Innovation Pédagogique et transition
Institut Mines-Telecom

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Revisiter la notion de communauté médiatique à partir de l’exemple des collectifs d’auditeurs engagés en Afrique subsaharienne

Un article repris de http://journals.openedition.org/rfs...

En Afrique subsaharienne, la participation radiophonique fait émerger des collectifs d’auditeurs autour des radios de toutes catégories et de tous secteurs. Il est possible d’appeler ces réseaux de relations groupes d’auditeurs engagés. À la différence des autres auditeurs, ces auditeurs manifestent, par leur participation et leur militantisme au sein d’associations d’usagers, leur adhésion à la philosophie et aux contenus des médias éponymes. Mais l’observation de ces groupes montre que leurs membres partagent largement plus que l’expérience médiatique, en ce sens que leur sphère d’action est beaucoup plus large (le social, le culturel, l’économique, l’écologie, le politique, le religieux, le caritatif…) au nom de l’engagement promédia. Ceci nous conduit à nous demander s’il ne faut pas élargir notre compréhension de la communauté médiatique entendue ici comme la culture de la convergence des usagers se développant autour d’un média, d’une émission ou de célébrités au sein du monde médiatique.

Un articlerepris de la Revue Française des Sciences de l’information et de la communication, une publication sous licence CC by sa nc

En Afrique subsaharienne, le média radiophonique a généré un grand nombre de collectifs d’auditeurs grâce à la parole donnée par les stations de toutes catégories [1]. Nommés « forums radiophoniques » dans les années 1950, « radio-clubs » dans les années 1960-70, « amis de » telle station, « famille de » telle autre, « clubs communautaires », « fan-clubs » ou « grains », depuis les années 2000, ces groupes réunissent des personnes partageant une expérience médiatique collective et sollicitant leur participation aux contenus, à la gestion des émissions et au débat public. L’interactivité (Sonko) et la participation (Banda, Capitant 2008a et b ; Ngono) radiophoniques sont en effet l’un des marqueurs de la radio africaine, les émissions faisant appel à la participation des auditeurs occupant une très grande place dans la programmation. Cependant, les activités de la plupart des groupes d’auditeurs constitués a posteriori, à la faveur de l’interaction et la participation médiatiques, dépassent un engagement strictement médiatique pour donner à voir d’autres formes de mobilisations prolongeant le média (Mhagama, Jimenez) : des solidarités intra et intergroupale et intergénérationnelle ; une initiation de projets de développement social, économique et culturel ; un engagement politique (Damome 2015 et 2017). Dans ce cadre, la participation médiatique devient aussi vecteur d’actions militantes et non plus uniquement d’interactivités médiatiques au sens habituel du terme.

Ces collectifs créés par les auditeurs eux-mêmes, de leur propre initiative, ou encouragés par le média, constituent un modèle enrichi de communication sociale. Ils constituent une réponse, un complément, voire un substitut aux lacunes des espaces public et médiatico-politique « traditionnels » qui marginalisent leurs publics. Ne touche-t-on pas du doigt une fonction médiatique stimulante reposant sur le hors-média, l’après-média, construite autour de tout ce qui n’est plus lui ? Et surtout n’élargit-il pas quelque peu la notion de communauté médiatique qu’Henry Jenkis (2006) par exemple utilise pour exprimer la convergence identitaire ou d’intérêts des usagers autour d’un média ?

Ce texte constitue une tentative de réponse à cette question à travers la caractérisation de la communauté médiatique, notamment radiophonique, telle qu’elle se dégage des caractéristiques générales des collectifs d’auditeurs engagés observés et décrits dans diverses publications antérieures (Damome 2010, 2011, 2012, 2015, 2017). Il s’agit ici de proposer un idéaltype, au sens webérien, que le lecteur se gardera bien de vouloir retrouver tel quel dans la réalité. Nous rappelons néanmoins quelques-unes de ces caractéristiques dans la troisième partie du présent texte pour illustrer la typologie que nous proposons. Elles sont issues de l’observation de dix-neuf cas de l’Afrique de l’Ouest, notamment trois au Bénin [2], trois au Burkina Faso [3], six au Ghana [4] et six au Togo [5]. Nous les étudions depuis le début des années 2000 à travers des missions de terrain de plusieurs mois [6] qui ont conduit à les côtoyer de l’intérieur. Plusieurs méthodes d’observation ont été combinées à ces occasions. L’observation de type ethnographique d’abord, avec la participation aux activités des groupes et l’implication dans les échanges sur lieux de rencontre et à travers les plateformes utilisées par les membres. Cette démarche a permis d’enregistrer des informations sur le fonctionnement des groupes, les relations interpersonnelles des membres et les enjeux internes aux groupes, les instances de prise de décision, les activités et la façon dont elles se déroulent ainsi que les rapports avec les collectifs des autres médias de la place. L’entretien qualitatif classique ensuite, avec les leaders formels et informels de ces groupes, c’est-à-dire les présidents élus ou désignés dans les groupes formels ou alors des personnes qui cristallisent cette fonction dans les groupes informels et dans les sous-sections. Ces entretiens ont permis d’approfondir certaines thématiques, notamment celles de l’organisation des groupes et des activités, du rapport aux médias éponymes et de la régulation des tendances au sein des groupes. Des entretiens informels enfin, avec les membres, au hasard des rencontres et des conversions, pour démêler ce qui relève de l’engagement collectif et des engagements personnels. C’est à travers ces échanges que nous nous sommes aperçus, notamment au sein de groupes de jeunes du Togo, que beaucoup partageaient leur engagement avec plusieurs groupes à la fois en fonction de leurs centres d’intérêt. Nous nous basons donc sur les notes des carnets de bord et d’entretiens formels ou informels qui s’étalent sur quinze ans d’observation.

L’observation de ces aspects pousse à se demander si ce que nous proposons d’appeler groupes d’auteurs engagés ne constitue pas un segment supplémentaire dans la structure d’audience des médias. De l’auditoire plus ou moins hétérogène que sert une station de radio publique, commerciale, associative ou privée locale, émane un autre type d’auditeurs partageant certes les caractéristiques des communautés dont ils sont ici, mais formant une communauté nouvelle qui peut interagir avec les premières et commercer de façon autonome avec le média et la société. Ces communautés nouvelles se forment dans le sillage de médias particuliers et peuvent parfois se substituer aux promoteurs de ces médias, notamment lorsque la participation médiatique atteint le niveau du contrôle citoyen évoqué par Arnstein et le niveau de la participation structurelle de Nino Carpentier et de Mhagama. Ce sont ces hypothèses qui guident les analyses suivantes. L’objectif de cet article est donc de montrer que, dans leur constitution comme dans leur fonctionnement, les collectifs d’auditeurs engagés que nous observons dans le sillage de certaines radios africaines, donnent à voir des éléments dépassant notre perception habituelle de la notion de communauté médiatique.

Nous rappellerons brièvement l’arrière-plan théorique permettant de situer nos propos avant d’essayer de figurer la communauté radiophonique et de montrer par ses caractérisations en quoi elle élargit la notion classique de communauté médiatique.

Bref retour sur la notion de communauté médiatique

La notion de « communauté médiatique » est plurivoque. Elle peut être employée pour désigner le résultat d’un regroupement ou d’une concentration médiatique. Il s’agira d’un groupe émetteur ou d’émetteurs. Elle peut également participer de la convergence médiatique avec un processus d’interactions complexes produisant des entrelacs culturels et sociaux différents entre différentes catégories de médias. C’est en particulier en ce sens qu’Henry Jenkins l’emploie, lorsqu’il observe le passage des médias au transmédia (2006).

Cependant, en radio et en télévision, le terme est utilisé pour désigner des publics médiatiques. Il s’agit de tous ceux qui se sentent liés, qu’ils se connaissent ou non, habitent la même localité ou non, en aient conscience ou non, par l’écoute d’un même média ou d’une même émission. Vu du média, il s’agit de tous ceux à qui l’animateur pense lorsqu’il prépare son émission ou est à l’antenne ; ces parfaits anonymes qui veillent la nuit pour attendre ses confidences.

Mais la plupart des analystes (Scannell, Proulx 2006, Le Bart, Le Guern 2009 ; Galluzzo et Galan 2013, Bourdaa) des publics médiatiques préfèrent recourir à cette notion, sans forcément la nommer ainsi, pour désigner, parmi cette foule anonyme ciblée par le média a priori, des publics (constitués a posteriori) qui sortent de l’ombre pour interagir entre eux et avec le média, et qui vont parfois jusqu’à former une organisation formelle ou informelle, autonome ou suscitée/encouragée par le média.

Divers vocables sont justement employés pour rendre compte de cette réalité. Paddy Scannell parle de « groupes » notamment « d’auditeurs engagés » dans divers textes à propos de son analyse de « l’intentionnalité communicationnelle dans les émissions de radio et de télévision ». Il développe l’idée de communication médiatique comme interaction sociale. Vue comme telle, il ne peut s’agir d’une transmission de messages à un public anonyme ; d’où l’idée de destinataires interagissant avec l’émetteur (le média) et partageant un terrain d’entente qui n’implique nullement un consensus sur le contenu de l’interaction.

Serge Proulx (2006) a choisi le terme ‘collectifs d’usagers fidèles’ à propos des réseaux sociaux numériques pour analyser le sentiment d’appartenance qui les caractérise. Ce sentiment d’appartenir à un collectif d’usagers apparaît lorsque « la scène des interactions – que ce soit en situation de face à face ou par électronique (met) en relation des personnes qui détiennent ou construisent des liens communs entre elles et dont les interactions sont réciproques, soutenues, durables », soutient-il (p. 16).

Henry Jenkis (1992) et plusieurs autres à sa suite (Le Bart, Le Guern, Galluzzo et Galan 2013, Bourdaa) utilisent de préférence le terme ‘fan-club’. Il s’agit de groupes de passionnés, voire de fanatiques d’un média, d’une production médiatique ou d’une personnalité médiatique, dont les membres vivent une connexion sociale et élaborent un véritable travail interprétatif (Jenkins 1992), une intelligence collective (Lévy) qui se matérialisent en une convergence culturelle. Ils ont une configuration communautaire en ce qu’ils appellent l’attachement (Le Guern 2009), le partage de sens et la dynamique sociale. Immersion dans l’univers de l’objet (Le Guern 2002), acculturation et apprentissage des codes (Le Bart), cocon affectif, soutien moral (Le Guern 2009). Ces collectifs participatifs créent un monde social qui correspond à l’ethos communautaire (Galluzzo et Galan 2010) par la force de la convergence qui « est un processus, pas un point final » (Jenkins 2007 35).

De nombreux spécialistes des sciences sociales utilisent plutôt ‘réseau’ pour analyser les groupes sociaux dont l’émergence est favorisée par les médias sociaux. Fondant cette analyse sur une approche structurale des relations plus ou moins denses entre les différents acteurs d’un milieu social organisé, ces travaux y voient des réseaux d’interdépendances qu’Emmanuel Lazega qualifie de « représentation simplifiée d’un système social complexe » (6). Le réseau comporte une dimension mesurable (Stacey) et se laisse cartographier (Frazer). Il permet une meilleure visualisation des flux et appréhension des interactions qui lient les différents pôles.

Cependant, le recours à la notion ‘communauté’ est fréquent également et pas uniquement dans l’aire anglo-américaine où cette notion est plus souvent utilisée que celle de réseau. C’est d’ailleurs originellement à la sociologie classique allemande que le terme se rattache. Nous pourrions évoquer une série de textes emblématiques de Karl Marx et de Max Weber. Mais c’est surtout l’ouvrage Gemeinschaft und Gesellschaft (Communauté et Société, 1887) de Ferdinand Tönnies qui synthétise bien cette notion. Gemeinschaft met l’accent sur les rôles, les valeurs et les croyances générés par les interactions sociales personnelles au sein de la société, autour d’intérêts partagés qui peuvent être cristallisés par exemple par des pratiques communes (Weger). Les membres du groupe partagent des interactions sociales personnelles, immédiates et fréquentes (Peck), un imaginaire fondateur, une connivence et une dimension émotive (Weber, Hugon). Le lien communautaire qui s’établit ainsi semble plus « engrammé, incarné dans le groupe, par ses valeurs, son imaginaire fondateur, sa temporalité » (Hugon 39). La communauté induit en effet la compréhension, ce qu’on appelle consensus, c’est-à-dire le partage du même sens. Le média vient cristalliser une continuité des esprits des différents sujets sociaux. Mais la communauté induit également la sympathie, puisque consensus dit aussi sentiments communs, associés et réciproques. « La communauté n’est plus ici seulement un groupe d’individus qui partagent un intérêt ou un objectif et mutualisent leurs moyens en vue d’une fin, il s’agit davantage d’une expérience collective forte, mais qui s’épuise dans l’acte, dans l’évènement même du communautaire », explique Hugon (41). La communauté se forme par et sur l’acceptation d’une intensification de la vie qui s’exprime par le partage collectif d’un esprit, dont l’expérimentation et la jouissance donneront lieu au rituel qui célébrera, perpétuera le groupe et sa singularité. En ce sens, le phénomène est une consumation, une ritualisation qui perd sa vocation utilitaire et fonctionnaliste, pour ne constituer qu’une célébration du groupe lui-même, à partir de la mobilisation d’un imaginaire commun (Hugon 42). C’est pour cette raison que cette notion semble mieux appropriée pour analyser les phénomènes de regroupement post-réception contemporains. Le média ou son contenu recréent le lien primordial tissé de proximité, de convivialité, de partage, de communion. La connivence communautaire est alors largement teintée d’un esprit de cohésion minoritaire. Dans la masse quelque peu indifférente du lien social, certains ont l’expérience de la proximité, du partage. Dans la masse des publics qu’une radio « arrose », média de masse s’il en est, certains vivent une expérience collective, de l’être-ensemble dans un espace commun (géographique, culturel, physique ou virtuel, sentimental, intelligible).

L’appliquant au contexte médiatique africain, notamment dans le sillage du média radiophonique, la notion déploie toute sa dimension et élargit d’une certaine manière la vision qu’on en a. Ces partages commandent certes des pratiques médiatiques communes, par exemple une expérience collective de consommation des contenus médiatiques et un activisme concerté dans l’interactivité médiatique (Damome 2011). Mais ils suscitent également un être-ensemble dans un lieu commun, autour d’un engagement commun et d’actions communes dépassant proprement les enjeux de la consommation médiatique et s’ouvrant sur le social, le politique et le religieux. Ce sont là les caractéristiques fondamentales de ces communautés médiatiques, notamment radiophoniques, que nous avons décrites par ailleurs (Damome 2012 et 2015) et que nous proposons d’analyser ici.

Comment figurer la communauté radiophonique ?

Nous entendons par communauté radiophonique un corps social, résultat de la cristallisation d’interactions multiples et fréquentes dans le cadre de la participation à une station radiophonique ou à une émission. Ce peut être une poignée d’auditeurs fidèles ou un grand nombre de participants enthousiastes à l’idée de partager une expérience médiatique faite de pratiques radiophoniques, d’amitiés, d’efforts collectifs, d’entraides mutuelles au quotidien et de militantisme associatif. Les dynamiques de groupe (Bion, Borgel) observées in situ révèlent que la fréquence des interactions communicationnelles et sociales génère une identité partagée, un sentiment d’attachement mutuel, des pratiques communes, des habitudes et des normes. Ce sont là précisément les caractéristiques d’une communauté (Tönnies, Hugon, Maffesoli, Damome 2017). Ce groupe n’est pas forcément homogène, c’est-à-dire constitué de personnes d’une même origine géographique, culturelle ou linguistique. Il n’est pas non plus nécessairement formé exclusivement de personnes d’une même catégorie sociale, religieuse ou générationnelle, ou vivant dans un même espace géographique. Les seuls critères d’appartenance qui président à leur rassemblement étant un projet, un combat ou un centre d’intérêt partagé.

Avant d’analyser les caractéristiques qui font d’un collectif d’auditeurs engagés une communauté médiatique élargie, voyons d’abord ce que recouvre la réalité de communauté radiophonique que nous proposons pour qualifier ces groupes. La question qui peut se poser est de savoir comment la situer concrètement par rapport aux différents publics du média. Cette question se justifie d’autant plus qu’il s’agit de distinguer, à propos des radios associatives et communautaires, ce groupe d’auditeurs constitué a posteriori que nous nommons communauté radiophonique, du collectif promoteur du média et de l’entité géographique, culturelle ou linguistique ciblée initialement par le média. Pour répondre à cette question, il faudrait envisager trois situations différentes.

Une question de temporalité

Pour mieux comprendre de quoi il s’agit, il convient de prendre en compte les étapes de surgissement des différentes communautés (groupes sociaux) impliquées dans la vie d’un média. Il y en a trois, et c’est à la troisième étape qu’apparaît la communauté radiophonique.

À propos des radios communautaires, la communauté préexiste à la radio. C’est une entité géographique, linguistique, culturelle, religieuse, philosophie, professionnelle, générationnelle, genrée… utilisant la radio comme outil pour ses interactions sociales. Il s’agit d’une sorte d’outil de communication interne qui rapproche les différents pôles, facilite la circulation de l’information et fluidifie les interactions personnelles. C’est une communauté tournée sur elle-même, c’est-à-dire se parlant à elle-même, se préoccupant d’abord de ses propres problèmes pour les solutionner. En ce sens, la radio est faite par et pour la communauté. Cette dernière est des deux côtés du processus radiophonique : de la production comme de la réception. Elle est productrice et consommatrice. Elle est promotrice et bénéficiaire, avec ce que chaque aspect suppose de postures et d’activités. C’est idéalement l’unique et même communauté.

En théorie, nous définissons effectivement la radio communautaire comme une station faite par une communauté pour elle-même (AMARC-Europe, Fraser et Estrada), comme si tous les membres de la communauté éponyme pouvaient concrètement s’impliquer dans la production radiophonique (Berrigan, Gumucio-Dagron ; Bresnaham, Zakus & Lysack, Carpentier). Dans la pratique, cependant, même si tous les membres peuvent apporter un concours dans quelque domaine que ce soit (technique, finances, gestion, entretien, animation), ce qui est rare, ce sont souvent des bénévoles, constitués en association, qui prennent une part active dans le fonctionnement de la radio. La communauté globale n’y parvient pas non plus parfaitement au moyen de la participation médiatique [7]. Nous pouvons donc parler d’une communauté (une association, un groupe formellement constitué au sein de la communauté globale) travaillant pour une communauté bénéficiaire, c’est-à-dire la communauté entière, à laquelle elle-même participe. Elle est par conséquent plus petite que celle visée par la radio communautaire parce qu’elle rassemble, en son sein, ceux et celles qui se décident de s’engager à faire de la radio pour le développement de la communauté.

Figure 1. La situation de départ

Une troisième survient lorsqu’apparaît une troisième communauté. Elle n’est pas dans la production, mais potentiellement dans la réception, c’est-à-dire dans la communauté bénéficiaire, parce qu’elle surgit du sein des bénéficiaires, après la réception, c’est-à-dire après l’exposition au média. Elle est formée de consommateurs-acteurs qui se regroupent formellement ou de façon informelle dans une entité différente de celle qui est de part et d’autre de la radio communautaire, pour vivre de façon commune leur expérience de la radio. C’est une communauté d’engagement post-réception dont certains des objectifs peuvent rencontrer ceux de la communauté première, mais dont la raison d’être est d’exprimer un attachement commun à un objet médiatique et de vivre une expérience radiophonique commune faite de contribution aux contenus, de participation au débat public, etc. L’attachement pour cet objet n’est pas le même que celui que lui portent la communauté première et la communauté promotrice.

Figure 2. Une communauté à part

Cependant, cet attachement à la radio peut conduire cette nouvelle communauté à s’engager dans le contrôle citoyen (Arnstein) ou plus sûrement dans une participation structurelle : accès aux moyens de production (Carpentier), intégration du conseil d’administration (Mhagama). Ceci explique la participation des membres de ces collectifs d’usagers (communauté radiophonique) à la gestion des stations, l’accès aux moyens de production et toutes les actions pro-médias, aux côtés de la communauté promotrice de la radio, pour le bien de la communauté bénéficiaire (première).

Figure 3. Interactions entre communauté promotrice et communauté radiophonique

Trois communautés en interaction

Cela dit, il faut éviter de penser qu’on est en présence de deux communautés agissant au bénéfice d’une autre qui serait simple consommatrice. Il faut au contraire admettre en réalité une interaction constante entre les trois communautés. Les récepteurs sont rarement inactifs (De Certeau, Eliasoph 1998 et 2003, Morley, Pasquier 1991 et 1999, Gripsrud, Cerfaï et Pasquier). Même s’ils ne vont pas jusqu’à intégrer des associations d’auditeurs et à organiser des actions en la faveur de la radio, comme le font les auditeurs engagés dans ces collectifs, l’interaction médiatique à laquelle ils participent fait d’eux des acteurs à part entière (Beringan, Gripsrud, Proulx 2010, Carpentier, Damome 2011 et 2015). La communauté bénéficiaire (géographique, culturelle, générationnelle, linguistique, professionnelle, religieuse, locale, etc.) à qui l’action radiophonique de la communauté promotrice s’adresse peut donc être en interaction avec cette dernière, du moins dans une interactivité médiatique normale, ne serait-ce que pour assurer le feed-back. Les membres de la communauté radiophonique rentrent dans le jeu en tant que troisième entité grâce à la diversité de leurs engagements. À travers la participation aux contenus et leur prosélytisme promédia ou pro-communauté radiophonique, comme nous le verrons dans la troisième partie, ils peuvent être en dialogue constant avec la communauté bénéficiaire et à travers la participation structurelle, ils deviennent co-acteurs et porteurs de la radio (Arnstein, Carpentier, Mhagama, Damome 2017).

Du point de vue de leur participation à la radio, les membres de ces trois communautés sont tous acteurs, mais pas de la même manière. Les premiers donnent de leur temps et mettent à disposition leurs compétences au nom d’un engagement particulier pour faire marcher la radio (gestion et production). Les seconds peuvent y contribuer par des dons, leur encouragement et par le feed-back. Les troisièmes peuvent participer à tout ce qui précède, mais également à l’image, à la notoriété ainsi qu’aux dynamiques sociales et affectives autour de la radio.

Il ne faut cependant pas réduire la raison d’être de la communauté radiophonique à ces actions promédia. Les activités des membres comportent une grande part d’interactions sociales qui n’ont d’autres finalités que le maintien du lien communautaire et le plaisir d’une expérience médiatique collective. C’est en cela que la communauté radiophonique n’est pas le fandom de Jenkins.

Figure 4. La communauté radiophonique par rapport aux autres communautés

Par ailleurs, ce n’est pas parce que la communauté radiophonique est contenue dans la communauté plus large des bénéficiaires qu’elle s’y enferme. En réalité, elle ne s’y intègre qu’en partie, dans la mesure où d’autres auditeurs extérieurs aux frontières (géographiques, culturelles, générationnelles, linguistiques, professionnelles, religieuses, philosophiques, locales, etc.), qui n’étaient pas visés au départ, peuvent se sentir touchés par la radio au point d’intégrer cette communauté d’auditeurs, sans en devenir pour autant membres. Les radios jeunes ne sont pas écoutées uniquement pas les jeunes. Les radios féminines comptent un grand nombre d’auditeurs masculins. Par ailleurs, il est désormais extrêmement rare d’être la seule station de radio reçue là où l’on émet. Les communautés radiophoniques intègrent donc, de fait, des gens qui ne faisaient pas partie de la communauté ciblée au départ, l’audience étant toujours plus large que l’auditoire. Cette inclusivité des communautés de pratiques, met en lumière le flou des frontières radiophoniques et donc l’absence des frontières étanches des communautés.

Figure 5. Une communauté inclusive

Multi-appartenance communautaire

La communauté radiophonique n’est pas seulement inclusive. Elle peut également être orientée vers l’extérieur. Dans ce cas précis, elle peut s’inscrire en partie en dehors de la communauté qui porte la radio ou ciblée par elle. Certains membres de cette communauté peuvent écouter en effet une ou plusieurs autres stations et décider de faire communauté autour de celles-là. Il y a donc chez eux une sorte de rejet d’une partie de la réalité radiophonique de leur communauté naturelle ou le besoin de quelque chose d’autre qui n’y est pas donné. La communauté radiophonique peut ainsi être considérée comme éclatée, non seulement à l’intérieur, mais également à l’extérieur. À l’intérieur, il peut y avoir une bipartition du groupe sous la variable âge. Mais il peut y avoir aussi des sous-groupes en fonction des affinités et des pratiques. C’est ce qui se passe, en particulier, au sein du groupe des auditeurs jeunes.

Figure 6. Une communauté éclatée

Cependant, dans la mesure où ils participent à la communauté originelle, les différents groupes sont en interaction. Chez les jeunes, nous rencontrons parfois même, comme nous avons pu le constater en 2010 [8] à Lomé au Togo (Damome 2015) au sein des sections Lycée Moderne et Collègue St Joseph de Zephyr fan-club, du fan-club de Metroplys FM, de Kanal FM, de Radio Lomé ainsi que du groupe St Jo des Amis de Radio Maria, une interaction avec d’autres communautés radiophoniques, surtout lorsque celles-ci se retrouvent dans un espace géographique clos comme peut l’être celui de la cour du collège ou du lycée. Des individus d’une communauté radiophonique originelle ou dérivée peuvent alors commercer avec les membres d’autres communautés avec une forme de liberté parfois considérée par les membres adultes de la communauté originelle comme du vagabondage ou de l’infidélité.

Figure 7. Interactions intercommunautaires

Pour récapituler l’ensemble du processus, on aboutit à la figure suivante :

Figure 8. L’environnement des communautés radiophoniques

La communauté radiophonique n’est pas le propre des radios communautaires

Enfin, il faut bien remarquer que les communautés radiophoniques ne sont pas forcément liées aux radios communautaires. Bien entendu, celles-ci prennent un soin particulier à les susciter ou à les récupérer, soit pour les intégrer dans les associations qui animent la radio, soit pour les transformer en donateurs ou tout simplement en fidèles lorsqu’il s’agit de radios communautaires de type religieux. C’est en particulier la stratégie particulière des stations appartenant à des églises évangéliques (Damome 2007 et 2014, Teko & Minsongui). Les associations des auditeurs fidèles sont cultivées pour en faire un lieu de recrutement et de fidélisation. Elles se transforment presque systématiquement en lieu d’éducation et de formation chrétienne.

Cependant, les groupes d’auditeurs fidèles actifs se forment également à l’ombre des radios publiques et des radios privées commerciales. Ils sont d’ailleurs plus nombreux que ceux des radios communautaires, du fait de communautés plus fragmentées. À Lomé au Togo, par exemple, seules quelques stations confessionnelles (Bonne Nouvelle, Victoire, Évangile, Ephata et Maria) en disposent. Parmi les autres associatives ou communautaires, seule Nana FM a un groupe d’Amis. En revanche, toutes les stations commerciales en ont un, voire plusieurs. Même si des tensions intergénérationnelles notamment autour des pratiques numériques et des missions existent, si des rapports de force et phénomènes de domination basés sur des inégalités endogènes, sexuelles et culturels, s’observent au quotidien dans ces groupes, et si des ambiguïtés quant aux objectifs et modes de fonctionnement (Barber, Missè Missè) ne sont pas absents au sein des groupes formés autour des stations communautaires du fait du partage d’une philosophie commune (religion, développement, culture, environnement, etc.), ces difficultés ne font pas autant éclater le groupe primordial. L’unité apparente est souvent sauvegardée et les multiples sous-groupes qui peuvent exister affirment souvent leur obédience au groupe primordial. Ce n’est pas le cas des groupuscules qui se multiplient au gré d’affinités et d’intérêts divers et qui opinent clopin-clopant chacun dans son sens. Cependant, quels que soient leur nombre et leur périmètre d’influence, leurs caractéristiques et leurs fonctionnements donnent à voir de véritables communautés radiophoniques selon les modalités que nous allons expliciter ci-après.

Comment caractériser une communauté radiophonique ?

Les caractérisations habituelles des relations communautaires posent un certain nombre de problèmes. Elles tendent à donner l’impression qu’une communauté particulière peut être définie de la même façon qu’une autre (Gerhard), ou que les relations communautaires sont les mêmes et s’expriment de la même manière (James). En réponse à ces problèmes, Paul James et al. ont développé une taxonomie qui trace les relations communautaires. Du reste, cette typologie reprend et traduit les catégories conceptuelles de l’approche pragmatique de la communauté, à savoir la communauté géographique, la communauté d’intérêts, la communauté d’action, la communauté de pratiques et communauté de circonstance. Le tableau suivant synthétise les caractères dominants de chaque type de communauté.

Typologie des communautés selon James P., Nadarajah Y., Haive K. et Stead V. (2012)

Nous nous inspirons de ces catégories pour caractériser les différentes communautés découvertes sur le terrain africain. Il ne s’agit pas encore de présenter ici les diverses formes de communautés radiophoniques. Il nous faut dessiner les contours d’une communauté radiophonique à partir d’un certain nombre d’indicateurs, ou si l’on préfère, de caractéristiques permettant de distinguer les communautés entre elles. Ces indicateurs ou caractéristiques portent essentiellement sur les relations sociales. Nous sommes là, bien entendu, dans l’ordre de l’idéaltype, toutes ces caractéristiques pouvant se situer à un point particulier sur une échelle dans chaque communauté. L’intérêt de cette approche pragmatique se situe dans le fait qu’elle nous fournit les caractéristiques descriptives de la communauté et des catégories prédéfinies dans lesquelles nous allons essayer de faire loger, toutes proportions gardées, les observations de notre terrain.

Les éléments permettant de renseigner ces catégories sont issus de tous les 19 groupes observés au Benin, Burkina Faso, au Ghana et au Togo, même si pour certaines caractéristiques dominantes nous citons plus particulièrement l’un ou l’autre de ces groupes pour son exemplarité en la matière.

Communauté d’action

Comme l’indique son nom, ce type de collectif est axé sur la réalisation d’un changement. De nombreuses interactions sociales permettent à ces groupes de coordonner leurs activités et partager des nouvelles, des ressources sur ce qu’ils ont à réaliser avec d’autres personnes qui pourraient être intéressées, mais qui ne sont pas des membres actifs des communautés d’action (James, Nadarajah, Haive et Stead).

Dans ce sens, la plupart des 19 groupes d’auditeurs engagés que nous avons observés remplissent les caractéristiques de communautés d’action. Tout d’abord parce qu’ils sont constitués d’auditeurs actifs, c’est-à-dire, de ceux que l’exposition aux médias ne laisse pas indifférents ; auditeurs fidèles qui sortent de l’ombre pour interagir avec le média ou avec d’autres auditeurs actifs.

Ensuite, parce que l’action se trouve précisément dans l’acte d’engagement lui-même dans une association formelle ou informelle. Or cette dernière agit dans l’espace public médiatique, à travers des interactions passant par les médias ou les outils de l’information-communication ou dans l’espace public citoyen par des réunions (tous les 19 groupes), des rencontres publiques (Nyira Followers, Fox fan club, Be Bliss, MEKAP FR Donimba) des activités en soutien à la station adulée (tous). Par exemple, les collectifs d’auditeurs fidèles de Bliss, Nyira et de Fox FM au Ghana mènent ainsi des campagnes à travers les rues, les places et les marchés pour élargir l’audience et consolider l’auditoire de leurs stations respectives. Ceux de Shaft FM (Ghana) et de Radio FM (Burkina Faso) développent des activités économiques : exploitation d’un champ associatif, gestion d’un restaurant, d’une auberge, d’un cybercafé et d’un centre téléphonique (Damome 2010). Ceux de MECAP FR du Togo et de Dinaba du Bénin développent des activités culturelles (centres culturels, d’alphabétisation, d’éducation fonctionnelle des adultes) alors que ceux de Radio Marie du Togo et de Radio Immaculée conception d’Allada au Bénin intègrent la visite aux malades et aux prisonniers.

Enfin, parce que l’engagement peut parfois être citoyen. La radio peut fournir – elle le fait déjà au niveau local – des espaces publics médiatisés dans lesquels les citoyens délibèrent des questions d’intérêt social pour eux, posent des questions et explorent des options pour résoudre les problèmes qu’ils rencontrent. Ces espaces reproduisent dans la communauté le processus démocratique, même si ces occasions peuvent rendre visibles, plus que d’habitude, les tensions internes et parfois des conflits ouverts impliquant des sous-groupes à l’intérieur d’un grand ensemble ou des groupes antagonistes dans l’espace médiatique et social global (Damome 2015). C’est le cas par lorsque la communauté radiophonique cristallise des enjeux politiques à un moment donné. Les périodes d’élections constituent, de ce point de vue, des moments critiques pour l’action collective, comme nous l’avons montré à propos des groupes de jeunes fans des radios de Lomé durant les élections présidentielles de 2010 (Damome 2015). Assumant les positions de leurs stations de radio respectives, et s’accusant mutuellement d’être pour le parti au pouvoir qui se maintenait, ou pour l’opposition qui criait à la fraude, ils s’étaient livrés à des joutes verbales dans la cour du collège Saint Joseph qui se sont poursuivies dans le quartier, sans heureusement en venir aux mains. Ceci montre que ces communautés peuvent occasionner des frictions (François) et créer autant le lien que l’exclusion (Proulx 2006).

Aucune communauté radiophonique ne s’est, pour l’instant, transformée en parti politique (Camacho), mais l’expérience montre que leurs membres deviennent plus sensibles aux questions sociales et citoyennes et que des vocations de leadership politique ne sont pas rares. Ceci révèle donc que ces collectifs peuvent partager un authentique projet commun leur permettant de dépasser l’engagement promédia pour se transformer en une force mobilisatrice pour l’action politique que Serge Proulx (2004) appelait de ses vœux. Mais en même temps, il faut bien se rendre compte que le caractère éphémère de certains groupes ne leur donne pas le temps de s’organiser en force mobilisatrice durable. Par ailleurs, l’investissement à géométrie variable des acteurs qui caractérise leurs membres et le croisement des causes investies, comme Fabien Granjon a pu le rappeler s’agissant des néo-militants, dans son travail sur l’Internet militant, ne permettent pas une action durable, si tant est qu’une action commune mobilise tout le monde.

Communauté de lieu

Une communauté de lieu est composée de membres qui sont co-situés. Cela peut inclure, selon James et al., un système de veille de voisinage, une association de parents-enseignants de l’école locale, ou un groupe de commerçants indépendants du même quartier. Une communauté de lieu a donc un double fondement. Elle s’inscrit dans un espace plus ou moins vaste. Il est probable que la plupart des membres se connaîtront physiquement en raison des occasions multiples qui leur sont offertes de se côtoyer en mode hors connexion. Mais ce fondement se double du partage d’un intérêt commun ou d’une circonstance donnée.

Là encore les différents groupes observés sont dans cette situation. Ils sont pour la plupart constitués d’auditeurs de l’une ou l’autre des radios locales qui leur sont accessibles. Or ces stations sont situées et circonscrites. Si les membres ne partagent pas forcément le même quartier, ils ont néanmoins de multiples occasions de rencontres physiques : siège social de l’association ou son local de réunion, culte pour les stations religieuses, collège ou lycée pour d’autres (Damome 2015). Les membres de la tranche d’âge des 50 ans et plus affectionnent ces lieux parce qu’ils utilisent moins que les jeunes des outils alternatifs d’interaction sociale, notamment les TIC (Damome 2011 et 2012), même si l’émergence d’Internet mobile et la relative démocratisation du smartphone disponible à moins de 50 dollars US accroissent et diversifient les usages et les publics.

Cependant, les jeunes qui les utilisent plus souvent, parce que les bibliothèques et infothèques de leurs établissements leur fournissent un accès à Internet, et qu’ils sont plus prompts à visiter les cybercafés pour prolonger cette connexion et à épuiser leur argent de poche dans le crédit Internet pour leurs téléphones mobiles (Damome 2012 et 2015), ne sont pas moins présents physiquement les uns aux autres. Les établissements scolaires montrent d’ailleurs un fort potentiel de développement de ces communautés, les jeunes auditeurs étant les plus enclins à s’enthousiasmer pour une émission, une station, un animateur, à participer à la radio et à susciter l’engagement chez les pairs. Au collège St Joseph et au Lycée moderne de Lomé, on ne compte pas moins de six collectifs différents. C’est ce partage de territoires qui expliquera que les interactions sociales hors connexion sont quasiment aussi fréquentes que les interactions virtuelles chez les jeunes membres de communautés radiophoniques (Damome 2012 et 2015). Pour les besoins de la participation, les membres se rencontrent pour préparer l’interaction en ligne avec les autres groupes radiophoniques (podcast de l’émission diffusée la nuit précédente ou durant les heures de classe, écoute collective, préparation des posts, recherche des avis déjà diffusés par les autres groupes afin de leur opposer leur position, etc.). Ils se voient aussi parce qu’ils sont des copains. Ils passent les récréations ensemble, vont à la bibliothèque ensemble, traînent ensemble aux abords des établissements en attendant l’arrivée des parents ou rentrent chez eux par les mêmes chemins lorsqu’ils habitent le même quartier ; ils fréquentent les mêmes lieux de loisirs et de sport, etc.

À travers cette coopération au sein du groupe émerge un univers des significations (Mead) de leur engagement commun. Ces interactions leur permettent aussi de construire le sens des objets médiatiques (Blumer), mais également le sens de leur être ensemble, une définition commune de la situation qu’ils partagent (Goffman). C’est aussi à travers ces interactions qu’ils théâtralisent, mettent en scène (Goffman) ou orchestrent la vie de la communauté (Winkin).

Communauté de circonstance

Il s’agit des communautés réunies par des événements ou situations externes. Ce sont des groupes de personnes qui se rassemblent en raison de leurs expériences partagées, plutôt que d’intérêts communs. Une communauté de circonstance concerne principalement des personnes unies par une situation ou un défi communs. Les membres sont personnellement touchés par un problème, eux-mêmes directement, ou leur entourage. Un fait ou un événement provoque le rassemblement et l’engagement. Mais au-delà de la vague d’émotion qui peut en être l’explication, il faut qu’il y ait une cause à défendre pour que ce rassemblement donne lieu à une communauté. L’engagement dans une communauté de ce type aide, soit à mieux vivre une situation, soir à chercher des solutions aux problèmes rencontrés. Ainsi en va-t-il des associations de victimes d’un accident, d’une catastrophe naturelle ou d’une situation injuste, luttant ensemble pour réclamer des droits ou s’engageant ensemble pour une sensibilisation. Les interactions sociales se multiplient alors afin que le lien soit fort et mutuel face à la situation. Il s’y développera un grand nombre de discussions liées à l’unité du groupe.

La circonstance peut constituer une communauté radiophonique. C’est notamment le cas du groupe des amis de LCF et de celui de City FM du Togo qui se sont réunis spontanément, en février 2017, suite à la fermeture de leurs stations préférées par la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC), l’instance de régulation des médias. Ces radios émettaient « sur des fréquences radioélectriques sans avoir accompli les formalités préalables d’autorisation d’installation et d’exploitation ». Les auditeurs fidèles s’étaient mobilisés pour soutenir leur station et exiger la levée de la sanction qu’ils estimaient injuste. Mais les circonstances sont parfois aussi la meilleure occasion pour agrandir la communauté. Citons, par exemple, les fan-clubs de Fox FM et de Nyira Radio à Kumasi (Ghana) dont le nombre d’amis sur Facebook a explosé à l’occasion d’un conflit qui a opposé les deux stations rivales en 2010.

La circonstance peut par ailleurs renforcer les liens des membres ou des sous-groupes rivaux, l’adversité commune orientée vers les membres du groupe d’en face ayant été, dans le cas évoqué, de nature à faire momentanément oublier les luttes intestines pour le leadership. Les différentes communautés radiophoniques de Nyira FM avaient passé avant cet incident de longs mois à se chercher une structure fédératrice. Le groupe des ultras pensait détenir un leadership naturel que leur contestaient les autres groupes. De fait, ils ont pris le pouvoir à l’occasion de ce problème parce que la circonstance faisait pencher la balance vers des actions engagées qu’ils étaient habitués à mener dans l’espace public. Les autres n’ont fait que le constater, mais sans pour autant le leur contester. Est-ce que cette entente de circonstance durera ? Rien n’est moins sûr, mais en attendant, l’intérêt général a prévalu. La circonstance peut enfin générer le réengagement, qui se manifeste par la participation à une campagne de levée de fonds ou de soutien, ou encore de recrutement de nouveaux membres.

Communauté d’intérêt

Cette notion, introduite par Joseph Carl Robnett Licklider et Robert Taylor. The Computer as a Communications Device (1968), présente la notion de communauté d’intérêt désignant un groupe de partage d’un intérêt commun. Elle est composée de ceux qui s’intéressent au même sujet : une émission de télévision, une célébrité ou un événement historique. Mais il faut que cet intérêt suscite la fibre de l’engagement. Les membres de la communauté se rassemblent dans le but de partager leur enthousiasme et leurs idées et/ou connaissances sur l’objet de leur passion. Ce groupe peut développer des liens étroits comme il peut se résumer à entretenir des rapports superficiels, c’est-à-dire des échanges portant uniquement sur le domaine partagé. La participation peut être engageante ou au contraire distendue. Les gens vont et reviennent fréquemment ; ils restent pour des périodes plus ou moins longues.

La communauté radiophonique est donc une communauté d’intérêt. Ce qui est objet de l’intérêt commun est bien entendu une station de radio, une émission ou alors un animateur. Mais comme pour les autres éléments constitutifs de la communauté, l’intérêt ne suffit pas, car il est commun à tous ceux qui écoutent cette station ou cette émission plus ou moins régulièrement. L’intérêt dépasse donc largement le cercle de la graine, des amis, de la famille ou du fan-club. La communauté se forme lorsque, parmi cette masse anonyme de gens qui en ressentent individuellement l’intérêt, certains s’engagent à le partager collectivement. Mais cet engagement est conditionné par l’adhésion de ses participants à des intérêts particuliers partagés collectivement ou dans d’autres communautés, ramifications de taille plus petite sur la base de sujets d’intérêt de la grande communauté. Ainsi, au sein de la communauté radiophonique, certains participent par besoin de sociabilité, d’autres parce que c’est un tremplin vers la participation radiophonique et d’autres encore parce que c’est la voie royale pour faire de la radio.

Communauté de pratiques

Popularisée par Etienne Wenger qui l’a théorisée, la notion de communauté de pratiques désigne de façon générale un groupe participant à la même activité. Ses membres travaillent professionnellement ensemble et sont conduits à échanger les bonnes pratiques concernant leur métier ou à inventer des solutions aux problèmes rencontrés. Les échanges informels permettent à chacun d’expliciter la pratique, de l’améliorer et même de la transformer. Ces pratiques sociales reflètent les relations interpersonnelles qui s’y développent. La participation repose sur le volontariat et la spontanéité. Le fonctionnement est en principe parallèle à celui de l’organisation où les membres réalisent leurs activités, même si de plus en plus, les institutions créent des réseaux sociaux internes pour capter et contrôler (?) les synergies qui s’y installent. Les groupes informels constitués pour résoudre un problème, répondre à une question n’ont pas de durée déterminée. Leurs membres se dispersent dès qu’une solution est trouvée, comme le montre Fabien Granjon à propos du néo-militantisme sur Internet cité plus haut. Ces groupes ne sont pas non plus fermés. Ils ont une grande capacité à accueillir des nouveaux et parfois à faire évoluer les interactions du groupe vers d’autres objets qui canaliseront leur énergie (Henri et Pudelko). C’est ainsi qu’une communauté de pratiques peut perdurer au-delà de la résolution ponctuelle du problème qui l’avait réunie. Mais même si l’objet du groupe ne se réoriente pas, les membres peuvent rester liés par l’amitié et le respect mutuel nés de leurs interactions sociales. La communauté de pratiques survit également au-delà de son objet premier lorsque des personnes se regroupent pour garder contact entre pairs et partager leur expérience (Dillenbourg et al.).

C’est en cela principalement que la communauté radiophonique est une communauté de pratiques. Les membres se réunissent autour de l’écoute d’une même station ou d’une même émission. Mais dans plusieurs cas, des groupes se forment en prolongement des clubs d’écoute collective initiés par les stations ou des institutions éducatives. Les stations suscitent également l’association de gens qui participent souvent aux sondages lors du renouvellement des programmes. Des communautés sont nées aussi au sein des auditeurs qui pratiquent habituellement la participation radiophonique. Chez les jeunes, c’est encore plus frappant, parce qu’ils ont les mêmes pratiques médiatiques : écoute en différé, écoute partagée, interaction fréquente avec la radio. Les affinités font surgir des groupuscules d’intérêts divers. Chez eux, les pratiques médiatiques similaires se doublent des mêmes pratiques numériques. Les réseaux sociaux, Facebook en premier, permettent d’animer les interactions sociales et de fédérer dans un groupe d’amis des jeunes d’un même lycée, quartier, ou d’ailleurs, ayant les mêmes centres d’intérêt.

Conclusion

L’objectif de cet article était de contribuer à la connaissance des publics des médias africains. Les observateurs se concentrent souvent globalement sur les auditeurs de la radio qu’ils segmentent en fonction des caractéristiques objectives (âge, sexe, catégorie sociale ou professionnelle, appartenance religieuse, etc.). Ce faisant, le regard ne s’attarde pas forcément sur certaines caractéristiques subjectives (émotions, attitudes, eros, affection, dimension cognitive, centre d’intérêt, engagement, projet, combat, territoire mental, sentiment d’appartenance, lien social, esprit communautaire, etc.) pourtant repérables dans les pratiques médiatiques et qui peuvent conduire à identifier d’autres segments participant à la structure d’audience des radios. Ces facteurs ont d’ailleurs la particularité d’entraîner chez ceux qui les partagent, le désir de vivre en commun leurs pratiques médiatiques et ce qui les rassemble. Car, dans leur constitution comme dans leur fonctionnement, les collectifs d’auditeurs engagés que nous observons dans le sillage de certaines radios africaines donnent à voir des éléments dépassant notre perception habituelle de la notion de communauté médiatique. Dans un contexte où la relation à un média devient prétexte pour des jeux de sociabilité multipolarisés et complexes, la post-réception constitue sans doute un pas supplémentaire dans l’observation de ces bouleversements. De nombreuses études faites sur les fans, fan-clubs ou fandoms (par exemple Keucheyan, Réseaux 2009/1, Garcin), peuvent être, à cet égard, inspirantes. Il existe effectivement une similitude dans le processus. L’engagement naît de la fidélité à un objet, la participation fait ensuite apparaître des occasions de rencontres d’où émergeront des corps sociaux où se vivront la fidélité, la participation et toute la culture communautaire. Cependant, il y a plus que ce que décrivent les analystes des fandoms, dans la mesure où, prenant appui sur des enjeux identitaires et des dynamiques d’individualisation-socialisation en marge de la vie médiatique, l’engagement militant investit très largement au-delà de l’expérience médiatique.

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Auteur

Étienne Damome

Étienne Damome est maître de conférences habilité à diriger les recherches en sciences de l’Information et de la Communication à l’université Bordeaux Montaigne ; il est membre de l’axe Médias, sociétés et cultures du laboratoire MICA (EA 4426) et membre associé de l’UMR « Les Afriques dans le monde » (LAM). Sa recherche porte sur les relations entre médias et sociétés, et plus spécifiquement sur les processus de construction communautaire via les médias traditionnels et les pratiques des TIC. Courriel : etienne.damome@u-bordeaux-montaigne.fr

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Notes

[1Les cas que nous prenons ici en exemple sont formés autour de onze stations privées commerciales et locales, huit stations associatives et communautaires et d’une radio publique. Cette répartition doit au hasard des groupes rencontrés sur le terrain.

[2FARIC : Famille de Radio de l’Immaculée Conception (Allada), Les amis de Golfe FM (Cotonou), Daniba Fan-club (Boukoumbé). Nous avons eu moins d’occasions d’élargir notre connaissance des autres groupes béninois.

[3Communauté Munyu (Banfora), Grain de Radio de l’Alliance chrétienne (Bobo Dioulasso), Radio-clubs de Radio Jamat Islamia (Bobo, Dioulasso). C’est une réalité peu connue dans ce pays, sans doute à cause de la réalité prégnante et du poids des communautés (associations) promotrices des médias.

[4Be Bliss (Bawku), Nyira Followers (Kumasi), Fox Fan Club (Kumasi), Simli Friends (Tamale), Shaft Community (Oboassi), Progess Family (Wa). Nos investigations se sont limitées au centre et au nord, mais la réalité est partout présente dans le pays.

[5FRM : Famille de Radio Maria (Lomé), MEKAP FR Donimba (Dapaong), Zephy Fan-clubs (Lomé), Metropolys fan-club (Lomé) Les amis de Kanal FM (Lomé), Le club de Radio Lomé (Lomé). Réalité abondante également. Nous nous sommes concentré sur la capitale où pullulent ces groupes, mais également où l’on peut observer les interactions intergroupes, du fait de leur multiplicité.

[6Du 2 juin au 3 octobre 2005 au Burkina Faso et au Ghana ; du 8 juin au 28 août 2007 au Bénin et Togo ; du 15 juin au 3 septembre 2010 au Ghana et Togo ; du 15 avril au 8 mai 2014 au Bénin.

[7Plusieurs travaux (Freire, Alfaro, Ramiro Beltrán, Missè Missè, Cheval) soulignent que même là il peut y avoir une exclusion de certaines catégories de la communauté ou l’autocensure de celles-ci, et une volonté de puissance, présente à tous les niveaux, macro, meso, micro.

[8Une observation spécifique a été menée au sein et aux abords de deux lycées, l’un public (le Lycée Moderne de Tokoin) et l’autre privé (le Collège Saint Joseph) entre le 12 avril et le 15 juin 2010. Grâce à une autorisation spéciale, nous avons pu rencontrer pendant les récréations et suivre au sortir des classes des fans et amis de stations de radio constitués en groupes informels ou comme sous-sections de groupes formels existants (Damome 2011 et 2015).

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