vu en cours ou sur ce qu’ils connaissaient déjà.

Deux éléments importants ont été également identifiés (figure 5), dans le cadre des questionnaires individuels, le constat que la pratique artistique est un soutien à l’apprentissage (26/35). Par ailleurs, 29 sur 35 expriment le fait qu’une remobilisation des activités (exercices et techniques théâtrales) dans un autre cadre peut être envisagée, notamment personnel ou professionnel.

Figure 4 : Perception globale par ordre d’importance des compétences mobilisées par les étudiants

Figure 5 : Perception des étudiants recueillies de la remobilisation possible des activités proposées (A) et du soutien à l’apprentissage permis par la pratique artistique (B)

3.3. Les profils des étudiants

L’analyse multidimensionnelle réalisée permet d’explorer la variabilité des réponses des étudiants et de les caractériser en 4 profils différents (Figure 6). Le gradient de satisfaction des étudiants permet de discriminer sur l’axe 2 des étudiants peu satisfaits (cluster 1, n=5), des étudiants très satisfaits (cluster 2, n= 6) et des étudiants globalement satisfaits mais dont la perception diffère (cluster 3, n=18 et 4, n=6). L’axe 1 oppose quant à lui des étudiants sur leurs réponses à la remobilisation possible des activités et du soutien à l’apprentissage permis par la pratique artistique théâtrale. Alors que les clusters 1, 2 et 3 ont des réponses plus hétérogènes, les étudiants du cluster 4 sont discriminés sur cet axe 1 par la modalité « Non » à ces deux variables. Ils n’estiment pas qu’ils pourront remobiliser les activités et que la pratique artistique a eu un intérêt pour leur apprentissage durant ce parcours.

Cette approche qualitative s’appuie sur des corrélations entre les variables du questionnaire individuel et sera complétée par l’analyse des carnets de bord des étudiants pour affiner la typologie.

Figure 6 : Typologie des profils des étudiants selon leur perception de l’expérience vécue

  • Des étudiants mal à l’aise et en retrait (n=5 / 35)

Ce profil se caractérise par des étudiants peu satisfaits, qui n’estiment pas du tout avoir remobilisé le contenu de l’UE pour cette activité et qui se sont moyennement impliqués dans les activités proposées, notamment lors des exercices de chauffe et des exercices techniques. Ce groupe donne des valeurs plus faibles que la moyenne à l’intérêt de ces exercices pour le collectif.

L’analyse des expressions libres des carnets de bord révèle que ce groupe d’étudiants étaient peu enthousiaste car mal à l’aise avec les exercices de théâtre. Ils associent ce malaise à des difficultés à s’exprimer en public et à des peurs liées à leurs expériences antérieures : « J’ai eu l’impression de revivre une période difficile de ma scolarité pendant cette séance. Elle a été très pénible pour moi ». Leur appréhension a été une source de blocage. En se mettant en retrait ils ne se sont pas laissés porter par l’expérience que vivait le groupe. Ils ont plutôt trouvé un intérêt individuel dans la définition de leur propre rôle. « Je ne suis pas toujours à l’aise avec les exercices de théâtre où l’on doit tous écouter une personne. Mais mon rôle dans la pièce me plaît beaucoup ». Les étudiants de ce profil sont conscients de leurs limites et que l’expérience a été difficile. Confrontés à des émotions parfois désagréables, ils ont travaillé dans ce parcours leur conscience à soi et appris à mieux gérer leur stress.

  • Des étudiants engagés et enthousiastes avec une sensibilité artistique (n= 6/35)

Les étudiants de ce profil sont très satisfaits de l’expérience, au cours de laquelle ils ont mobilisé plusieurs compétences en continu. Leur implication personnelle dans l’activité est forte et constante tout au long des séquences. « Plutôt que de subir les séances, j’ai choisi de m’y investir pleinement afin de mieux en profiter ». Ayant eux même pratiqué une activité artistique en loisir, ils ont une sensibilité artistique. Ils estiment que les exercices (chauffe, apports techniques, travail de groupe) sont à la fois bénéfiques pour le groupe et pour les individus. Une posture proactive leur permet de développer des compétences en communication et en travail en équipe.

  • Des étudiants observateurs et impliqués (n=18/35)

Ce profil se caractérise par une certaine réserve initiale vis-à-vis de l’atelier, voir un scepticisme et des doutes quant à son utilité. Cependant, les étudiants reconnaissent la valeur de l’expérience vécue, ils en sont satisfaits. Ils sont en posture d’écoute et l’implication personnelle dans les exercices leur permet de prendre conscience que la pratique artistique a soutenu leur apprentissage. « J’apprends des choses sur les gens, je me découvre au niveau du théâtre avec l’improvisation et la spontanéité » « J’ai été touché par la créativité des membres du groupe ». Les étudiants apprennent à sortir de leur zone de confort, à s’ouvrir à de nouvelles expériences. En acceptant le challenge, ils développent leur capacité d’adaptation.

  • Des étudiants pragmatiques et non engagés (n= 6/35)

Ce petit groupe d’étudiants se caractérise par une approche plus analytique de la problématique. Il participe aux exercices sans s’impliquer personnellement et corporellement. Il semble subir cette expérience, qui ne soutient pas son apprentissage et qu’il ne remobilisera pas. Il se focalise davantage sur les aspects concrets du projet et sur l’organisation du travail dans lequel il trouve sa place malgré tout. Les exercices (chauffe, technique théâtrale, présentation orale) sont souvent perçus comme difficiles et ne présentent pas d’intérêt pour lui ou pour le collectif. « La sensation d’être suivi était déstabilisante ».

La diversité de ces profils rappelle que l’adhésion des étudiants n’est pas acquise systématiquement pour ce type de parcours pédagogique qui propose des activités parfois inédites. L’enseignant.e doit être garante de l’expression de la singularité de chacun, afin de faire progresser les étudiants et qu’ils trouvent leur place dans le collectif de travail. La connaissance de cette typologie peut permettre d’affiner l’accompagnement d’étudiants sceptiques ou en retrait (choix d’activités et de personnages adaptés, discussion individuelle). Une pédagogie intégrant une approche artistique peut, à cette condition, être un outil d’émancipation des étudiants, dans le respect de leurs différences.

4. Conclusion

L’atelier théâtre s’avère être un moyen utile pour construire un dispositif pédagogique riche et stimulant, permettant aux étudiants de développer des compétences transversales essentielles pour leur formation. En sortant de leur zone de confort, ils ont appris à collaborer, à communiquer, à argumenter, à se connaître et à mieux appréhender la complexité du monde qui les entoure. L’expérience théâtrale a également permis de sensibiliser les étudiants aux enjeux du monde agricole et de favoriser une réflexion critique sur les relations entre les différents acteurs de la société.

En reliant les finalités de la formation et les techniques pédagogiques proposés, ce dispositif s’affirme comme un outil d’émancipation, transférable dans d’autres disciplines. Il offre aux étudiants la possibilité de remobiliser les compétences acquises dans leur vie personnelle ou professionnelle. Cette remobilisation souligne la valeur durable de l’approche artistique dans la formation des ingénieurs agronomes.

La réussite de ce parcours repose également sur la posture de l’enseignante, par une interdisciplinarité enrichissante et en complémentarité avec une metteuse en scène et une ingénieure pédagogique. Cette collaboration a permis d’intégrer des apports disciplinaires, techniques et créatifs, tout en offrant une progression pédagogique structurée et engageante.

En conclusion, l’intégration d’une pratique artistique dans l’enseignement des futurs ingénieurs agronomes illustre comment ces approches peuvent enrichir l’expérience d’apprentissage, mais aussi préparer les étudiants à relever des défis sociétaux et professionnels avec créativité et esprit critique.

Références bibliographiques

Cifali, M., Grossmann, S. et Périlleux, T. (2018). Présences du corps dans l’enseignement et la formation. Approches cliniques Cliopsy, N° 20(2), 168-173. https://doi.org/10.3917/cliop.020.0168

Delanoue, E., Dockes, A.-C., Chouteau, A., Roguet, C. et Philibert, A. (2018). Regards croisés entre éleveurs et citoyens français : vision des citoyens sur l’élevage et point de vue des éleveurs sur leur perception par la société. INRAE Productions Animales, 31(1), 51-68. https://doi.org/10.20870/productions animales.2018.31.1.2203

Duchesne, C. (2010). L’apprentissage par transformation en contexte de formation professionnelle. Éducation et
francophonie, 38(1), 33-50. https://doi.org/https://doi.org/10.7202/039978ar

Kolb, D. (1984). Experiential Learning : Experience As The Source Of Learning And Development (vol. 1).

Ryngaert, J.-P. (2010). Jouer, représenter - Pratiques dramatiques et formation (vol. Coll. Lettres sup). Armand Colin.

Wardavoir, H. (2019). L’art comme expérience transformatrice en éducation. Quelques réflexions sur l’approche par le théâtre pour développer la compétence relationnelle avec le patient. Pédagogie Médicale, 20(3), 107-109.

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