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Pour un numérique d’intérêt général

26 septembre 2023 par Michel Briand Veille 430 visites 0 commentaire

À quelles conditions le numérique peut-il servir l’intérêt général ? Ce texte propose un ensemble de critères constituant un cadre de référence (framework) nommé NIG, proposé dans sa version 1.0.

Un article repris de la revue Communication et démocratie, une publication sous licence CC by nd

Arnaud Levy

Co-fondateur de la coopérative noesya, développeur. Maître de conférences associé et directeur des études du Bachelor Universitaire de Technologie (BUT) Métiers du Multimédia et de l’Internet (MMI) à l’Université Bordeaux Montaigne. Chercheur associé au laboratoire de recherche MICA. Référent Approche par Compétences (APC) auprès de l’ADIUT.

Introduction

Cette contribution à la définition d’un numérique juste s’inspire de la réflexion de Bernard Stiegler sur la technique comme pharmakôn, à la fois remède et poison. Si les technologies numériques ont contribué à des avancées significatives, notamment en ce qui concerne la production et la diffusion collaboratives de connaissances, elles sont également à l’origine de problèmes écologiques et sociétaux graves, en croissance forte. Sur le plan écologique, le secteur du numérique est responsable de 3 à 4% des émissions de gaz à effet (GES) et d’environ 2,5% de l’empreinte carbone de la France [1]. Sur le plan sociétal, les techniques de captologie liées au “marketing digital”, et les capitalismes de plateforme et de surveillance sont responsables d’un vol généralisé de l’attention, d’une stimulation massive de la consommation, de nouvelles formes de prolétarisation et de violations répétées des droits sociaux.

Nous refusons la posture “techno-solutionniste”, qui a fait preuve à de multiples reprises de son inanité [2] et qui porte un projet politique libertarien dont la toxicité est largement documentée [3], [4]. La question du bon dosage, que Bernard Stiegler a empruntée à Paracelse, constitue un bon point de départ. Mais pour une approche pertinente du numérique, il faut envisager la technique comme système, dans les pas de Jacques Ellul, Bernard Charbonneau, Ivan Illich ou Éric Sadin. Nous proposons, aussi concrètement que possible, une approche techno-critique du numérique comme objet politique, avec l’humble objectif de ne pas nuire.

Les six premiers chapitres définissent des critères indispensables pour un numérique d’intérêt général. Le septième chapitre synthétise ces critères en un cadre de référence, ou framework, d’ores et déjà utilisable pour l’évaluation d’objets et projets numériques, et ouvert sur de futures mises à jour. Le huitième chapitre propose des pistes de politiques publiques facilitatrices.

Le numérique doit servir de justes fins

Le premier critère pour caractériser un numérique d’intérêt général est lié aux objectifs stratégiques servis par l’outil ou le service numérique. L’outil s’intègre dans un projet, qu’il s’agisse de la raison d’être et du modèle économique d’une entreprise privée ou d’une politique publique mise en œuvre par un ministère ou une collectivité locale. Il n’est pas de numérique responsable pour une organisation irresponsable. Ainsi, un site Web éco-conçu au service d’une organisation qui stimule la consommation est par essence irresponsable. Un service numérique qui s’inscrit dans une stratégie de diminution du nombre d’agents publics et de la fermeture de guichets de proximité ne sert pas l’intérêt général [5].

Un numérique juste contribue d’abord à résoudre des problèmes humains réels et non pas à inventer des sources de profits ou à minimiser des centres de coûts. Ainsi, et de façon non exhaustive, il ne peut pas être au service de la stimulation de l’obsolescence, de la promotion des ventes, de la diffusion de fausses informations, de la destruction du service public, de l’augmentation massive des profits privés, de l’augmentation des inégalités, de la fragilisation du lien social, de l’érosion de la biodiversité, du réchauffement climatique, … [6]

Le numérique doit rester à sa place

Une partie des actrices et acteurs du numérique militent et œuvrent pour l’encapacitation des personnes par la diffusion d’une culture numérique et par l’appropriation d’outils techniques. Cette approche est très bénéfique, et l’articulation avec les logiciels libres permet d’envisager un numérique « choisi et non subi », « émancipateur et non aliénant » pour reprendre les termes proposés par Louis Derrac dans sa définition d’un numérique acceptable [7].

En regard de ce droit d’accès, il est nécessaire d’exiger le droit à la liberté d’attention. Le numérique devrait arriver à une maturité suffisante pour se faire oublier, et ne pas s’imposer constamment. Ce point mérite une contextualisation  : nous vivons au sein d’une multitude de dispositifs et réseaux techniques, de l’électricité qui nous éclaire aux voies ferrés qui nous transportent, de l’approvisionnement en eau aux bâtiments qui nous protègent de la pluie, des hôpitaux où l’on nous soigne aux structures de production agricoles qui nous nourrissent, et bien d’autres. Cette variété s’appuie sur un tissu de connaissances, et génère constamment un immense flux d’informations. Ce volume est beaucoup trop important pour être entièrement absorbé par une seule personne, quand bien même elle y consacrerait tout son temps. Il convient donc d’opérer des choix dans cette masse, notamment pour définir ce qui doit être enseigné dans les programmes scolaires, de la maternelle à l’université. Ces choix doivent faire l’objet d’un débat démocratique et transparent, car il s’agit de véritables choix de société. La question de la liberté d’attention peut se résumer de cette façon  : en quoi connaître les composants d’un ordinateur est-il plus important que connaître le nom des fleurs  ? Qui a décidé, et sur quelle base, l’invasion culturelle du numérique et la place de plus en plus importante qui lui est donnée  ? Si l’agriculture était traitée aujourd’hui comme le numérique, tous les élèves auraient depuis le collège des cours d’hygiène agricole, des ateliers de sensibilisation agricole, des certifications d’aptitude agricole, des options agriculture dans toutes les sections au lycée et des compétences agricoles transverses aux programmes de la plupart des disciplines universitaires. La question de la juste place des compétences numériques doit aussi être posée. La liberté d’attention, c’est la capacité que devraient avoir ces dispositifs à simplement fonctionner, sans se rappeler constamment à notre attention. Si notre réseau électrique se comportait comme un ordinateur, il faudrait en permanence le mettre à jour, installer un anti-virus pour éviter de se faire voler de l’électricité, gérer ses mots de passe avec soin pour pouvoir allumer la lumière, réapprendre régulièrement comment fonctionnent les interrupteurs parce qu’ils se reconfigurent spontanément, sans parler de l’impossibilité de brancher certains appareils en fonction de la marque du réseau électrique, ou du four qui s’arrête de fonctionner parce qu’il n’est plus mis à jour par le fabricant. Cette image n’est pas qu’une simple analogie  : l’Internet des objets connectés et de la domotique rend désormais possible cette prédation attentionnelle et cette obsolescence de tous les instants.

La liberté d’attention se prolonge par le droit à la non connexion. Ainsi, toute action doit être possible sans numérique. On doit pouvoir se déplacer ou faire des achats sans téléphone, payer ses impôts en parlant à un humain et non en passant par un site Web, s’inscrire à l’université sans passer par Parcoursup, étudier au collège sans Pronote, et prendre un rendez-vous médical sans Doctolib. C’est d’ailleurs ce qui se passe, rendant douteuses les promesses de « remplacement » de certains services par d’autres  : avec le numérique, les techniques s’accumulent au lieu de se remplacer, ajoutant de la complexité et démultipliant les impacts écologiques de nos démarches et activités quotidiennes.

Le numérique doit être décidé démocratiquement

Le mode d’organisation des structures qui construisent les objets et gèrent les services numériques a un impact direct sur ces objets et services. Quelles organisations faut-il pour produire et gérer un numérique d’intérêt général  ? Quelles caractéristiques ces organisations doivent-elles présenter  ?

La première caractéristique est certainement la transparence. Cette transparence s’applique à la fois sur les décisions, les intentions et les finances. Il est nécessaire de savoir d’où vient l’argent et où il va, quels sont les objectifs poursuivis par quelles parties prenantes et quelles décisions sont prises par qui. Cette transparence s’applique également au code source, et est rendue possible par sa mise à disposition dans le cadre de licences libres. Ce prérequis est nécessaire pour permettre de comprendre et d’expliquer les algorithmes, qui sont des structures décisionnelles engrammées et n’ont rien de neutre. Les choix politiques contenus dans les algorithmes doivent être lisibles, explicables et expliqués.

Les outils et contenus numériques d’intérêt général doivent être produits sous des licences libres (Free [Libre] and Open Source Software, FOSS / FLOSS) pour les codes sources, et ouvertes pour les contenus (Creative Commons, CC ou licences hippocratiques par exemple). Ces licences permettent l’accès sans restriction, et garantissent l’autonomie future, de façon plus ou moins restrictive  : certaines licences imposent la réutilisation dans le même cadre légal, d’autres acceptent des cadres moins ouverts. Aucun objet numérique privatif ne peut légitimement se réclamer d’intérêt général.

L’articulation entre marché privé (tout particulièrement les diverses startups *Tech), État et Communs, est une vaste question qui fait l’objet d’une recherche académique active, sous de nombreux angles  : politiques, économiques, juridiques, techniques, sociologiques...

Le mode de fonctionnement du marché privé gagne à être divisé en 3 types  : les entreprises cotées en bourse, les entreprises non cotées, et les entreprises de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS). Les entreprises cotées ne sont pas aptes à porter des projets numériques d’intérêt général, et ne le seront pas tant que les normes comptables n’auront pas évolué vers une prise en compte de la double matérialité, par exemple à travers la comptabilité CARE. En ce sens il est à noter que les actions de l’International Sustainability Standards Board (ISSB) présidé par Emmanuel Faber sont délétères et contre-productives socialement et écologiquement [8]. Les entreprises non cotées peuvent porter des projets d’intérêt général, mais il faut pour cela mettre en place des structures de contrôle et des fonctionnement internes qui vont au-delà du cadre légal et assurent de bonnes conditions de transparence et de prise en compte des enjeux écologiques et sociétaux. Les entreprises de l’ESS sont par nature plus propices à porter des projets numériques d’intérêt général, bien qu’elles ne soient pas immunisées contre les dérives de gouvernance. Elles doivent elles-aussi se doter de dispositifs de contrôle et assurer la transparence, la démocratie et l’alignement avec les impératifs écologiques et sociétaux.

L’État peut et doit soutenir le numérique d’intérêt général. La forme de ce soutien est multiple  : commande publique, financements, startups d’État... Cela pose de nombreuses questions sur le rôle et la posture souhaitables de l’administration, qui font elles aussi l’objet d’une recherche académique riche [9].

Les Communs présentent le plus grand potentiel de production et d’opération de numérique d’intérêt général. Ils sont fragmentés, et souffrent d’une absence de véhicule juridique évident  : les communs sont intrinsèquement divers, et peuvent être portés par de nombreuses structures. L’organisation informelle (poïéocratie, dite "do-ocratie", fréquente dans le logiciel libre), les associations loi 1901, les SCOP, les SCIC, les fonds de dotation, les fondations sont autant de possibilités pertinentes, en fonction des contextes. Cela crée des recoupements avec l’ESS, qui sont souhaitables et étudiés notamment par la Coop des Communs.

Il est probable qu’un bon équilibre s’appuie sur une articulation Communs / État, utilisant une variété de structures juridiques et organisationnelles.

Le numérique doit respecter la loi

Il y a dans le numérique un imaginaire du Far West économique qui est particulièrement toxique. L’innovation n’est pas intrinsèquement bénéfique et n’exonère pas les personnes et les organisations de leurs devoirs de citoyens.

Les acteurs du numérique doivent respecter la loi  : droit du travail, droit de la concurrence, droit d’auteur… Les contre-exemples sont malheureusement légion (Uber, Amazon, Open AI, Google…). Au-delà de la loi, les organisations doivent respecter l’esprit de la loi. Le cas récent de l’entreprise Strapi illustre ce point  : une startup française qui produit un système de gestion de contenu open source, lève des fonds importants (31 millions de dollars en 2022 [10]) et choisit de ne plus embaucher en France pour les raisons suivantes.

Why is France closed as a hiring country ? If we reach 50 employees in France, we have to :

 set up an enterprise committee responsible for hygiene, security, and work conditions ;
 agreement on participation in the company’s results ;
 profit shared bonus ;
 monthly declaration of personal movement for the administration ;
 union delegate (optional) ;
 annual negotiation (work duration, etc.) if union delegate.

Also, taxes in France are the highest of all countries in which we are present.

That would cost a lot of money and time (= money), which is something we can’t afford. We will hire again in the future.

La position adoptée, typiquement libertarienne dans son opposition à la régulation par l’État, consiste à dire que la loi est trop contraignante et les taxes trop élevées, que l’entreprise n’a pas les moyens de les respecter, donc que les embauches sont fermées en France. L’entreprise ne commet pas d’infraction, mais elle présente un évitement légal comme une décision rationnelle et efficiente. L’évitement légal, comme l’évitement fiscal, n’est pas compatible avec le service de l’intérêt général.

Les organisations du numérique doivent payer l’impôt, sans évitement fiscal. Les dispositifs d’aide à l’innovation doivent être utilisés avec sincérité, pour financer la recherche. Dans l’optique du numérique d’intérêt général, les résultats de cette recherche doivent être publiés ouvertement.

Les données personnelles doivent être collectées de façon respectueuse, avec le consentement préalable des personnes. Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) et la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) fournissent des préconisations claires et précises, qu’il convient de suivre avec soin.

Le numérique doit respecter les personnes

Les outils numériques doivent être accessibles aux personnes en situation de handicap. Il ne s’agit pas seulement d’être audités, ni même d’être conformes au Règlement Général sur l’Amélioration de l’Accessibilité (RGAA). Il faut que les outils soient entièrement utilisables, quels que soient les handicaps. Les Web Content Accessibility Guidelines (WCAG) fournissent des préconisations supplémentaires, qu’il faut prendre en compte également, l’objectif étant de ne bloquer personne. Les textes doivent être Faciles À Lire et à Comprendre [11] (FALC).

Les interfaces doivent être aussi simples que possible. Les designers d’interface peuvent être tentés de créer des objets interactifs déroutants, expérimentaux, dont le fonctionnement pose beaucoup de questions. Pour un numérique d’intérêt général, ils et elles ont la responsabilité de chercher la ligne de crête entre simplicité et originalité  : si la simplicité peut très vite dégénérer en standardisation triste, l’originalité peut déranger inutilement les personnes avec des parti-pris plus compliqués que nécessaire.

L’attention doit être protégée des techniques de captologie. Le numérique d’intérêt général est au service du bien commun et ne vole pas le temps des humains. Il dit honnêtement ce qu’il fait et fait honnêtement ce qu’il dit.

Le numérique doit être fabriqué avec soin

Le numérique doit être utilisable. Pour cela, les interfaces utilisateurs doivent être très soignées, construites en coopération avec les personnes utilisatrices, testées et peaufinées continuellement. Au-delà de l’utilisabilité, les outils numériques peuvent ambitionner la praticabilité [12], comme celle d’un instrument de musique ou d’un appareil photo  : on n’utilise pas une guitare, on en joue, on pratique la guitare.

Et que l’outil s’inscrive dans le simple usage ou dans la pratique plus sophistiquée, il gagne à être beau. La création typographique contemporaine est foisonnante, le design d’interface est une pratique riche et ludique, le numérique est un champ esthétique qui peut et doit être investi, exploré, partagé et questionné.

Le numérique d’intérêt général est un numérique terrestre, au sens de Bruno Latour, c’est à dire encastré dans des systèmes sociaux pluriels, eux-mêmes encastrés dans un système planétaire vivant et fragile. Il opère au sein du donut de Kate Raworth, entre un plancher social et un plafond environnemental [13]. Il est utilisé et créé en conscience des limites planétaires. Servant des fins justes, il emploie des moyens modestes. Si le terme de basse technologie (low tech) ne peut s’appliquer au numérique [14], l’état d’esprit de frugalité peut néanmoins être transposé avec pertinence  : minimiser les données, les calculs, et surtout les périphériques physiques. Le numérique responsable est d’abord un numérique qui fonctionne sur de vieilles machines, guidé par le retro-computing et le réemploi. Le Référentiel Général sur l’Écoconception de Services Numériques [15] (RGESN) fournit un cadre méthodologique utile, sans être suffisant.

NIG 1.0  : un cadre de référence

Les critères listés permettent de définir un référentiel (ou framework) permettant d’évaluer l’alignement avec le Numérique d’Intérêt Général (NIG). Chaque critère est nécessaire. Les critères ne se compensent pas entre eux. L’absence d’un seul critère suffit à détecter qu’un dispositif numérique ne sert pas l’intérêt général. Ce cadre est proposé ici dans sa première version, NIG 1.0, en licence CC BY SA.

1 Justes fins 1.1 Besoin réel
1.2 Au dessus du plancher social
1.3 En dessous des plafonds environnementaux
2 Juste place 2.1 Possibilité d’appropriation
2.2 Liberté d’attention
2.3 Droit à la non connexion
3 Démocratie 3.1 Transparence
3.2 Logiciel libre
3.3 Gouvernance compatible
4 Respect de la loi 4.1 Respect du droit du travail
4.2 Paiement de l’impôt
4.3 Consentement
5 Respect des personnes 5.1 Accessibilité
5.2 Simplicité
5.3 Honnêteté
6 Soin 6.1 Utilisabilité
6.2 Beauté
6.3 Frugalité

Pour une politique publique du numérique juste

Afin de s’approcher de ce numérique d’intérêt général, deux axes politiques se dégagent, parmi de nombreuses possibilités.

D’abord, il faut valoriser le soin et l’amélioration de dispositifs existants, en subventionnant l’opération à long terme et pas l’innovation à court terme. Le focus de nombreux financements sur l’innovation est contre-productif. Cela génère une succession de projets morts-nés, alors même que des solutions en place avec des communautés actives peinent à trouver leur équilibre. Ces financements devraient être décidés pour des temps longs ou très longs, entre quelques années et quelques décennies, et participer de la politique de souveraineté numérique de l’État.

Ensuite, en possible synergie avec ces financements, il faut développer des partenariats public / commun portés par des Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif (SCIC), avec des parties prenantes intégrant les niveaux pertinents de l’administration publique  : ministères, collectivités locales, agences gouvernementales, préfectures... Ainsi, on pourrait imaginer une SCIC pour porter un environnement numérique de travail intégré, à destination des lycées, constitué d’un ensemble de logiciels libres. Cette SCIC pourrait contribuer aux différents logiciels, comme l’État français l’a fait avec Big Blue Button sous l’impulsion d’Alexis Kauffmann. Elle aurait dans ses parties prenantes des représentantes et représentants des services publics (Ministère de l’éducation, DINUM...), des enseignantes et enseignants, des élèves de lycée, des designers, des développeuses et développeurs, des hébergeurs français, des chercheuses et chercheurs en Sciences de l’Éducation, en Sciences de l’Information et de la Communication, en Informatique... L’organisation définirait de façon autonome ses règles de fonctionnement, en harmonie avec les utilisatrices et utilisateurs des services numériques.

À ces conditions, la France peut faire émerger des communs numériques robustes, efficaces, pérennes, générateurs d’emplois stables, contribuant à faire face avec dignité aux défis environnementaux et sociétaux de l’anthropocène.

À propos de l’illustration de l’article

Le motif, nommé "Marigold", a été dessiné par William Morris en 1875. Morris était un fabricant, designer textile, imprimeur, écrivain, poète, conférencier, peintre, dessinateur et architecte britannique, célèbre à la fois pour ses œuvres littéraires, son engagement politique libertaire, son travail d’édition et ses créations dans le domaine des arts décoratifs, en tant que membre de la Confrérie préraphaélite, qui comptent parmi les sources du mouvement Arts & Crafts (source).

L’acronyme NIG, Numérique d’Intérêt Général, a été composé avec la typographie Adelphe, dessinée par Eugénie Bidaut. L’Adelphe est un caractère de labeur dont l’enjeu principal est de proposer plusieurs manières de pratiquer l’écriture inclusive sur du texte long, en petit corps, et sans altération du gris typographique. Son nom, qui signifie à la fois frère et sœur de manière non-genrée, est très utilisé au sein des communautés militantes queers.

Eugénie Bidaut et William Morris incarnent, dans leur singularité, la voie que nous tentons de définir ici pour le numérique. Une voie joyeuse, cultivée, belle, plurielle, consciente, engagée, critique, généreuse, radicale, ouverte, libre, attentive, pluriverselle.

Licence : CC by-nd

Notes

[2Notamment du fait du paradoxe de Jevons et de l’effet rebond. Voir Paradoxe de Jevons et effet rebond, Bon Pote

[3Technoféodalisme  ; Critique de l’économie numérique, Cédric Durand, 2020

[4Pour tout résoudre cliquez ici  ; l’aberration du solutionnisme technologique, Evgeny Morozov, 2013

[5Le service ”Démarches simplifiées” est conjugué à la réduction des effectifs fonctionnaires, par exemple en Direction Départementale des Territoires, aboutissant à une situation tragique de contribution des agents à la destruction de leur propre emploi. Ce faisant, la partie de la population qui n’a pas accès au Web se retrouve privée de service public

[6Économie de l’environnement et économie écologique : Les nouveaux chemins de la prospérité, Éloi Laurent & Jacques Le Cacheux, 2015

[7Le numérique acceptable, Louis Derrac

[9. Transformer l’État par les communs numériques  : Sociologie d’un mouvement réformateur entre droit, technologie et politique (1990-2020), Sébastien Shulz
Histoire sociologique d’un mouvement ambigu, Ce que la critique de l’État nous apprend des formes de communs numériques, Sébastien Shulz
Vers une république des biens communs   ? Nicole Alix, Jean-Louis Bancel, Benjamin Coriat, Frédéric Sultan, 2018
Les nouveaux biens communs. Réinventer l’État et la propriété au XXIe siècle. Emmanuel Dupont, Édouard Jourdain, 2022

[12Conviviel, une initiative pour impliquer les écoles de design dans la production de communs numériques conviviaux

[13Un modèle qui allie enjeux environnementaux et justice sociale, cf La théorie du Donut  : une nouvelle économie est possible

[14Le numérique s’appuie sur des ordinateurs et des réseaux de haute intensité technologique. Le terme de “mid-tech” est parfois utilisé pour nuancer. Voir Une erreur de “tech”

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