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Semaine de l’apprentissage numérique : un résumé partial

10 septembre 2025 par Colin de la Higuera Coopérer 0 visite 0 commentaire

Un article repris de https://chaireunescorelia.univ-nant...

Du 2 au 5 septembre s’est déroulée à Paris, au siège de l’UNESCO, la semaine de l’apprentissage numérique (mieux connue en tant que Digital Learning Week). Pour certain·es, cela a même commencé le lundi 1er septembre : nous avions en effet une réunion du réseau UNOE toute la journée à l’UNESCO. Une réunion passionnante où nous avons rencontré des acteurs de la plupart des grandes organisations qui aujourd’hui s’intéressent à l’éducation ouverte : le réseau GO-GN qui réunit les doctorant·es du monde entier, l’association Open Education Global en charge de la conférence du même nom et de la semaine de l’éducation ouverte chaque mois de mars, l’ICDE, institution créée il y a près de 100 ans pour travailler sur la question de l’éducation à distance, le Commonwealth of Learning qui, comme son nom l’indique, œuvre à soutenir l’éducation dans les pays du Commonwealth.

Mais officiellement, cela a commencé le 2 septembre. Voici un résumé très partiel et partial. Notons que les travaux des sessions plénières ont été enregistrés, souvent avec une version française, et sont disponibles (dans la suite nous donnons le lien mais également la possibilité de visualiser directement dans la page).

Jour 1 (2 septembre, lien pour la vidéo)

Après une matinée de workshops, non filmés, les choses sérieuses commencent à 14h15 avec l’exposé de Stefania Giannini, l’Assistante-Directrice Générale pour l’Éducation. Comme toujours, elle est brillante. Mais peut-être moins percutante qu’à d’autres occasions. Mais elle nous alerte quand même sur l’importance des enjeux (vidéo, à partir de 26 :30)

L’exposé de Emily Bender est très attendu (vidéo, à partir de 1 :11 :00). Elle avait publié il y a quatre ans un article très cité où ChatGPT avait été comparé à un perroquet stochastique. Venant de la linguistique computationnelle, elle a un regard particulièrement éclairé sur la partie technologique. Et son argumentaire est clair : ce ne sont que des statistiques. On ne peut et on ne doit pas lui accorder le qualificatif d’intelligence. Et en conséquence, elle nous recommande de ne pas utiliser les IA génératives dans le contexte de l’éducation.

Un second exposé est donné par une Française qui vit et travaille aux USA (vidéo, à partir de 1:40:00). Isabelle Hau est à Stanford et elle aussi analyse les modèles de langage et cherche à observer si (et comment) il est prouvé que l’IA apporte positivement à l’éducation. Son exposé montre qu’il y a en réalité peu de recherche valide qui viendrait soutenir le discours du monde industriel.

A la suite du procès plutôt à charge de Bender et Hau, nous avons l’intervention de Simon Leung, PDG de NetDragon qui fait intervenir son avatar. J’ai parfois l’impression d’être dans un mauvais film de science fiction car soudain, les précautions ne sont plus de mise et l’avenir est rose, trop rose.

Le pire est à venir. Ministre de l’éducation primaire (early education) du Royaume Uni, Stephen Morgan veut aller vite. Il ne voit que des avantages à toujours plus d’IA. Son intervention nous met en colère. Il est enthousiaste : le mot « safety  » revient à chaque phrase… mais la définition est assez floue… On note que pour établir le cahier des charges de la sécurité, son ministère a travaillé avec les géants de l’internet et de la tech.

La journée se termine avec une présentation invitée particulièrement musclée d’Abeba Birhane (vidéo, 2:35:30). Son université de rattachement est le Trinity College à Dublin. Elle va énumérer des exemples pour démontrer que ce dont nous parlons est en réalité un gigantesque enjeu (et jeu) économique. Son exposé est impitoyable… Chaque exemple mérite d’être discuté. Il manque peut-être la perspective éducative. Mais la réaction de la salle (pour une fois, l’Occident n’est pas si majoritaire que ça) est enthousiaste.

La Première journée. Version non montée.

Jour 2 (3 septembre, lien pour la vidéo)

Les débats reprennent, dès 9h, sous la direction de Shafika Isaacs, la directrice de la section « IA et technologies en éducation » à l’UNESCO.

Le premier exposé est donné par Báyò Akómoláfé, poète, philosophe et enseignant. Impossible à résumer mais essentiel (vidéo, à partir de 9:30). Certaines des phrases prononcées mériteraient d’être cultes. Je traduis (34:00) : « Il ne faut pas chercher la solution ; en fait une solution viendrait se mettre sur la route des moments transformants que nous vivons ». J’adhère… le besoin de solution immédiate est frappant, or nous sommes dans un processus en cours. Son expérience est que débattre avec l’IA est passionnant et qu’il a lui-même proposé à Claude (l’IA) d’être coauteur d’un article. Les éléments de conversation rapportés sont assez extraordinaires. A écouter absolument. Et si possible en anglais en utilisant si nécessaire des sous-titres : sa voix aussi est extraordinaire.

Notons que lui aussi est un contributeur du récent recueil de l’UNESCO (voir en fin d’article).

Lors de la table ronde suivante, il faut regarder l’intervention d’Andreas Schleicher, Directeur pour l’éducation de l’OCDE (à partir de 45:30). Qui nous apporte des éléments montrant que l’IA peut être d’une grande aide (pas seulement pour gagner du temps… pour être de meilleurs éducateurs) pour les enseignant·es, et en particulier pour les moins expérimenté·es. A contrario, les résultats rapportés par Andreas vont tous aller dans le même sens : la technologie IA n’aide pas les élèves à apprendre. Au contraire.

Joleen Liang, fondatrice de Squirrel AI en Chine présente un modèle d’apprentissage très différent. Cela se passe hors de l’école. L’IA est l’enseignant. Mais l’interaction (avec les autres élèves, les enseignants, les analystes de données) est ce qui fait progresser.

Une réunion sur les Ressources Educatives Libres était organisée à midi dans une salle parallèle. La salle était comble ! Les nombreuses initiatives de l’UNESCO ont été exposées. Mon regret : l’impression d’un éternel recommencement. Les mêmes questions et -trop souvent- les mêmes réponses un peu trop académiques. Ainsi, la question du contrôle qualité des RELs a été reposée. Et évacuée trop facilement avec des arguments qui ne convainquent pas.

A 14h30 une table ronde sur l’intégrité nous est proposée avec des intervenant·es représentant surtout les ministères et l’industrie. Et avec des arguments trop convenus. Mais il y a aussi les interventions de Wayne Holmes, Professeur à University College London, qui promeut les « études critiques » sur le sujet (5:48:30 et 6:21:00). Son énumération des enjeux éthiques est réfléchie et importante. Et surtout, Wayne vient nous rappeler que l’introduction de l’IA dans les classes correspond à de l’expérimentation sur des mineurs, qui est un sujet condamné par les droits de l’enfant. Surtout quand il s’agit d’expérimentation d’outils qui ne sont absolument pas valides. Mais, comme dans les autres tables rondes, on regrettera l’absence de dialogue : les attaques de Wayne et d’autres semblent glisser…

La seconde journée, toujours dans une version non montée.

Jour 3 (4 septembre, lien pour la vidéo)

Les débats de la dernière journée paraissent calmes. Les positions sont maintenant claires : d’un côté les chercheur·es qui alertent ou condamnent ; de l’autre les industriel·les qui nous promettent des merveilles. Entre les deux, des ministres qui ont souvent choisi leur camp. C’est assez inquiétant en réalité car les deux camps en question se parlent peu. Les enjeux financiers sont peut-être trop importants pour pouvoir reculer.

Mon avis est que l’enjeu principal est celui de la preuve. Les uns réclament des protocoles sérieux en attendant de comprendre si, et comment, l’IA peut aider les enfants et les adolescents. Les autres proposent plutôt une démarche visant à faire et observer. Bien entendu, en surveillant, en analysant, en rapportant. Mais on peine à trouver des bons exemples où des solutions venant de l’industrie seraient déployées et observées de façon rigoureuse.

J’avais rapporté dans ce blog il y a quelques mois une proposition faite par Carles Sierra, chercheur espagnol : celle de s’inspirer des méthodes de la recherche clinique. Dans notre contexte, les cliniciens seraient les enseignant·es, qui suivraient des protocoles établis non pas par l’industrie mais par le monde de la recherche. De la même façon que personne n’accepterait un monde où les géants de l’industrie pharmaceutique lanceraient des médicaments destinés aux enfants sans assez de recul, sans que le monde médical n’ait le pouvoir de décider, il est temps de réagir de la même façon pour l’éducation («  the business of education  » a été une phrase souvent prononcée).

Journée 3. Non montée.

A lire. Une nouvelle publication de l’UNESCO : L’IA et le futur de l’éducation : bouleversements, dilemmes et perspectives (en anglais). Cet ouvrage regroupe 21 contributions de très grandes personnalités de l’IA en éducation.

La Chaire RELIA et le réseau UNOE

Cette semaine de l’apprentissage numérique a été riche par bien des aspects.

Notre réseau UNOE est devenu un acteur reconnu de l’éducation ouverte. Et Nantes y joue pleinement son rôle de coordinateur.

Les débats ont montré l’importance d’une analyse critique du rôle de l’IA en éducation. C’est le thème de la Chaire UNESCO portée par Wayne Holmes, Professeur à University College London. Nous sommes heureux d’avoir pu échanger avec lui ces années passées, dans le contexte d’IRCAI ou du projet AI4T.

Nous sommes engagés aujourd’hui dans plusieurs projets internationaux avec les personnes rencontrées à Paris : Christian Stracke, Virginia Rodes, Fawzi Baroud, Tel Amiel, Glenda Cox, Khalid Berrada, Marisol Ramirez… C’est un privilège de pouvoir travailler avec ces personnes, avec leurs Universités sur tous les continents.

Maya Prince et Keith Holmes, qui assurent le bureau des Chaires et des réseaux UNITWIN

Maya Prince et Keith Holmes, qui assurent le bureau des Chaires et des réseaux UNITWIN

Glenda Cox, Rob Farrow, Virginia Rodes, Regina Motz, Khalid Berrada, Anne-Marie, Tel Amiel

Glenda Cox, Rob Farrow, Virginia Rodes, Regina Motz, Khalid Berrada, Anne-Marie, Tel Amiel

UNOE se réunit avec le COL, GO-GN, OEG et l'ICDE

UNOE se réunit avec le COL, GO-GN, OEG et l’ICDE

Marisol Ramirez de Monterrey... et 3 Nantais

Marisol Ramirez de Monterrey… et 3 Nantais

Le workshop du vendredi

Le workshop du vendredi

La vue depuis l'UNESCO

La vue depuis l’UNESCO

Les participants à la réunion du lundi

Les participants à la réunion du lundi

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