Innovation Pédagogique et transition
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Appréhender la flexibilité des gestes professionnels en situation d’enseignement : enjeux pour la recherche et la formation - Varia (66/décembre 2022)

30 novembre 2020 Veille 578 visites 0 commentaire

Un article repris de http://journals.openedition.org/eds...

Appel à communication

Numéro coordonné par Éric Saillot, Dominique Bucheton et Richard Étienne

Un article repris de la revue Education et socialisation, les cahiers du CERFEE, une publication sous licence CC by nc nd

Notes de la rédaction

Calendrier

 Date limite d’envoi des projets : 30 septembre 2021
 Date limite d’envoi de l’article intégral : 31 décembre 2021
 Date limite de retour des expertises : 31 mars 2022
 Date limite d’envoi de l’article définitif : 30 juin 2022

Vous pouvez adresser un projet d’article à educationetsocialisation@univ-montp3.fr ainsi qu’aux trois coordonnateurs (eric.saillot@unicaen.fr ; dominique.bucheton@wanadoo.fr ; rietienne@wanadoo.fr) de ce dossier thématique avant le 30 septembre 2021 (3 pages, soit 10 000 signes environ avec les cadrages scientifiques habituels).

Après accord de principe, toute contribution devra ensuite être présentée en respectant les normes de la revue (soumettre une contribution : https://edso.revues.org/395 et les recommandations aux auteurs : https://edso.revues.org/624) puis, après accord des coordonnateurs, sera soumise à double expertise “en aveugle” selon les normes de la communauté.

Texte de cadrage

Depuis quelques années, les enseignants font face à de multiples réformes qui s’enchainent à un rythme effréné, avec un empilement de dispositifs et d’exigences pédagogiques pour améliorer les apprentissages des élèves, dans le cadre d’une éducation plus inclusive : projets personnalisés, évaluations formatives, approches par compétences et besoins d’apprentissage, co-enseignement, bienveillance, et autres approches plus ou moins innovantes. Ces nouvelles prescriptions bousculent la professionnalité enseignante, aux prises avec des formations parfois jugées insuffisantes et trop descendantes, qui ne permettent pas aux professionnels de penser sereinement ni leur métier, ni leur activité. Certaines illusions pédagogiques persistent autour de la transmission des « bons gestes professionnels » ou des « bonnes méthodes » (Étienne, Ragano et Talbot, 2019) qui négligent parfois les réalités des contextes et les besoins réels des enseignants en formation (Bru, 2006).

De nombreux travaux en sciences de l’éducation montrent que la professionnalité enseignante s’appuie sur des compétences complexes (Ria, 2015, 2016) qui leur permettent de s’ajuster en situation, c’est-à-dire de s’adapter aux imprévus, et de réguler l’activité des élèves, dans une tension entre généricité et spécificité des gestes professionnels. Cette flexibilité pédagogique et didactique a notamment été analysée par Dominique Bucheton (2009, 2020) comme une grammaire de gestes professionnels ajustés. La notion d’ajustement avait été évoquée dans les années 1990 par Marguerite Altet dans ses analyses plurielles des pratiques enseignantes centrées sur les processus médiateurs et situationnels, et les modes d’ajustement. De son côté, Sensevy considère que l’agir enseignant est un « processus constant d’ajustement mutuel » (2011, p. 52). Dominique Bucheton a développé cette notion dans son cadre d’analyse du multi-agenda de macro-préoccupations enchâssées (Bucheton et Soulé, 2009). Elle définit l’ajustement dans l’activité enseignante comme « la manière dont l’agir langagier et corporel de l’enseignant se règle sur la situation spécifique de la classe et plus encore sur l’évolution de cette situation pendant la leçon ». (Bucheton, 2009, p. 64). Éric Saillot (2020) poursuit ce travail de conceptualisation en associant les notions d’ajustement et de posture pour opérationnaliser un cadre d’analyse modélisé autour d’un losange systémique « penser-dire-faire-observer/écouter ». Une posture d’ajustement s’appuie sur des registres de gestes professionnels qui visent à répondre à l’imprévisibilité de la situation et aux besoins d’apprentissage des élèves, dans une combinaison de flexibilité et de vigilance à la fois réflexives et pragmatiques, pédagogiques et didactiques (Saillot, 2020). Cette approche met en lumière les gestes professionnels d’observation et d’écoute, fondamentaux dans l’évaluation formative permettant des régulations de l’activité enseignante.

Ces régulations dans l’action de l’activité enseignante ont été comparées à une forme de flexibilité (Wanlin et Crahay, 2012) pédagogique et didactique, développée aussi bien dans la planification que dans dans l’interaction, comparable à une activité d’improvisation (Azéma, 2019), notamment pour s’adapter aux fluctuations de la situation, aux imprévus (Jean, 2009), ou aux besoins spécifiques des élèves, identifiés dans le feu de l’action (Saillot, 2020). Différentes notions permettent donc d’appréhender cette flexibilité des gestes professionnels en situation d’enseignement ou de formation : adaptation (Pastré, 1999, p. 412), ajustement (Bucheton, 2009, 2020 ; Saillot, 2020), bricolage (Lévi-Strauss, 1962, p. 27) ou improvisation pour Philippe Perrenoud (1994), qui a souligné les difficultés à agir dans l’urgence et décider dans l’incertitude, dans une tension entre improvisation réglée et bricolage. Guillaume Azéma (2019) a analysé cette forme d’activité d’improvisation chez les enseignants, qui n’est pas un « faire sans préparation », ni une réponse à une perte de contrôle de la situation, ni « une activité sans bagage », déconnectée du vécu des acteurs et des savoirs précédemment construits dans leur parcours. Eirick Prairat (2017) a associé ces compétences d’ajustement au « tact pédagogique », qui repose sur une « faculté rapide de jugement et de décision » (Herbart, 2007, page 25).

Ce dossier thématique propose d’apporter des regards scientifiques complémentaires sur la flexibilité des gestes professionnels en situation d’enseignement ou de formation, c’est-à-dire les situations dans lesquelles les professionnels réflexifs agissent et réagissent dans le feu de l’action pour s’ajuster aux imprévus et aux besoins de leurs élèves ou formés. Les contributions permettront de mieux comprendre ces activités d’ajustement, d’adaptation, de bricolage, d’improvisation ou de régulation des enseignants ou des formateurs afin d’analyser ce qui leur permet ou les empêche de prendre une succession de micro-décisions de tous ordres afin d’agir en gérant simultanément différentes dimensions de leur réflexion pédagogique et didactique in situ. Un tel questionnement permettrait d’ouvrir une réflexion sur des besoins ou perspectives nouvelles pour la formation des enseignants. Les auteurs pourront essayer de comprendre comment ces notions tendent à réactualiser la figure du praticien réflexif de Schön (Tardif, Borges, et Malo, 2012) ou la théorie de l’enquête de Dewey (Thievenaz, 2019) à l’époque du numérique (Poizat et Durand, 2017). La crise sanitaire a plongé les enseignants dans un monde d’incertitudes qui les a notamment amenés à composer avec de nouveaux outils numériques et de nouvelles situations d’enseignement ou de formation, à distance, ou hybrides. Certaines contributions pourront tenter d’éclairer ces nouvelles exigences en matière de flexibilité pédagogique. Les contributions tenteront de poursuivre le travail de conceptualisation et d’opérationnalisation de ces notions et de ces questions, avec des ancrages scientifiques différents et complémentaires (didactique(s), pédagogie(s), analyse(s) de l’activité, psychologie(s), sociologie(s)…).

Bibliographie indicative

Azéma, G. (2019). Improvisation et travail ordinaire des enseignants entrant dans le métier. Quelle activité ? Quels enjeux ? Numéro thématique « Comprendre le travail dans les métiers adressés à autrui », Revue @ctivités, 16-1.

Bru, M. (2006). Les méthodes en pédagogie. Paris : PUF

Bucheton, D. (dir.), (2009). L’agir enseignant : des gestes professionnels ajustés, Toulouse : Octarès éditions.

Bucheton, D. (2020). Les gestes professionnels dans la classe – Éthique et pratiques pour les temps qui viennent. Paris : ESF sciences humaines, collection PÉDAGOGIES [références].

Bucheton, D., Soulé, Y. (2009). Les gestes professionnels et le jeu des postures de l’enseignant dans la classe : un multi-agenda de préoccupations enchâssées. Éducation et Didactique, 3(3), 29-48.

Dewey, J. (2011/1916 et 1938). Démocratie et éducation suivi de Expérience et éducation. Paris : Armand Colin.

Étienne, R., Ragano, S., Talbot, L. (2019, dir.). Peut-on encore parler de méthodes pédagogiques ? Paris : L’Harmattan, collection Pratiques en formation.

Herbart, J. F. (2007). Tact, autorité, expérience et sympathie en pédagogie. Paris : Économica.

Jean, A. (2009). Traitement des imprévus par les professeurs stagiaires de technologie en formation initiale. Thèse de doctorat publiée. ANRT, Lille.

Lévi-Strauss, Cl. (1962). La pensée sauvage. Paris : Plon.

Pastré, P. (1999). L’ingénierie didactique professionnelle. Dans P Carré. et P Caspar (dir.) Traité des sciences et des méthodes de l’analyse du travail. Paris : Dunod, p. 403-417.

Perrenoud, Ph. (1994). La pratique pédagogique entre l’improvisation réglée et le bricolage. Dans Ph. Perrenoud (dir.), La formation entre théorie et pratique (pages 21-41). Paris : L’Harmattan. (Article initialement publié in Éducation et Recherche, 1983, 2, 198-212).

Poizat, G., Durand, M. (2017). Réinventer le travail et la formation des adultes à l’ère du numérique : état des lieux critique et prospectif. Raisons éducatives, 21(1), 19-44. doi:10.3917/raised.021.0019.

Prairat, E. (2017). Éduquer avec tact, Paris : ESF, Sciences humaines.

Ria, L. (dir.) (2015). Former les enseignants au XXIe siècle, 1. Établissement formateur et vidéoformation, Bruxelles : De Boeck.

Ria, L. (dir.) (2016). Former les enseignants au XXIe siècle. 2. Professionnalité des enseignants et de leurs formateurs, Bruxelles : De Boeck.

Saillot, E. (2020). S’ajuster au cœur de l’activité d’enseignement-apprentissage. Construire une posture d’ajustement. Collection Pédagogie : crises, mémoires, repères, L’Harmattan.

Sawyer, R.K. (2011). What Makes Good Teacher Great ? The Artfull Balance of Structure and Improvisation. Dans R.K. Sawyer (Ed.). Structure and Improvisation in Creative Teaching. Cambridge : Cambridge University Press, p.1-24.

Schön, D. (1983). The Reflective Practitioner. New-York : Basic Books. Trad. par Heynemand, J. et Gagnon, D.(1994). Le praticien réflexif, à la recherche du savoir caché dans l’agir professionnel. Montréal : Les éditions Logiques, coll. Formation des Maîtres.

Tardif, M., Borges, C., Malo, A. (2012, dir.). Le virage réflexif en éducation. Où en sommes-nous 30 ans après Schön ? Bruxelles : de Boeck, pédagogies en développement.

Thievenaz, J. (2019). Enquêter et apprendre au travail. Approcher l’expérience avec John Dewey. Dijon : éditions Raison et Passions.

Wanlin, P., et Crahay, M. (2012). La pensée des enseignants pendant l’interaction en classe. Éducation et Didactique, 6(1), 9-46.

Licence : CC by-nc-nd

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