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Twitter est (déjà) devenu le nouveau Truth Social

17 décembre 2022 par Louis Derrac Veille 128 visites 0 commentaire

Un article repris de https://louisderrac.com/2022/12/16/...

Je vais encore vous parler de Twitter. Après avoir longuement préparé puis annoncé mon départ. Puis être revenu sur les premières semaines de folle actualité Twitter (ou actualité Musk, c’est selon).

Je vous partage donc de nouveau ma conviction que Twitter est déjà devenu le nouveau Truth Social. Était-ce une stratégie savamment calculée, ou le résultat (catastrophique) d’un achat mal préparé, et d’une série d’actions erratiques d’un entrepreneur en dérive ? Je ne sais pas, mais le glissement semble indéniable, et comme je l’ai lu ici ou là, irrémédiable. Les articles se multiplient donc, pour témoigner de l’explosion des discours de haine sur la plateforme, de la dissolution quasi méthodique des instances de modération. De la suspension autocratique de comptes de journalistes (!!!). Et même de la mort cérébrale de Twitter. Le tout dans le contexte d’un management toujours aussi violent et erratique d’Elon Musk, qui alterne entre harcèlement de ses propres (ex) employés, diffusion de fausses informations, discours ultraconservateur, et j’en passe.

Bref. Pour faire simple, Twitter est (déjà) devenu le nouveau Truth Social. Sauf qu’il compte toujours plus de 200 millions d’utilisateurs, là où le réseau créé par Donald Trump n’a jamais réussi à décoller (à cause de l’effet réseau, qui rend extrêmement difficile le succès d’une plateforme sociale émergente).

Partir devient un choix moral

En octobre, partir était pour moi un choix militant. Je constatais, après des années d’utilisation de Twitter, que ce réseau était globalement toxique (avant l’arrivée de Elon Musk, donc). Captation de données, algorithmes viralisant le buzz, l’agressivité et la radicalité, mécanismes facilitant le harcèlement mais aussi une forme d’addiction, capacités de modération inexistantes, etc. Il fallait choisir, et j’ai choisi d’être cohérent. Au risque de me priver de milliers de relations qui me suivaient et que je suivais en retour, contribuant à ma propre audience et capacité à diffuser mes articles (et trouver des clients).

Partir était un choix militant. Je pense que c’est devenu un choix moral. Rester sur Twitter n’est pas anodin, surtout si vous en êtes un important contributeur (par le nombre de messages que vous postez, l’engagement que vous générez). Rester, ce n’est rien de moins qu’alimenter la bête. Désolé de le dire, mais rester, c’est être complice de la transformation de Twitter. À savoir contribuer à créer un réseau social violent et tirant à l’ultraconservatisme et l’extrême droite, avec plus de 200 millions d’utilisateurs déjà inscrits. Dont vous.

L’éternelle tension entre action individuelle et collective

Ce qui est dur sur un réseau social, c’est de partir tout seul. C’est ça, l’effet réseau, tout simplement. On aimerait, comme souvent, que la responsabilité ne soit pas individuelle, mais collective. Comme quand il faut porter son masque. Ou manger moins de viande. Ou interdire les avions. Sauf qu’aucune action politique (à moins d’une interdiction totale de Twitter, ce qui n’est pas totalement exclu) ne viendra nous faire changer de réseau social. Encore heureux d’ailleurs, dans une démocratie. Le changement doit donc venir de nous, individuellement et collectivement.

Alors, partez en groupe. Demandez-vous ce que vous cherchez sur Twitter. Une veille active ? Des discussions sur vos thèmes de prédilection ? De l’audience ? Il y a des alternatives pour chacun de ces besoins. Une chose me semble certaine cependant, c’est qu’une action politique et militante sereine et utile n’est plus possible sur Twitter. D’abord, pour les raisons morales que j’évoquais plus haut. Ensuite, parce que concrètement, Twitter est de moins en moins fréquentable. Et même, de moins en moins sûr. Vouloir continuer coûte que coûte à « occuper le terrain », ce serait un peu comme vouloir aller convaincre dans un bar d’extrême droite.

Je ne minimise pas la difficulté de quitter Twitter. C’est particulièrement le cas pour des métiers précaires qui en ont besoin pour trouver des missions, des emplois. Comme pour d’autres actions, c’est sans doute aux plus privilégiés de partir en premier, de montrer l’exemple, de prendre les risques. Elton John l’a fait, après tout.

En attendant d’avoir un peu de recul…

On manque encore un peu de recul pour comprendre ce qu’il est en train de se passer avec Twitter. J’imagine que l’on prendra plus tard le temps de l’analyse, avec des données scientifiques et du travail journalistique de long terme. Ce qui est certain, c’est que d’un point de vue pédagogique, c’est un cas d’étude, ou un prétexte de discussion déjà puissant. Tour à tour, il permet d’aborder les conséquences de l’extrême concentration d’Internet, des problèmes de l’effet réseau, renforcé par l’absence d’interopérabilité entre plateformes. De réaliser ce qu’est finalement un réseau social, ce qu’on y fait, ce qu’on y contribue, pourquoi, et pour qui ? Pour ses « followers », peut-être. Pour soi-même, certainement. Mais d’abord pour la plateforme, qui n’est qu’une coquille vide.

Il permet enfin de se demander, 10 ans après la création de son compte, ce que l’on peut retirer de Twitter en fermant son compte. La plateforme, RGPD oblige, permet de télécharger ses données. Vous y obtiendrez un export de tous vos messages, mais aussi du profilage publicitaire que la plateforme avait fait de vous. Concernant le profilage, c’est pédagogique, intéressant et parfois amusant. Mais quelle valeur peut bien prendre l’export de tous vos messages ? Comment retrouver et valoriser les quelques enfilades où vous avez créé un contenu unique ? Comment retrouver les échanges où vous avez appris quelque chose et même, soyons fous, changé d’avis ? Impossible. Ce que vous publiez sur une plateforme comme Twitter est éphémère, by design. Si vous voulez archiver, il faut d’autres plateformes, d’autres outils.

Prenons le cas Twitter comme un électrochoc. Continuons de construire et de valoriser des outils plus ouverts, respectueux, et éthiques.

Photo de Sushil Nash sur Unsplash

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