Un article de Cécile Renouard repris du site du Campus de la Transition , un site sous licence CC by sa
Les grands établissements d’enseignement supérieur évoluent comme de puissants paquebots dont les trajectoires ne se modifient pas facilement. Ils sont difficiles à réformer. A l’inverse, nous avons eu l’intuition que de petites embarcations/institutions agiles pourraient dessiner des chemins et ouvrir des voies. En 2018-19, la première année d’expériences de formations données au Campus de Forges nous a confortés dans cette hypothèse.
Le Ministre de l’Enseignement supérieur fait appel au Campus de la Transition
Une belle dynamique est désormais en marche, qui conduit le Ministère de l’Enseignement supérieur à établir maintenant un partenariat. Le Ministre charge le Campus de piloter l’élaboration d’un livre blanc sur « l’enseignement supérieur à l’heure de la transition écologique et sociale ». Cette demande authentifie le rôle que l’initiative ‘inter-académique’ du Campus peut déjà jouer.
L’an dernier, en effet, des cours délocalisés de grandes Ecoles ont pu avoir lieu en immersion dans le domaine de Forges, ainsi qu’une session de deux mois organisée en partenariat avec le mouvement Colibris (le T-Camp). Ces formations se sont révélées des expériences transformatrices. Elles favorisent une pédagogie ‘tête/corps/cœur’, une réflexion systémique multi-échelles, des ressources pour discerner et pour agir, des rencontres entre personnes de mondes différents et souvent séparés, etc. Ces réalisations ont montré la pertinence d’une révision des pédagogies comme des contenus, en interaction avec des établissements, des territoires, des enseignants-chercheurs et des étudiants soucieux d’avancer plus loin et plus vite.
Une démarche en trois temps
La démarche du livre blanc comprend trois étapes qui se superposent partiellement :
– L’écriture d’un socle commun à destination des étudiants de l’enseignement supérieur,
– L’approfondissement des transformations nécessaires des disciplines, en favorisant l’intégration transversale des enjeux écologiques,
– L’appropriation par des établissements et par des communautés éducatives aussi bien que des individus de ces dynamiques de transition.
Un socle commun
La formation à la transition écologique et sociale requiert l’apprentissage par les étudiants d’un ensemble de connaissances interdisciplinaires permettant de comprendre les processus et les grands enjeux du changement global. Elle implique également de faire l’analyse critique des capacités et des dispositions à l’action à différentes échelles, du local au global, et pour différents types d’acteurs (individus, associations, institutions publiques, entreprises, États, institutions supranationales). Former à la transition poursuit donc l’objectif pédagogique de donner aux étudiants des outils réflexifs et critiques permettant de comprendre et agir dans ce contexte social et environnemental. Ces enseignements visent enfin l’acquisition par les étudiants de compétences propres à répondre aux nouvelles attentes professionnelles associées à la transition.
Plus qu’une addition de connaissances en silo, la formation à la transition appelle la construction d’enseignements structurés par une progression cohérente dans laquelle les regards croisés des différentes disciplines favorisent l’appréhension de la complexité des transformations en cours. Ce socle commun propose une cartographie des terrains de questionnement ouverts par la transition. Il dessine plus précisément sur cette carte un parcours pédagogique décrivant une approche intégrative et cohérente de la formation à la transition.
Un parcours pédagogique en 6 portes
Ce parcours passe par six portes ouvrant sur des problématisations successives de la transition.
- La première est celle de notre maison commune l’OIKOS, dont il faut commencer par comprendre le fonctionnement et mesurer les limites afin de penser des manières de l’habiter en commun.
– La deuxième porte est celle de l’ETHOS qui invite à examiner les enjeux éthiques et politiques de la transition, en discernant les responsabilités communes et différenciées des personnes et des institutions.
- Le NOMOS constitue la troisième entrée conduisant à s’interroger sur les façons de mesurer, de réguler et de gouverner dans la transition.
– La quatrième porte est celle du LOGOS, permettant d’analyser les différentes rationalités œuvrant à l’interprétation du changement global, et d’identifier les nouveaux métiers de la transition.
– La PRAXIS conduit ensuite sur le terrain de l’action et de l’étude de la diversité des acteurs et des façons d’agir.
– La sixième porte, enfin, est celle de la DYNAMIS, de la mise en mouvement par la diversité des pratiques de reconnexion à soi, aux autres et à la nature.
Des spécialisations disciplinaires
L’approche inter et transdisciplinaire est cruciale pour permettre d’intégrer les enjeux écologiques et sociaux de façon structurante et pas comme des dimensions supplémentaires de la réflexion et de l’action, à côté ou en plus de ce qui s’enseigne déjà. Cette intégration transversale invite à son tour à une réforme profonde de certaines disciplines, qui contribuent à façonner notre rapport au monde. Par exemple, la reconnaissance des interconnexions entre tous les vivants et avec l’ensemble de l’écosphère a des conséquences sur les façons d’envisager aussi bien les instruments de mesure de l’action que les savoir-faire en vue d’économies et de modes de vie décarbonés.
C’est pourquoi le livre blanc sera constitué non seulement par le socle commun mais aussi par des « spécialisations » correspondant aux champs et secteurs divers dans lesquels les étudiants approfondissent leurs connaissances et compétences : économie et sciences de gestion, sciences et techniques, métiers du soin et santé publique, etc.
Des partenariats avec des établissements d’enseignement supérieur
Ces contenus seront élaborés par des enseignants-chercheurs de différentes disciplines et de différents établissements, en dialogue avec des étudiants et des professionnels, et donneront lieu à des échanges et des expérimentations dans divers parcours universitaires et d’Ecoles partenaires. L’écriture du livre blanc permet de mutualiser des bonnes pratiques, de repérer les manques et d’identifier des leviers possibles. L’objectif est d’accélérer les transformations, grâce aux expériences faites dans des lieux, comme le Campus, qui permettent la mise en transition individuelle et collective, qui créent les conditions d’ouverture à des déplacements intellectuels et pratiques, à des manières nouvelles de considérer les critères de la qualité de vie, à des pratiques émancipatrices – qui peuvent aussi bien impliquer la mise en œuvre d’une technique nouvelle que la redécouverte de savoirs faire ancestraux. Rien ne se fera sans des communautés humaines et intellectuelles engagées concrètement.
Un des objectifs de ce parcours est aussi de contribuer à forger les outils et contenus de formations destinées aussi bien à des étudiants qu’à des enseignants-chercheurs, personnels des établissements, que des professionnels en entreprise ou dans les collectivités territoriales proches.
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