Un article repris de la revue Education et socialisation, une publication sous licence CC by nc nd
Introduction
Depuis l’instauration d’un dispositif de formation à l’analyse de pratiques professionnelles des médecins par Balint (1957), des intervenants qui travaillent sur « l’humain » (enseignants, formateurs, psychologues, thérapeutes, travailleurs sociaux…) se réclament de plus en plus de cette modalité de formation ou d’accompagnement des praticiens dans l’exercice de leur métier.
En effet, l’aide, le soutien, l’enseignement, les relations de soins… nécessitent souvent un travail dans l’urgence avec des publics en difficulté, ce qui peut engendrer la peur de se tromper, l’angoisse de ne pas pouvoir répondre aux demandes des gens. Par ailleurs le travail en équipe, la vie dans les organisations suscitent aussi des conflits, des tensions, pouvant aller jusqu’à « l’usure professionnelle » (Fablet, 1998 ; Desjours, 1980).
Analyser sa pratique professionnelle en groupe fournit des éléments de réponse à ces situations complexes, notamment en développant une pratique réflexive, une pri...
Depuis l’instauration d’un dispositif de formation à l’analyse de pratiques professionnelles des médecins par Balint (1957), des intervenants qui travaillent sur « l’humain » (enseignants, formateurs, psychologues, thérapeutes, travailleurs sociaux…) se réclament de plus en plus de cette modalité de formation ou d’accompagnement des praticiens dans l’exercice de leur métier.
En effet, l’aide, le soutien, l’enseignement, les relations de soins… nécessitent souvent un travail dans l’urgence avec des publics en difficulté, ce qui peut engendrer la peur de se tromper, l’angoisse de ne pas pouvoir répondre aux demandes des gens. Par ailleurs le travail en équipe, la vie dans les organisations suscitent aussi des conflits, des tensions, pouvant aller jusqu’à « l’usure professionnelle » (Fablet, 1998 ; Desjours, 1980).
Analyser sa pratique professionnelle en groupe fournit des éléments de réponse à ces situations complexes, notamment en développant une pratique réflexive, une prise de recul par rapport à l’action… Ainsi, le professionnel ayant été formé selon ce type de méthodologies, devrait avoir des pratiques plus adaptées et pertinentes sur le terrain, c’est du moins une des hypothèses essentielles sous-jacentes à ce type de formations.
Alors que Balint travaillait essentiellement en référence à la théorie psychanalytique, les groupes d’analyse de pratiques professionnelles sont aujourd’hui le plus souvent animés selon une démarche multiréférentielle (Ardoino, 1993).
Il est donc indispensable de proposer un dispositif de formation des formateurs qui utilise ce type de pratiques, et de tenter d’en évaluer les effets, notamment sur les changements des représentations que les professionnels ont de leurs pratiques et de leurs stratégies d’intervention après avoir participé à ces formations. Ce texte propose une première approche en ce sens en conjuguant les recherches de Catherine Roth, éducatrice spécialisée, terminant une maîtrise de psychologie sociale sous la direction de Gérard Pithon, et de Patrick Robo, responsable de son stage [1].
Les G.F.A.P.P. (Groupes de Formation à l’Analyse de Pratiques Professionnelles) visent à former à l’analyse de pratiques mais également à l’animation de groupes d’analyse de pratiques (formation de formateurs).
Les G.F.A.P.P. (Groupes de Formation à l’Analyse de Pratiques Professionnelles)
Bref historique et champs théoriques de référence
Dès 1996 les Groupes de Formation à l’Analyse des Pratiques Professionnelles ont été développés par divers chercheurs : Vincent, Fumat, Tozzi et Robo… Ce dernier les fait inscrire pour la première fois dès 1997 dans le plan départemental de formation continue de l’académie de Montpellier. Ils se développent dans d’autres Académies de la France (Pyrénées-Orientales, Aude, Gard, Seine-Saint-Denis…).
Les G.F.A.P.P. prennent leurs références théoriques dans divers courants tels que le mouvement Freinet et ses « analyses spontanées » des pratiques (Freinet, 1965), l’approche clinique dans les métiers de l’humain (Cifali, 1996), la multiréférentialité (Ardoino, 1993), les groupes Balint (1957), les travaux de Bion (1976), d’Anzieu (1973), les GAP (Groupe d’approfondissement personnel) de Peretti (1975), ou encore ceux de Fumat, Vincens et Etienne (2003) qui, dès 1975, formalisent un protocole d’animation des GEASE (Groupes d’Entraînement à l’Analyse des Situations Éducatives), et de la pédagogie institutionnelle.
Ainsi, les champs théoriques dont s’inspirent les G.F.A.P.P. sont multiples et multi-référentiels. Robo (http://probo.free.fr/) les résume ainsi :
- Le constructivisme : le sujet construit lui-même son savoir, ses schèmes, ses réalités à partir d’un « déjà-là » (Piaget, Inhelder, 1966) ;
- le socioconstructivisme : le sujet se forme avec et/ou contre les autres (Perret-Clermont, 1979 ; Vygostsky, 1985) ;
- la multiréférencialité : tout acte pédagogique ou de formation est constitué d’objets (théoriques et pratiques) pluriels et souvent hétérogènes (Ardoino, 1993) ;
- l’inter-actionnisme ou la systémique (Rosnay, 1977 ; Watzlawick, 1972, 1981) : les personnes, les choses, les phénomènes, les groupes interagissent ;
- l’approche compréhensive : si l’on fait référence à l’épistémologie des méthodes qualitatives (Pourtois, Desmet, 1988), cette approche se caractérise par la complexité (Morin, 1990), la recherche de sens et la prise en considération des intentions, des motivations, des attentes, des raisonnements, des croyances et des valeurs des acteurs.
Déroulement d’un G.F.A.P.P.
La formation G.F.A.P.P. animée par Robo, et étudiée dans cette recherche, se déroule tout au long de l’année scolaire à raison de 2 journées et 6 demi-journées de regroupement. La première demi-journée est consacrée à la présentation du dispositif, suivie par la mise en pratique, pour aboutir à un écrit commun et mutualisé regroupant les pistes de réflexion abordées. Une séance type comporte 5 phases. Celles-ci sont précédées d’un « Quoi de Neuf ? », sorte de rituel qui fonctionne comme un « sas » permettant aux participants de se retrouver autour d’échanges extérieurs à la situation à analyser. Vient le moment d’analyse d’une pratique professionnelle (A.P.P.) selon une procédure en 4 temps. Celle-ci est explicitée par le formateur-animateur qui présente le dispositif, précise le temps imparti pour chaque phase et facilite le choix d’un exposant (phase 0). Puis vient le moment de l’exposé d’une situation (phase 1), d’émission des questions (phase 2) et des hypothèses (phase 3) pour aboutir à la conclusion de l’exposant (phase 4). Ces séances sont suivies d’une cinquième phase, dite de méta-analyse permettant un retour sur le fonctionnement mise en œuvre au cours des phases 0 à 4 et ouvrant sur des pistes de réflexion.
Les phases du G.F.A.P.P. et les rôles impartis à chaque participant
À la suite du traditionnel « Quoi de neuf ? » chacun peut donner les informations qu’il souhaite à l’ensemble des participants indépendamment de toute évocation d’une situation à exposer (cf. tableau 1).
Les objectifs du G.F.A.P.P.
Les deux principaux objectifs visés par cette formation sont de se former à :
- L’analyse de pratiques professionnelles (A.P.P.) en analysant une situation professionnelle pour tenter de la comprendre dans une recherche d’intelligibilité. En conséquence, se former à un certain « savoir-analyser ».
- L’animation de GAPP (Groupes d’Analyse de Pratiques Professionnelles) en permettant à chaque participant d’endosser le rôle d’animateur et de prendre conscience qu’il devient un accompagnateur ou un guide.
Les G.F.A.P.P. sont soutenus par trois principes essentiels : le volontariat, l’assiduité et la confidentialité.
En tant qu’observatrice à un groupe de formation, j’ai tenté de voir si celle-ci répondait aux objectifs visés. À cet effet, j’ai utilisé plusieurs méthodes d’observation.
Une recherche sur un dispositif : le G.F.A.P.P. à l’I.U.F.M. de Montpellier
Le groupe de formation G.F.A.P.P. observé se compose de conseillers pédagogiques, de maîtres-formateurs et de formateurs associés à l’I.U.F.M. Tous participent à la formation de stagiaires de l’Éducation nationale (P.E.1 [2], P.L.C.1 [3], P.L.C.2 [4]) soit au sein d’un I.U.F.M., soit en stage dans des écoles, ou à l’accompagnement d’entrants dans le métier au cours du premier poste occupé. Ils ont donc un intérêt pour l’analyse de pratiques professionnelles, tout particulièrement depuis la parution des circulaires de l’Éducation Nationale précisant les fonctions de ce type de dispositif, notamment celle sur l’entrée dans le métier d’enseignants [5].
Tableau 1. Les phases du G.F.A.P.P. et les rôles impartis à chaque participant
Observation directe de l’animateur des séances et réflexion collective au cours de la phase de méta-analyse
Durant la totalité de la formation, j’ai observé les techniques d’animation des formateurs volontaires pour cet exercice. En phase 5, je restituais mes observations au groupe, ce qui apportait un élément de plus à la réflexion du groupe sur les démarches mises en œuvre au cours de l’animation (présentation du dispositif, gestion de la prise de parole, interventions au cours de l’analyse…). À chaque rencontre, un compte-rendu de cette phase a été produit par un participant. Le dépouillement de ces écrits m’a permis d’élargir mon champ d’observation.
Enregistrement des phases 0 à 4 et dépouillement des retranscriptions
Le groupe observé m’a autorisé à enregistrer cinq réunions. Les retranscriptions faites, j’ai pu répertorier les différents champs d’analyse explorés à l’aide des questions et des hypothèses émises. Pour cela, je me suis appuyée sur une grille que les formateurs utilisent comme « outil de repérage ». De plus, cela m’a permis d’avoir un meilleur aperçu sur la manière dont l’animateur présentait la séance.
Questionnaires
En fin de formation un questionnaire a été distribué à chacun des stagiaires. Les questions posées portaient sur plusieurs points :
- Quelles étaient leurs motivations professionnelles et personnelles pour participer à un G.F.A.P.P. ?
- Quelles techniques et méthodes avaient-ils apprises en cours de formation ?
- Quelles étaient, selon eux, les compétences professionnelles et les qualités personnelles nécessaires à l’animation d’un groupe d’APP (analyse de pratiques professionnelles) ?
- Est-ce qu’ils pensaient que l’APP permettait un enrichissement de la situation exposée ?
- Quelle était leur satisfaction sur la formation G.F.A.P.P. ?
Observations, enregistrements, retranscriptions, analyse de contenu des séances de G.F.A.P.P., passation de questionnaires et dépouillement des données… ont donc contribué à une meilleure appréhension du processus de formation mis en œuvre et constituent la base d’une recherche exploratoire sur ce qui est dit, et comment l’animateur en facilite la production lors de cette formation.
Principaux résultats
Nous présenterons les principaux résultats en fonction des objectifs de la formation.
Objectif se former à l’exposé et l’analyse de pratiques professionnelles
À partir d’une grille d’analyse de contenu thématique (Bardin, 2003) portant sur les situations présentées, et la manière de les aborder, nous avons tenté de catégoriser chaque situation exposée, chaque question et chaque hypothèse formulée. Cependant l’analyse de contenu thématique relève toujours d’une certaine subjectivité de la part du codeur et un retour au corpus retranscrit permet d’éviter de trop rapides généralisations.
Divers exemples extraits du corpus retranscrit permettent d’illustrer les catégories utilisées.
- Champ de la personne :
- Privée : Hypothèse : « J’émets l’hypothèse que l’exposant, derrière une conscience professionnelle, qui l’amène à analyser, ne peut éviter le jugement. »
-
- Statut, rôle, fonction : Question : « Tu étais le seul animateur ? »
- Le groupe/l’équipe :
- Composition : Question : « C’était l’après-midi, donc il y a eu un repas avant. Et je voudrais savoir si tout le monde avait mangé ensemble ou si des groupes s’étaient formés ? »
- Le système éducatif :
- Cadre général, local : Question : « Penses-tu que, soit dans les textes, soit dans la pratique, la visite certificative surdétermine l’évaluation finale par rapport aux autres formes d’évaluations ? »
- Lois, règlements. : Hypothèse : « J’émets l’hypothèse que l’exposant se trouve confronté à la rigidité du système. »
- L’institution :
- Hiérarchie : Question : « Est-ce que tu sens un directeur qui fédère l’équipe ? »
Hypothèse : « J’émets l’hypothèse que le directeur a une position en dehors de l’équipe. » - La relation pédagogique : Hypothèse : « J’émets l’hypothèse que, comme il s’agit de jeunes enseignants, peut-être qu’ils n’osent pas demander d’aide au conseiller pédagogique parce qu’ils ne voient que le côté évaluation. ? »
- Hiérarchie : Question : « Est-ce que tu sens un directeur qui fédère l’équipe ? »
Les fréquences d’apparition ont ensuite été calculées pour chaque catégorie, sous-catégorie, et selon les questions et hypothèses que ces situations ont suscitées.
La distinction, désormais classique dans l’analyse stratégique des organisations entre l’« acteur et le système » (Crozier & Friedberg 1977), se retrouve puisque plus de la majorité des analyses exposées porte sur les personnes/les exposants (54,5 %), et les autres sur le système éducatif.
Tableau 2. Fréquences des champs abordés au cours de 5 séances de G.F.A.P.P.
La formulation des questions ou des hypothèses, dans un champ ou dans un autre, est en fonction de la problématique exposée.
Les différents thèmes abordés au cours des 5 séances analysées sont variés :
Le G.F.A.P.P. du 17-12-03 porte sur la « gestion des apartés en formation ». Un formateur se demande quelles réactions il devrait avoir face à des adultes en formation faisant des apartés et n’écoutant pas.
Le G.F.A.P.P. du 13-01-04 porte sur « une séquence pédagogique avec une crise de larmes ». Lors de l’analyse d’une séance, une formatrice se trouve gênée de la réaction de la stagiaire P.E.2 explosant en larmes à la suite d’une question posée.
Ces deux situations portent essentiellement sur la difficulté à gérer des problèmes de personnes et leurs modes d’intervention, ce qui soulève par exemple plus d’un tiers d’hypothèses portent sur des valeurs dans la séance du 13-01-04.
Le G.F.A.P.P. du 04-02-04 porte sur un « problème de positionnement, et d’attitudes par rapport à une école en difficulté ». Un conseiller pédagogique se pose la question du type d’intervention à proposer à une équipe en difficulté.
Le G.F.A.P.P. du 10-03-04 porte sur « la responsabilité du formateur pour un stagiaire pas tout à fait mûr pour une évaluation positive ». Une formatrice I.U.F.M. se demande comment faire face à un P.E.2 qui ne semble pas prêt à être titularisé.
Les deux séances précédentes portent surtout sur des problèmes de statut, de rôles et de fonctions…
Le G.F.A.P.P. du 28-04-04 porte sur « le bâton de parole ». Un enseignant se questionne par rapport à l’effet magique du « bâton de parole » et ses effets sur le respect des enfants, des personnes et du cadre fixé. En effet cette méthode consiste à utiliser un bâton avec comme consigne que seul celui qui le détient peut prendre la parole.
« Comment le bâton, d’une certaine façon, arrive t-il à instituer quelque chose d’aussi rigoureux, d’aussi riche ? Je crois qu’on n’a jamais eu une séance aussi riche. Cela a duré en tout, on va dire, vingt bonnes minutes ! Je ne pensais pas atteindre l’objectif, je comptais même sur une autre séance pour ça ! Voilà, je m’arrêterai là, qu’est-ce qui fait que cela fonctionne comme ça ? Pourquoi ça marche ? Pourquoi cette situation devient, d’un seul coup, riche, respectueuse, concise, tout ce qu’on peut rêver quand on imagine une séance comme celle-là ? Et, d’un seul coup, sur une séance de vingt minutes cela marche ! Je crois que la règle, ce machin jaune, cela a joué un rôle » (l’exposant de la situation).
Dans cette séance essentiellement consacrée à la pédagogie, 26,2 % des hypothèses portent sur l’outil utilisé.
Le champ de la personne fait donc l’objet de 54,5 % des interventions. Cela vient certainement du fait que l’analyse des pratiques professionnelles dans les métiers de l’humain (Cifali, 1996) s’appuie sur l’autre et avec l’autre, mais aussi sur soi au regard de son identité professionnelle et de son identité privée. Les questionnements des formateurs au cours de ces cinq séances de G.F.A.P.P. portent essentiellement sur le travail qu’ils font sur eux-mêmes. Les questions et les hypothèses qui en découlent s’orientent vers les valeurs et la formation de la personne (cases grisées dans le tableau 2). Ce champ est pourtant celui qui conduit le plus à la formulation de jugements (ex : « J’émets l’hypothèse que le formateur est trop perfectionniste »). Ce qui justifie l’importance du cadre posé par le protocole et le rôle « protecteur » de l’animateur mais aussi du reste du groupe.
Les motivations personnelles relatées pour participer au G.F.A.P.P., apparues dans les réponses aux questionnaires, soulignent l’intérêt que portent les formateurs « à acquérir un savoir analyser avec l’aide du groupe ». De plus, tous s’accordent à dire que l’analyse de pratiques professionnelles enrichit la compréhension de la situation exposée.
Si on avance l’hypothèse que se former à l’analyse de pratiques se développe avec l’élargissement des champs exploités, on peut donc dire que la formation G.F.A.P.P. répond à son premier objectif visé : se former au savoir analyser. Une question se pose cependant : dans quelle mesure l’analyse d’une situation faite en groupe permet aux participants d’avoir par la suite une analyse individuelle au cours de sa pratique ? Compte tenu de la méthodologie employée dans cette recherche il semble difficile de répondre à cette question importante sur le transfert dans le travail d’un apprentissage en formation. Malgré tout, l’acquisition faite paraît être un véritable apport pour développer une pratique réflexive.
Objectif se former à l’animation de GAPP (Groupe d’Analyse de Pratiques Professionnelles)
La phase de méta-analyse du protocole du G.F.A.P.P. vise précisément cet objectif. Durant toute la formation les participants choisissent d’animer une séance pour apprendre à animer un groupe d’analyse de pratiques professionnelles de façon aussi proche que possible de celle qu’ils rencontreront dans leurs activités de formateur. Cette mise en condition permet de « se lancer » dans un dispositif de formation-action. Un sentiment de confiance en soi est visé par la méthodologie du protocole G.F.A.P.P. La réflexion engagée sur la posture de l’animateur amène chacun à rectifier, si nécessaire, sa conduite du groupe afin d’être plus efficient.
Le groupe de formateurs a notamment posé plusieurs questions telles que : la présentation du dispositif, le choix de l’exposant, les silences, le repérage des conseils et jugements… Toutes ces pistes de réflexion sont regroupées dans un écrit commun et produit en fin de formation.
Les réponses aux questionnaires permettent de cerner les motivations professionnelles des formateurs cherchant à maîtriser l’outil APP pour leur encadrement des groupes d’étudiants, des stagiaires ou des débutants dans le métier.
Les compétences requises pour être animateur de G.F.A.P.P., selon les stagiaires en formation, peuvent être hiérarchisées de la façon suivante :
- Savoir écouter (rg 1).
- Savoir prendre une distance par rapport à l’exercice professionnel (rg 2).
- Savoir conduire des réunions (rg 3).
- Avoir du respect pour les personnes, la loi, le cadre (rg 4).
- Savoir analyser (rg 5).
La satisfaction à l’égard de la formation G.F.A.P.P. s’explique essentiellement par l’apprentissage d’un dispositif garantissant la sécurité des personnes dans l’analyse.
Conclusion et discussion
Le G.F.A.P.P. est une des rares formations à l’animation des groupes d’analyse de pratiques professionnelles. La démocratisation de la pratique réflexive dans les métiers de l’humain demande des formateurs compétents et suppose donc que les formateurs de ces groupes suivent un cycle complet de formation, et animent plusieurs fois un groupe sous le contrôle d’un animateur qualifié. La question de la « validation » de ces formations nécessiterait plus amples développements dans un autre article… notamment à cause de l’apparente simplicité de la méthode de formation.
Cette formation est apparue comme enrichissante pour répondre aux demandes des praticiens quant au savoir analyser leur pratique. Elle leur a permis de découvrir des techniques d’animation de ce type de groupe. La maîtrise de ces compétences nécessite probablement plusieurs entraînements comme celui-ci, voire d’autres formations complémentaires à la fois plus personnelles (thérapie personnelle…), mais aussi plus « objectivantes », surtout quand on est formateur « débutant », comme le micro-enseignement ou l’autoscopie, entreprises dans une optique multi-référentielle (Jackson, 1968 ; Altet, 1988).
Le G.F.A.P.P. offre notamment un guide méthodologique de l’animation, des pistes de réflexion, la possibilité de s’entraîner, d’acquérir des références théoriques et une certaine « sécurité » des personnes… mais il ne dispense pas l’animateur d’une formation par l’expérience prolongée à ce type de pratiques. Il est important de continuer à se mettre dans une pratique réflexive en tant que formateur au moyen de diverses formations (G.F.A.P.P., liste de diffusion autour de l’analyse de pratiques, groupes de supervision… (cf. patrick.robo@laposte.net).
Il semble néanmoins complexe d’évaluer les effets sur le long terme de ce type de formation à l’animation des groupes d’analyse des pratiques professionnelles car, au-delà des connaissances (« savoir ») et des pratiques (« savoir-faire »), on touche l’une des composantes les plus complexes des compétences sociales : le « savoir être » (les attitudes personnelles, la maturité, le respect d’autrui, la conscience personnelle et professionnelle, la déontologie…). Il faut approfondir dans ce sens la recherche exploratoire exposée dans cet article.
Bibliographie
Altet, M. (1988). Analyse des pratiques et formation des enseignants. Les sciences de l’éducation pour l’ère nouvelle. Caen, Nos 4-5.
Ardoino, J. (1993). L’approche multiréférentielle en formation et en sciences de l’éducation, Pratiques de formation (analyse). Paris, Université Paris VIII.
Balint, M. (1957). Le médecin, son malade et la maladie. Paris, Payot.
Bardin, L. (2003). L’analyse de contenu. Paris, PUF.
Bion, W. R. (1965). Recherches sur les petits groupes. Paris, PUF.
Blanchard-Laville, C. et Fablet, D. (2001). Sources théoriques et techniques de l’analyse des pratiques professionnelles. Paris, L’Harmattan.
Cifali, M. (1996). Transmission de l’expérience, entre parole et écriture, Éducation permanente, Paris, no 127, 1966-2, p. 183-200.
Crozier, M., Friedberg, F. (1977). L’acteur et le système. Paris, éd. du Seuil.
Desjours, C. (1980). Travail usure mentale. Paris, Le Centurion (nouvelle édition, Bayard éditions, 1993).
Fablet, D. (1998). Les groupes d’analyse des pratiques professionnelles un moyen pour lutter contre l’usure professionnelle. Les Cahiers de l’Actif, nos 264-265, 83-99.
Fumat, Y., Vincens, C., Etienne, R. (2003). Analyser les situations éducatives. Issyles-Moulineaux, ESF.
Jackson, P.-W. (1968). Life in classroom. New York, Holt, Rinehart et Winston.
Les cahiers pédagogiques, (1996). Analysons nos pratiques professionnelles, no 346. Les cahiers pédagogiques (2003). Analysons nos pratiques 2, no 416.
Lewin, K. (1950). Psychologie dynamique : les relations humaines. Paris, PUF.
Moreno, J.-L. (1954). Les Fondements de la sociométrie. Paris, PUF.
Perrenoud, Ph. (2001). Développer la pratique réflexive dans le métier d’enseignant. Paris, ESF.
Robo, P. Le G.F.A.P.P. : Définition, Analyse de pratiques professionnelles, http://probo.free.fr
Sorez, H. (1997). Pour conduire une réunion. Profil Formation. Paris, Hatier.
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