Alexandra Guité, « Repenser l’enseignement philosophique pour l’éducation à l’environnement : l’entraînement épistémique », Éducation relative à l’environnement [En ligne], Volume 19.1 | 2024, mis en ligne le 15 juin 2024, consulté le 29 janvier 2025. URL : http://journals.openedition.org/ere/11739
Si les crises environnementales contemporaines, telles que l’effondrement climatique, la perte de la biodiversité et la dégradation des écosystèmes, signalent une rupture critique dans les équilibres naturels et humains, elles pourraient aussi être envisagées comme des occasions de redéfinir les bases de nos modèles relationnels, sociopolitiques et économiques. Ces défis pourraient inciter à une révision fondamentale de nos relations au vivant et de nos conceptions du progrès, pour peu que les sociétés humaines parviennent à transcender les logiques extractivistes et les diverses inerties qui freinent l’émergence de nouveaux paradigmes. Ces crises, comme l’ont souligné Val Plumwood (2002) et Stephen M. Gardiner (2011), ne se réduisent pas à des problèmes scientifiques ou techniques : elles interrogent les rapports de pouvoir, les inégalités structurelles et les valeurs sous-jacentes à nos modes de vie tout en révélant les limites des rationalités dominantes.
Dans ce contexte, l’éducation peut-elle réellement jouer un rôle transformateur ? L’éducation relative à l’environnement (ERE), telle que définie par Sauvé et Villemagne (2006), est porteuse puisqu’elle propose un cadre pédagogique émancipateur : il s’agit d’une éducation au politique, critique, créative et mobilisatrice (Sauvé, 2017 ; Barthes, 2017). Ayant pour mission la formation de l’écocitoyenneté, entre autres à travers le développement de la pensée critique et de l’engagement éthique, l’ERE vise à déconstruire les récits simplificateurs et à repenser les réseaux de valeurs qui structurent nos relations avec le vivant (Sauvé et Villemagne, 2006).
Dans cette optique, les pratiques philosophiques issues de la philosophie pour enfants et adolescents (PPEA) pourraient constituer un complément particulièrement prometteur. Fondées sur des principes tels que le dialogue en communauté, l’enquête collaborative et la co-construction des savoirs, ces approches semblent parfaitement adaptées au développement d’une écocitoyenneté, arrimée à une participation démocratique éclairée (Lipman, 2011 ; Vansieleghem et Kennedy, 2011 ; Philocité, 2020). Elles offrent un espace où les apprenant.e.s peuvent développer des dispositions intellectuelles et éthiques telles que l’humilité, la curiosité et la rigueur critique, tout en s’appropriant les enjeux complexes du monde contemporain, dont ceux d’ordre socio-écologique.
Une telle intégration entre l’ERE et la PPE pourrait-elle devenir un terreau fertile pour concevoir et mettre en œuvre des réponses éducatives aux défis de notre époque ? L’association entre l’ERE et la PPE pourrait-elle non seulement enrichir les cadres pédagogiques existants, mais aussi ouvrir la voie à une éducation véritablement transformative et politique ? Cela signifie non seulement rendre accessible la compréhension des enjeux politiques auxquels la société est confrontée (Barthes, 2022), mais aussi engager les apprenant.e.s dans une exploration intime et relationnelle de leurs propres valeurs, croyances et responsabilités (Sauvé et Villemagne, 2006). En articulant une pensée multidimensionnelle (Lipman, 2011) à une sensibilité envers les autres et le monde vivant, cette approche pourrait favoriser une écocitoyenneté à la fois réflexive et profondément connectée.
Cependant, cette ambition se heurte à des obstacles, notamment l’impolitisme (Barthes, 2022), la désinformation, la polarisation des discours (Mouffe, 2013) et les vices épistémiques, des manières de pensée, des traits de caractère ou des attitudes qui font obstacle à la connaissance tels que l’insouciance face à la complexité (Cassam, 2019) ou l’inaction nourrie par le déni (Gardiner, 2011). La crise climatique actuelle illustre de manière frappante l’impact de ces problèmes épistémiques dans un contexte marqué par la fragilisation des fondements démocratiques (Turmel et Robichaud, 2020). Le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC, 2022) met d’ailleurs en lumière la gravité croissante de la situation climatique, tout en soulignant le rôle perturbateur de la désinformation dans la paralysie des actions collectives. Les expert.e.s alertent sur les effets délétères de cette désinformation, qui alimente l’inaction et fragilise les efforts de sensibilisation et de mobilisation. En Amérique du Nord, malgré un consensus scientifique écrasant sur la réalité du changement climatique, une « résistance à la science » persiste dans le domaine public. Cette résistance, nourrie par une rhétorique et des campagnes visant à discréditer les faits scientifiques, a engendré une incertitude systémique et exacerbé la polarisation de l’opinion publique, retardant ainsi les mesures indispensables d’atténuation et d’adaptation (Champagne, 2022). Ces limitations épistémiques doivent être prises en compte dans le choix des approches pédagogiques et des pratiques éducatives, mais aussi, elles font appel à une interrogation profonde sur les conditions mêmes qui favorisent ou inhibent le développement des vertus épistémiques.
Signalons d’entrée de jeu que le choix des termes vertus et vices tel que nous les employons dans cet article, s’inscrit dans une tradition philosophique héritée d’Aristote, qui, dans son Éthique à Nicomaque, définit les vertus comme des dispositions habituelles permettant à un individu d’atteindre l’excellence dans un domaine spécifique (aretê). Aristote distingue les vertus intellectuelles des vertus morales : les premières concernent des qualités comme la sagesse, la compréhension et la sagacité, et constituent des états louables liés à l’exercice de notre rationalité (2004, 1103a5-10). Quant aux vertus morales, elles incluent des dispositions comme la tempérance ou la générosité, orientées vers le juste équilibre dans nos actions et nos relations. Selon Aristote, « c’est en le faisant que nous l’apprenons » (2004, 1103a30). Par la pratique et l’enseignement, la vertu peut ainsi émerger et croître. Il décrit ces dispositions comme orientées vers le bien, une conception reprise et précisée par Comte-Sponville (2001, p. 1051). Ici, nous ferons plus spécifiquement référence aux vertus épistémiques telles qu’élaborées par Linda Zagzebski (1996), qui les définit comme des dispositions intellectuelles favorisant une quête sincère de connaissance et une réflexion critique.
Ainsi, bien que ces notions de vertus et de vices puissent évoquer un vocabulaire moraliste d’origine judéo-chrétienne, elles ne doivent pas être comprises dans un sens religieux ou punitif. Elles désignent plutôt des dispositions intellectuelles, positives ou négatives, qui s’acquièrent et influencent l’orientation de la pensée humaine, en favorisant ou en entravant sa compréhension et sa capacité de discernement.
Si, comme le propose Zagzebski (1996), ces vertus - telles que l’humilité intellectuelle, la persévérance ou l’ingéniosité - sont enracinées dans un désir profond de connaissance, alors elles pourraient bien être envisagées comme le contrepoint nécessaire, voire l’antidote, aux vices épistémiques (Cassam, 2019) comme l’arrogance, l’étroitesse d’esprit, le dogmatisme ou l’insouciance qui entravent la pensée. Or, les vertus, loin de se limiter à de simples compétences cognitives, représentent un certain idéal régulateur : elles orientent la réflexion humaine vers des pratiques intellectuelles ouvertes, respectueuses des faits, mais aussi attentives aux incertitudes et aux nuances. C’est également pourquoi nous avons choisi d’adopter le concept de vertus, car l’épistémologie des vertus et l’éthique des vertus s’enracinent dans la notion aristotélicienne de sagesse pratique (phronesis). Cette dernière désigne la capacité d’agir de manière juste, au bon moment et de la bonne façon, une aptitude qui se cultive et se pratique, notamment en apprenant à mieux penser par soi-même et avec les autres. En ce sens, la reconnaissance des vertus ne limite pas la liberté de penser, mais au contraire, aide à structurer une réflexion qui peut mener à une autonomie éclairée. Par ailleurs, il faut reconnaître que l’idée même de conceptualiser des vertus et des vices peut devenir un objet de réflexion philosophique.
À cet effet, il nous intéresse de vérifier si les trois cours de philosophie obligatoires dans le parcours de formation collégiale au Québec [1] peuvent jouer un rôle, notamment sur le plan du développement de ces vertus épistémiques. Rappelons que l’épistémologie, au sens large, s’intéresse aux conditions et aux processus d’acquisition, de justification et de transmission des connaissances (Audi, 2010). Dans le cadre des pratiques philosophiques, cette discipline examine comment les apprenant.e.s construisent leurs savoirs, évaluent la validité des informations et participent activement à une enquête collaborative pour mieux comprendre le monde (Lipman, 2011 ; Vansieleghem et Kennedy, 2011).
L’objectif central de notre démarche est ainsi d’explorer l’entraînement épistémique comme un processus éducatif visant à développer, chez les apprenant.e.s, des habitudes de pensée rigoureuses et réflexives. En mobilisant une pensée critique, créative et attentive, un tel entraînement permettrait non seulement de résoudre des problèmes et d’évaluer des arguments, mais aussi de prendre des décisions éthiques dans des situations marquées par l’incertitude et la polarisation.
En transformant la philosophie en une pratique vivante et collaborative, la pléthore de dispositifs issus de la philosophie pour enfants et adolescents (PPEA) encourage une réflexion approfondie, tout en renforçant l’autonomie intellectuelle, le jugement moral et les compétences citoyennes (Tozzi, 2018). Ces dispositifs permettent également d’aborder avec sensibilité des « questions socialement vives », au sein de communautés de recherche (Tozzi, 2018). Ces questions désignent des problématiques contemporaines qui suscitent des débats éthiques et scientifiques, tels que les enjeux climatiques ou les responsabilités intergénérationnelles.
Cependant, l’adaptation de ces pratiques à des contextes diversifiés, comme l’enseignement collégial, demeure largement sous-explorée. Cela soulève une interrogation fondamentale : comment ces pratiques pourraient-elles contribuer à surmonter les défis épistémiques et éthiques propres à l’éducation relative à l’environnement ? Comment pourraient-elles, en même temps, favoriser une pensée critique, créative et attentive chez les étudiant.e.s ?
Cet article examine comment la PPEA, en mobilisant des principes pédagogiques collaboratifs, pourrait enrichir l’ERE au collégial et aider les étudiant.e.s à naviguer dans la complexité des enjeux écologiques. Nous y poursuivons deux objectifs principaux. Le premier est de clarifier le potentiel des pratiques issues de la PPEA, en montrant comment leurs principes théoriques et méthodologiques - tels que l’oralité, le dialogue, l’enquête et la co-construction des savoirs - peuvent enrichir l’enseignement philosophique au collégial et répondre aux défis de l’ERE. Le second est d’amorcer le développement de pistes pour intégrer ces pratiques dans des cours de philosophie au cégep afin de préparer les étudiant.e.s à affronter des problématiques environnementales complexes.
La réflexion s’organise en trois sections. La première analyse les enjeux spécifiques à l’ERE, notamment les obstacles épistémiques qui freinent l’action face aux crises écologiques (Cassam, 2019). La seconde explore les fondements théoriques de la PPEA et leur pertinence pour une pédagogie interactive et collaborative (Sharp, 2007 ; Lipman, 2011 ; Vansieleghem et Kennedy, 2011). Enfin, la troisième propose une réflexion sur les applications de ces pratiques dans l’enseignement collégial.
Concepts épistémiques : vices et vertus
Le concept de paralogisme fait référence à un type d’erreurs de raisonnement logique qui n’est pas causée par de la malveillance (Baillargeon, 2022). Pour notre réflexion, il nous intéresse de conceptualiser ce type de maux ou vices de la pensée du quotidien qui pourraient affectent l’étudiant.e d’un cours de philosophie au collégial dépourvu a priori de motivations malveillantes. Pour nous aider dans ce travail, nous nous servons des outils d’analyse proposés par Quassim Cassam (2019), qui permettent de cerner et de délimiter certaines entraves à la connaissance. En effet, dans Vices of the Mind, Cassam (2019) délimite ce qu’il appelle les vices épistémiques. Il s’agit des vices qui « renvoient à des traits de caractère, des attitudes ou des modes de pensée qui font obstacle à l’acquisition et au partage des connaissances. Par exemple, l’étroitesse d’esprit, l’arrogance intellectuelle, les préjugés, le dogmatisme, le mensonge à soi-même et le biais de confirmation sont des vices épistémiques » (Cassam, 2019, p. 23, traduction libre). À partir de l’étude des cas spécifiques concernant des décisions peu judicieuses et erronées dans le champ politique, militaire et juridique, l’auteur conclut que les vices spécifiquement épistémiques « affectent la capacité à apprendre des autres et des faits, ils inhibent la capacité à s’autocorriger et à être ouvert aux corrections des autres » (Cassam, 2019, dans Frega, 2013, p. 31).
En se penchant sur ces vices de la pensée que décrit Cassam, un corollaire apparaît souvent chez ceux qui en sont affectés : la faible tolérance envers l’ambiguïté, c’est-à-dire une difficulté à accepter les nuances et la complexité de la réalité. Recadrant l’effet Dunning-Kruger, qui décrit la tendance des individus peu compétents à surestimer leurs capacités, Cassam l’applique pour examiner ce qu’il appelle également des vices furtifs (stealthy vices). Ces derniers sont caractérisés par leur capacité à passer inaperçus, y compris pour ceux qui en sont affectés. Cassam met en garde contre l’arrogance qui accompagne souvent l’incompétence, soulignant que les individus souffrant de vices épistémiques ne sont généralement pas conscients de leurs propres biais cognitifs. Cette inconscience rend leur détection et leur correction particulièrement complexes, surtout dans des contextes où le questionnement critique et la remise en question personnelle sont essentiels.
L’insouciance épistémique
Cassam développe également le concept d’insouciance épistémique, qui pourrait s’avérer particulièrement éclairant, entre autres dans les cours de philosophie au collégial. L’insouciance épistémique fait référence à l’indifférence ou même l’absence de préoccupation d’une personne quant à la question de savoir si ses propres affirmations sont fondées sur la réalité ou sur des preuves (Cassam, 2019, dans Poole, 2019). À titre d’exemple, Cassam (2019) dépeint les attitudes de certains apôtres du Brexit qui ont manifesté peu d’égard envers les faits vérifiables lors de leurs campagnes en faveur de leur position. Il s’agit d’un concept proche de celui de paresse épistémique (« epistemic laziness ») (Médina, 2012), qui définit une posture de nonchalance face à la rigueur de l’enquête et de la démonstration, ce qui peut s’incarner souvent dans des déclarations initiales souvent dogmatiques (« tout le monde sait que x est y ») ou relativistes (« tout le monde a un avis différent sur cette question, donc on ne peut pas se prononcer »).
Quassim Cassam (2019) cerne également une tendance à la trop grande simplification chez de nombreuses personnes, soit « la tendance à considérer des questions complexes comme beaucoup plus simples qu’elles ne le sont en réalité » (p. 175, traduction libre). Ce vice est particulièrement corrosif puisque non seulement l’insouciant et l’insouciante sont victimes de leurs propres failles épistémiques, mais en plus, ils et elles peuvent influencer leur entourage. Ainsi, ces personnes peuvent exercer une influence pernicieuse sur les autres en les empêchant, à leur tour, d’effectuer le travail intellectuel requis pour élaborer des connaissances claires qui, on le souhaite, mèneront à des actions judicieuses sur le plan éthique.
Cassam (2019) ne donne pas toutefois de solutions pédagogiques aux vices de la pensée, hormis l’esquisse d’un travail psychologique et thérapeutique à élaborer sur soi-même pour dépasser ces vices, c’est-à-dire pour « déjouer les vices de son caractère » (p. 185). Très sommairement, pour s’améliorer, il faudra « une prise de conscience, un désir d’amélioration et une méthode d’amélioration » (Banaji et Greenwald, 2016, p. 147, traduction libre). Or dans le même souffle, Cassam (2019) conclut son diagnostic des vices de la pensée en sonnant l’alarme. Il est urgent de les dépasser parce que la seule possibilité d’éviter des désastres politiques et sociaux, étroitement liés à des problèmes de la pensée et des attitudes épistémiques problématiques, est d’« améliorer notre façon de penser, nos attitudes et nos habitudes de réflexion et de recherche » (Cassam, 2019, p. 187, traduction libre).
Une solution en éducation
Selon l’argumentaire de Cassam (2019), les vices épistémiques ne sont pas seulement des obstacles au savoir ; ils possèdent également une dimension morale qui les rend répréhensibles. En s’appuyant sur une terminologie déontologique des droits et des devoirs, l’auteur soutient qu’il est impératif de combattre ces vices, qu’il compare à un virus menaçant la santé du corps social. Il appelle à une prise de responsabilité épistémique, en particulier de la part de ceux qu’il désigne comme des « connaisseurs ». Ces derniers, écrit-il, ont une responsabilité particulière : « Les experts ont des responsabilités, notamment celle de ne pas écarter les remises en question de leurs croyances sans justification valable » (Cassam, 2019, p. 23, traduction libre). Cette responsabilité dépasse la simple quête de vérité ; elle implique également de considérer les répercussions que des croyances erronées ou mal fondées peuvent avoir sur la société, qu’il s’agisse de renforcer des biais envers certaines personnes ou de propager des contenus erronés ou fallacieux. En ce sens, elles ne sont pas seulement des erreurs intellectuelles ; elles influencent les comportements et les décisions, souvent à grande échelle, perpétuant des injustices, aggravant des crises sociales ou environnementales, ou encore entravant le développement du potentiel individuel et collectif.
Dans ce contexte, les approches éducatives capables de contrer les vices épistémiques et de favoriser le développement de leurs contraires, c’est-à-dire des vertus épistémiques, deviennent pertinentes. Ces vertus, comme l’ont exploré Zagzebski (1996), Sosa (2007) et Kvanvig (1992), sont des qualités intellectuelles qui facilitent non seulement l’acquisition et la transmission des connaissances, mais également la capacité à agir de manière éthique et responsable dans des environnements complexes. Parmi ces vertus, on peut identifier : 1) l’humilité intellectuelle pour reconnaître les limites de son propre savoir et accepter la possibilité d’erreurs, une disposition essentielle pour surmonter l’arrogance épistémique ; 2) la curiosité pour s’engager activement et sincèrement dans la recherche de la vérité, un moteur pour explorer des problématiques complexes sans se contenter de réponses simplistes ; 3) la flexibilité intellectuelle pour accepter et intégrer de nouvelles perspectives ou preuves, une qualité clé pour contrer le dogmatisme et favoriser la progression du savoir ; 4) le courage épistémique pour faire face aux incertitudes, aux désaccords ou aux vérités inconfortables, tout en maintenant un engagement envers la rigueur et la vérité.
Ainsi, chaque vice épistémique peut être contrebalancé par une vertu épistémique correspondante, qui représente une disposition intellectuelle et éthique favorable à l’acquisition, à l’analyse et à l’utilisation des connaissances (Tableau 1).
Tableau 1 : Corrélation entre vices et vertus épistémiques : Dispositions à cultiver
Par exemple, face à l’arrogance, développer l’humilité ; face à la paresse contraster la curiosité ; ou face à la diligence et à l’étroitesse d’esprit, travailler plutôt l’ouverture d’esprit (Frega, 2013, p. 985). Cependant, ces vertus ne se développent pas spontanément : elles nécessitent un environnement éducatif propice, structuré autour de la réflexion critique et de l’interaction collaborative. C’est ici que les pédagogies axées sur la délibération, l’enquête et la co-construction des savoirs, comme celles mises en œuvre dans PPEA offrent un cadre et des pédagogies particulièrement prometteuses et ingénieuses.
Fondements théoriques de la PPEA
Le programme de philosophie pour enfants et adolescentes (PPEA), développé par Matthew Lipman et Margaret Ann Sharp à la fin des années 1960, repose sur l’idée que les dispositions intellectuelles et éthiques peuvent être cultivées dès le plus jeune âge grâce à des pratiques dialogiques et collaboratives. Lipman et Sharp ont souligné l’importance d’engager les élèves dans des discussions philosophiques significatives en créant des communautés de recherche où les participant.e.s explorent des questions fondamentales, participent à des dialogues collectifs et développent leurs compétences en raisonnement critique.
John Dewey, dont la pensée a significativement influencé Lipman et Sharp, offre des éclairages essentiels pour penser l’aspect expérientiel de l’éducation, tout en soulignant le rôle central de la communauté pour tester et élargir la réflexion individuelle. Il a mis en avant l’idée que l’éducation doit être un processus fondamentalement social et interactif, où les individus apprennent les uns des autres tout en développant des compétences de pensée collaborative. Pour Dewey, il ne s’agit pas simplement de transmettre des savoirs, mais de reconstruire en permanence le sens de l’expérience vécue (Nepton, 2018, p. iii).
Dewey dans Experience & Education (1938) souligne que la pensée s’active lorsqu’il y a des problèmes à résoudre et que les idées prennent sens lorsqu’elles peuvent être appliquées à des situations concrètes. Pour lui, la réflexion critique est intrinsèquement liée à des expériences réelles et contextuelles, qui offrent un terrain fertile pour confronter des idées et affiner la compréhension. Il définit également les critères fondamentaux de la pensée efficace, qui doit être à la fois rigoureuse et disciplinée, mais également flexible et ouverte aux nouvelles perspectives. Une telle pensée se caractérise par un souci constant de vérité et une capacité à réévaluer et corriger ses propres croyances, autant d’éléments qui rejoignent la posture de l’épistémologie des vertus privilégiée par Linda Zagzebski (1996). Cette posture repose sur des vertus intellectuelles telles que l’humilité, la curiosité et la rigueur critique, lesquelles sont enracinées dans un désir sincère et profond de connaissance.
Convaincu.e.s que la philosophie peut être un outil puissant pour favoriser le développement cognitif et émotionnel des jeunes, Lipman et Sharp cherchent également à éveiller en elles et eux un sentiment d’émerveillement et de curiosité. Leur approche ne vise pas à transmettre l’histoire de la philosophie, mais à encourager les élèves à philosopher par elles et eux-mêmes, en s’appropriant les concepts et les problématiques. Cette démarche dépasse le simple cadre pédagogique pour revêtir une dimension éthique et politique. Comme le souligne Philocité (2020), cette approche est éthique, car « il s’agit d’apprendre à déceler les raisons derrière chaque choix et les conséquences potentielles de ceux-ci » (p. 45). De surcroit, pour ses cofondateurs, la PPEA a une portée politique essentielle : elle initie les élèves à la pratique de la délibération collective, un apprentissage fondamental pour former des citoyen.ne.s capables de participer activement à une démocratie véritablement participative.
Aujourd’hui, parfois désignée sous le terme de nouvelles pratiques philosophiques (Philocité, 2020), la philosophie pour enfants et adolescentes (PPEA) englobe une diversité de dispositifs dialogiques reconnus dans le monde francophone. Parmi ces dispositifs figurent la communauté de recherche philosophique (Lipman, 2003 ; Sharp, 1997, 2009 ; Sasseville et coll., 2018), la situation d’apprentissage philosophique (Gagnon et Yergeau, 2017 ; Gagnon et Mailhot-Paquette, 2022), la réfutation socratique (Brénifier, 2005), l’atelier de discussion à visée philosophique (ADVP) (Tozzi, 2001, 2010), les ateliers de réflexion sur la condition humaine (ARCH) (Lévine, 2008), les ateliers de philo-création (Fletcher, 2020) et le dialogue philosophique à partir de la littérature jeunesse (Chirouter, 2015).
Initialement conçues pour les enfants et les adolescentes, ces pratiques se sont progressivement étendues à d’autres publics. Aujourd’hui, elles trouvent leur place dans des contextes éducatifs et communautaires variés, incluant les adolescent.e.s, les étudiant.e.s collégiaux et universitaires, ainsi que les adultes.
Elles visent généralement quatre objectifs principaux. Premièrement, le développement de l’autonomie intellectuelle et éthique : ces pratiques encouragent les étudiant.e.s à réfléchir par eux-mêmes et à formuler leurs propres jugements éclairés, en s’appuyant sur des méthodologies participatives (Bleazby, 2013). Deuxièmement, la pensée multidimensionnelle : elles stimulent la pensée critique, en poussant les élèves à analyser des arguments de manière rigoureuse ; la pensée créative, en leur permettant d’imaginer des solutions nouvelles ; et la pensée attentive, en valorisant le souci épistémique, l’empathie et le respect des perspectives d’autrui (Lipman, 2011). Troisièmement, le renforcement du jugement moral : ces approches aident les étudiant.e.s à naviguer dans des dilemmes éthiques complexes, en mobilisant des cadres philosophiques pour évaluer des choix de manière réfléchie (Tozzi, 2018). Finalement, l’éducation à la citoyenneté : en abordant des « questions socialement vives » (QSV) (Tozzi, 2018), telles que les enjeux environnementaux ou la fragilisation des démocraties, ces approches visent à mieux préparer les étudiant.e.s à participer activement à la délibération publique et à des actions responsables.
Les pratiques philosophiques pour l’éducation à la citoyenneté
Michel Tozzi, figure éminente de la PPEA, a mis en avant le potentiel transformateur des Dialogues à Visée Démocratique et Philosophique (DVDP) pour cultiver le jugement moral et nourrir un sens profond de la citoyenneté chez les étudiant.e.s, ce qui apparaît particulièrement pertinent dans une optique d’ERE qui vise le développement de l’écocitoyenneté. Ces discussions emblématiques ne se limitent pas à une simple exposition à des concepts moraux ou de la transmission de valeurs : elles offrent également une plateforme pour explorer les paradoxes et les dilemmes éthiques complexes que chacun rencontre dans sa vie (2012, p. 64).
Tozzi (2018, p. 70) explique qu’un dilemme implique souvent des choix complexes et douloureux, car il confronte deux solutions contradictoires. Face à ces situations, il est nécessaire de réfléchir, de peser les options avec soin et de considérer leurs implications. Dans ce contexte, la communauté de recherche devient un espace d’expression privilégié, offrant un cadre pour s’entraîner à exercer un jugement moral de manière délibérative et rationnelle.
En outre, ces discussions encouragent les étudiant.e.s à réfléchir aux fondements de la philosophie politique tout en les engageant dans des débats sur des problématiques sociales concrètes et des controverses contemporaines. L’objectif est d’instiller des attitudes et des dispositions démocratiques, essentielles pour aborder les défis environnementaux et sociaux de manière critique, collaborative et responsable. Les DVDP, en croisant réflexion éthique, engagement citoyen et pensée critique, s’alignent ainsi étroitement avec les ambitions de l’ERE : elles offrent un cadre propice à l’émergence d’une écocitoyenneté éclairée et active.
En résonance avec l’héritage de Dewey, Lipman et Sharp, Tozzi (2018) met en avant l’efficacité des discussions philosophiques basées sur l’enquête pour stimuler la pensée indépendante. Il illustre de manière inspirante les apports spécifiques de chaque étape d’une didactique philosophique : approfondir des distinctions conceptuelles (par exemple, entre le bien et le juste), articuler les relations entre les concepts (comme le lien entre liberté et responsabilité), développer une capacité de problématisation (en explorant, par exemple, les nuances entre liberté et autonomie) et situer ces notions dans les grands courants de la philosophie morale, tels que la morale de la « vie bonne » selon Aristote (Tozzi, 2018, p. 65).
Tozzi met également l’accent sur l’importance d’articuler la logique argumentative avec une approche empathique et sensible dans la construction du savoir philosophique, affirmant qu’« il n’y a pas de conscience morale qui ne s’émeuve, ne s’enthousiasme ou ne s’indigne » (2018, p. 64). Ces démarches combinent ainsi la rigueur intellectuelle et l’engagement affectif, contribuant au développement d’une pensée critique et autonome.
Ces approches, qu’elles soient étasuniennes (dans le sillon de Lipman et Sharp) ou françaises (avec Tozzi et la démarche de la DVDP), reposent sur des pratiques de dialogue philosophique où les expériences collectives de discussions rationnelles dirigées visent à développer à la fois des habiletés de pensée et des compétences sociales. Sur le plan social, ces pratiques favorisent l’écoute, la co-construction, le recentrage et l’introspection, enrichissant ainsi les dynamiques de réflexion collective (Sasseville, 2009).
Éducation relative à l’environnement et enjeux épistémiques
L’ERE se définit comme une démarche éducative visant entre autres à clarifier et structurer les représentations sociales des apprenant.e.s à propos de l’environnement. Ces représentations, construites à partir d’expériences personnelles et d’interactions sociales, intègrent un ensemble de conceptions, d’attitudes, de valeurs et de significations (Sauvé et Machabée, 2000, p. 184). L’ERE mobilise ainsi des dimensions éthiques, épistémiques et pédagogiques pour favoriser une réflexion à la fois intime et globale sur la relation au vivant. Or, comme le soulignent Sauvé et Villemagne (2006), la réflexion éthique dans le cadre de l’ERE est particulièrement exigeante, car elle implique la clarification et le questionnement des croyances, attitudes, valeurs et des actions qui en découlent. Elle vise à transformer les modes de pensée et à accompagner les personnes et les groupes sociaux pendant « le très complexe processus d’apprendre à être, à entrer en relation et à devenir » (Idem).
Par ailleurs, ce projet éducatif se distingue par son intérêt pour le rapport à Oïkos, cette maison commune où les relations d’altérité s’étendent à l’ensemble des formes et des systèmes de vie. Loin d’être neutres, les relations entre les êtres humains et le monde naturel sont imprégnées de significations et de valeurs, ce qui justifie une reconstruction des liens entre les personnes, les groupes sociaux et leur environnement. Cette reconstruction s’inscrit dans une trame de valeurs qu’il convient d’expliciter, de remettre en question, de justifier, de transformer ou de consolider, soulignant ainsi la nature critique et holistique de l’ERE (Sauvé et Villemagne, 2006).
Sur le plan éthique, l’ERE interroge les valeurs qui sous-tendent nos relations avec la nature et encourage une prise de responsabilité individuelle et collective envers le monde naturel, étroitement connecté aux réalités sociales (Sauvé et Garnier, 1999). Sur le plan épistémique, elle questionne les biais cognitifs et les limites de nos cadres de pensée, tout en incitant les apprenant.e.s à adopter une posture critique face aux savoirs. Enfin, sur le plan pédagogique, l’ERE privilégie des approches interactives et collaboratives, qui favorisent la co-construction des savoirs, la pensée critique et l’engagement moral.
Une telle démarche repose sur une pédagogie active et participative, dans laquelle les apprenant.e.s s’engagent dans la construction simultanée d’une éthique personnelle et d’une éthique sociale. Comme le soulignent Sauvé et Villemagne (2006), l’éthique est avant tout une affaire d’être : elle interpelle chaque individu dans l’intimité de son rapport au monde, l’invitant à examiner ses valeurs et ses engagements.
Selon Lucie Sauvé et Louis Macchabée (2000), l’ERE répond à ces enjeux en transformant les schèmes représentationnels des participant.e.s, tout en les outillant pour affronter les défis éthiques, écologiques et sociétaux. Ces auteurs précisent que la représentation d’un objet, ici l’environnement, correspond à un ensemble de conceptions, d’attitudes, de valeurs, de significations, de connotations, d’associations et d’autres éléments d’ordre cognitif ou affectif. Ces représentations résultent de l’expérience de cet objet tout en déterminant la relation que le sujet entretient avec celui-ci (Sauvé et Machabée, 2000, p. 183).
Intégration de la PPEA et de l’ERE dans l’enseignement collégial
L’enseignement de la philosophie au collégial a historiquement privilégié la lecture et l’analyse magistrales des textes classiques, mettant en lumière les débats fondamentaux entre des auteurs clés tels que Platon, Descartes, Bentham et Kant. Cette approche, bien documentée dans la littérature pédagogique (Sharp et Reed, 1997 ; Tozzi, 2001 ; Lipman, 2003 ; Sasseville, 2009 ; Vansieleghem et Kennedy, 2011 ; Després, 2015), reste une pierre angulaire de la formation philosophique.
Cependant, bien qu’une telle approche soit indispensable pour outiller les étudiant.e.s face aux défis épistémiques, éthiques et politiques actuels, l’enseignement magistral traditionnel montre ses limites. En effet, il tend à figer la philosophie dans une approche théorique, parfois éloignée des préoccupations concrètes des apprenant.e.s. Pour répondre à cet enjeu, nous proposons une approche pragmatique inspirée de la PPE, adaptée au contexte collégial. Celle-ci met au cœur de l’apprentissage la prise de parole réflexive, invitant les étudiant.e.s à interroger leurs propres valeurs tout en structurant leur pensée afin de mieux la communiquer au sein de leur communauté.
Cette approche s’inscrit d’ailleurs pleinement dans les orientations du devis ministériel des cours. Par exemple, l’intitulé du premier cours de philosophie au collégial, Philosophie et rationalité, indique que ce cours vise à développer l’aptitude des étudiant.e.s à appliquer leurs connaissances et leurs jugements théoriques à des problèmes philosophiques ainsi qu’à l’analyse de situations actuelles. Ce cours met l’accent sur le développement de compétences pratiques et appliquées, telles que le questionnement, la problématisation, la conceptualisation, le jugement, le raisonnement, l’argumentation, l’analyse, la synthèse, la comparaison et l’approfondissement des idées.
Une telle approche rejoint la perspective de Dewey selon lequel la réflexion critique est stimulée par des expériences réelles et contextuelles. Elle fait aussi écho aux principes de l’ERE, qui insiste sur la nécessité de travailler sur soi, ses représentations et ses relations avec son environnement. En effet, l’ERE encourage une exploration introspective et collective des valeurs, attitudes et schèmes cognitifs qui façonnent la manière dont les individus interagissent avec leur milieu (Sauvé et Machabée, 2000). De façon similaire, une pédagogie philosophique active engage les élèves dans des enquêtes significatives portant sur des enjeux qui leur tiennent à cœur, comme les questions environnementales ou la fragilisation de la démocratie, tout en favorisant un examen critique de leurs propres relations au monde. L’objectif commun est de créer un espace éducatif où les élèves non seulement s’attèlent à trouver et à fabriquer du sens, mais où ils prennent conscience de leurs représentations et de leurs interactions avec leur environnement, en vue de les assumer ou de les remodeler.
En intégrant l’idée de la construction continue de la connaissance (Dewey, 1933 ; Lipman, 2011), l’enseignement philosophique au collégial peut encourager les étudiant.e.s à devenir des agent.e.s épistémiques actifs et responsables. Inspiré par les travaux de Fricker (2007) et de Zagzebski (1996), ce concept désigne la capacité des individus à participer de manière autonome et réfléchie à la production, à l’évaluation et à la diffusion des savoirs, tout en assumant une responsabilité éthique et intellectuelle dans ce processus. Cette agentivité épistémique repose sur des vertus intellectuelles (Zagzebski, 1996). Elle implique un engagement dans des processus complexes : questionner les sources, examiner les arguments, évaluer les implications éthiques des croyances, et agir en conséquence face aux défis intellectuels et sociétaux. Dans ce contexte, l’enseignement philosophique peut outiller les étudiant.e.s pour répondre aux défis environnementaux, non seulement en développant leurs compétences critiques, mais aussi en cultivant leur capacité à identifier et à contrer les vices ou entraves épistémiques tels que l’insouciance ou le biais de confirmation, qui freinent l’action collective.
Par exemple, la mise en place de discussions de groupe où chacun peut partager ses idées et remettre en question celles des autres favoriserait une compréhension collective et progressive tout en développant une plus grande humilité épistémique (Warnick, 2022 ; Fricker, 2007). De plus, l’organisation de projets collaboratifs nécessitant une réflexion commune pour résoudre des problèmes complexes pourrait développer des compétences de pensée multidimensionnelle tout en renforçant la construction continue du savoir (Medina, 2013 ; Tozzi, 2018). Enfin, l’adoption de méthodes pédagogiques qui favorisent la participation active et la prise de décision collective, telles que les enquêtes et les communautés de recherche philosophique, inciterait les étudiant.e.s à valoriser et intégrer diverses perspectives, enrichissant ainsi leur processus d’apprentissage tout en exerçant leur pensée empathique (Sharp, 1997 ; Lipman, 2011 ; Philocité, 2020).
Bien que les contenus spécifiques et l’histoire de la philosophie soient essentiels pour éclairer les grandes questions de la pensée humaine, ils gagnent en profondeur lorsqu’ils sont intégrés dans une démarche active. Cette démarche vise non seulement le développement de l’autonomie intellectuelle de l’individu, mais aussi sa capacité à interagir de manière réfléchie avec son environnement (Philocité, 2020, p. 23). Deux dimensions complémentaires peuvent structurer la conception d’un curriculum et d’une pédagogie philosophiques : d’une part, un contenu motivant, que Martens (1999) qualifie de « thèmes homériques nourrissant l’âme », et d’autre part, une méthode critique de pensée, inspirée du style dialogique de Socrate, ce véritable « taon » qui incite à la réflexion (Martens, 1999, p. 138). Cette approche encourage à la fois une sensibilité aux savoirs et le développement d’une aptitude à porter des jugements éclairés, reposant sur une action communicative et une interprétation collaborative (Vansieleghem et Kennedy, 2011, p. 177).
Certaines critiques pourraient suggérer que de telles activités pédagogiques, bien qu’ingénieuses, risquent de détourner les étudiant.e.s de l’étude des textes classiques du grand corpus commun ou de la rigueur analytique propre à la philosophie. À cela, il est essentiel de répondre que ces approches ne visent pas à remplacer la tradition philosophique, mais à l’enrichir. Ces pratiques supposent une méthodologie philosophique rigoureuse, orientée vers l’exploration de ce qui mérite d’être discuté, de ce qui est implicite, de la cohérence du discours, des définitions, des présuppositions, des sophismes, des raisons, des modes de connaissance et, enfin, des alternatives (Sasseville, 2009, p. 119).
La philosophie, dès Socrate, ne se limite pas à transmettre des connaissances : elle est un exercice vivant de remise en question, d’analyse et de dialogue. En ce sens, les pratiques proposées s’inscrivent dans cette visée : elles encouragent les étudiant.e.s à recourir aux outils philosophiques dans des situations concrètes et à développer une réflexion critique enracinée dans l’expérience. Cela répond à un besoin éducatif fondamental : contribuer à former des esprits capables non seulement de comprendre, mais aussi de juger et d’agir.
En ce sens, la philosophie a certes également un rôle majeur à jouer face aux injonctions souvent contradictoires en matière d’action environnementale. Est-il éthique d’évaluer l’engagement environnemental des individus sans tenir compte de leurs moyens ou des inégalités sociales ? Est-il juste d’exiger des actions individuelles lorsque les États eux-mêmes soutiennent la destruction environnementale à travers des décisions comme les subventions aux industries pétrolières ou leur inaction face aux recommandations du GIEC ? Ces questions ne sont pas secondaires : elles mettent en lumière l’importance d’une analyse éthique et systémique des responsabilités, et soulignent l’urgence de mobiliser une pensée critique et collaborative pour aborder ces enjeux.
L’entrainement épistémique
En philosophie au collégial, nous avons l’occasion de travailler sur les vices épistémiques qui entravent la pensée critique, telle que l’insouciance épistémique. Celle-ci se manifeste souvent par des positions relativistes, comme l’idée que « chacun a son opinion », ce qui empêche toute réflexion problématisante et toute évaluation rigoureuse des arguments. Kuhn et Dean (2004) montrent que cette attitude, caractéristique de ce qu’ils appellent un niveau multiplistique d’entendement épistémologique, tend à neutraliser la pensée critique en assimilant toutes les opinions à des vérités équivalentes. Dans ce contexte, il devient essentiel d’amener les étudiant.e.s à dépasser ce stade pour atteindre un niveau évaluatif. Ici, ils et elles apprennent à justifier leurs croyances en mobilisant des critères argumentatifs et des preuves solides, permettant ainsi de produire des jugements éclairés et fondés sur les enjeux actuels (Kuhn et Dean, 2004, p. 272).
La pensée évaluative que nous souhaitons promouvoir repose sur la capacité à distinguer des assertions selon leur degré de validité et d’évidence, et à développer des jugements informés et argumentés. Cette progression intellectuelle repose également sur la métacognition, définie comme la prise de conscience et la gestion de sa propre pensée ou encore, « penser à sa manière de penser » (Kuhn et Dean, 2004). Lipman (2011, p. 38) décrit cette pensée comme étant réflexive : elle est consciente de ses affirmations et des justifications de ses conclusions. Elle prend en considération la méthodologie et les procédures qui lui sont propres, tout en restant prête à reconnaître les facteurs susceptibles d’entraîner des partis pris, des préjugés ou des incompréhensions. En ce sens, elle exige de réfléchir simultanément aux procédures et au sujet abordé. C’est peut-être pour cela que la communauté de recherche philosophique apparaît comme étant davantage philosophique qu’une simple discussion ou qu’une lecture d’un texte classique. En intégrant des pratiques métacognitives, les étudiant.e.s sont invité.e.s à examiner leurs propres processus de réflexion, à évaluer leurs croyances et à améliorer leur capacité à argumenter de manière structurée et cohérente. Cela leur permet de mieux comprendre leur rapport à eux-mêmes, aux autres et à l’environnement.
Cette progression nécessite un contexte éducatif structuré qui valorise la délibération et l’interaction collaborative. Par entraînement épistémique, nous entendons un processus éducatif visant à développer chez les apprenant.e.s des compétences critiques et analytiques, leur permettant non seulement de mieux comprendre et d’évaluer les connaissances, mais aussi de reconnaître et de dépasser leurs propres limites épistémiques.
Dans le cadre de la crise climatique, certains vices épistémiques, tels que le dogmatisme, la superficialité ou le biais de confirmation, freinent la réflexion critique et l’action éclairée. Le Tableau 2. présente ces vices épistémiques en lien avec leurs descriptions, les enjeux qu’ils soulèvent, et les solutions éducatives que peuvent offrir la PPEA.


Tableau 2 : Vices épistémiques face à la crise climatique : Enjeux et solutions de la PPEA
En cherchant à rendre visibles les vices de la pensée et à mobiliser des vertus épistémiques, l’entraînement épistémique peut aider les apprenant.e.s à mieux naviguer dans un monde saturé d’informations contradictoires et de distorsions cognitives. Les cours de philosophie peuvent mettre l’accent sur la pratique explicite d’une méthodologie philosophique qui inclut les éléments suivants :
- la problématisation et la conceptualisation : enseigner aux étudiant.e.s à questionner les notions courantes et à élaborer des concepts plus précisément ; par exemple, discuter de la notion de « développement durable » et de ses paradoxes ;
- l’argumentation et l’analyse : accompagner les étudiant.e.s à construire des arguments solides et à analyser les positions divergentes ; cela inclut l’évaluation critique des politiques environnementales et des discours publics sur la croissance ;
- l’ancrage philosophique : s’inspirer des idées de penseurs comme Donna Haraway, avec son concept de response-ability (capacité de répondre), développé dans Staying with the Trouble : Making Kin in the Chthulucene (2016). Haraway invite à repenser la responsabilité comme une réponse active et éthique aux relations interconnectées entre humains et non-humains, soulignant la nécessité d’assumer une responsabilité collective envers les autres espèces et la planète. On peut également se référer à Arne Næss (1989), figure de l’écologie profonde, pour une réflexion éthique centrée sur l’interdépendance avec la nature, ou encore à Leanne Betasamosake Simpson (2017), qui explore les relations entre culture, territoire et justice écologique, notamment à travers une perspective autochtone ancrée dans la résistance aux modèles coloniaux et extractivistes ;
- l’autoréflexion et la métacognition : encourager les étudiant.e.s à réfléchir à leurs propres présupposés et à évaluer les implications éthiques de leurs croyances et actions ; par exemple, les inviter à réfléchir sur la manière dont leurs opinions sur les enjeux environnementaux sont influencées par des récits médiatiques, des cadres culturels ou des normes sociales ; une telle activité pourrait inclure l’analyse critique d’une campagne publicitaire ou d’un discours politique lié à l’environnement, afin d’identifier les biais et de comprendre comment ces influences façonnent leurs perspectives.
Enfin, pour repenser l’intégration de l’éducation philosophique en ERE, il est essentiel d’encourager les étudiant.e.s à poursuivre les objectifs suivants :
- Reconnaître et surmonter l’insouciance épistémique : pratiquer l’évaluation rigoureuse des preuves tout en évitant les simplifications excessives. Par exemple, en favorisant une enquête sur les relations entre humains et non-humains, ou sur la manière dont les choix individuels et collectifs s’inscrivent dans des écosystèmes plus vastes.
- Développer la flexibilité épistémique (Fletcher, 2020) : valoriser une ouverture d’esprit et une disposition à réévaluer ses propres croyances. Par exemple, dans une communauté de recherche, inviter les étudiant.e.s à imaginer les droits des non-humains, pour élargir leur réflexion et réévaluer leurs croyances.
- Favoriser une responsabilité épistémique : reconnaître l’importance de la rigueur intellectuelle et de la responsabilité dans la formation des croyances. Par exemple, organiser une discussion autour de la manière dont les industries pétrolières ou les gouvernements présentent leurs actions dans les campagnes publicitaires ou les discours officiels. Cette activité permet aux étudiant.e.s de questionner les biais systémiques, de décoder les stratégies de désinformation et de réfléchir à des réponses collectives et structurelles, sans pour autant placer une charge disproportionnée sur les individus.
Conclusion
Repenser l’éducation philosophique au collégial pour l’arrimer à l’ERE peut être facilité par l’intégration des nouvelles pratiques philosophiques sollicitant un engagement actif des étudiant.e.s dans des dialogues et des projets de recherche collaboratifs, et visant le développement des compétences associées à la pensée critique, créative et attentive. Comment discerner et dépasser nos biais cognitifs ? Comment adopter une posture réflexive et critique face à nos croyances ? Comment construire un savoir éthique et pragmatique qui serve de fondement à l’action ? Et, plus encore, comment approfondir et réenchanter sa relation au vivant, dans un monde où cette connexion est souvent fragilisée ?
En explorant les vices épistémiques de Cassam (2019), nous avons montré que la PPEA fournit des outils prometteurs pour muscler le raisonnement, aiguiser l’argumentation et favoriser un décentrement intellectuel grâce à des pratiques dialogiques et collaboratives. Ces pratiques permettent aux étudiant.e.s d’observer et d’ajuster leurs propres mécanismes de pensée, tout en développant des vertus épistémiques comme l’humilité et la flexibilité intellectuelles, la curiosité et le courage épistémique. Par cette démarche, la PPEA peut apporter sa contribution à dissoudre les biais qui favorisent l’intérêt personnel immédiat au détriment des autres espèces, des plus vulnérables et des générations futures.
Au-delà de la réflexion individuelle, la PPEA transforme la classe en un véritable laboratoire vivant, où la recherche de sens commun devient une praxis collective et démocratique. Les étudiant.e.s apprennent non seulement à penser de manière plus éclairée et autoréflexive, mais aussi à pratiquer l’acte démocratique à travers le dialogue et la délibération (Tozzi, 2018). En mettant en tension les vices et les vertus épistémiques, cette approche stimule leur capacité à naviguer dans la complexité, à reconsidérer leurs perspectives et à agir avec discernement.
Si le développement de vertus épistémiques n’est pas une condition suffisante pour garantir des actions éthiques, il en constitue une base nécessaire. La philosophie, en tant que discipline, ne peut résoudre à elle seule les crises écologiques et sociales de notre époque, mais elle peut offrir aux étudiant.e.s des outils épistémiques et éthiques indispensables pour y répondre avec responsabilité et engagement. En alliant la rigueur de la pensée à une praxis collaborative, la PPEA, articulée à l’ERE, réaffirme le rôle fondamental de la philosophie : non pas seulement transmettre un héritage intellectuel, mais cultiver des esprits capables de penser, de juger et d’agir pour construire un avenir plus réfléchi et collectif.
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Vos commentaires
# Le 30 janvier à 21:04, par Marcus En réponse à : Repenser l’enseignement philosophique pour l’éducation à l’environnement : l’entraînement épistémique
Je trouve cet article passionnant, allier philosophie et questions environnementales parait désormais évident.
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