Innovation Pédagogique et transition
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Transition écologique : du défi scientifique au défi pédagogique

La crise écologique à laquelle nous sommes confrontés invite à renouveler notre façon de faire science. À l’aune du développement durable, l’enjeu est de produire une science démocratique et capable de répondre aux enjeux contemporains. Ce contexte interpelle le rôle de l’école dans ses logiques de construction et de transmission des savoirs scientifiques. L’émergence des questions socialement vives (QSV) dans l’enseignement est une opportunité pour contribuer à une éducation qui permette de penser et d’agir dans un monde complexe et incertain. Cet article est fondé sur l’étude d’un dispositif éducatif expérimental centré sur une démarche d’enquête en lien avec la transition écologique de l’île d’Yeu, dans le département français de la Vendée. Il se propose d’analyser, du point de vue des pédagogues et des apprenants, quelles sont les implications d’un enseignement scientifique qui cultive l’interdisciplinarité, l’implication et la participation. Au-delà des difficultés matérielles et épistémiques identifiées, ainsi que des tensions qu’il y a à coconstruire connaissances et actions, notre expérimentation révèle plusieurs leviers d’action possibles pour l’éducation au développement durable (EDD) parmi lesquels l’ouverture du collectif à une pluralité d’acteurs, l’importance de ménager des espaces de réflexivité et la nécessité de développer une ingénierie sociale.

mots clés : éducation au développement durable (EDD), question socialement vive (QSV), interdisciplinarité, transition écologique, participation, co-construction des savoirs

Un article repris de Vertigo, la revue électronique en sciences de l’environnement, une publication sous licence CC by sa nc

pour les annexes et tableaux se reporter à l’article

Introduction

La crise écologique à laquelle nous sommes confrontés nous invite à agir dans un monde complexe et incertain (Barthe et al., 2014). Sous l’effet d’une mondialisation qui s’illustre par l’innovation technologique, les changements de modes de vie et la multiplication des échelles d’organisation, les équilibres sociaux et écologiques sont bouleversés et leurs interactions s’accroissent et se complexifient (Beck, 2001). Dans ce contexte, de nombreux auteurs suggèrent que cette crise est aussi celle de la science et des rapports qu’elle entretient avec la société (Latour, 1999 ; Larrère et Larrère, 1997). Repenser notre relation au monde signifie donc simultanément de repenser notre façon de faire science (Stengers, 2013 ; Jasanoff, 1987). Il s’agit de produire un savoir qui soit utile pour la société, mais aussi démocratique et capable de prendre en charge la complexité et l’incertitude du monde qui nous entoure (Funtowicz et Ravetz, 1995). Dans cette perspective, un tour d’horizon des nombreux travaux portant sur le renouvellement de la science à l’aune du développement durable permet de souligner trois enjeux majeurs. Premièrement, les recherches scientifiques sont incitées à être interdisciplinaires. En particulier, la distinction entre d’un côté les sciences de l’homme et de l’autre les sciences de la nature apparaît comme une manifestation évidente des conceptions dualistes de la modernité occidentale (Descola, 2005). L’émergence des humanités environnementales et leur hybridation avec les sciences de la nature doivent permettre une analyse plus fine des dynamiques socio-politiques à l’œuvre et une lecture complémentaire des enjeux environnementaux (Arpin et al., 2019 ; Jollivet, 2001). Deuxièmement, les sciences doivent être participatives. Les dispositifs scientifiques doivent permettre l’implication du plus grand nombre, au-delà du collectif de chercheurs. La participation est ici pensée tout à la fois comme une éthique scientifique au sens d’un enjeu démocratique, une opportunité pratique du fait d’un plus grand nombre d’acteurs impliqués, un vecteur d’éducation et de sensibilisation aux enjeux de la nature, une façon de faire « cause commune » au travers d’une approche plurielle de la connaissance (Charvolin et al., 2007). Enfin, les sciences doivent être impliquées (Coutellec, 2015 ; Funtowicz et Ravetz, 1995). Il ne s’agit pas de renier les approches « traditionnelles » de production de connaissances, mais plutôt de les compléter par un modèle singulier au sein duquel connaissances et actions sont co-construites (Vimal, 2010). L’enjeu est d’appréhender les pratiques scientifiques au sein de collectifs hybrides où les sujets techniques et politiques sont débattus entre des acteurs aux intérêts et arguments variés.

De la même manière que les rapports entre sciences et sociétés évoluent à l’heure du développement durable, les rapports entre savoirs, enseignements et dynamique de circulation-élaboration de connaissances sont à interroger dans l’éducation au développement durable (EDD) (Simonneaux, 2011). Si la crise écologique sous-entend que la fabrication des savoirs ne peut être pensée indépendamment de leur diffusion et de leur utilisation, inversement le défi scientifique devient dès lors aussi un défi pour l’éducation et interpelle le rôle de l’école dans la transition écologique (Curnier, 2017). L’EDD suppose non seulement de reconsidérer les logiques de transmission des savoirs, mais aussi leur fabrication. L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) (2017, p. 52), promeut notamment dans son agenda Éducation 2030, éducation en vue des objectifs du DD « une pédagogie transformatrice orientée vers l’action en associant les apprenants à des processus participatifs, systémiques, créatifs et novateurs de pensée et d’action dans le contexte des communautés locales et de la vie quotidienne des apprenants » (Lange, 2018, p.26). Dans une perspective d’EDD, il convient donc de réinterroger comment les savoirs scolaires sont mobilisés, à la lueur des enjeux majeurs que nous avons évoqués : interdisciplinarité, participation et implication.

Les programmes et curricula français et internationaux mettent de plus en plus l’accent sur la nécessité d’enseigner à « penser un monde complexe » et un « pouvoir d’agir ». Une des missions du curriculum, prônée par certains chercheurs, pourrait-être de contribuer à l’éducation des élèves pour qu’ils soient capables de s’intégrer et d’agir dans la société de demain, c’est l’idée d’une « contribution forte de l’éducation à une finalité de transformation sociétale » (Lange et Kebaïli, 2019, p.8 ). L’émergence de l’EDD, et plus largement des « éducations à », pourrait être selon ces auteurs une opportunité pour contribuer à une transition vers un nouveau paysage éducatif et scientifique. Or la transition écologique dans une perspective d’EDD porte les traits d’une question socialement vive (QSV) telle que définie par Legardez et Simonneaux (2006) : vive dans la société (objet de débat), vive dans les savoirs de référence (controversée entre les experts des champs professionnels) et vive dans les savoirs scolaires (non stabilisée dans les curriculums scolaires et dans les pratiques didactiques). De nombreux auteurs ont associé l’émergence des QSV à un renouvellement des recherches en didactique depuis les années 1990-2000, en faisant émerger un questionnement socio-épistémologique posé à partir des controverses, des risques et des incertitudes et une prise en compte des dimensions sociales et éthiques dans l’enseignement des sciences (Simonneaux, 2019). La didactique des QSV prône la reconnaissance des liens entre les sciences, le social, l’économie et le politique et se donne pour priorité une éducation à la pensée critique et l’engagement des apprenants au service d’une émancipation des citoyens. Les QSV peuvent introduire au monde problématique et incertain qui est le nôtre (Fabre, 2014), par leur exigence d’interdisciplinarité, le caractère mixte de savoirs et de valeurs, et leur référence à la décision et aux pratiques. Elles relèvent de « problèmes complexes flous », c’est-à-dire des problèmes mal structurés qui font appel à des valeurs susceptibles d’orienter la réflexion vers telles ou telles solutions, lesquelles peuvent se voir contestées (Fabre, 2017). Cela plaide pour une approche par problématisation de ces objets.

Fondé sur l’analyse d’un dispositif éducatif en lien avec la transition écologique de l’île d’Yeu dans le département français de la Vendée, cet article se propose d’analyser ce que sous-entend un enseignement qui veut contribuer à penser et à agir dans un monde complexe et incertain. Il ne s’agit pas seulement d’enseigner la complexité du monde et les actions possibles, mais plutôt la façon de les appréhender et de se les approprier. Il s’agit de faire science de manière interdisciplinaire, participative et démocratique, impliquée dans l’action. Dès lors, nous proposons ici de considérer que l’EDD soulève un double enjeu pédagogique : d’une part de repenser la façon de construire et de transmettre le savoir au niveau de l’équipe pédagogique et d’autre part de repenser les modalités de co-construction de la connaissance et de l’action chez les élèves. Après une présentation du dispositif éducatif mis en place, nous proposons une analyse des enjeux d’interdisciplinarité, de participation et d’implication qui se jouent respectivement dans les rapports de transmission et de construction de savoirs, du point de vue de leur capacité à renouveler nos façons de faire science. Au travers de ces deux perspectives : celle des pédagogues puis celle des apprenants, nous envisageons les potentialités et les difficultés d’un enseignement des sciences qui ne se limite pas à des problématiques disciplinaires, qui requiert l’ouverture du collectif à une pluralité d’acteurs, et qui engage la nécessité de co-construire connaissances et actions.

Le dispositif pédagogique

Une posture de recherche-action

Les travaux de recherche présentés ici se fondent sur un dispositif assumé de recherche-action comprenant à la fois la pratique et l’encadrement de l’expérimentation « Jeunesse en transition » et son observation. Le dispositif repose sur un travail conjoint de chercheurs, d’animateurs et d’enseignants, comme le reflète la diversité des auteurs, tous membres de l’association française Dissonances à l’initiative du projet. Parmi la diversité des formes possibles de recherche-action (Sellamna, 2010), notre dispositif s’inscrit dans la lignée des recherches-interventions en éducation (Marcel, 2016), qui suppose un accompagnement réciproque des « chercheurs » et des « acteurs » (désignant ici à la fois les animateurs et les enseignants). L’enjeu de cette expérimentation a été de produire un savoir didactique conjointement à un agir dans le but qu’ils se nourrissent mutuellement (Bonny, 2014). Pour simplifier la lecture et rendre plus lisibles les rôles des uns et des autres dans ce manuscrit, il sera question de l’équipe pédagogique du collège dans son rôle d’enseignement, de l’association Dissonances dans son rôle d’animation, et de l’équipe de recherche, « nous », dans le rôle d’observation.

Notre corpus est constitué de différentes données : les documents de travail rédigés en vue de chaque intervention (objectifs, déroulés, et comptes-rendus de session), les productions des élèves (rendus, bilans, affiches, articles, films, émissions de radio, et cetera), les évaluations et auto-évaluations, les photos, les comptes-rendus des réunions avec les différents acteurs, mais aussi et surtout les observations que nous avons menées.

C’est à partir du principe de bricolage socio-anthropologique (Nedelec, 2018) que notre pratique de recherche s’est organisée, par des observations participantes des chercheurs et acteurs, par des aller-retours constants entre le formel et l’informel (entre des enregistrements de séances et des ressentis collectifs à l’issue des séances par exemple), entre des matériaux théoriques et empiriques (depuis des revues de la littérature scientifique aux fiches de préparation), autour de cheminements linéaires ou non linéaires, et par l’interaction entre chercheurs et acteurs. À travers la variété des méthodes utilisées, la nécessité de mener de front enquête et pratique s’est heurtée à des difficultés d’ordre méthodologique et épistémologique, inhérentes à toute démarche de recherche-action (Clot, 2008). Même si leur inventaire exhaustif ne peut faire l’objet de cet article, on peut citer notamment la difficulté à concilier à la fois la mise en œuvre d’une action par le collectif et le recueil de données pour son observation par les chercheurs.

Le dispositif

À la suite d’une rencontre entre l’équipe pédagogique du collège [1] les Sicardières, les élèves et l’association Dissonances, l’expérimentation présentée ici s’est étalée sur deux années scolaires, de septembre 2016 à juin 2018, comptant une première année dite exploratoire (de septembre 2016 à mars 2017) et une seconde année complète (de septembre 2017 à juin 2018). Les résultats exposés ici se basent essentiellement sur la deuxième année (voir Tableau 1 en annexe). Au cours de ces deux années, des interventions encadrées par l’équipe de l’association Dissonances (d’une durée moyenne de 3 demi-journées) ont eu lieu tous les mois, étalées sur deux à trois journées scolaires, auprès d’une classe de 4e. Ce public a été privilégié tant pour la cohérence des progressions pédagogiques de l’équipe enseignante que par souci de mise en perspective du projet (réinvestissement possible en classe de 3e lors de l’épreuve orale du diplôme national du brevet). Entre chaque intervention, le travail était relayé par l’équipe pédagogique par l’intermédiaire d’interventions ciblées (approfondissement de notions ou de compétences en lien avec le projet), et grâce à un espace numérique de travail, une continuité pédagogique s’est construite entre les élèves, les enseignants et l’association Dissonances. Notre projet s’est inséré dans le cadre d’un Enseignement Pratique Interdisciplinaire (EPI), autour de la transition énergétique et du développement durable, avec comme enjeu la construction et l’approfondissement de connaissances et compétences grâce à la réalisation concrète d’un projet individuel ou collectif [2]. Notre expérimentation s’est réalisée dans la continuité du projet d’établissement, dont le développement durable est l’une des priorités. En effet, le collège a été labellisé « Génération Eco Responsable 2015- 2017 », un label décerné par Trivalis [3], qui valorise les actions concrètes mises en œuvre en matière de développement durable.

Le cadre didactique et les différentes étapes

Dans une perspective d’EDD, la didactique des QSV préconise d’ancrer les enseignements dans des situations problématisantes, locales, authentiques ou proches de l’élève (Roy et al., 2017), afin de favoriser l’implication des élèves (Roy et Gremaud, 2017). Aussi, nous avons choisi quatre thématiques (circuits courts, déchets et réemploi, trait de côte, enfrichement- voir Tableau 3), qui nous ont permis d’élaborer des situations-problèmes rattachées au contexte insulaire, permettant d’aboutir à l’élaboration avec les élèves de questions ouvertes, complexes, à même de construire des savoirs en sciences humaines et sociales tout comme des savoirs en sciences de la nature. L’objectif du dispositif a été d’amener les élèves à construire des problématiques socio-écologiques territoriales à partir de ces thématiques, et à proposer des actions concrètes pour pallier le problème identifié. Les thématiques ont été choisies, car elles ouvraient facilement sur des QSV de type environnemental dans la mesure, où, a) elles ne concernent pas seulement des savoirs au sens strict, mais aussi des valeurs politiques ou éthiques et des comportements ; b) elles renvoient à des pratiques de référence (celles de l’expert, de l’homme politique, de l’usager, et cetera) plutôt qu’à des savoirs savants ; c) elles ciblent davantage la transformation des pratiques sociales que la scolarisation des pratiques existantes, selon les critères caractérisés par Fabre (2014).

Pour construire notre dispositif, nous nous sommes appuyés sur le cadre théorique de la problématisation (Fabre, 2017), qui suggère de laisser les élèves construire le problème de plusieurs manières et donc d’engager des solutions différentes qui peuvent ensuite donner lieu à une diversité d’actions.

Les quatre thématiques ont été enquêtées en parallèle par quatre groupes distincts. Chaque groupe a pu bénéficier de l’accompagnement d’un tuteur de terrain expert de la thématique considérée (voir Tableau 3). Sur l’année, notre dispositif s’est partagé en quatre grandes étapes :

-* L’élucidation des enjeux (session 1 à 3), où les élèves sont amenés à distinguer les dimensions sociales, économiques, environnementales, politiques, éthiques de la question, en se confrontant à une diversité d’acteurs, de savoirs, de pratiques. L’objectif est de prendre en compte la complexité de la question et ses multiples dimensions.

  • La construction du problème (sessions 4 et 5). Sur le modèle d’une enquête scientifique, les élèves sont amenés à construire des protocoles scientifiques, à recueillir des données, à comparer et analyser les données recueillies et à proposer des éléments de conclusions. Cette étape implique des choix : quelles conditions et quelles données privilégier ? Le problème peut être construit en privilégiant une dimension. Par exemple la dimension écologique du problème, qui devient alors la condition sine qua non du problème.
  • Des prises de position aboutissant à des solutions (sessions 6 et 7). Forts de l’analyse menée précédemment, les élèves proposent des actions concrètes en lien avec leur problématique en se fondant sur une étude de faisabilité de leur projet sous contraintes et en interaction avec l’ensemble des acteurs et institutions concernés. La présentation du projet devant un comité technique permet aux élèves de construire leurs argumentations, de répondre aux objections possibles et de justifier leur thèse aussi rationnellement que possible.

-* La réalisation des projets (sessions 8 à 10). Le passage à la réalisation de solutions concrètes nous place dans un rapport à l’action, qui parait être mobilisant dans le contexte d’urgence que l’on traverse, et évite de rentrer dans des approches catastrophistes qui peuvent être traumatisantes pour le jeune public notamment.

L’ensemble du projet a permis de recourir à une grande diversité de situations didactiques, dont les apports pour l’enseignement des QSV ont été montrés précédemment par différents travaux (voir Annexe 1 : Diversité des situations didactiques tout au long du processus).1

Construire et transmettre le savoir : regard sur les pédagogues

L’EDD est marquée par de multiples tensions. À l’heure de l’urgence écologique, problématiques scientifiques et questions politiques se superposent au travers desquelles « les connaissances sont incertaines, les normes et valeurs conflictuelles, les enjeux élevés et les décisions à prendre urgentes » (Scotto d’Apollonia, 2014, p.156). Face à l’incertitude, l’hybridation et la complexité, il devient difficile pour les citoyens, et à fortiori pour les enseignants, de se construire des repères pour éduquer à la durabilité (Lange et Kebaïli, 2019). Cette première partie s’intéresse donc aux enjeux de l’EDD du point de vue de l’équipe pédagogique. Nous supposons que l’un des défis à relever est d’intégrer des savoirs en transformation, qui participent à un renouvellement de notre façon de faire science en émergeant d’un processus relevant de l’interdisciplinarité, de l’implication et de la participation dans un contexte institutionnel et territorial donné.

Un enseignement interdisciplinaire

Notre projet au collège Les Sicardières s’est développé sur mesure, mais s’est néanmoins pleinement enchâssé dans les programmes et dispositifs scolaires. Il s’est inscrit dans le cadre de la mise en place de la réforme du collège, initiée en 2016 par le gouvernement français (BO spécial du 26 novembre 2015), en prenant appui notamment sur deux piliers majeurs de celle-ci :

  • la volonté de contribuer à faire émerger l’interdisciplinarité en contexte scolaire avec la mise en place des Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (voir plus haut) [4].

-* la volonté d’ancrer l’éducation au développement durable dans la base des savoirs fondamentaux, intégré à toutes les disciplines et aux projets d’établissements [5].

Les définitions de l’interdisciplinarité varient et sont parfois contradictoires. Dans notre dispositif, nous envisageons l’interdisciplinarité comme une façon d’étudier un phénomène en intégrant les apports et les méthodes de plusieurs disciplines, en vue de la résolution d’une situation-problème (Nedelec, 2018). L’interdisciplinarité participe à décortiquer des situations sociales et des phénomènes écologiques, mais surtout leurs interactions, qui sont par définition non disciplinaires et intrinsèquement complexes (Morin, 2015). L’ensemble des disciplines scolaires ont été mises à contribution différemment en fonction de leur pertinence vis à vis du contexte, de la spécificité et de l’avancée du projet, par l’apport d’éclairages notionnels et méthodologiques, comme le montrent les exemples suivants. En début d’année, les professeurs de Sciences et Vie de la Terre (SVT) et d’Histoire Géographie (HG) ont participé à la mise en place d’un tour de l’île avec lecture du paysage et mise en évidence des grands enjeux écologiques et géographiques du territoire insulaire. Le professeur d’Éducation Physique et Sportive (EPS) a consolidé les compétences de lectures cartographiques, par un cycle de course d’orientation. Les élèves ont ainsi continué à se familiariser avec la lecture de territoire en manipulant des cartes. De plus, ils ont développé une autonomie sur le terrain, en apprenant à respecter des règles de sécurité et l’environnement. Le professeur de Français a formé tous les groupes à la préparation d’entretiens semi-directifs, ainsi qu’à la conception de questionnaires. La professeure de Mathématiques a accompagné les groupes pour l’analyse quantitative des questionnaires et la réalisation de budgets prévisionnels. La professeure Documentaliste a formé à la recherche documentaire. La professeure de Technologie ainsi que le chef de travaux ont accompagné la conception de plans pour la construction des bacs à aromatiques. L’ensemble des personnels de vie scolaire a permis de tisser la dimension relationnelle et citoyenne de chaque session et d’assurer la continuité pédagogique du dispositif avec la vie et le projet d’établissement. En outre, le collectif Dissonances est lui-même constitué d’une diversité de spécialités : rassemblant trois chercheurs en sciences humaines et sociales, deux spécialistes de l’animation, une artiste metteuse en scène.

Par ailleurs, notre dispositif s’est efforcé de lier des apprentissages scolaires à des activités concrètes dont les élèves perçoivent l’utilité et le sens. Par exemple, la réalisation d’un questionnaire et l’analyse des résultats est un travail interdisciplinaire en soi, dans lequel se mêlent des apprentissages issus de disciplines distinctes : une méthodologie issue du Français pour la rédaction des questions, des bases de statistiques issues des Mathématiques pour l’analyse, ou encore des notions de Géographie pour le contenu des questions. À cette fin, une animatrice de Dissonances a préparé un cours avec le professeur de Français sur les techniques et méthodes de l’entretien semi-directif (« l’interview » dans le jargon utilisé en salle de cours), répondant à deux objectifs du projet d’EPI et s’insérant dans le programme de Français. Le cours consistait dans une première partie à lire un article de journal et à en dégager les éléments de structures (titre, chapeau, date, illustration, légende, source, corps de texte, auteur, et cetera) et, dans la seconde partie, à la réalisation d’interview. Chaque élève devait s’approprier la biographie d’un auteur clé du programme et, par binôme, s’interviewer mutuellement pour mieux connaître l’auteur (sa vie, sa pensée, son inscription dans un courant littéraire, et cetera). Pour finir, le professeur ainsi que l’animatrice revenaient sur la grammaire de la forme interrogative permettant d’orienter la forme des réponses voulues souhaitées. Pour le projet d’EPI cet exercice a mis les élèves en situation d’intervieweur (pour la réalisation d’entretiens semi-directifs), mais aussi d’interviewé (pour répondre aux questions des journalistes à la radio ou en reportage pour une publication dans la presse) ainsi que de découverte de la structure d’un article de journal dans la perspective qu’ils en réalisent eux-mêmes. La qualité des productions des élèves (articles de presse, émission radio) a été saluée de façon unanime, ce qui a participé à renforcer l’intérêt pour la coopération entre enseignants, animateurs et chercheurs. La mise en pratique des savoirs « froids » du programme de Français, dans des situations vécues dans l’EPI a participé à renforcer les acquisitions dans ces deux cadres pédagogiques.

Un enseignement impliqué dans les réalités de territoire

Depuis 2010, la mairie de l’île d’Yeu s’est engagée dans une dynamique de transition écologique et sociale « Ile en transition », dont la commune tout comme la société civile se veulent parties prenantes. Dans cette perspective, la participation et la coopération du plus grand nombre, est un enjeu majeur. Notre expérimentation s’inscrit dans cette démarche : à l’initiative de la commission « Éducation, Sensibilisation, Formation » du groupe Île en Transition, le recours au collectif Dissonances s’est donné pour objectif d’intégrer les jeunes à cette dynamique – une frange de la population demeurée jusqu’alors assez extérieure au processus. Le projet « Jeunesse en transition » s’est donc pleinement intégré dans un dispositif territorial en cours et a composé avec ses réalités. Notamment, cela a eu des répercussions sur la manière de financer le projet, de concevoir des situations d’apprentissage en prise avec le contexte et les acteurs du dispositif, et enfin d’impliquer le réseau local pour diffuser, valoriser, et réaliser des actions. Avec l’appui de l’association et du collège, la commune a porté le projet « Jeunesse en [6]Transition » auprès de financements européens. Par ailleurs, la participation des membres de l’association « Dissonances » à certaines séances plénières d’ « Ile en transition » en amont du lancement, a permis de rencontrer les acteurs locaux, de s’imprégner des problématiques insulaires et ainsi de construire un dispositif éducatif ancré sur l’île. Le choix des thématiques : circuits courts, déchets et réemploi, trait de côte, enfrichement, résulte des interactions entre les différents acteurs : un aller-retour entre des propositions émanant du groupe Île en Transition, un processus de transposition par l’équipe pédagogique, et une appropriation et reformulation des problématiques par le collectif Dissonances. En outre, tant que faire se peut, « Jeunesse en Transition » a calé son calendrier sur les séances plénières d’ « Ile en transition », organisées à la mairie de l’Ile d’Yeu, afin de créer cohérence et résonance à l’échelle du territoire à travers des présentations et restitutions publiques. Les différentes valorisations menées tout au long du projet (articles de presse, émission de radio) ainsi que les actions concrètes menées à l’initiative des élèves (organisation d’une journée d’échange réparation et réemploi, mise à disposition de bacs à aromatiques dans l’espace public, conception d’un court-métrage de sensibilisation à l’érosion du trait de côte et diffusion au cinéma local), ont été pensées comme faisant partie du dispositif d’Ile en transition, et l’ensemble des membres du réseau ont été invités à participer à la journée de restitution (Tableau 4 : Un aperçu des actions publiques produites par les élèves).

Notre dispositif pédagogique, depuis la conception de l’enseignement, le montage financier, la communication, le choix des tuteurs de terrain, la réalisation des différentes étapes et la restitution, s’est pleinement enchevêtré dans un dispositif territorial. Cela participe à dépasser l’enfermement de l’EDD dans des actions factuelles menées à l’échelle des établissements, pour l’inscrire dans une dynamique de territoire. En ce sens, un tel dispositif contribue à construire une vision de l’enseignement des sciences comme une culture au service de la citoyenneté et de l’action (Lange, 2011 ; Roberts et Bybee, 2014). Notre scénario pédagogique a l’intérêt de suggérer que les pratiques scientifiques accueillent les questions posées par le reste de la société, et construit une vision de l’éducation scientifique, en prise avec la réalité, qui contribue à tisser des liens et des services à la communauté (Nolet, 2015 ; Partoune, 2020).

Un enseignement participatif

Un des enjeux de notre dispositif a été de cerner des problématiques d’enquête qui répondent à une demande sociale. C’est pourquoi le choix des thématiques d’enquête s’est prolongé par l’invention de scénarii de recherche-action, qui incluent une commande issue d’acteurs du territoire (voir Tableau 3 : les scénarii de recherche-action). L’intervention d’acteurs non enseignants, extérieurs au cadre scolaire, aux différentes étapes clés du projet participe d’une volonté de les intégrer au dispositif, de dissiper la frontière symbolique entre le dedans et le dehors, entre les encadrants et les acteurs du territoire, pour construire un enseignement citoyen des sciences. Cette stratégie s’inspire de celle dite de « l’îlot interdisciplinaire de rationalité » (Maingain et al., 2002 ; Fourez, 1997). « L’îlot » est en effet le résultat d’un travail où sont mises à contribution différentes disciplines et expertises en regard du problème étudié, du contexte et du projet d’équipe (Bader et al., 2013). Cette stratégie a joué un rôle essentiel, depuis la commande (présentée aux collégiens dès la première session, par quatre acteurs représentatifs de la sphère citoyenne et membre du dispositif Île en transition), à la collecte d’information et la restitution :

  • Élus : la présence et le soutien d’élus à différents moments phares du projet, par exemple, la présence de l’adjoint au maire et l’adjointe à la jeunesse lors de la restitution du projet en fin d’année scolaire, a été déterminante pour créer un contexte valorisant pour les élèves, de même qu’un cadre d’apprentissage de la citoyenneté.

-* Acteurs institutionnels : de nombreux acteurs institutionnels issus des différents services de la mairie (Patrimoine, Environnement, Urbanisme) se sont rendus disponibles dans et hors leur temps de travail. Ils ont mis à disposition des ressources précieuses (archives, maquettes, textes officiels, et cetera) et ont dirigé les élèves vers des personnes-ressources importantes pour la conduite des enquêtes. Par exemple, pour le groupe « Trait de côte », le service Urbanisme a fourni des cartes, le service Patrimoine a organisé une visite commentée des sentiers côtiers au sujet de l’érosion, et a permis de rencontrer un historien de l’île, dont la collection personnelle de photographies anciennes a donné aux élèves une vision de l’évolution des paysages insulaires sur quelques générations.

  • Société civile (associations, citoyens et autres) : différents acteurs du monde associatif et de la société civile ont participé à la valorisation et la diffusion du projet : c’est le cas de certains membres de la radio locale (Radio Neptune) et de la presse locale (la gazette, Ouest France, et cetera) qui ont communiqué autour de Jeunesse en Transition, [7]ce qui a participé à accorder de la visibilité et à valoriser le projet à l’échelle du territoire. Par ailleurs, d’autres personnes se sont mobilisées pour apporter de façon active leur connaissance et expertise du territoire, mais aussi leurs savoir-faire. Par exemple, des naturalistes et experts associatifs ont aidé à inventorier la biodiversité des friches (collaboration étroite avec le Collectif agricole et Terre Fertiles). Des citoyens militants impliqués dans la sauvegarde du patrimoine insulaire et son développement économique et social (telles l’association Yeu demain et la recyclerie associative le Container) ont apporté leur expertise concernant le réemploi et l’organisation de circuits courts. Une association islaise d’éducation à l’image (Oya Film) a participé à former un des groupes pour le montage et la réalisation d’un film de sensibilisation et sa diffusion au cinéma lors de la saison estivale.
  • Les membres de Dissonances : la conception, le pilotage et la mise en œuvre du dispositif ont été pris en charge par les différents membres de l’association Dissonances, qui a tenu une place essentielle dans l’animation d’espaces de régulation, dans la coordination entre les différents acteurs, ainsi que dans l’accompagnement des élèves, en amont, pendant et après le projet. Le collectif Dissonances comporte des individus aux compétences variées : des chercheurs en sciences sociales et environnementales, des enseignants, des animateurs et des artistes, qui mutualisent leurs approches entre apports théoriques et approches participatives, au travers du jeu, du débat, de différents outils issus de l’éducation populaire, des pédagogies alternatives, des pratiques scientifique et artistique.

Tableau 3. Les scénarii de recherche-action - Première session de travail

La collaboration avec ces différents acteurs donne à voir des pratiques et des compétences renouvelées par rapport à la forme scolaire, qui ont l’avantage d’importer dans la classe des savoirs et références variés et controversés, et qui réduisent la distance entre l’espace scolaire et la « vraie » vie. Y ont cours des mots, des notions, des problèmes, des règles qui justifient une partie des apprentissages scolaires et accroissent donc leur sens. Pour une même enquête, la rencontre avec une grande diversité d’acteurs (des élus, des militants associatifs, des agriculteurs, des naturalistes, des retraités, et cetera) constitue autant d’incursions, directes ou indirectes, dans des mondes sociaux, et aide à forger une culture générale et une éducation à la citoyenneté. Par ailleurs, l’ensemble des acteurs interagissant autour de l’enquête participe à dessiner une communauté d’enquête pour reprendre les termes de Hazard (2018), ce qui permet la construction et l’apprentissage de la coopération. Par exemple, la problématique des circuits courts requiert la construction de savoirs sur les modes de consommation sur l’île (enquête auprès de différents foyers), mais aussi sur les capacités de production agricole sur l’île (enquête auprès des agriculteurs) ainsi que sur l’accès au foncier (enquête auprès du service Urbanisme de la commune). Mais aussi des compétences opérationnelles - production des bacs en bois pour les aromatiques - et des compétences comportementales -négociation auprès de différents acteurs pour choisir l’emplacement du bac à aromatiques dans l’espace public.

Co-construire connaissance et action : regard sur les apprenants

Dans cette partie, nous nous intéressons davantage aux apprenants. Dans le champ des QSV, la construction-appropriation de connaissances nécessite de prendre en charge la question de l’engagement, de la responsabilité et de la participation, tout en maintenant l’exigence d’une recherche de la vérité par une confrontation au réel à travers différents points de vue disciplinaires. Notre dispositif relève d’une éducation contextualisée et située (Simonneaux et al., 2016). Nous chercherons à montrer de quelles manières il favorise une nouvelle façon d’envisager les sciences, en privilégiant un cadre de collectivisation du travail (participation) et une implication des élèves dans une approche interdisciplinaire. Les élèves sont considérés comme les acteurs principaux d’une recherche-action où ils doivent conjointement produire une connaissance (le diagnostic) et agir (cadre d’action).

Une démarche interdisciplinaire

Chacune des quatre thématiques abordées relève de l’« îlot interdisciplinaire de rationalité » tel que proposé par Fourez (1997) et introduit en EDD par Lange et Victor (2006), c’est-à-dire un savoir relatif à une situation précise dont la particularité est importante et pour lesquelles les savoirs disciplinaires standardisés conviennent mal. Il est relié explicitement à un contexte et à un projet, contrairement aux savoirs disciplinaires dont les contextes et projets d’origine sont généralement oubliés. Par exemple, la dynamique d’enfrichement à l’île d’Yeu s’insère dans un questionnement plus global autour du paysage qui est un exemple d’un « ’îlot interdisciplinaire de rationalité » (Julien et al., 2014). L’exploration du paysage a nécessité la construction de savoirs académiques liés à des disciplines de référence. Notamment le recours à la Géographie et à l’Écologie dans la compréhension des aménagements et des écosystèmes et la description de la biodiversité. D’autre part, les élèves ont interagi avec des savoirs profanes, portés par les souvenirs des habitants, pour évaluer la dynamique d’enfrichement et sa perception au cours du temps. Enfin, il a fallu interagir avec des savoirs opérationnels, pour comprendre la diversité des techniques de défrichage et leurs influences, ainsi que des savoirs expérientiels, pour cerner la singularité des friches selon les différentes zones de l’île. Un tel dispositif d’enquête permet que se construisent des savoirs qualifiés d’hybrides (Jollivet, 2001 ; Lange, 2018). Dans notre dispositif, le savoir qui se construit n’est pas découpé en disciplines, mais rapporté à un contexte et des projets concrets. Cette mobilisation pédagogique qui va au-delà des disciplines est qualifiée par certains de transdisciplinarité (Lenoir, 2003). Les compétences construites par les élèves, qu’elles soient psychomotrices, techniques ou langagières, dépassent le cadre scolaire. Par exemple : se repérer et se déplacer dans une friche, s’initier aux techniques de défrichage, adapter son discours en fonction de son interlocuteur.

Ainsi, les élèves n’ont pas l’impression que les cours sont uniquement destinés à les faire entrer dans le monde des scientifiques, mais plutôt qu’ils sont des ressources pour faciliter le décodage de leur monde à eux. Ainsi, les contenus scolaires se construisent en fonction des problématiques qui émergent et dans ce processus les savoirs de référence mobilisés font appel à un horizon large, diversifié et non établi a priori (Vergnolle Mainar, 2008). Le renversement dans les relations entre savoirs de référence et savoirs enseignés est particulièrement utile pour mener à bien des apprentissages en interdisciplinarité et participer à la construction d’une vision systémique, à même de penser un monde complexe. Au cours des débats menés avec les élèves, différentes interventions témoignent de la prise en considération de multiples dimensions du problème et de l’établissement de liens au service de la construction d’une vision systémique. Citons l’exemple d’un élève qui s’oppose à la mise en place d’un réseau de redistribution des composts ménagers ou de la ville au profit des terres agricoles, en évoquant que des traces de pesticides pourraient ainsi contaminer la production des paysans installés en agriculture biologique. Dans la prise en compte des interactions entre des éléments qui constituent un système, cet élève témoigne du développement d’une pensée systémique, par sa capacité à faire des liens entre des causes multiples et des effets pluriels. C’est la première étape du dépassement d’une vision réductionniste du monde (Curnier, 2017).

Implication (des apprenants)

Notre projet confronte les élèves à de « vrais » problèmes, qui ne sont pas des exercices scolaires, mais des problèmes à résoudre et des obstacles que le groupe doit surmonter pour arriver à ses fins. Les scénarii (Tableau 3) demandent aux élèves d’être à la fois chercheurs (voir Tableau 2 en annexe, phases 1 et 2 : il s’agit de produire des connaissances) et ingénieurs de projet (phases 3 et 4 : il convient d’agir en réaction à ce diagnostic). Le choix de relier les enquêtes à des scénarii pédagogiques incluants une commande issue d’acteurs du territoire (Tableau 3) a permis de connecter directement les recherches à un agir. En plaçant dès le début du dispositif l’expérience et le faire comme finalités du dispositif, les élèves apprentis chercheurs sont intégrés à une logique de recherche-action. Malgré des difficultés que nous évoquerons dans la discussion, en ancrant un tel dispositif à l’échelle locale, les jeunes sont reconnus comme faisant partie de la société et pouvant y apporter leur contribution (Carosin, 2013), ce qui permet de contribuer à créer un pouvoir d’agir. Outre les dimensions scientifiques des questionnements, les élèves sont en prise avec :

  • des dimensions économiques : l’action à réaliser a nécessité des moyens et des aides financières. Chaque groupe a été amené à défendre un budget devant un comité technique réuni en mairie, composé de cinq membres représentatifs du collectif d’acteurs impliqués : un élu (le maire adjoint), un acteur institutionnel (le chargé de mission au développement durable), un représentant de la société civile (membre du groupe Ile en transition), du monde associatif (la présidente d’une association impliquée dans la sauvegarde du patrimoine de l’Ile d’Yeu), de l’équipe enseignante (le principal du collège) (voir Annexe 2 : Un aperçu des budgets conçus et défendus par les élèves). Par la suite, chaque groupe a dû gérer un budget pour réaliser l’action, ce qui impose de se projeter avec rigueur dans la gestion du temps et des ressources allouées.
  • des dimensions politiques : en tant qu’ils participent activement à un projet collectif de territoire « Ile en transition », c’est une forme d’éducation à la citoyenneté. Les élèves ont été mis en situation de faire des choix, en priorisant certaines dimensions, afin de concevoir une action réalisable sur le territoire. Un élève choisit de placer un bac à aromatique dans la cour du cinéma : « Il y a pas beaucoup de soleil, mais au moins ça permet de toucher tout le monde, et les touristes aussi » (élève de 4ème, groupe de discussion réalisé à l’ile d’Yeu, lors de la session 7 en mars 2018).
  • des dimensions sociales. Par la médiation avec les différents acteurs du territoire, avec les partenaires du projet, ou avec son propre réseau de connaissances, les élèves sont mis en situation de prendre part au projet en tant qu’acteur social et pas seulement scolaire. Au travers du dispositif sont entraînées des pratiques sociales qui émergent par la mise en situation réelle. Citons l’exemple d’un élève, qui a pris l’initiative de solliciter dans ses réseaux personnels le prêt d’une imprimante 3D, et s’en est porté responsable lors de la journée de restitution publique des travaux.

Participation (des apprenants)

En tant que premiers concernés par le savoir créé et transmis, les élèves ont été amenés à être acteurs du dispositif pédagogique. Cela a supposé un positionnement singulier de la part des adultes qui ne se sont pas situés « face aux élèves », mais plutôt à leurs côtés, dans une posture d’accompagnement (rendre les connais­sances accessibles et compréhensibles) plutôt que de transmission (présenter et transmettre des savoirs). L’apprenant devient acteur, en tant qu’il a une prise sur le dispositif et sur lui-même.

Nous avons responsabilisé et motivé les élèves aux différentes phases, par un apprentissage de l’autonomie, de l’auto-organisation, ainsi que la possibilité de participer réellement aux décisions concernant le travail et l’organisation du projet. Ils ont pris part de manière active à la conception des groupes, à la sélection d’une thématique de leur choix parmi celles proposées, à la construction de la problématique, à la conduite de l’enquête (collecte des données), au choix et à la réalisation d’une action. Chaque groupe était suffisamment petit (cinq personnes) pour devenir le laboratoire idéal d’un apprentissage participatif collectif, permettant à chacun des membres de participer tout en créant une dynamique de groupe, autour d’un objectif commun. Ils ont par ailleurs été impliqués dans le processus d’évaluation, en mobilisant avec l’équipe enseignante différents critères d’évaluation, pour s’autoévaluer et se co-évaluer tout au long du dispositif (voir Annexe 3- Documents d’évaluation). Par ailleurs, nous avons cherché à prendre en compte leurs perceptions et leurs réalités. Par exemple, des formes de savoirs autres que les savoirs académiques favorisés en milieu scolaire ont été valorisées, ce qui a permis de rattraper des élèves en décrochage scolaire. Notamment, le passage par le cas concret rend plus accessible l’appropriation de certains savoirs. Prenons l’exemple d’un élève qui comprend sur quelle base épistémique fonctionne le raisonnement statistique, lors du dépouillement d’un questionnaire : « 15/50 c’est pareil que 30/100, ça veut dire qu’on prétend que sur les 50 personnes suivantes, 15 autres vont dire la même chose », (élève de 4ème, observation participante au collège de l’ile d’Yeu, lors de la session 4 en décembre 2017).

Le recours à des outils de coopération et d’intelligence collective (voir Tableau 5) a permis aux jeunes de renforcer la construction de compétences psycho-sociales et de compétences essentielles en matière de durabilité (anticipation, stratégie, analyse systémique). Ils ont développé l’écoute, la prise de conscience de leurs propres valeurs et émotions, le compromis, la prise d’initiative, la négociation, la prise de décision. Citons l’exemple d’une élève du groupe circuit-court, qui a pris conscience des enjeux liés au foncier, en partant de sa pratique de loisir : le cheval. Elle a pointé une tension entre l’usage des terres à destination du maraichage et l’usage des terres à des fins de pâturages pour les chevaux. Ici, l’expérience de l’élève entendue comme « un contact direct et fréquent avec les phénomènes et acteurs du milieu d’appartenance » est centrale. La prise de conscience des enjeux du territoire, de ses ressources, de ses spécificités, peut faire ressentir aux élèves l’impression de continuité avec le passé (Chapman, 1993) et du territoire en tant que lieu de vie (Girault et Barthes, 2014). L’implication des élèves dans la conception et la réalisation d’une action qui s’inscrit durablement dans le territoire, comme l’installation des bacs à herbes aromatiques dans des lieux publics, participe à faire converger histoire personnelle et vécu scolaire, ce qui contribue à ce que l’adolescent se pense et se pose comme « acteur » de son histoire et de son futur (Loisy et Carosin, 2017).

Discussion

Nous défendons l’idée que pour faire face aux enjeux actuels, il s’agit de produire une connaissance à même de prendre en charge la complexité des systèmes socio-écologiques, et qui soit démocratique et qui réponde aux enjeux sociétaux. Pour la clarté du propos, nous avons présenté de façon distincte ce qui se joue du côté des pédagogues (transmission des savoirs en situation d’incertitude et de complexité) et du côté des apprenants (co-construction de savoirs et d’action). Il va de soi cependant que cette séparation est à certains égards artificielle, la réalité étant plus complexe avec des processus imbriqués et indissociables. C’est le cas par exemple de la question de l’évaluation, pour laquelle les apprenants sont impliqués activement et participent au dispositif d’enseignement au côté des pédagogues. Ou encore le choix de l’action finale qui pour certains groupes, a nécessité un étayage important de la part des enseignants, afin d’arriver à une action cohérente et réalisable dans le temps imparti. Dans cette dernière partie, nous ferons émerger quels sont les principaux points de vigilance et les leviers d’action possible qui se posent du côté des pédagogues comme des apprenants, afin qu’un tel dispositif puisse répondre aux enjeux scientifiques et pédagogiques.

Des difficultés matérielles et épistémiques soulevées par notre dispositif en contexte scolaire

De nombreux travaux ont déjà montré les difficultés d’une démarche éducative interdisciplinaire, notamment dans le contexte d’une éducation dans le secondaire, basée sur l’enseignement disciplinaire (Baluteau, 2005 ; Jeziorski et Ludwig-Legardez, 2013 ; Martinand, 2008 ; Summers et al., 2005). Dans le contexte récent de la réforme du collège, censée faciliter l’ouverture à l’interdisciplinarité et la pédagogie de projet, notre expérimentation montre que ces dispositifs se heurtent encore aux mêmes obstacles que précédemment.

Premièrement, nous relevons des difficultés d’ordre matériel. L’ensemble des acteurs du dispositif témoigne d’un manque de temps. La difficulté à mettre en place des temps réels de coanimation, à dégager des créneaux destinés à la concertation au sein de l’équipe, rend difficile le fonctionnement quotidien inhérent à un tel dispositif, ainsi qu’à sa survie sur le long terme. Les interventions de Dissonances regroupées sur des temps exceptionnels une semaine par mois, et non toutes les semaines, se sont heurtées à la difficulté d’assurer une continuité dans les apprentissages des élèves et dans le maintien d’une dynamique de groupe entre l’équipe pédagogique et les différents acteurs. Tout cela renvoie à la fois à la rigidité des emplois du temps scolaires (difficulté à trouver des créneaux dans les emplois du temps), aux contraintes temporelles auxquelles sont soumis les enseignants (appréhension des enseignants à ne pas clore le programme), mais aussi à un manque de reconnaissance de la part de l’institution (pas de réel budget alloué à la mise en œuvre et à la coordination d’un tel dispositif et manque de valorisation, difficulté des élèves à intégrer l’importance d’un tel projet dans le cursus scolaire). Nous soulignons l’importance de pouvoir disposer d’un budget exceptionnel. Le projet Jeunesse en Transition a été rendu possible par la recherche et l’obtention de financements extérieurs (Projet Européen Leader + : environ 8000€ par an), de soutien financier et en nature par la mairie (mise à disposition logements, prêts de vélos, et cetera) et de différentes formes de bénévolats, ce qui a permis l’intervention d’un collectif extérieur à l’équipe enseignante, sans lequel l’ampleur d’un tel projet n’aurait pas été si ambitieuse.

D’une part, le collectif Dissonances a augmenté la capacité d’encadrement des élèves, ce qui a permis le travail d’enquête en petits groupes et sur le terrain, à travers par exemple des entretiens auprès d’acteurs du territoire en situation. Sans l’intervention d’encadrants extérieurs, cela n’aurait pas été possible, puisque le cadre institutionnel requiert la présence d’un enseignant référant par groupe d’élèves mineurs sur le terrain. D’autre part, le collectif Dissonances a pleinement pris en charge la coordination entre les différents acteurs du projet : aussi bien entre les membres de l’équipe enseignante, mais aussi entre le collège et l’extérieur. Par exemple, il a fallu animer des temps de concertation et de coordination entre les différents enseignants, anticiper les rendez-vous avec les acteurs ressources du territoire d’une session à l’autre, mais aussi anticiper la réservation de matériels et de salles avec la mairie pour les différents temps de restitution (salle du conseil municipal pour la présentation des projets, la salle municipale pour l’événement de fin d’année, et cetera). Malgré ce dispositif exceptionnel, et en raison des contraintes évoquées précédemment, il a été difficile de mettre en place une véritable dynamique de coordination réciproque (aller-retour entre les différents acteurs) avec intervention et implication des acteurs du projet, permettant d’accompagner l’évolution du projet, aux différentes étapes. C’est davantage le collectif Dissonances, qui a pris en charge la coordination de l’ensemble, sous une forme simple et unidirectionnelle, à travers l’animation de temps de rencontre et de mise à disposition de façon séquentielle des informations aux différents acteurs.

Deuxièmement, nous relevons des obstacles de nature épistémique. Du point de vue des pédagogues, l’enseignement des QSV et son caractère fondamentalement interdisciplinaire déstabilise un enseignant habitué à des logiques disciplinaires scolaires cloisonnées (Tutiaux-Guillon, 2009). Dans le second degré, le corps enseignant n’est pas véritablement formé à l’interdisciplinarité et encore moins à la transdisciplinarité, qui peut être entendue comme l’intégration de savoirs non scientifiques dans le processus de recherche (Flipo, 2017). En outre, les nombreuses prescriptions institutionnelles en matière d’EDD (les différentes circulaires du ministère français de l’Éducation nationale 2001, 2004, 2007, 2015, 2019) restent d’ordre général, ce qui pour les enseignants, rend la mise en place de stratégies éducatives particulièrement difficile (Jeziorski et Legardez, 2014). La majorité des projets s’envisage plutôt de façon pluridisciplinaire, comprise comme une approche plurielle d’une question dans laquelle chaque discipline conserve sa spécificité (Flipo, 2017), il s’agit donc plutôt d’une juxtaposition des complémentarités de chaque discipline. Or face aux QSV, la recherche de solutions nécessite de sortir des paradigmes disciplinaires et de faire appel à des savoirs autres que scientifiques. Les paradigmes disciplinaires doivent être conçus comme des outils permettant de construire une réponse à une problématique qui dépasse le champ de chaque discipline (François et Letawe, 2019). De plus, le travail en interdisciplinarité, voire en transdisciplinarité, comme le suggère Hainaut (1986), ainsi que le travail d’enquête, requièrent de nouvelles manières d’acquérir du savoir et s’accompagnent de ruptures épistémologiques importantes, qui nécessitent de repenser en profondeur les modalités d’articulation entre savoirs académiques et autres types de savoirs, entre sciences et société (Bonny, 2014). Or, nos échanges avec les enseignants ont confirmé la difficulté à assumer l’enseignement et la construction de savoirs en dehors de sa discipline de référence (François et Letawe, 2019), mais aussi à interagir avec une pluralité de registres de savoirs à l’œuvre, comme les savoirs d’expérience issus des acteurs du territoire. Par exemple, lors de la conduite de débat, notre expérimentation a permis de mettre au jour des difficultés à problématiser chez les enseignants, au sens de prendre en charge des problèmes ouverts sans les refermer d’entrée de jeu. Selon la question posée et la discipline d’expertise, les tensions vécues par les enseignants révèlent des conflits. Ces conflits peuvent s’interpréter à la fois comme des conflits de rationalité d’un point de vue épistémologique, mais aussi comme des conflits de posture du point de vue des pratiques scolaires, qui ont tendance à valoriser essentiellement les savoirs académiques. En nous inspirant de la grille d’analyse des postures enseignantes adoptées lors des débats sur des questions socialement vives (Pannisal et al., 2016), nous avons identifié la coexistence de deux postures. Certains enseignants, plutôt novices, cherchent à obtenir des réponses prédéfinies, apportent des informations en faisant recours aux savoirs de leurs disciplines, reprennent la parole après chaque intervention d’élèves, au risque de freiner tout échange et toute co-construction des savoirs entre les apprenants (Jeziorski et Legardez, 2014). C’est une posture que l’on peut qualifier de transmissive (Pannisal et al., 2016) qui consiste à transmettre de façon unilatérale des savoirs considérés comme vrais et figés. À l’opposé, dans certaines situations où l’enseignant ne se sent pas légitime par rapport aux enjeux de savoirs véhiculés ou chez des enseignants experts, on remarque une plus grande capacité à aider les élèves à expliciter le problème, à faire le point, à accueillir des propositions d’actions émanant d’élèves. Cela participe d’une posture à visée transformatrice critique qui considère que le savoir est co-construit dans un contexte donné.

Du point de vue des élèves, notre dispositif offre un cadre qui permet d’envisager les sciences et leurs apprentissages en société (Albe et Orange, 2010), et donne à voir que sciences, écoles et sociétés se co-construisent dans une même dynamique. Dans notre expérimentation, les apprenants, aux différentes étapes, ont été mis en situation d’appréhender les sciences comme des pratiques dans des lieux divers et non pas de chercher à cerner une essence ou une nature de la science. Par exemple, des élèves ont utilisé la méthode des transects et quadras, protocoles utilisés en écologie, pour évaluer la nature quantitative et qualitative des déchets sur les plages. Cependant l’observation d’un élève en train de rajouter volontairement des déchets dans des quadras vides illustre la difficulté qu’il y a à s’extraire des pratiques scolaires. C’est « histoire d’avoir des bons résultats » -le bon résultat étant à ses dires, le quadra qui dénombre le plus de déchets, et non celui qui se rapproche le plus de la réalité. Cette anecdote suggère une difficulté à appréhender l’utilité sociale d’une pratique scolaire, ainsi que d’un positionnement et d’une posture épistémologique relevant d’un « conflit de savoirs » au détriment de l’interaction, et de l’intégration des savoirs. Il demeure une réelle difficulté à articuler pratiques scolaires et extrascolaires, et à envisager les apprentissages scientifiques et scolaires dans la société.

Former à penser et agir : quelles tensions ?

« Quand même c’est un peu léger niveau contenu… tout ça pour ça ». Cette intervention d’un enseignant lors de la restitution publique illustre cette difficulté à prendre en charge des problèmes flous au sens de Fabre (2014). Un enseignant novice face aux QSV a tendance à analyser le problème en fonction de sa compréhension plus complexe de la situation en tant qu’adulte, et surtout au regard de sa discipline et des attendus qu’il peut avoir des élèves dans le cadre scolaire général. Par ailleurs, cette remarque illustre un des dilemmes classiques occasionnés par la démarche de projet que l’on a retrouvé dans notre dispositif : il y a une tension entre réussir et comprendre, entre la recherche de résultats (acquisition de compétences, réalisation d’une action) et l’exploration d’un processus, d’une démarche pour y arriver. Cela génère une négociation permanente entre le projet d’action et le projet de formation qui est le résultat d’un exercice acrobatique d’équilibre entre différentes logiques au sein de l’ensemble du collectif. La difficulté a été de trouver, dans une posture socio-constructiviste, le degré de liberté accordé aux élèves : depuis la problématisation, l’enquête, le choix de l’action, sa réalisation. L’action est un moyen de provoquer des situations d’apprentissage et de confronter les élèves à des obstacles. Mais si l’action devient une fin en soi, sa réussite est un enjeu fort, et tous les acteurs du collectif, sont tentés de viser l’efficacité parfois au détriment des occasions d’apprendre. Comme dans toute pédagogie de projet (Bordallo et Ginestet, 2006), il y a eu des tensions entre :

  • une dérive productiviste : l’action à réaliser prend le pas sur les apprentissages visés,
  • une dérive techniciste : la planification est excessive et l’élève se retrouve l’exécutant d’un projet entièrement conçu par le collectif d’encadrants, qui peut être complètement vidé de son sens, au nom de l’efficacité pédagogique,
  • une dérive spontanéiste : le projet s’invente au fur et à mesure sans objectifs clairement définis au départ, sous prétexte de libertés et d’initiatives.

Choisir est donc indispensable et il a été nécessaire de construire des compromis au sein du collectif hybride. Ces compromis se sont construits en amont du dispositif, par le biais de concertations entre l’équipe enseignante et les acteurs du territoire. C’est notamment ce qui a permis de sélectionner des thématiques qui répondent à la fois à une demande sociale de territoire et aux exigences institutionnelles portées par les programmes scolaires. Mais ces compromis ont dû se renouveler tout au long du dispositif, concernant les objectifs d’apprentissage. C’est le cas notamment de la construction de la problématique, qui a été le fruit de réajustements permanents au sein de l’équipe encadrante, oscillant entre une volonté de laisser les élèves acteurs de l’ensemble de la démarche et la nécessité de les guider vers des situations d’apprentissage efficientes.

Du point de vue des élèves, faire le lien entre les connaissances produites au cours des cinq premières sessions sur des problématiques socio-écologiques (voir Tableau 1 en annexe) et la conception d’une action sur le territoire (enjeu de la session 6) a posé de sérieuses difficultés. En effet, repérer les facteurs à l’origine d’une situation donnée ne suffit pas toujours à identifier des leviers d’action pertinents et accessibles, qui peuvent faire appel à d’autres savoirs implicites qui n’ont pas nécessairement émergé au cours de l’enquête. Par ailleurs, à plusieurs reprises, les élèves ont exprimé un sentiment d’impuissance à l’échelle globale, ainsi qu’un manque d’autorité face aux adultes et aux politiques. Ceci renvoie à une forme de désenchantement ou de lucidité des profanes face aux mondes politique et scientifique (Simonneaux, 2011 ; Barbier, 2005). Les types d’action envisagés par les élèves ont peu évolué entre le début et la fin de l’enquête. Mais ce manque d’inventivité est compensé par une montée en pertinence, en précision et créativité dans leur mise en œuvre. Par exemple, pour le groupe « circuit-court », la conception technique des bacs et le choix des plantes ont été approfondis au grès des conseils de menuisiers, de jardiniers, du chef des travaux du collège, des parents, et cetera. Pour le groupe « trait de côte », la recherche d’un partenaire pour le montage et la réalisation du film a permis d’aiguiser l’écriture du scénario documentaire. Pour le groupe « déchet et réemploi », le contenu de l’événement de clôture a largement évolué en nombre d’ateliers et dans la nature des activités proposées.

Un besoin d’ingénierie sociale

Le besoin de choisir collectivement pour répondre aux attentes et besoins des différents acteurs (élèves, équipe éducative, parents, partenaires du projet, et cetera) renvoie à l’importance de communiquer et d’avoir recours à des outils d’ingénierie et de médiation sociale. Un enseignement interdisciplinaire, impliqué et participatif, requiert une capacité à s’extraire des conflits interpersonnels au service des conflits socio-cognitifs, une capacité à créer et à s’emparer d’espaces de dialogue entre des acteurs différents, et une capacité à négocier pour construire des consensus. Pour engager les élèves dans un tel processus, notre dispositif s’est attaché à cultiver leurs habiletés sociales à travers l’utilisation de différents outils d’ingénierie sociale (Tableau 5 : Outils favorisant l’engagement et la participation des élèves). Citons le recours à des outils de coopération, inspirés des mouvements d’éducation populaire, qui permettent de faire interagir valeurs, individus et savoirs pour s’affranchir des formes de domination dans les travaux de groupe. Citons aussi le recours à des échauffements issus de pratiques artistiques qui permettent de développer et valoriser l’importance du ressenti et de la capacité à communiquer ses émotions. En revanche, les enjeux de médiation n’ont pas suffisamment pris en compte la dimension des pédagogues et une telle ingénierie sociale n’a pu être mise en place en profondeur avec l’ensemble des acteurs, lors de la conception et le pilotage du dispositif. Dans une perspective d’implication et de participation de chacun, on peut regretter ce manque d’accompagnement à la coopération par les animateurs et les chercheurs, ce qui n’a pu empêcher l’émergence de jeux relationnels au sein du collectif et entre l’association Dissonances, l’équipe enseignante, les élus, et les acteurs associatifs. Ceci a rigidifié les rapports entre les différents pôles du projet : enseignement -animation-observation. Certains acteurs se sont retrouvés confrontés à des logiques de négociations, des problèmes d’imposition hiérarchique de points de vue, ou des conflits interindividuels.

Construction d’une pensée critique

Un tel dispositif nécessite d’accepter que le savoir à transmettre (contenu) et le chemin pour y arriver (contenant) ne sont ni stables ni connus d’avance. Les problématiques renvoient à des questions qui sont empreintes d’incertitudes dans les savoirs de référence et dans leurs implications sociales et dont les réponses nécessitent de prendre en compte des savoirs non stabilisés et d’origines variées et supposent des réarrangements continuels (Simonneaux, 2019). Dans notre expérimentation, pédagogues et apprenants se mettent en recherche. À certains égards, cela les place sur un pied d’égalité tel que Rancière le défend dans Le maître ignorant ... (2014), et permet de s’extraire de la pédagogie ordinaire qui cultive a priori une inégalité des intelligences entre le maître explicateur et l’élève. D’autre part, cela participe à dessiner les contours d’une science démocratique, au sens de Dewey qui associe la démocratie à une citoyenneté active et aux démarches d’enquêtes engagées par les citoyens à propos des problèmes qu’ils rencontrent, dans une perspective pragmatique (Dewey, 2010 ; Zask, 2008). Ici précisément, l’enquête amène à interagir avec des acteurs différents, des points de vue et des résultats d’enquête divergents. Par exemple, concernant la prévention de l’enfrichement, les avis divergent selon que la personne interrogée soit un agriculteur, un naturaliste, un représentant du service urbanisme de la mairie, un habitant de la zone, un simple usager, ou un géographe. Les élèves ont tendance à adhérer au premier point de vue énoncé. Puis en découvrant un élément de controverse, ils penchent en faveur du second point de vue. Ce n’est qu’au fil des entretiens, que les élèves s’approprient l’idée de controverse et d’une pluralité de point de vue. Si certains peuvent se décourager sur l’analyse d’un problème « insolvable », dans l’ensemble cette confrontation de points de vue et de registres de savoirs distincts amène à construire une approche sceptique critique, aussi bien au sein du collectif d’apprenants que d’enseignants. C’est une des postures épistémologiques qui apparaît incontournable dans l’EDD (Simonneaux, 2011) pour prendre en charge les incertitudes et les controverses qui marquent notre société, qu’elles soient d’ordre environnemental, économique ou social. Cette posture vise à privilégier la formation des citoyens et la pensée critique et donne à voir une autre pratique de la science que la science moderne qui exclut tout raisonnement social, moral ou éthique.

Notre dispositif, en prise avec les dynamiques économiques, politiques et culturelles, participe à construire une autre vision de la science, que certains qualifient de science post-normale (Funtowicz et Ravetz, 1993). Cette nouvelle manière d’appréhender les sciences suggère de s’extraire d’une vision positiviste et d’engager un nouveau registre éducatif : une éducation contextualisée et située, à même de prendre en compte la complexité et de l’incertitude (Simonneaux et al., 2016). L’enjeu d’une telle expérimentation est de rendre visibles les valeurs sous-jacentes des sciences et des individus, de discuter de leurs conditions d’application et d’engager les élèves à exercer une citoyenneté scientifique et politique qui allie analyse critique des situations et réflexivité sur son propre rapport aux savoirs et à l’action. En ce sens, nous défendons l’idée que l’éducation aux sciences doit contribuer à une éducation au politique (Slimani, 2021). Pour cela, il est important de créer des espaces et des temps réflexifs pour interroger les outils, les concepts et les catégories utilisés et poser le problème des implicites dont ils sont porteurs, à la fois pour les apprenants, mais aussi pour les enseignants. Ces derniers gagneront à devenir conscients de leurs propres valeurs, pour ne pas en être prisonnier, ne pas les imposer à leur insu, et mieux comprendre celles des élèves auxquels ils s’adressent selon Forissier (2003). Du côté des apprenants, cela a été pris en charge par différentes modalités didactiques et pédagogiques telles que les débats argumentés ou les jeux de rôles au cours desquels les élèves sont amenés à expliciter les priorités sous-jacentes aux différentes prises de position. Cela permet de faire émerger les valeurs et les représentations qui sous-tendent une prise de décision. En revanche, on peut regretter dans notre expérimentation l’absence de mise en œuvre de réels espaces de réflexivité du côté des enseignants face à un tel dispositif. Des tensions sont apparues relatives au degré d’autonomie à laisser aux élèves, avec des difficultés à trouver un accord commun entre libertés et contraintes. Cela renvoie plus généralement à la question de la formation des enseignants, qui face aux QSV et aux « éducations à », gagneront à être mieux armés en formation initiale et continue, pour s’approprier ces nouvelles pratiques didactiques (Lange et Victor, 2011).

Remerciements

Cette étude a reposé sur un travail collectif au sein du territoire et a bénéficié de l’aide du programme européen LEADER + et de la commune de l’Ile d’Yeu. Nous tenons à remercier l’ensemble de l’équipe du collège les Sicardières, les élèves qui ont participé au dispositif, les élus de l’équipe municipale qui ont soutenu le projet Yeu 2030, l’ensemble du collectif Ile en Transition dont Samuel Legoff chargé de mission « Transition énergétique » ainsi que la commission « Éducation, Sensibilisation, Formation », les tuteurs de terrain Élodie Decharette, Mathilde Barré, Cristi Cohen. Nous remercions aussi les services municipaux : le service patrimoine, le service environnement, le service urbanisme et les archives de la municipalité, le Centre Communal d’Action Sociale, la maison de retraite, l’office de tourisme. Différentes associations nous ont apporté leur soutien et expertise du territoire : le collectif agricole dont le projet Terre fertile, Yeu demain, Oya Film et le Container. Nous remercions chaleureusement l’ensemble des personnes qui ont été mobilisées lors des enquêtes. Enfin, nous dédions ce travail à Freddy Tarraud, qui nous a quittés, marin pêcheur islais à bord du Pluton.

Bibliographie

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Licence : CC by-nc-sa

Notes

[1Établissement scolaire français du secondaire, comprenant 4 niveaux d’enseignement (de la 6e à la 3e) avant le lycée.

[2Arrêté du 19 mai 2015 relatif à l’organisation des enseignements dans les classes de collège

[3Le label départemental Génération Éco-Responsable récompense les établissements scolaires vendéens qui mettent en place des actions concrètes de préservation l’environnement en lien avec le développement durable.

[4Circulaire n° 2015-106 du 30-6-2015, voir site internet du ministère français de l’Éducation [en ligne] URL : https://www.education.gouv.fr/bo/15/Hebdo27/MENE1515506C.htm?cid_bo=90913

[5Circulaire n° 2015-018 du 4-2-2015

[6Le projet a bénéficié du soutien du programme européen LEADER « Liaison Entre Action de Développement de l’Economie Rurale ». C’est un programme qui vise à soutenir le développement des territoires ruraux porteurs d’une stratégie locale de développement.

[7Un aperçu des actions publiques produites par les élèves disponible sur le site [en ligne] URL : https://association-dissonances.org/jeunesse-en-transition/

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