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Gilles Dowek, grand scientifique, passeur de science et penseur engagé

3 août 2025 par binaire Coopérer 163 visites 0 commentaire

Un article repris de https://www.lemonde.fr/blog/binaire...

Gilles Dowek n’est plus parmi nous depuis le 21 juillet 2025. Il était informaticien, logicien, philosophe aussi. Il est né le 20 décembre 1966 et après des études à Polytechnique et une thèse d’informatique sous la direction de Gérard Huet, en 1991, il est devenu chercheur à l’Inria. C’est Serge Abiteboul et Claude Kirchner qui nous parlent de lui ici. Benjamin Ninassi, Pierre Paradinas, Thierry Viéville.

Sa passion pour la programmation débute tôt : à quinze ans, il conçoit un jeu de Mastermind qui lui vaut, en 1982, le Prix scientifique Philips pour les jeunes. C’est la première de nombreuses distinctions. En 2007, il obtient le Grand prix de philosophie de l’Académie française pour le livre, “Les Métamorphoses du calcul. Une étonnante histoire de mathématiques”. Dans cet ouvrage, il montre comment les mathématiques et la logique se transforment au XXᵉ siècle avec l’intégration de la notion de calcul.  Il reçoit le Grand prix d’informatique Inria – Académie des sciences en 2023, et la Médaille Histoire des Sciences et Épistémologie de cette même académie en 2024. Autant de signes qu’il fut l’un des meilleurs scientifiques de son domaine, mais aussi bien plus que cela.

Ses recherches ont porté sur la formalisation des preuves mathématiques, et sur la mécanisation de leur conception. Un logiciel peut alors vérifier la preuve d’un théorème, aider un humain à en trouver une, voire dans certains cas, trouver automatiquement une telle preuve. Si les langages informatiques suffisamment puissants permettent tous d’exprimer les mêmes fonctions, les fonctions calculables, il n’en est pas de même pour l’expression des preuves. Les langages d’expression de preuves sont souvent incomparables. Gilles s’est alors attelé à une tâche ambitieuse : concevoir un langage universel de preuve, Dedukti, capable de représenter des démonstrations issues de divers systèmes logiques, et de faciliter leur traduction mutuelle. Il rêvait d’une bibliothèque universelle de preuves mathématiques.

Gilles a également tenu une place essentielle dans le mouvement qui a conduit à généraliser l’enseignement de l’informatique dans les collèges et lycées français. Il a participé au rapport de l’Académie des sciences “L’enseignement de l’informatique en France : il est urgent de ne plus attendre” (2013), puis à l’élaboration du premier programme officiel et du premier manuel scolaire d’informatique. Signe de la qualité de ses analyses et de ses contributions, il a été nommé au conseil supérieur des programmes en 2023. 

Gilles était également un penseur, un philosophe. Il partageait avec son ami Michel Serres le goût de l’illustration lumineuse, du récit juste. Il excellait à rendre limpide l’abstrait, à frapper les esprits par des exemples pertinents, souvent inattendus. C’était un immense passeur de sciences. Ses livres de médiation scientifique ont marqué, tout comme la pièce de théâtre Qui a hacké Garoutzia, coécrite avec Serge Abiteboul et Laurence Devillers, mise en scène à Avignon par Lisa Bretzner.

Gilles a relié sa pensée scientifique riche, informée et d’une largeur remarquable, incluant la science informatique, mais aussi la recherche en quantique, avec l’éthique du numérique en tant que réflexion sur les conduites humaines et les valeurs qui les fondent. Dès le début des années 2000, il s’est associé aux développements des réflexions sur l’impact sociétal des sciences et technologies numériques. Il a participé à la CERNA (commission de réflexion sur l’éthique de la recherche en sciences et technologies du numérique) puis a été un membre particulièrement actif et apprécié du CNPEN (Comité national pilote d’éthique du numérique) où ses analyses et propositions ont été remarquablement éclairantes. Par sa profonde culture scientifique et sa vision du domaine du numérique, il savait porter des analyses précises et factuelles sur l’état des impacts du numérique sur notre société tout en ayant une vision prospective pertinente et convaincante.

Profondément militant, Gilles a contribué directement à mettre en pratique ses idées, convictions et compétences. Il a présidé l’ARDHIS (Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et trans à l’immigration et au séjour). Il a été directeur scientifique adjoint d’Inria de 2010 à 2013, Il a contribué à la mise en place effective en France des cours en ligne ouverts et largement disponibles (Mooc) qui se prolongent aujourd’hui dans Fun (France Université Numérique) et le Learning Lab d’Inria. Il a participé au Comité national pilote d’éthique du numérique, et au Conseil national du numérique. 

Dans toutes les différentes facettes de sa vie, Gilles a été brillant, original, drôle, doté d’un humour éclairant et parfois impertinent, rigoureux, passionné, chaleureux, admirable dès qu’on le connaissait, et profondément humaniste avant tout.

Il reste pour nous un ami, et pour tous, un modèle

Serge Abiteboul, Inria et ENS Paris, Claude Kirchner, Président du CCNE du numérique et Inria.

Ses obsèques auront lieu le lundi 28 juillet à 15h30 à la salle de la Coupole, au crématorium du Père Lachaise (entrée « Porte Gambetta », face à l’avenue du Père Lachaise). La cérémonie d’hommage durera 1h et sera suivie par la crémation non publique.

Gilles et Binaire

Gilles a été un des premiers éditeurs du blog binaire. Il est resté un ami fidèle :

Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)

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