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Recherches en éducation : l’épineuse question de la validité dans les méthodes mixtes

16 janvier 2017 par Matthieu Cisel Veille 110 visites 0 commentaire

Un article repris de http://numpedago.hypotheses.org/77

Au cours des derniers billets, nous nous sommes penchés sur les axes de description des méthodes mixtes, et avons repris la typologie en six types de démarches proposée par Creswell et al. (2003), que nous avons illustrée avec des exemples issus du champ éducatif. Nous aimerions conclure cette série d’articles sur la question des critères de validité des méthodes mixtes. Le terme validité ne désigne pas uniquement les mesures quantitatives. Il se réfère au fait qu’une investigation, « dans ses différentes composantes, dans les conclusions qui en sont tirées, dans les applications qui en découlent, peut être de bonne ou de mauvaise qualité, ou quelque part entre les deux. Les résultats doivent pouvoir être défendus face à la communauté de chercheurs. La qualité, ou la validité des données peut avoir des composantes subjectives, intersubjectives, ou objectives, dans la mesure où les arbitres de la qualité de la recherche sont les acteurs de la recherche. » (Creswell et al., 2003). La validité inclue notamment la question de la reproductibilité, et la capacité à généraliser les résultats.

L’importance des questions de validité est acceptée de longue date dans les recherches quantitatives (Onwuegbuzie & Johnsons, 2006), et la question de la validité dans les recherches quantitatives prend son essor dans les années 50. Dans la recherche qualitative, les discussions sur la validité ont été plus ardues, et différentes typologies et termes ont émergé. D’après Onwuegbuzie (2000), le débat sur la validité dans les méthodes mixtes n’en est qu’à ses débuts. L’auteur avance que l’évaluation de la validité des résultats est compliquée par le fait que les méthodes mixtes combinent des avantages qui se contrebalancent, ainsi que que des faiblesses irréductibles des approches qualitative et quantitative. Pour ces raisons, ils recommandent l’utilisation du terme légitimation en lieu et place du terme validité. La légitimation dans les méthodes mixtes porte sur la totalité des phases de la recherches, des questions philosophiques qui sous-tendent la démarche aux inférences réalisées.

Onwuegbuzie (2000) liste cinquante menaces à la validité dans les recherches quantitatives, associées aux différentes étapes de la recherche, du design expérimental aux étapes d’interprétation. Shadish, Cook, and Campbell (2001) poursuivent sur le travail de ces auteurs pour proposer quatre critères de définition de la validité : validité interne, externe, validité des conclusions statistiques, et validité du construit.

La question de la validité dans les recherches qualitatives ne se pose pas en ces termes, de sorte que les méthodologues qui se sont penchés sur la question ont repris les concepts développés dans le contexte de la validité des recherches quantitatives pour proposer des termes plus acceptables aux yeux des tenants des méthodes qualitatives (Lincoln & Guba, 1985, 1990). Ainsi, ils suggèrent l’usage du terme crédibilité en lieu et place du terme validité interne, et transférabilité pour remplacer le concept de validité externe. Comme pour les méthodes quantitatives, certains auteurs s’attachent à proposer des typologies de critères de validité pour les méthodes qualitatives, comme Maxwell (1990), qui propose une validité en cinq critères : validité descriptive (la précision factuelle de ce qui est rapporté par le chercheur), la validité interprétative (l’adéquation entre les interprétations du chercheur et celles des groupes étudiés), la validité théorique (adéquation entre les explications théoriques découlant de résultats précédents et les données obtenues), la validité évaluative (la possibilité d’appliquer des instruments pour évaluer la qualité de la recherche), et la généralisabilité (capacité à extrapoler les résultats de la recherche en dehors de la situation dans laquelle elle a été menée).

Du fait de son association avec les approches quantitatives, le terme validité a souvent été remplacé par le terme crédibilité (trustworthiness) dans la littérature anglo-saxonne sur les méthodes qualitatives. On comprend au vu des différences de culture entre méthodes quantitatives et qualitatives que la question de la validité des méthodes mixtes soit complexe, d’autant que les modalités d’intégration, de réalisation multiplient le nombre de cas de figure.

Teddlie et Tashakkori (2003) proposent d’utiliser le termes « qualité des inférences » dans la mesure où la question de l’inférence est commune aux recherches tant qualitatives que quantitatives. Il associe le terme à d’une part la qualité du design et la rigueur de l’interprétation. Le premier « désigne les standards utilisés pour évaluer la rigueur méthodologique qui a présidé à la collecte des données, tandis que le second concerne l’évaluation de la validité des conclusions. ». Ils proposent le syntagme de « transférabilité de l’inférence » pour désigner la capacité à généraliser les résultats, que l’on peut décomposer notamment en transférabilité populationnelle (généraliser vers d’autres groupes que ceux qui ont constitué l’étude), temporelle (à d’autres périodes de temps), opérationnelle (pour d’autres méthodes ou comportements). Le débat sur la validité des méthodes mixtes se poursuit, et nous renvoyons à Onwuegbuzie & Johnsons (2006) pour une réflexion plus approfondie sur la question.

Au regard de leur intérêt heuristique et herméneutique, on ne peut que défendre l’emploi des méthodes mixtes dans le champ de l’éducation. Néanmoins, dans la mesure où les chercheurs qui emploient ces méthodes sont généralement issus soit d’une tradition quantitative soit d’une tradition qualitative, une certaine acculturation est nécessaire pour les uns comme pour les autres. Ces méthodes impliquent nécessairement de se familiariser avec des méthodes parfois aux antipodes des paradigmes dans lesquels s’est ancrée la formation initiale de nombreux chercheurs. Il en résulte qu’il est nécessaire de poursuivre au sein des différentes communautés concernées le débat sur les méthodes employées, sur leur nature, sur les critères de scientificité qui s’y appliquent. Il s’agit de contribuer à la construction d’un vocabulaire commun afin de mettre un terme aux apories qui caractérisent parfois les échanges entre communautés de recherche.

PS : La bibliographie associée à cet article est disponible dans ce billet.

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