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Le colloque de la Sirène ou l’interdisciplinarité en action dans un MOOC

17 juin 2014 par Michel Briand MOOC 79 visites 0 commentaire

Un articlerepris du site du Centre Virchow Wellermé par Karl-William Sherlaw et Célya Gruson-Daniel, article sous licence CC by sa

Dans le cadre du MOOC “Contrôler une épidémie de maladies infectieuses émergentes“, le professeur Antoine Flahault a demandé aux participants de répondre à la question : “Pour vous quelle est la menace en terme de maladie émergente infectieuse que nous devons le plus redouter ?”. Un colloque réunissant une partie de la cellule de crise du chikungunya de 2005-2006 a été organisé pour répondre à cette interrogation. Les participants du MOOC pouvaient poser leurs questions (en avance et/ou en direct) sur les différents canaux disponibles, à savoir sur Twitter via @InMoocVV et sur le forum du MOOC. Le colloque rassemblait les différents invités au moyen d’un dispositif de visio-conférence Google Hangout. La vidéo est accessible sur YouTube à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=iX6vLzyeTaM&feature=youtu.be. Il s’est tenu le mercredi 5 mars à 12H, heure de Paris. Nous nous proposons de revenir sur les principaux enseignements de ce colloque.

Etaient ainsi présents :
Antoine Flahault (depuis Paris), médecin-épidémiologiste Patrick Zylberman (depuis Paris), historien-sociologue Xavier de Lamballerie (depuis Marseille), virologue Gilles Aumont (depuis Tours), santé animale Gwenaël Vourc’h (depuis Clermont), vétérinaire Didier Fontenille (depuis Montpellier), entomologiste médical Bernard Alex Gaüzère (depuis Saint-Denis de la Réunion), médecin chef du service de réanimation

Les participants du MOOC avaient relevé comme principales menaces concernant les maladies infectieuses émergentes la mutation génétique du moustique responsable de la transmission d’un virus à l’Homme, les transmissions de virus inter-humaines, la dégradation de l’environnement avec notamment les changements du climat comme facteur aggravant, la surpopulation qui pourrait être le nid d’une pandémie d’autant plus violente, et la non-disponibilité ou le surcoût d’un traitement efficace pour lutter contre une éventuelle maladie infectieuse émergente.

Pas un phénomène rare

Du point de vue de l’historien Patrick Zylberman, la principale menace serait un virus de nature respiratoire, très plastique, qui sait s’adapter et rendu d’autant plus dangereux par la massification des échanges internationaux encouragés par la mondialisation notamment au niveau de la mobilité des individus.

Xavier de Lamballerie, revenant sur la question de l’adaptation d’un virus, a rappelé qu’il n’y avait pas jusqu’ici eu observation d’une mutation spontanée chez les micro-organismes, que ceux-ci devaient nécessairement être adaptés à leur environnement et que le changement de propriétés des micro-organismes est provoqué par la nécessité de s’adapter à un changement dans leur environnement. En un mot, mutation spontanée non, imprévisible oui. Le virologue a souligné à ce propos le défi de la recherche pour lutter contre les maladies infectieuses émergentes, à savoir comprendre les causes d’adaptation de ces micro-organismes à notre environnement.

Gilles Aumont, de son côté, a précisé que contrairement à l’idée reçue les maladies émergentes n’étaient pas des phénomènes rares comme en atteste l’observation des animaux et des plantes notamment.

Interrogée sur les risques de transmission inter espèces, Gwenaël Vourc’h a indiqué que la maladie avait besoin, pour passer la barrière de l’espèce, de contacts répétés entre l’Homme et l’animal qui sélectionnent et favorisent petit à petit cette transmission. A ce propos, elle pointe du doigt l’augmentation des densités des populations animales conjuguée à celle des populations humaines comme facteur d’amplification du phénomène de proximité des lieux de vie des différentes espèces.

Prendre en compte les aspects sociaux, économiques et politiques

L’entomologiste Didier Fontenille nous informe davantage sur les moustiques : sur les 3500 moustiques répertoriés dans le monde, seulement 500 s’intéressent à l’Homme, nous explique-t-il. Vecteur de la transmission du virus du chikungunya à l’Homme, le moustique aedes albopictus a réussi à s’adapter à l’environnement urbain, d’où la rapide propagation du virus sur l’Ile de la Réunion en 2005-2006. Pour le spécialiste il ne faut pas seulement considérer les risques biologiques mais également prendre en compte les aspects sociaux, économiques et politiques lorsque l’on considère la menace représentée par les maladies infectieuses émergentes.

Bernard Alex Gaüzère rappelle que 38% d’une population de 800 000 habitants ont été touchés par le virus du Chikungunya sur l’Ile de la Réunion. Selon lui, plus la société est sophistiquée, plus elle est vulnérable. En effet, ce qu’il nomme la recherche en responsabilité conduit à la désorganisation de la société et à rendre les messages de santé publique absolument flous. Il cite deux facteurs d’amplification de la maladie : le vieillissement de la population et la saturation de l’accès aux soins.

Antoine Flahault, enfin, a évoqué comme menace potentielle le problème de la production massive des vaccins si une maladie infectieuse émergente se déclare, un problème qui se poserait par exemple dans le cas d’une épidémie de fièvre jaune sur le continent asiatique. En effet, même si un vaccin très efficace a déjà été élaboré pour soigner cette maladie (qui se traduit par une fièvre hémorragique), la difficulté résiderait dans la fabrication et la distribution de ce vaccin à grande échelle.

Une approche interdisciplinaire

La diversité des facteurs impactant la lutte contre les maladies infectieuses émergentes tend à défendre une approche interdisciplinaire de la question. C’est cette approche qu’illustre la réunion de ces différents spécialistes dans le cadre du colloque dit de la Sirène. C’est d’ailleurs en ce point que réside l’un des principaux enseignements à tirer de la lutte contre le chikungunya. Par ailleurs, il faut bien souligner que la mobilisation générale de la recherche en France pour venir à l’aide des habitants de l’Ile de la Réunion fait que nous restons aujourd’hui parmi les tous premiers au monde en matière de virus du chikungunya. Néanmoins, les spécialistes s’accordent pour dire que la recherche dans le domaine des maladies infectieuses émergentes doit aujourd’hui continuer d’embrasser l’approche pluridisciplinaire pour traiter ce genre de question.

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