Audrey Beghon, Nathalie Kruyts, Julie Lecoq
Université Catholique de Louvain, Belgique
MOTS-CLES / Pédagogie transformative, Développement durable et transition, Ludopédagogie,
Compétences, Enseignement supérieur.
Cet article est présenté au collloque QPES 2025 Ecosystémes de formation pour quelle(s) transformation(s) du 19 au 23 mai Brest, dont les actes sont publiés sous licence CC by sa nc. Il est présenté comme atelier
1. Introduction et contexte
Les institutions d’enseignement supérieur portent la responsabilité de former leurs étudiant·es à la hauteur des enjeux de développement durable et transition (DD&T). En effet, l’enseignement supérieur forme ceux et celles qui contribueront à la construction de trajectoires plus justes et plus soutenables et aux nécessaires évolutions systémiques (Sipos et al., 2008, Urai & Kelly, 2023). L’éducation transmet des savoirs et des savoir-faire, mais aussi des valeurs et un rapport au monde qui façonnent les transformations sociétales (Redondo & Ladage, 2021 ; Lange, 2020). La formation actuelle au regard des enjeux de transition est insuffisante (The Shifters, 2022).
Depuis 2021, l’UCLouvain s’est résolument engagée en faveur de la transition écologique, économique et sociale. En matière d’enseignement, cet engagement invite chaque commission de programme à réfléchir au rôle que leurs futur·es diplômé·es auront à jouer dans un monde en transition, et, par conséquent, à la manière dont la formation devra évoluer.
Le Louvain Learning Lab (LLL) a soutenu et accompagné de nombreuses équipes programme pour qu’elles intègrent le DD&T dans leurs formations, récoltant ainsi une pluralité d’expériences et cheminements d’enseignant·es et responsables de programmes.
Lors de ces accompagnements, une première question revenait fréquemment : « Comment fait-on le lien avec des disciplines à priori relativement éloignées des « objets »spontanément mobilisés dans le DD&T ? ». L’atelier « Transformer mon enseignement avec les ODD » présenté au colloque QPES de 2023 était une proposition de réflexion autour de cette question en interrogeant le quoi (Beghon & Kruyts, 2023). Mais la réflexion pédagogique ne s’arrête pas là et deux autres grandes questions animent les enseignant·es que nous accompagnons :
- 1. A quelles compétences allons-nous former les étudiant·es ? Il s’agit du pour quoi ;
- 2. Quelles pistes pédagogiques pour un apprentissage en profondeur à la hauteur des enjeux DD&T ? Il s’agit du comment.
Pour accompagner la réflexion sur ces questions, nous avons développé un second atelier qui s’appuie sur le cahier du LLL N°16-2025 :
Enseigner et apprendre à habiter durablement la Terre (à paraitre début 2025) et qui permet d’explorer de façon concrète et collaborative les grandes compétences en matière de DD&T et les itinéraires pédagogiques qui soutiennent leur développement.
Notre objectif est de présenter l’atelier et son ancrage théorique afin de pouvoir l’expérimenter lors du colloque QPES de juin 2025. Cette expérimentation nous permettrait d’évaluer et d’améliorer le dispositif ainsi qu’elle permettrait aux participant·es de découvrir l’atelier et le cahier afin de les mobiliser dans leurs contextes institutionnels.
Dans la suite du document, nous présentons les intentions et attentes spécifiques des porteuses (2) ; l’ancrage théorique de l’atelier (3) ; les objectifs d’apprentissage pour les participant·es (4) et le déroulement de l’atelier en termes d’activités et d’organisation pratique (5). En annexe se trouve la proposition de descriptif pour le programme (6).
2. Intentions et attentes spécifiques des porteuses
Notre objectif est de présenter l’atelier ainsi que son ancrage théorique, afin d’en permettre une expérimentation concrète lors du colloque QPES de juin 2025. Cette étape d’expérimentation jouera un double rôle : d’une part, elle permettra de recueillir des retours précieux pour évaluer l’efficacité du dispositif et l’améliorer en vue de son déploiement ultérieur ; d’autre part, elle offrira aux participant·es une opportunité unique de vivre l’atelier et d’explorer le cahier qui l’accompagne. En participant à cette démarche, ces dernier·ères pourront non seulement s’approprier les outils proposés, mais également
réfléchir à leur adaptation et à leur intégration dans leurs propres contextes institutionnels.
Ce processus collaboratif et itératif renforcera la pertinence de l’atelier, tout en élargissant son potentiel d’impact au sein des établissements d’enseignement supérieur, notamment en matière de transformation pédagogique et institutionnelle.
3. Ancrage théorique
3.1. L’approche par compétences
Depuis 2010, l’UCLouvain a largement développé une approche programme. Celle-ci se caractérise par la définition d’un projet collectif de formation qui comprend les compétences que l’étudiant·e aura à développer tout au long de son parcours (Prégent et al., 2009).
L’UCLouvain a donc choisi les compétences comme approche pour intégrer les enjeux DD&T dans l’ensemble des programmes de bachelier. En s’appuyant sur les référentiels existants en matière de compétences DD&T (UNESCO, Commission Européenne, Campus de la Transition, Wiek et al. 2011, etc.) et sur une méthode qui soutient l’obtention d’un consensus (Delphi), l’UCLouvain a défini un référentiel de 5 compétences génériques qui semblent incontournables pour penser et agir en faveur d’un monde durable (Figure 1, Beghon et al., 2022).
Figure 1 : Représentation schématique du référentiel de compétences DD&T de l’UCLouvain (Beghon et
al., 2025)
Ces compétences sont donc à développer à l’échelle d’un programme, en articulant plusieurs cours qui contribuent au développement d’une ou plusieurs de ces compétences. Elles sont présentées en détail et illustrées par des exemples concrets dans le cahier N°16. Elles sont au cœur de l’atelier.
3.2. La pédagogie transformative
Former pour habiter durablement la Terre vise à doter les étudiant·es des connaissances et compétences nécessaires pour comprendre et analyser les enjeux DD&T mais aussi (et surtout ?) pour agir en faveur d’un changement individuel et sociétal qui s’inscrive dans des trajectoires plus justes et plus durables pour nos sociétés. Développer sa capacité d’agir nécessite un apprentissage transformatif qui met le sujet en mouvement à partir de ses expériences individuelles. En s’appuyant sur la théorie de l’apprentissage transformatif de Mezirow (2009), Sipos et ses co-auteurs définissent l’apprentissage transformatif pour la durabilité comme « un apprentissage qui soutient l’expérience personnelle des
participant·es, résultant en de profonds changements en termes de connaissances, compétences et attitudes qui permettent de renforcer la justice écologique, sociale et économique » (Sipos et. al, 2008, p. 74). Pour être transformative, la pédagogie doit intégrer les 3 dimensions de l’apprentissage : cognitive, affective et psychomotrice (Figure 2).
Figure 2 : Représentation schématique des 3 dimensions de la pédagogie transformative (Beghon et al.,
2025)
Nous appuyant sur notre expérience d’accompagnement des programmes pour intégrer le DD&T, sur la littérature scientifique mais aussi sur une immersion au Schumacher College, un institut pionnier de l’éducation transformative, nous avons défini sept itinéraires pédagogiques qui s’inscrivent dans une visée transformative de l’apprentissage et contribuent à l’acquisition des compétences DD&T définies dans le référentiel UCLouvain (Figure 3).
Figure 3 : Représentation schématique des 7 itinéraires pédagogiques (Beghon et al., 2025)
Ces itinéraires sont au cœur de l’atelier et, par souci d’isomorphisme, nous avons accordé une attention particulière à l’alignement de l’atelier avec les principes de la pédagogie transformative afin de favoriser :
- L’engagement cognitif des participant·es dans l’atelier (la tête) : cela se traduit notamment par la découverte et la compréhension du contenu à travers les cartes et par un retour réflexif sur le dispositif vécu et ses transpositions potentielles ;
- Le questionnement des valeurs (le cœur) : à travers la discussion autour des perceptions, la coopération entre les participant·es et la créativité ;
- Et la prise en compte du corps et du mouvement (le corps) : les participant·es manipulent des objets matériels, se déplacent régulièrement dans l’espace et une attention est accordée à l’énergie des participant·es.
3.3. La ludopédagogie
Pour faciliter la mise en œuvre de la pédagogie transformative, nous animons l’atelier au moyen d’un jeu de cartes de notre conception. En tant qu’élément structurel du dispositif, l’utilisation d’un jeu de cartes permet notamment :
- De tenir compte des profils variés de participant·es et de la diversité des contextes ;
- De stimuler la coopération et les interactions entre les participant·es ;
- Ou encore de concrétiser l’abstrait.
Ceci de façon à motiver et engager les participant·es et à assurer un traitement en profondeur de la tâche (Pellon, 2020).
Le jeu comprend plusieurs catégories de cartes : des cartes itinéraires et des cartes compétences, des cartes de définitions, d’illustrations, de témoignages, de questions, etc.
Cette démarche de ludification coopérative s’inscrit dans la mouvance des nombreuses activités organisées autour de cartes sur les enjeux DD&T (fresques, CAP 2030, Cartes des 7 leviers de la transition par le LabUA, etc).
4. Objectifs d’apprentissage
4.1. Public cible
L’atelier s’adresse à tout·e enseignant·e ou responsable de programme pédagogique qui désire intégrer ou renforcer l’intégration du DD&T dans sa formation ainsi qu’aux conseiller·ères pédagogiques en charge d’accompagner ces changements. L’atelier peut, mais ne doit pas partir d’un plan de cours existant ou d’un dispositif précis. Partant de l’expérience des participant·es, de leurs forces et contraintes, l’atelier permet de réfléchir de façon créative aux compétences et itinéraires pédagogiques pour la transition.
4.2. Les objectifs d’apprentissage de l’atelier
Au terme de l’atelier, les participant·es sont (davantage) capables de/d’ :
- Expliciter leur perception du DD&T et de leur rôle en tant qu’enseignant·e, responsable de programme ou conseiller·ère pédagogique ;
- Identifier les compétences DD&T qui sont à développer par les apprenant·es à travers la formation ;
- Présenter des pistes pédagogiques qui incarnent une pédagogie transformative.
4.3. L’intérêt pour les participant·es à la conférence QPES
Cette expérimentation permettra aux participant·es de découvrir l’atelier et d’en développer les objectifs d’apprentissage. Cela leur permettra également de le rejouer dans leur contexte institutionnel. L’atelier demande en effet peu de matériel (que nous pouvons partager) et est réplicable dans tout contexte, que ce soit dans la formation continue des enseignant·es, l’accompagnement des équipes programmes, ou encore tout projet institutionnel. Enfin, l’atelier est également un moyen de découvrir le contenu du cahier N°16 du LLL qui est disponible gratuitement en ligne.
5. Déroulement des activités
5.1. La séquence
Nous prévoyons une heure pour vivre l’atelier en tant que tel et 30 minutes de discussions pour évaluer et améliorer l’atelier avec les participant·es.
5.1.1. Atelier (1 heure)
Nous prévoyons la séquence suivante :
1. Brise-glace avec un photolangage sur les enjeux DD&T ;
2. Introduction et présentation des objectifs de l’atelier ;
3. Activité autour des cartes compétences ;
4. Activité autour des cartes itinéraires ;
5. Discussion en duo sur les résultats obtenus.
5.1.2. Discussion collective (30 minutes)
Pour la discussion collective, nous proposons quatre questions de départ :
1. Qu’avez-vous le plus aimé ? ;
2. Qu’est-ce qui devrait-être amélioré (et comment) ? ; Cartes pédagogiques pour la transition
3. Qu’avez-vous appris ? ;
4. Qu’allez-vous tenter dans votre contexte ?
5.2. Ressources mobilisées durant l’atelier
Nous mobiliserons 2 ressources disponibles gratuitement, l’une en ligne et l’autre à la demande auprès de nous :
1. Les cartes de photolangage (gratuitement en ligne : http://les.cahiers-developpement-durable.be/travailler/le-photolangage/) ;
2. Le jeu de cartes de notre conception (à la demande à lll-transition@UCLouvain.be).
5.3. Besoins et contraintes logistiques
Afin de pouvoir accompagner chaque participant·e dans sa démarche de réflexion lors de l’expérimentation de l’atelier et ensuite pour permettre une discussion collective de fond sur le vécu des participant·es, nous souhaiterions limiter le nombre de places à 16 (nombre pair).
Le local doit idéalement disposer de mobilier mobile pour permettre d’installer les participant·es en petits groupes et ensuite en cercle pour la discussion collective.
5.4. Animatrices
Nous prévoyons trois animatrices :
- Audrey Beghon (Conseillère pédagogique au Louvain Learning Lab, UCLouvain) ;
- Nathalie Kruyts (Conseillère pédagogique au Louvain Learning Lab, UCLouvain) ;
- Julie Lecoq (Conseillère pédagogique au Louvain Learning Lab, UCLouvain).
6. Annexe : descriptif pour le programme du colloque
Les institutions d’enseignement supérieur portent la responsabilité de préparer leurs étudiant·es à la hauteur des enjeux du Développement Durable et de la Transition (DD&T).
Vous êtes enseignant·e, responsable de programme ou conseiller·ère pédagogique et vous souhaitez intégrer ou renforcer l’intégration des enjeux DD&T dans vos formations. Vous vous interrogez peut-être sur ce que signifie former à la hauteur des enjeux DD&T. A quelles compétences vous allez former les étudiant·es ? Quelles pistes pédagogiques privilégier pour un apprentissage en profondeur au, sur et pour le DD&T ?
L’atelier que nous proposons vous donnera des outils pour répondre à ces questions. Partant de votre vécu, de vos pratiques, de vos questions, de vos leviers et obstacles, l’atelier commencera par une discussion autour des perceptions du DD&T, très variables dans l’enseignement supérieur selon les disciplines, les sensibilités, etc. Sur la base de cartes directement issues du cahier LLL n°16 :
Enseigner et apprendre à habiter durablement la Terre (Beghon et al, 2025), nous explorerons plus spécifiquement le pour quoi (compétences) et le comment (itinéraires pédagogiques) intégrer les enjeux du DD&T dans vos formations.
Grâce à une approche interactive et transformative, cet atelier vous permettra d’explorer des pistes concrètes pour enrichir vos cours ou programmes, quelles que soient vos disciplines.
Rejoignez-nous pour vivre cet atelier, partager vos retours et repartir avec des outils directement mobilisables dans votre institution.
Références bibliographiques
Beghon, A., Dupont, C., Kruyts, N., Nyssens, M., Warnier, L. (2022, 2 juin). Construire une vision partagée sur l’enseignement pour le développement durable et la transition à l’UCLouvain. Dans C. Verzat (resp.) , Agir ensemble pour former les étudiants au développement durable [symposium]. Congrès de l’Association Internationale de Pédagogie Universitaire, Rennes, France.
https://aipu2022.sciencesconf.org/browse/session?sessionid=64103 Beghon, A & Kruyts, N. (2023).
Transformer mon enseignement avec les objectifs de développement durable (ODD). Colloque Questions de Pédagogie dans l’Enseignement Supérieur. Lausanne, Suisse. sciencesconf.org:qpes2023:444038
Beghon, A., Kruyts, N., Lecoq, J. (2025). Cahier LLL N°16 : Enseigner et apprendre à habiter
durablement la Terre. Presses universitaires de Louvain.
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Mezirow, J. (2009). Transformative Learning Theory. In J. Mezirow, & E. W. Taylor (Eds.), Transformative Learning in Practice : Insights from Community Workplace, and Higher Education (pp. 18-32). San Francisco, CA : Jossey-Bass.
Pellon, G. (2020). Cahier LLL N°8 : Jouer pour apprendre dans l’enseignement supérieur ? Play-t-il ? Presses universitaires de Louvain.
Prégent, R., Bernard, H., & Kozanitis, A. (2009). Enseigner à l’université dans une approche-
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Redondo, C., & Ladage, C. (2021). La pédagogie de l’enquête dans le contexte de l’Anthropocène. Recherches & éducations, (23).
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The Shifters. (2022). Mobiliser l’enseignement supérieur pour la transition vers la neutralité
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