Innovation Pédagogique et transition
Institut Mines-Telecom

Une initiative de l'Institut Mines-Télécom avec un réseau de partenaires

Ce qu’on ne vous dit pas sur les réseaux sociaux…

Un article repris de http://theconversation.com/ce-quon-...

NG/Unsplash

Cette chronique est dans la droite ligne et se nourrit des recherches et rencontres publiées sur mon site Les cahiers de l’imaginaire.

Les réseaux sociaux cherchent sciemment à nous distraire. Un lieu commun me direz-vous, mais c’est l’ex-président de Facebook lui-même, Sean Parker, qui l’affirme. Selon lui, pour les concepteurs de Facebook, un J’aime ou un commentaire sur votre page injecterait dans votre cerveau une microdose de dopamine suffisante pour vous procurer du plaisir.

La dopamine est un neurotransmetteur. Ils sont plus d’une vingtaine dans notre cerveau à relayer une multitude de signaux entre nos neurones.

La dopamine est la pierre angulaire d’une boucle de rétroaction associée au plaisir. Nous apprenons sans cesse de nos actions. Lorsque nous accomplissons un geste pour réaliser une tâche donnée, notre cerveau enregistre nos réactions. Si le geste provoque du plaisir, nous anticiperons une réaction analogue lorsque nous accomplirons de nouveau le même geste.

La dopamine agit comme un catalyseur en nous incitant à satisfaire nos désirs. Elle joue un rôle crucial dans le processus de l’apprentissage et dans le développement de nos habitudes.

La dopamine n’explique pas, à elle seule, la totalité de notre dépendance aux réseaux sociaux. Un des éditorialistes du New York Times, David Brooks, suggère que c’est la technique du psychologue B.F. Skinner qui permet aux entreprises de technologie de vraiment tirer parti des microdoses de dopamine.

Skinner a réalisé de nombreuses expériences sur des rats de laboratoire. Selon lui, la meilleure façon de renforcer le comportement acquis d’un rat consiste à gratifier ce comportement, non pas à intervalles réguliers, mais selon un calendrier aléatoire. Facebook l’a parfaitement compris. Nous ne savons jamais quand le j’aime ou le commentaire apparaîtra sur notre page, ce qui nous pousse à la consulter fréquemment.

Des encouragements répartis de façon aléatoire pour stimuler davantage

Certaines entreprises savent tirer parti de ce mécanisme et vont même jusqu’à développer une véritable technologie de la persuasion et la vendent à d’autres entreprises. C’est le cas de Dopamine Labs. Les clients de Dopamine Labs intègrent dans leurs applications des symboles d’encouragement (badges, confettis, etc.) à intervalles irréguliers et non pas au terme d’un parcours, ou à la suite de la réalisation d’une étape donnée, ce qui aurait été pourtant logique.

Un tel système entraîne une augmentation allant jusqu’à 30 % de la fréquentation, et génère pour les clients de Dopamine Labs, une croissance significative des ventes.

La dopamine joue un rôle clé non seulement dans l’apprentissage, mais aussi dans notre processus quotidien de prises de décision. Des chercheurs du Salt Institute aux États-Unis ont mesuré le niveau de dopamine dans le cerveau d’une souris lorsqu’elle devait choisir entre deux possibilités. Ils ont démontré l’existence d’une correspondance très étroite entre un niveau de dopamine plus élevé et le choix effectué par la souris. La correspondance est telle que les chercheurs ont été en mesure de prédire le choix de la souris avant même qu’elle exécute sa préférence.

On peut être dépendant – à la dopamine – sans être dans l’addiction

Il faut toutefois ajouter un bémol. Benjamin Boutrel, psychiatre, insiste sur l’importance de faire la distinction entre la dépendance et l’addiction. La dépendance compulsive, qui constitue véritablement l’addiction, est d’abord une pathologie de l’envie. On peut être dépendant, sans être compulsif ou souffrir d’addiction.

Pour survivre, nous exécutons une série de comportements (se nourrir, se couvrir pour ne pas avoir froid, etc.). Ces comportements, acquis à la suite d’un apprentissage, déclenchent une série de réseaux neuronaux appelés « fonction de récompense cérébrale ». La dopamine joue un rôle clé dans l’exécution de cette fonction en attirant l’attention du cerveau sur tout ce qui peut apporter de la satisfaction et favoriser l’apprentissage. Toutefois, la dopamine n’est pas pour autant la molécule du plaisir, d’autres structures complexes du cerveau nous permettent de jeter un regard critique sur les choix que nous nous apprêtons à faire.

Ceux qui souffrent d’une addiction – les fumeurs, les toxicomanes – connaissent les effets d’un afflux massif de dopamine. Les drogues, qu’il s’agisse de nicotine, d’alcool ou d’amphétamines, ont pour effet de déverser un taux beaucoup plus élevé de dopamine que la normale dans le cerveau.

Un tel déversement contourne les barrières du cortex préfrontal, ne permettant pas à l’individu de contrôler ses pulsions. Les filtres naturels dont le cerveau dispose n’agissent plus.

Jouer avec le feu

Dans un tel contexte, Dopamine Labs joue en quelque sorte avec le feu. Elle se targue de ne sélectionner que les clients qui ont passé avec succès un test éthique. Wolfram Schultz, un chercheur danois, qui s’est vu décerner un prix en 2017 pour ses recherches sur les effets de la dopamine, est sceptique. Pour lui, l’économie comportementale qui vise à modifier les habitudes des individus pour qu’ils consomment plus, quelles que soient les méthodes utilisées, est pour le moins controversée.

Il existe une expression anglaise qui traduit bien l’imbroglio qui entoure le développement actuel des nouvelles technologies : There is no such thing as a « free lunch ». En d’autres mots : rien n’est jamais gratuit dans la vie. Il est faux de prétendre que les Google et les Facebook de ce monde vous offrent un service gratuit. Vous consentez librement à leur fournir une formidable quantité de données qu’ils s’empressent ensuite de commercialiser sous forme d’algorithmes.

Du bon usage de la dopamine

Rester serein… Bruce Mars

Il est bon de se rappeler que la boucle de gratification de la dopamine est d’abord et avant tout un dispositif neuronal naturel fort utile dans nos efforts d’apprentissage. Ce dispositif joue un rôle central dans le fait que nos actions se transforment progressivement en habitudes.

C’est à nous qu’il incombe de faire en sorte que nous ne tombions pas dans les pièges qui nous sont tendus par les technologies de persuasion et d’utiliser les nouvelles technologies pour ce qu’elles sont : de simples outils.

On peut aussi utiliser ces connaissances pour aider nos enfants, nos étudiants et nos équipes à mieux apprendre.

En faisant mes recherches pour cet article, je réalise qu’en fait, j’utilise, dans mes méthodes pédagogiques, les mêmes techniques qu’utilisent les réseaux sociaux. J’essaie toujours d’améliorer mes cours en expérimentant fréquemment. J’aime imaginer mes cours comme des conversations créatives. Il faut que les étudiants s’engagent et le restent jusqu’à la fin pour que l’expérience d’apprentissage soit optimale et que l’apprenant atteigne ses objectifs.

J’aime surprendre mes étudiants. Même s’il peut sembler plus logique de tout expliquer avant le début d’un cours, je garde souvent des éléments secrets, des surprises créatives, qui suscitent parfois un sentiment d’inconfort (l’obligation de s’adapter à une situation imprévue). Cela joue le rôle des pop-up qui apparaissent sur une page Internet.

C’est une tactique pour encourager les étudiants à participer activement et à rester concentrés pour suivre toutes les étapes du jeu. Certains apprécient et s’étonnent de leur créativité. Ils se révèlent davantage, développent des compétences et découvrent des forces qu’ils ne soupçonnaient pas avoir.

Le défi est de garder l’attention et la motivation de l’apprenant. Une fois engagé dans l’expérience, le participant a de fortes chances de continuer surtout si, à des moments irréguliers, on sait injecter des microdoses de plaisir.

Mettez du piquant dans vos projets !

C’est le défi que je vous lance cette semaine pour améliorer votre performance, avec moins d’efforts, pour atteindre vos objectifs.

The Conversation

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