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Apprivoiser la distance ? notes de lecture du livre de Marcelle Part

Un article repris de http://journals.openedition.org/dms/4632

Un article de Gérard Puimatto repris du site Distances et Médiations des Savoirs, un publication sous licence CC by sa

Référence(s) :

Parr, Marcelle (2019). Pour apprivoiser la distance. guide de formation et de soutien aux acteurs de la formation à distance. Réseau francophone d’enseignement à distance (REFAD). Récupéré le 18 août 2019 de : http://www.refad.ca/publications-et-rapports-de-recherche/rapports-de-recherche/rapports-2019/pour-apprivoiser-la-distance-guide-de-formation-et-de-soutien-aux-acteurs-de-la-formation-a-distance/

Le REFAD (réseau francophone d’enseignement à distance) publie un « Guide de formation et de soutien aux enseignants et formateurs à distance disponible en ligne ». Préparé par le réseau d’enseignement francophone à distance du Canada, sa réalisation est financée par le ministère du Patrimoine du Canada. L’ouvrage s’appuie sur de nombreuses contributions de praticiens de l’enseignement à distance, de responsables de formation, de consultants, d’ingénieurs et d’universitaires.

Il est destiné aux acteurs de la formation à distance, quel que soit leur contexte d’intervention, afin de leur fournir un guide de référence pour la mise en place de leurs projets.

Présence et distance

La situation au Canada met en évidence une forte diversification des modes de diffusion de la formation, et ce même si les enquêtes mettent en évidence des freins importants, notamment un accroissement du travail pour le personnel enseignant, l’inadéquation de l’offre de perfectionnement et le faible taux d’acceptabilité de la formation en ligne. Pour autant, la situation ne se présente plus comme une alternative entre le « tout présence » et le « tout distance ». C’est davantage une intégration progressive et perméable de la notion de distance dans l’ensemble des processus de formation et d’enseignement, peut-être même jusqu’à la disparition prochaine de la distinction de l’enseignement à distance.

Les technologies conduisent progressivement les acteurs à adopter une logique d’ingénierie techno-pédagogique, la distance devenant avant tout une modalité d’organisation et de diffusion de la formation qui s’intègre progressivement à d’autres filières éducatives, sous des formes diverses.

Encore la notion même de distance doit-elle être précisée : la distance de l’apprenant peut se manifester selon plusieurs dimensions : géographique ; temporelle ; technologique ; socioculturelle ; socioéconomique ; pédagogique. Chaque projet ou dispositif de formation ou d’enseignement à distance doit prendre en compte les composantes de la distance qu’il entend intégrer, en les conjuguant dans une conception qui lui est spécifique.

Mais l’activité de formation s’emploie à créer au contraire des proximités : spatiale ; organisationnelle ; relationnelle ; technologique ; cognitive ; systémique. La capacité des dispositifs de l’enseignement et de la formation à distance à créer ces proximités conditionne leur efficacité et leur acceptabilité.

Renouveler l’approche éducative et les systèmes d’enseignement

Les évolutions des modalités d’enseignement et d’apprentissage, et en particulier la montée en charge de l’EAD, donnent naissance à une nouvelle « culture éducative », à un nouvel espace dans lequel l’apprenant doit apprendre à se situer.

Moins que dans la perspective d’enseigner, on se situe aujourd’hui dans le « faire apprendre », ce qui induit une attention accrue aux postures de l’apprenant, à sa capacité à l’autonomie : autodirection, autoformation, agentivité, au service du « savoir apprendre ». Le rôle de l’enseignant relève alors davantage de l’enseignement de stratégies d’apprentissage, du soutien à la motivation et à la mobilisation que de l’enseignement traditionnel d’un contenu. La tâche enseignante en est fragmentée et transformée, au service d’apprentissages actifs, donnant une large place à la collaboration et la coopération.

Les systèmes de gouvernance, associant le national et le local, doivent évoluer pour tenir compte de cette évolution : donner une place accrue à l’usager (l’auteure parle d’« expérience client »), intégrer une dimension prépondérante de communication, tant verticale qu’horizontale… La gouvernance évolue pour structurer le service de formation à distance.

L’accent doit être mis sur la mise en œuvre d’une ingénierie techno-pédagogique adaptée, incluant le design pédagogique, la conception d’une offre de ressources conjuguant contenus et services, l’accompagnement des acteurs. Les conditions de l’enseignement/apprentissage, notamment les lieux, les modalités, les espaces virtuels, la conjugaison distance/présence dans le développement de dispositifs hybrides sont autant de dimensions à explorer.

De telles démarches ne pourront pas se développer sans une reconnaissance du rôle des acteurs et un développement de leurs compétences, pour s’intégrer dans une logique donnant une place accrue à la mobilité des apprenants.

La scénarisation de l’EAD conduit à préciser le champ didactique, à analyser les contextes dans une logique d’apprentissage social, au service de la médiatisation de la formation à distance. La conception des activités d’évaluation et la personnalisation des apprentissages constituent des enjeux spécifiques dont l’importance ne peut être ignorée.

Dans un tel contexte de dispositifs s’appuyant sur l’autonomie des apprenants et sur la collaboration/coopération, la question de l’encadrement de la formation occupe une place majeure dans la conception de nouveaux dispositifs, notamment pour gérer la distance et réduire l’isolement. Mais la dimension sociale, la collaboration ou encore l’hybridation des dispositifs conduisent à étendre et repenser l’encadrement, dans une ingénierie qui se décline en analyse des besoins des apprenants, définition des champs de support à l’apprentissage, définition des rôles et fonctions des différents tuteurs, conception et quantification des fonctions tutorales, choix des outils, élaboration du modèle économique, etc.

La question des infrastructures

La réalisation de projets d’EAD suppose la mise en place et l’exploitation d’infrastructures adaptées, qu’il s’agisse de serveurs, réseaux, bande passante, logiciels, etc. Cette dimension concerne les acteurs de la formation à distance, mais se situe plutôt au niveau des établissements, voire des infrastructures publiques.

Parmi ces multiples dimensions, citons les problématiques d’hébergement, de nature des ressources et services mis en place et d’analyse des apprentissages, qui concernent plus directement les responsables de formation/enseignement.

La notion de distance s’applique aussi aux serveurs, qui peuvent à présent être mis à distance dans le cloud (pardon, le nuage, nous sommes dans une publication québécoise), dans une fonction d’hébergement d’environnements numériques d’apprentissage offrant des fonctionnalités sans cesse étendues. Cette virtualisation d’un volet important des infrastructures peut modifier de façon profonde les rôles respectifs des établissements et des responsables de formation.

Le développement des ressources dépasse le seul cadre des contenus pour s’ouvrir aux services. Il s’inscrit en particulier dans la démarche du web sémantique, s’appuyant sur le développement d’ontologies spécialisées.

L’analyse des apprentissages, s’appuyant sur les traces laissées par l’apprenant, ne se limite pas aux résultats, mais permet d’ajuster le design du cours, les stratégies et les ressources. L’intelligence artificielle ouvre de nouveaux champs d’investigation en ce domaine, mais le développement des pratiques d’exploitation des traces doit aussi tenir compte des contraintes de protection des données personnelles. Le responsable d’un programme d’EAD ne saurait se contenter de l’acceptation tacite de l’usager, du fait de son inscription au programme.

L’éthique et la déontologie doivent tenir une place déterminante dans les initiatives de formation à distance, la diversité et le foisonnement des possibles ne faisant qu’accroitre les défis qui se dressent devant les acteurs, professeurs, enseignants, tuteurs, conseillers, gestionnaires.

Guider les acteurs ? De l’inventaire au dispositif, une route encore longue

L’ouvrage se veut un guide dégageant des principes, des références, des outils et des retours d’expérience, que le lecteur pourra consulter pour « approfondir certains concepts et alimenter sa pratique en fonction du développement de ses activités ».

Il s’agit avant tout d’un document de vulgarisation, bien documenté, intéressant dans sa conception. Mais la volonté de parler de tous les concepts, modèles et outils ne permet pas réellement d’aller au fond des choses et cantonne le propos dans un survol assez superficiel. Quelques références, notamment universitaires, peuvent permettre au lecteur « d’approfondir certains concepts », mais elles restent partielles et inégalement alimentées au fil des chapitres.

On aurait apprécié de disposer de prises de position personnelle(s), qu’elles émanent de l’auteur ou des contributeurs, d’un fil rouge qui permettrait de proposer un chemin plus explicite dans la forêt des outils, méthodes et expériences. L’ouvrage ne fournit pas de pistes ouvertes par des problématiques de recherche permettant d’« alimenter la pratique », mais plutôt un large descriptif des composants des projets EAD. S’il s’organise comme un inventaire organisé, il ne peut pas prétendre à une forme de neutralité, à un « état de la nature » lié à la simple observation de la forêt. L’organisation des différentes thématiques (approche éducative, systèmes de gouvernance, design, encadrement, infrastructures) fournit une grille de lecture implicite, un schéma de conception qui relève d’une approche d’ingénieur-e.

Et c’est sans doute une des caractéristiques principales de cet ouvrage : s’il revendique la contribution de nombreux acteurs, il est bien avant tout l’œuvre d’une ingénieure - consultante, dont l’objectif est de fournir aux acteurs canadiens une grille de référence pour leurs projets.

Référence électronique

Gérard Puimatto, « Apprivoiser la distance ? », Distances et médiations des savoirs [En ligne], 28 | 2019, mis en ligne le 16 décembre 2019, consulté le 01 janvier 2020. URL : http://journals.openedition.org/dms/4632
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Auteur
Gérard Puimatto

gpuimatto@effios.fr
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