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Vers un agir compétent tenant compte des émotions dans l’accompagnement d’un changement en éducation

12 février 2023 par Louise Lafortune Emotions, éco-anxiété 274 visites 0 commentaire

Un article repris de http://journals.openedition.org/eds...

Un article repris de la revue Education et socialisation, une publication sous licence CC by nc nd

Louise Lafortune, « Vers un agir compétent tenant compte des émotions dans l’accompagnement d’un changement en éducation », Éducation et socialisation [En ligne], 23 | 2007, mis en ligne le 01 novembre 2022, consulté le 11 février 2023. URL : http://journals.openedition.org/edso/19500 ; DOI : https://doi.org/10.4000/edso.19500

Introduction

 [1]

Des observations réalisées à propos de démarches d’accompagnement menées par différents groupes de personnes accompagnatrices (enseignants et enseignantes, conseillers et conseillères pédagogiques, directions d’école) permettent de constater que celles-ci relèvent l’importance que prend la dimension affective dans leurs interventions, et ce de façon assez continue. Néanmoins, le choix de s’investir dans une formation à l’accompagnement dont les émotions sont abordées explicitement ne semble pas une priorité. Dans les commentaires ou dans les listes de sujets importants à traiter pour le milieu scolaire, la dimension affective dans l’accompagnement est nommée parmi d’autres, mais lorsqu’il s’agit de choisir celui qui sera approfondi lors d’une prochaine rencontre, celui de la prise en compte des émotions dans l’accompagnement passe en fin de liste. Ce sujet finit par ne pas être abordé. S’il l’est, c’est pour laisser émerger les émotions, les frustrations, les doléances, les craintes, les découragements..., mais peu pour chercher des solutions où la personne accompagnatrice réussirait à se mettre à distance, à reconnaître les causes des réactions émotives et à mettre en œuvre des actions qui aident à la réflexion. La recherche menée à ce jour laisse craindre la recherche de moyens simples d’intervention (par exemple, laisser émerger les émotions) quand la prise en compte des émotions dans l’accompagnement est un processus complexe qui suppose un regard sur soi, sur les autres, sur ce qui se passe et sur les perceptions des interactions des membres d’un groupe.

Je m’interroge donc sur le sens de la compétence émotionnelle dans l’accompagnement de personnes intervenantes dans le milieu scolaire et sur la formation à fournir aux personnes accompagnatrices qui intègre autant des éléments théoriques que liés à la communication et aux interrelations. Je favorise un traitement cognitif des émotions plutôt qu’un traitement émotif des émotions. Privilégier un traitement cognitif des émotions permet de prendre conscience de ses émotions et de celles des autres dans une démarche d’accompagnement. Cette perspective favorise la recherche d’une compréhension des émotions, ce qui suppose le développement d’un agir compétent professionnel qui vise à porter un regard cognitif sur les émotions en cause dans une démarche d’accompagnement.

Ce texte aborde l’agir compétent professionnel prenant en compte des émotions tel que cela a émergé dans le cadre d’un projet d’accompagnement-recherche-formation d’un changement prescrit en éducation. Tenant compte du contexte du changement, l’accompagnement tenant compte de la dimension affective comporte trois niveaux, la présence affective, le modelage affectif et l’instrumentation affective. Ces niveaux sont précisés dans le présent texte. Enfin, pour favoriser la mise en œuvre d’un changement prescrit, il s’agit d’exercer un leadership d’accompagnement qui se développe avec les personnes accompagnées et non pas qui s’exerce sur les personnes accompagnées.

Vers un agir compétent professionnel prenant en compte les émotions

L’agir compétent professionnel prenant en compte les émotions tient compte des travaux de Saarni (1999) qui explique la compétence émotionnelle à partir de huit composantes associées au cheminement d’élèves. Cette compétence comporte les composantes suivantes.

  • 1re composante : La conscience de ses propres états émotifs réfère à la reconnaissance des émotions que l’on ressent et aux liens entre les événements qui les causent et ces émotions.
  • 2e composante : L’habileté à reconnaître et à comprendre les émotions des autres est complémentaire à la compréhension de ses propres émotions et à reconnaître que les émotions ressenties par les autres aident à comprendre ses propres réactions émotives.
  • 3e composante : L’habileté à utiliser le vocabulaire associé aux émotions à l’aide de mots, d’images, de symboles ou autres et à reconnaître qu’elle permet de communiquer son expérience émotive aux autres et d’avoir accès aux représentations de ses propres expériences émotives ce qui aide à les situer dans un contexte et à les comparer aux représentations des autres.
  • 4e composante : La capacité d’empathie est la composante nécessaire à l’établissement de relations avec les autres.
  • 5e composante : L’habileté à comprendre que l’état émotif interne ne correspond pas nécessairement à ce qui est exprimé réfère au fait qu’une personne n’exprime pas toujours extérieurement l’émotion qu’elle ressent.
  • 6e composante : La capacité à gérer des émotions d’aversion ou de détresse en utilisant des stratégies d’autorégulation permet de supporter des émotions de grande intensité et pour une assez longue durée.
  • 7e composante : La conscience de la nature des relations ou de la communication dépend des émotions et particulièrement du degré de réciprocité et de symétrie dans la relation.
  • 8e composante : La capacité d’accepter ses expériences émotives et de développer un sentiment d’auto-efficacité est liée à la construction de sa propre théorie des émotions et du niveau de son sentiment de compétence à réagir aux émotions, les siennes et celles des autres.

Ces huit composantes ont servi de base à l’observation de la dimension affective dans l’accompagnement des personnels scolaires pour la mise en œuvre d’un changement prescrit en éducation. Dans le cadre du projet d’accompagnement-recherche-formation [2] de la mise en œuvre du Programme de formation de l’école québécoise (MEQ, 2001, 2004), défini en termes de compétences et s’inscrivant ainsi dans le renouveau pédagogique québécois actuel, les observations réalisées ont permis de proposer le sens à donner à un agir compétent professionnel de toute personne ayant à tenir compte des émotions dans l’action. Cela se traduit par l’idée de comprendre et d’interpréter les émotions.

Comprendre les émotions implique autant la dimension cognitive que la dimension affective des émotions. C’est une expertise qui se développe en situation tout en y alliant la théorie. La compréhension des émotions en action et la reconnaissance des manifestations (les siennes et celles des autres) permettent de mieux comprendre les résistances des personnes qui sont accompagnées et de réguler son action en conséquence (Lafortune et Lepage, 2007). Une démarche de pratique réflexive liée à la dimension affective de l’accompagnement favorise l’engagement tant des personnes accompagnatrices que des personnes accompagnées dans un processus de développement d’un agir compétent professionnel. Cela se traduit par les actions suivantes [3] brièvement explicitées :

1) Agir en tenant compte de la dimension cognitive des émotions.

La prise en compte de la dimension cognitive des émotions dans l’accompagnement est nécessaire pour comprendre les émotions qui émergent en situation de changement surtout si ce dernier suscite des déséquilibres et des remises en question qui peuvent être fondamentales. Agir en tenant compte de la dimension cognitive des émotions signifie comprendre ce qui se passe dans l’action, en évitant de se laisser envahir par les émotions qui émergent, exercer une certaine mise à distance afin de réagir en faisant des choix éclairés qui gardent une continuité et une cohérence à l’ensemble de la démarche. Cette perspective suppose une connaissance de soi en situation émotionnelle intense, une anticipation des réactions émotives lors de la préparation d’une rencontre et une prévision d’ajustements possibles dans l’action.

2) Se connaître sur le plan émotionnel en situation professionnelle.

Se connaître sur le plan émotionnel réfère à la reconnaissance des émotions que l’on ressent en situation professionnelle et aux liens entre les événements qui les causent et ces émotions. Cette conscience exige une compréhension des émotions et des ajustements qui tiennent compte de cette compréhension Les réactions émotives suivent souvent un malaise ou un inconfort. Les personnes accompagnatrices ont avantage à avoir conscience des émotions qui émergent chez elles lorsqu’elles interviennent dans une démarche d’accompagnement. Cette conscience leur permet de faire des choix d’intervention qui favorisent un succès de la démarche, mais surtout d’ajuster l’intervention dans l’action pour tenir compte de leurs propres réactions émotives. De plus, cette conscience mène à chercher des moyens de les gérer plutôt que de les éviter et d’agir comme si aucune émotion n’était en cause.

3) Comprendre le rôle des émotions, les siennes et celles des autres, en situation d’accompagnement.

Comprendre le rôle des émotions dans l’accompagnement exige la compréhension des émotions des autres comme étant complémentaires à la compréhension de ses propres émotions. Cela montre qu’il importe de se pencher sur le processus de construction des émotions afin d’accepter les limites non seulement de la construction de ses propres émotions, mais aussi de celles des autres. Cet aspect est particulièrement utile dans un contexte de changement prescrit (renouveau pédagogique et programme de formation de l’école québécoise), car certaines personnes (à tort ou à raison) soutiennent que ce qui était fait auparavant était très valable et ne mérite pas les changements demandés. Reconnaître que l’autre ressent des émotions dans ce contexte de changement favorise la communication et diminue l’influence négative de la résistance qui se manifeste par la peur de l’inconnu, un sentiment d’incompétence... Cette reconnaissance et cette compréhension des émotions des autres mènent à des interventions qui aident les personnes accompagnées à se sentir moins isolées dans ce qu’elles vivent. Cependant, une meilleure conscience de ses propres émotions est essentielle pour que les comparaisons avec les émotions des autres soient pertinentes et non dévalorisantes.

4) Connaître et mettre en œuvre des stratégies d’intervention en tenant compte des émotions en situation.

Connaître et mettre en œuvre des stratégies suppose l’anticipation et la planification des interventions à réaliser ainsi que des émotions qui peuvent se manifester et des rétroactions à mettre en œuvre dans des situations où des émotions peuvent émerger. À cela s’ajoutent les processus de contrôle et de régulation de ses émotions et de celles des autres dans ce type de contexte. De manière plus spécifique, la capacité à réagir à des émotions notamment d’aversion ou de détresse en utilisant des stratégies d’autorégulation permet de supporter des émotions de grande intensité et pour une assez longue durée. Cette capacité suppose le développement de stratégies d’autorégulation qui incite à des ajustements pendant que les émotions sont ressenties. On peut penser que l’utilisation d’un regard porté sur soi en cours d’expériences émotives est nécessaire pour comprendre ce qui est en train de se passer. Ce regard permet de voir ce qui se passe en cours d’action et d’agir en fonction de ce qui est observé (Lafortune et Martin, 2004). Cette capacité peut développer l’habileté à faire ressortir les aspects positifs d’émotions supposément négatives comme l’anxiété (Lafortune et Pons, 2004). Dans l’accompagnement, au lieu de renier la présence d’émotions (les siennes ou celles des autres), il est préférable de voir l’influence positive de ces émotions ou de collaborer à chercher des moyens d’ajuster son intervention afin d’accepter de s’engager dans une démarche de changement en démontrant soi-même son propre engagement dans cette démarche. Dans les stratégies à utiliser lorsque des émotions émergent, il est important de tenter de comprendre les émotions en cause, les causes et les conséquences de l’émergence, ainsi que des solutions à envisager. Trouver des moyens d’accompagner la dimension affective dans un changement en éducation aide à susciter l’engagement.

5) S’engager dans une démarche de pratique réflexive liée à la dimension affective de l’accompagnement.

S’engager dans une démarche de pratique réflexive consiste à analyser son propre fonctionnement émotionnel et celui d’autrui dans des situations où des émotions sont en cause et à développer son modèle de pratiques. Cette dimension de la compétence émotionnelle est essentielle. Elle permet à la personne accompagnatrice de répondre à des questions comme, par exemple, est-ce qu’il y a une différence entre ce qui est exprimé et ce que je pense de ce qui est ressenti ? Y a-t-il une émotion cachée, dissimulée ? Suis-je en train de faire une interprétation abusive des émotions exprimées ou non ? Quel est le degré d’émotions exprimées par rapport à la situation ? Quelles sont les émotions qui me dérangent le plus ? Comment pourrais-je intervenir différemment, afin d’être plus efficace, si une situation analogue se présentait ?

Cet agir compétent qui tient compte des émotions s’exerce dans un contexte de changement où il importe de tenir compte de ce qui émerge au plan affectif.

Contexte de changement et dimension affective

Le développement d’un agir compétent professionnel tenant compte des émotions dans l’accompagnement devient nécessaire dans le contexte de la mise en œuvre d’un changement en éducation. Actuellement, les changements associés au renouveau de l’éducation au Québec sont des changements prescrits. Cela suppose des degrés de déséquilibre variables selon les pratiques et croyances antérieures des personnes intervenantes. Trois types de personnes peuvent être recensés :

  • Pour certaines personnes, le changement est attendu, il répond à leurs croyances ; ainsi, leurs pratiques sont plus naturellement en cohérence avec ces croyances. On entend peu parler de ces personnes, mais elles existent, sont généralement grandement engagées dans la mise en œuvre du changement et ne voudraient pour rien au monde un retour aux pratiques antérieures.
  • Pour d’autres, le changement préconisé bouscule certaines de leurs croyances et pratiques, mais n’est pas nécessairement refusé. Cependant, cela exige des moments de réflexion-interaction qui supposent des échanges sur les pratiques et des mises en relation avec les fondements du changement ; ce qui mène à des actions et analyses collectives.
  • Enfin, pour d’autres, ce changement va à l’encontre de leurs convictions ; le changement leur paraît difficile, voire impossible. On peut penser qu’avec le temps, des ajustements plus ou moins importants seront faits au plan des pratiques, sans nécessairement un engagement complet.

Dans la perspective d’un accompagnement et pour rejoindre ces trois catégories de personnes, on peut penser que les personnes accompagnatrices ont à exercer un leadership, c’est-à-dire un processus d’influence, afin que les personnels scolaires qui ont à mettre en œuvre le changement le comprennent, l’apprivoisent, se l’approprient, y adhèrent et finalement, s’y engagent.

En ce sens, dans une démarche d’accompagnement, la personne accompagnatrice joue différents rôles pour favoriser la mise en œuvre du changement en éducation. Ces différents rôles l’amènent à agir, à observer ce qu’elle fait, à réguler dans l’action, à modeler son action, à susciter des prises de conscience de ce qu’elle fait et à montrer des façons de transposer ce modelage dans les actions des personnes accompagnées. La mise en action de ces rôles influence les actions d’accompagnement. Une démarche d’analyse des interventions réalisées dans un projet d’accompagnement (Lafortune, 2004) fait ressortir trois niveaux (Lafortune, St-Pierre et Martin, 2005) : 1) la présence affective ; 2) le modelage affectif ; 3) l’instrumentation affective. Ces trois niveaux s’expliquent comme suit :

  • Présence affective  : Tenir compte de la dimension affective auprès des personnes formées à l’accompagnement ou personnes accompagnées. Ce premier niveau réfère aux interventions menées dans la démarche d’accompagnement qui font en sorte que la dimension affective (les émotions) de ces personnes est prise en compte directement. Par exemple, s’ajuster dans l’action lorsque des résistances ou des plaisirs sont remarqués.
  • Modelage affectif  : Montrer qu’on tient compte de la dimension affective dans l’intervention auprès des personnes accompagnées. Ce deuxième niveau réfère à une mise à distance effectuée dans l’action afin que les personnes accompagnées prennent conscience que la dimension affective est prise en compte et pour que ces personnes puissent mieux en tenir compte dans l’accompagnement qu’elles réalisent dans leur milieu. Par exemple, montrer que l’on est en train de s’ajuster dans l’action compte tenu de ce que l’on perçoit du groupe.
  • Instrumentation affective : Donner des idées pour tenir compte de la dimension affective dans des actions ultérieures. Ce troisième niveau fait référence à des idées d’intervention fournies dans l’action en faisant des liens avec ce qui est réalisé dans une démarche d’accompagnement en cours. Par exemple, donner des moyens de s’ajuster dans l’action lorsque l’on perçoit des résistances ou des ouvertures.

Ces trois niveaux montrent qu’il n’est pas simple d’accompagner des personnes qui ont à mettre en œuvre un changement prescrit qui comporte un contenu (par exemple, un programme défini en termes de compétences), mais qui suscite des émotions autant de retrait que de curiosité. Dans ce contexte et avec ces moyens, on peut dire que l’exercice d’un leadership dans l’accompagnement vise à ce que les personnes accompagnées finissent par apprécier le changement, malgré des réticences marquées au début de la proposition de changement.

Leadership d’accompagnement

Dans une démarche d’accompagnement d’un changement en éducation, diverses façons d’envisager le leadership peuvent être relevées. Dans le projet dont il est question dans ce texte, le leadership est associé aux actions posées pour favoriser la mise en œuvre du changement. Le type de leadership développé est appelé « leadership d’accompagnement » qui se veut un processus d’influence menant à un changement en éducation allant jusqu’aux pratiques professionnelles et pédagogiques en classe. Il s’exerce et se développe par la réflexion individuelle et collective et par l’interaction avec les personnels scolaires pour susciter des prises de conscience menant à des changements dans l’action. Ce processus s’inscrit dans une démarche de pratique réflexive où la réflexion et l’analyse des pratiques mènent à des ajustements au modèle de pratique professionnelle de chaque personne (Lafortune, 2006b).

Le développement et l’exercice de ce leadership prennent une orientation particulière s’il s’agit de la mise en œuvre d’un changement complexe qui exige des modifications majeures dans les pratiques pédagogiques et professionnelles. Dans une perspective socioconstructiviste, il ne peut être possible de penser que présenter les fondements du changement, expliquer ce qu’est le changement et ce qu’il exige et indiquer ce que l’on veut qui soit changé soient suffisants pour que le changement se fasse. Les orientations que l’accompagnement d’un changement poursuivi par une instance de direction pourraient prendre sont les suivantes :

  • Accompagner un changement dans une perspective socio-constructiviste.
  • Développer un agir compétent professionnel à l’accompagnement, le sien et celui des autres.
  • Établir un partenariat avec les personnes accompagnées.
  • Construire avec d’autres une vision partagée du changement.
  • Passer à l’action.
  • Analyser les pratiques en les examinant au regard de celles qui sont associées au renouveau à mettre en œuvre.
  • Développer une culture pédagogique.
  • Encourager la formation de réseaux.

La première orientation est celle qui chapeaute les autres, car elle précise les fondements théoriques à la base de l’accompagnement choisi.

Celui-ci s’inscrit dans une perspective socioconstructiviste. En ce sens, « un accompagnement socioconstructiviste est [une mesure de soutien axée] sur la construction des connaissances des personnes accompagnées en interaction avec les pairs. Ce type d’accompagnement suppose un suivi et une continuité. Dans une optique métacognitive et réflexive, [Ce type d’]accompagnement vise à susciter l’activation des expériences antérieures afin de favoriser la construction des connaissances, à susciter des conflits sociocognitifs et à profiter de ceux qui émergent des discussions, à coconstruire dans l’action, à mettre en évidence les conceptions [...] et à profiter des prises de conscience de certaines constructions. Il présuppose une interaction entre la personne accompagnatrice et [celles qui sont accompagnées] » (Lafortune et Deaudelin, 2001, p. 200).

Les différents rôles qu’elles y tiennent viennent enrichir la démarche qui s’instaure alors sous l’égide d’un véritable partenariat. L’accompagnement socioconstructiviste suppose la mise en œuvre d’une certaine culture pédagogique qui se manifeste à travers cinq composantes : les attitudes, les connaissances, les stratégies, les habiletés et les expériences (Lafortune et Martin, 2004) mais aussi par le développement et l’exercice d’un agir compétent professionnel associé au leadership pédagogique vers un leadership d’accompagnement (Lafortune, 2006a-b).

Conclusion

Dans ce texte, j’ai voulu montrer un cheminement de recherche où la compréhension de ce qu’est la compétence émotionnelle m’a incitée à étudier la place que joue la dimension affective auprès des personnes intervenantes en éducation lorsqu’un changement majeur et prescrit est à mettre en œuvre. Dans cette étude, avec une équipe, j’ai défini l’agir compétent professionnel à développer qui donne une place importante à la dimension affective. Cette dernière est expliquée dans un contexte de changement, de réforme, au Québec.

L’ensemble de cette réflexion suscite des perspectives de recherche particulièrement orientées vers la compréhension du rôle des émotions chez les personnes intervenantes en éducation. Même si je considère que les émotions jouent un rôle de premier plan dans l’apprentissage de différentes disciplines dont les mathématiques (principalement Lafortune 1992a-b), mes travaux laissent penser que, si les personnes intervenantes ne comprennent pas le rôle que jouent leurs propres émotions vis-à-vis de leur apprentissage de certaines disciplines, par exemple, il sera difficile d’en tenir compte et de diminuer les effets négatifs des émotions que ressentent les élèves.

Ces recherches pourraient porter sur : 1) le rôle des émotions dans l’accompagnement d’un changement prescrit en éducation ; 2) la façon de reconnaître le rôle des émotions dans l’apprentissage de différentes disciplines ; 3) le développement d’un agir compétent professionnel qui tient compte de l’interprétation et de la compréhension des émotions ainsi que la façon d’en tenir compte dans l’intervention.

L’ensemble de cette réflexion s’est voulu une démarche pour montrer que les émotions jouent un rôle de premier plan autant chez les élèves dans l’apprentissage des disciplines que chez les personnes intervenantes dans leur démarche de formation continue et d’intervention auprès des élèves.

Bibliographie

31Lafortune, L. (1992a). Dimension affective en mathématiques, Recherche-action et matériel didactique, Mont-Royal, Modulo Éditeur.

32Lafortune, L. (1992b). Élaboration, implantation et évaluation d’implantation à l’ordre collégial d’un plan d’intervention andragogique en mathématiques portant sur la dimension affective en mathématiques. Thèse de doctorat, Montréal, Université du Québec à Montréal.

33Lafortune, L. et Deaudelin, C. (2001). Accompagnement socioconstructiviste. Pour s’approprier une réforme en éducation, Québec, Presses de l’Université du Québec.

34Lafortume, L. et Martin, D. (2004). « L’accompagnement : processus de co-construction et culture pédagogique », dans M. L’Hostie et L.P. Boucher (dir.), L’accompagnement en éducation. Un soutien au renouvellement des pratiques, Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec, p. 47-62.

35Lafortune, L. et Lepage, C. (2007). « Une expérience d’accompagnement socioconstructiviste d’un changement en éducation : des orientations à réinvestir dans d’autres contextes », dans L. Lafortune, M. Ettayebi et P. Jonnaert (dir.), Observer les réformes en éducation, Québec, Presses de l’Université du Québec, 33-52.

36Lafortune, L. et al. (2006a). Leadership d’accompagnement. Vers un agir compétent professionnel, document inédit, U.Q.T.R.-MELS, www.uqtr.ca/accompagnement-recherche, rubrique « Résultats du PARF ».

37Lafortune, L. et al. (2006b). Pertinence et nécessité de l’accompagnement en évaluation des apprentissages, document inédit, U.Q.T.R.-MELS, www.uqtr.ca/accompagnement-recherche, rubrique « Apprentissage-évaluation ».

38Lafortune, L. et Pons, F. (2004). « Le rôle de l’anxiété dans la métacognition : une réflexion vers des actions » dans L. Lafortune, P.-A. Doudin, F. Pons et D. Hancock (dir.), Les émotions à l’école, Québec, Presses de l’Université du Québec, p. 145-169.

39Lafortune, L., L. St-Pierre, L. et Martin, D. (2005). « Compétence émotionnelle dans l’accompagnement », dans L. Lafortune, M.-F. Daniel, P.-A. Doudin, F. Pons et O. Albanese, Pédagogie et psychologie des émotions : vers la compétence émotionnelle, Québec, Presses de l’Université du Québec, p. 87-118.

40Ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) (2001). Programme de formation de l’école québécoise. Éducation préscolaire. Enseignement primaire, Québec, Gouvernement du Québec.

41Ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) (2004). Programme de formation de l’école québécoise. Enseignement secondaire, 1er cycle, Québec, Gouvernement du Québec, 575 pages.

42Saarni, C. (1999). The Development of Emotional Competence, New York, The Guilford Press.

Licence : CC by-nc-nd

Notes

[1L’introduction de ce texte est en partie issue de Lafortune, St-Pierre et Martin (2005).

[2Pour mieux connaître ce projet, voir le site : www.uqtr.ca/accompagnement-recherche

[3Pour des explications de ces actions, voir le site : www.uqtr.ca/accompagnement-recherche, à la rubrique « Résultats du PARF », le document intitulé Leadership d’accompagnement. Vers un agir compétent professionnel (Lafortune, 2006a).

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