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Le rôle de la réflexivité dans la coopération entre élèves

20 novembre 2022 par Cécile Blanchard Veille 430 visites 0 commentaire

Un article repris de https://www.cahiers-pedagogiques.co...

Comment engager les élèves dans la coopération, en dépassant les timidités et en évitant les pièges de la collaboration ? Une lectrice de français en Hongrie décrit comment elle utilise, à chaque séance, les retours de ses étudiants.

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Les élèves de tous âges ont une tendance à la timidité devant les tâches de coopération. C’est en effet un exercice complexe : il faut accepter de prendre le risque de se tromper tout en restant à l’écoute de ses camarades. Je souhaite donc poser la question de l’utilité d’un feedback écrit par les apprenants à destination du professeur. Les élèves sont invités à une réflexion systématique sur leur propre pratique du travail en groupe, à l’aide d’un miniquestionnaire individuel et anonyme. Comment la production d’un feedback, en tant que réflexivité sur son apprentissage d’élève, peut-il rendre plus aisée l’entrée dans la coopération entre pairs ?

L’expérience sera menée sur neuf semaines, dans un groupe d’une trentaine d’étudiants hongrois de niveau B2 en français. Ils sont en première année de licence. Les objectifs du cours sont dirigés vers l’apprentissage d’un vocabulaire spécifique et de structures de phrases afin d’acquérir une meilleure aisance à l’oral. Nous avons abordé cinq thèmes choisis par les étudiants, dont « les transports », « les fêtes et les loisirs » ou encore « les voyages ». La mise en place de la coopération rend possible la création de situations de communication permettant aux étudiants de pratiquer leurs compétences langagières orales.

Éviter les pièges

Nous avons donc besoin d’éviter les pièges de la collaboration. En effet, Sylvain Connac1 pointe les écueils fréquents du travail de groupe, à savoir que certains élèves risquent de se désengager, laissant les autres effectuer toute la tâche, voire parfois empêchent leurs camarades de mener le projet à sa fin. En effet, l’objectif reste que chaque étudiant développe ses apprentissages de façon individuelle en s’engageant personnellement. Dans ce but, j’ai mis en place quelques modalités de travail.

Notre cours se divisait en neuf séances hebdomadaires. Aucun de ces exercices en groupe n’était noté. Dès la deuxième séance, j’ai présenté le dispositif : j’ai expliqué à mes étudiants que je concevais ma classe comme un échange, et que je voulais prendre note des avis constructifs pour améliorer chaque séance. Je me suis engagée à prendre en compte ce qui ressortirait de cet exercice.

Les retours des deux premières séances ont fait état d’une timidité et d’un manque de confiance. Durant les semaines qui ont suivi, mes questions étaient axées sur deux pôles : d’une part, je leur demandais leur ressenti durant telle ou telle activité, et d’autre part, je les encourageais à faire des propositions pour améliorer leur engagement en classe. Il s’agissait donc pour eux, à la fois, de s’autoévaluer et de chercher des pistes de progression. Je propose d’analyser les réponses aux questions des séances 4 et 7.

PRENDRE SES MARQUES

Lors de la séance 4, à la suite des remarques pointant les écueils de la collaboration, reprises dans le tableau ci-dessus, j’ai décidé de donner des rôles différents2 à chaque membre du groupe. J’ai proposé les classiques maitre du temps, secrétaire et porte-parole, et j’ai ajouté le gardien du vocabulaire et des structures de phrases. À la question « Que pensez-vous de l’attribution de différents rôles dans le groupe ? », les étudiants ont approuvé l’idée, en notant que cela améliorait leur confiance et qu’ils remarquaient un engagement plus important venant de leurs pairs.

Pour débloquer la parole des plus timides, j’ai repris l’idée des routines de pensée3. Nous avons ritualisé chaque début et fin de séance d’apprentissage. Il s’agit d’avoir des structures de réflexion prêtes à l’emploi pour aborder n’importe quelle situation à l’oral. Par exemple, devant une image, les élèves peuvent toujours dire « je vois… », « je pense… », « je me demande… ».

La séance d’introduction incluait la routine « trois mots, deux questions et une analogie » qui sert à décrire n’importe quelle thématique. Par exemple, sur la question de la fête et des loisirs, les étudiants ont pu produire les mots « Noël, sport, repas », les questions : « Les fêtes sont-elles les mêmes partout ? » ou « Quel loisir préférez-vous ? » et l’analogie « Avoir un loisir après le travail, c’est comme respirer après avoir couru ».

ENTRER DANS LA RÉFLEXIVITÉ

La réflexivité s’attache à tous les aspects du travail en groupe : la prise de recul sur ses propres émotions, sa façon d’appréhender le rapport à l’autre, mais aussi la nécessité de l’apprentissage rend l’engagement de chacun plus fluide. Le but est également d’amener les étudiants à formuler leurs besoins, non seulement pour que l’enseignant y réponde, mais surtout pour qu’eux-mêmes en soient pleinement conscients.

L’une des questions à la fin de la séance 7 était « De quoi as-tu absolument besoin pour travailler en groupe ? ». Les réponses des élèves font état de deux groupes : ceux qui expriment la nécessité de prendre confiance en eux et ceux qui évoquent directement l’apprentissage en demandant des structures de phrases et du vocabulaire : « mots, mots et mots ».

Pour chaque exercice, les étudiants ont accès à un manuel, dans lequel leur sont proposés des mots que nous expliquons en classe. Nous ajoutons à cet outil les propositions des élèves et nous donnons une brève définition pour chacun, en traduisant les plus difficiles en hongrois. Pour chaque exercice d’oral, les étudiants ont la consigne d’utiliser ce vocabulaire autant qu’ils peuvent. Leurs remarques mentionnées dans les retours m’ont permis d’insister plus encore sur cette partie du travail et de les engager plus encore à demander eux-mêmes les mots dont ils auraient besoin et qui seraient absents.

Ainsi, la demande systématique de retour sur chaque séance, impliquant une réflexion sur des points spécifiques, a permis d’instaurer un dialogue entre professeur et étudiants : le cours lui-même devient en quelque sorte une tâche de coopération. En acceptant de se remettre en question et de rester attentif aux besoins de ses élèves, l’enseignant qui demande un feedback montre ainsi le modèle des compétences attendues dans le travail en groupe.

Pour clore cette réflexion, je propose de laisser la parole à mes étudiants. Lors du dernier feedback (séance 9), la question suivante a été posée : « Penses-tu que la réflexion « retour » t’a aidé à améliorer ton engagement dans le travail en groupe, et si oui, comment ? » Voici un florilège de leurs réponses : « Oui, je faisais plus d’efforts à chaque cours », « oui, ça me permet de systématiser mes pensées du thème dont on a parlé », « oui, je pense que les cours ont beaucoup amélioré aussi », « ça m’a aidé à analyser moi-même et réflecter à mes fonctionnements », « oui, maintenant tout le monde travaille », « oui, parce que je peux écrire mes opinions et demander l’aide », « tout ce qui m’a causé problème (comme avoir le courage de m’exprimer à l’oral) a été entendu et facilité pendant le cours ».

Élise Cantiran

Lectrice, professeure de français à l’université Eotvos Lorand de Budapest
pour la fondation francohongroise pour la jeunesse

Licence : CC by-nc-nd

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