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Formation à l’IA – épisode 2 : Objectif IA

11 février 2021 par binaire Coopérer 346 visites 0 commentaire

Un article repris de https://www.lemonde.fr/blog/binaire...

Nous vous l’avions annoncé ici, Victor Storchan- va nous présenter trois initiatives de formation à l’intelligence artificielle (IA). Après « Elements Of AI " , c’est au tour de Théophile Lenoir, Responsable du programme Numérique et Milo Rignell, Chargé de l’innovation à l’Institut Montaigne de nous parler d’Objectif IA. Serge Abiteboul et Thierry Viéville.

Un articlerepris du blog binaire, une publication sous licence par défaut CC by

La formation/certification à l’IA

Victor Storchan (VS) : Quelles ont été vos motivations initiales et vos objectifs pour l’élaboration de votre cours en ligne ?

Théophile Lenoir et Milo Rignell (TL&ML)  : L’initiative Objectif IA a été lancée, d’une part, afin de déconstruire un certain nombre d’idées reçues tout en recentrant le débat sur les vrais enjeux de société et, d’autre part, pour permettre à notre pays et à nos entreprises d’être en mesure de se saisir des opportunités de l’intelligence artificielle (IA) et d’être compétitives à l’avenir.

C’est pour rendre l’IA accessible au plus grand nombre que nous avons développé une formation en ligne, gratuite, et qui ne prend que quelques heures à compléter.

Cette volonté s’accompagne d’un objectif concret : permettre à 1 % des Français de se former à l’IA grâce à Objectif IA.

VS : Quel est le public que vous visez ? Quels sont les apports de votre cours pour ce public ?

TL&ML : Objectif IA s’adresse à tous ceux qui souhaitent, en quelques heures, mieux comprendre cette technologie afin de participer activement à son développement au sein de notre société et dans notre quotidien.

Nous constatons néanmoins que la formation est particulièrement utile pour deux types de publics. Elle permet aux jeunes et aux personnes en reconversion professionnelle de découvrir les nombreux métiers de l’IA et de la donnée avant de s’y lancer ; et elle permet aux dirigeants et aux collaborateurs d’entreprises et de structures publiques de se saisir de cette technologie, à tous les niveaux.

VS : Pouvez-vous partager les premiers résultats à ce stade et quelles sont vos perspectives futures ?

TL&ML : En décembre 2020, 90 000 personnes avaient commencé la formation et 50 000 personnes, soit plus de la moitié, avaient complété l’ensemble des chapitres du cours et ainsi obtenu leur certificat de réussite.

Plus de 80 structures se sont par ailleurs engagées à former leurs collaborateurs – des entreprises de tous les secteurs, des régions, des acteurs publics comme Pôle emploi et la Gendarmerie nationale, des universités, des associations et d’autres acteurs de la société civile.

Fort de ce premier succès en France, nous envisageons de proposer l’initiative à de nouveaux publics. La version anglaise du cours sera disponible à partir de février 2021 et permettra à Objectif IA d’élargir sa formation à l’échelle européenne, aux côtés d’autres initiatives existantes, mais aussi sur le continent africain, où plusieurs acteurs ont déjà exprimé un intérêt fort.

VS : Comment vos ressources participent-elles à la création d’une confiance dans le développement de ces innovations, et aident-elles à développer un esprit critique constructif à ces sujets ?

TL&ML : Plusieurs sondages (Ifop, 2018 ; Ipsos, 2018) révèlent clairement la corrélation entre une meilleure connaissance et compréhension de l’IA d’une part, et la confiance envers elle d’autre part. La formation Objectif IA permet non seulement de mieux se rendre compte du potentiel de cette technologie pour la santé, l’environnement, le transport et bien d’autres secteurs, mais aussi de replacer les vraies questions sociétales au centre du débat public en démystifiant un certain nombre d’idées reçues. Trois chapitres sont ainsi expressément consacrés à resituer le potentiel de l’IA au-délà des mythes, à identifier ses enjeux éthiques et à évaluer son impact sur le travail.

Le projet entrepreneurial

VS : Quelles difficultés surmonte-t-on pour déployer un projet comme celui-ci ?

TL&ML : A la différence de nombreux MOOCs, qui affichent des taux de complétion entre 5 % et 15 %, plus de la moitié des apprenants qui débutent Objectif IA complètent le cours, souvent en quelques heures seulement. L’enjeu est donc de convaincre de plus en plus de personnes de débuter le tout premier chapitre ! Cela se fait du bouche à oreille, mais aussi avec des soutiens et une mobilisation institutionnels.

VS : Quels sont les bénéfices de la coopération entre partenaires de votre initiative, en particulier pour la réalisation d’un cours sur l’IA par nature interdisciplinaire ?

TL&ML : Objectif IA a été développé au sein d’un partenariat, à première vue hétéroclite, inédit entre l’Institut Montaigne, la startup OpenClassrooms et la Fondation Abeona.

L’Institut Montaigne et la Fondation Abeona s’intéressent tous deux depuis longtemps aux enjeux de l’IA et nous avons travaillé ensemble à la production d’un rapport sur les biais algorithmiques, Algorithmes : contrôle des biais S.V.P.L’une des propositions fortes de ce rapport est notamment une sensibilisation large aux enjeux de l’IA. En tant que leader français de la formation en ligne et ayant déjà une offre conséquente de formations en ligne aux métiers du numérique, OpenClassrooms apporte une expertise pédagogique très riche et une plateforme qui recense plus de trois millions de visiteurs par mois.

Cette co-construction, à laquelle ont également participé des utilisateurs et des experts de l’IA, a permis de développer un contenu dont la qualité et l’accessibilité se retrouvent dans le pourcentage de personnes terminant le cours.

Les modèles d’écosystèmes

VS : Au-delà de la formation, quels sont les atouts et les faiblesses de l’Europe pour peser dans la compétition technologique mondiale ? La dynamique européenne sur l’IA actuelle est-elle suffisamment ambitieuse ?

TL&ML : Disposant d’un précieux savoir-faire dans plusieurs secteurs industriels, les entreprises européennes ont de nombreux atouts pour prendre de l’avance – à condition de comprendre les enjeux numériques et d’IA et de développer des nouveaux usages dont dépendra leur compétitivité. C’est pourquoi il faut non seulement plus de personnes formées aux métiers de la donnée et de l’IA, aujourd’hui déjà en tension, mais aussi la mobilisation de l’ensemble des collaborateurs de ces groupes, en allant des instances dirigeantes aux collaborateurs qui interagiront avec ces nouvelles technologies, sans nécessairement qu’elles en constituent le métier.

Objectif IA met ces compétences en situation, en suivant pas à pas les étapes d’un projet d’intelligence artificielle et en passant par les différents métiers impliqués.

VS : Selon une étude France Digitale-Roland Berger, la France était en tête des investissements dans l’IA en Europe avec un doublement des fonds levés en 2019 par rapport à 2018. Quelles sont les spécificités du modèle français ?

TL&ML : Il est difficile de tirer des conclusions des niveaux d’investissement en capital risque, qui dépendent des levées de fonds d’un petit nombre d’entreprises. 2019 a par exemple été l’année de la levée record de 230 millions de dollars par Meero, qui automatise l’édition de photos grâce à l’intelligence artificielle, soit 20 % des fonds levés en 2019.

Comparé à d’autres marchés, comme celui des Etats-Unis, en Europe la part d’investissements publics est plus importante et certains financeurs tels que les fonds de pensions et d’universités jouent un rôle considérablement réduit. En France par exemple, la Banque publique d’investissement (Bpifrance) joue un rôle particulièrement important.

Enfin, l’innovation en IA ne provient pas uniquement des levées de fonds de start ups. Le gouvernement a investi une somme non négligeable, 1,5 milliards d’euros sur cinq ans. Dans plusieurs secteurs, par exemple médicaux et industriels, la France dispose déjà d’acteurs qui investissent fortement en IA, bénéficiant en outre d’avantages fiscaux compétitifs.

VS : Votre initiative crée donc un lien éducation et IA, quels sont les liens à renforcer entre IA et éducation (par exemple apprentissage de l’IA dans le secondaire) et éducation et IA (par exemple des assistants algorithmiques), et quels sont les impacts socio-économiques visés ?

TL&ML : Concernant l’éducation à l’IA, les niveaux de compréhension nécessaires varient considérablement selon les publics. Pour la majorité de la population, il est utile de comprendre les principaux enjeux, sans prendre plus de temps que les quelques heures de formation proposées par Objectif IA.

Dans le domaine de l’éducation, les professeurs doivent garder un rôle central. Des outils d’IA peuvent néanmoins soutenir leur travail en permettant un enseignement adapté aux besoins individuels de l’élève et en soulageant leur charge de travail. Dans le domaine de l’apprentissage de la lecture par exemple, des associations comme Agir pour l’école utilisent la reconnaissance vocale des sons que lit un élève pour permettre un apprentissage plus autonome et des exercices adaptés à son niveau de lecture.

VS : Confier à des algorithmes des tâches qui mènent à des décisions cruciales, par exemple en matière de justice, d’embauche, ou d’autres décisions à forte conséquence humaine, questionne, quel est votre positionnement sur ce sujet ? Quelle place pensez-vous que l’éthique doit prendre dans votre enseignement ?

TL&ML : Face aux risques de discrimination des algorithmes à fort impact, deux considérations importantes entrent en jeu : le point de départ auquel nous nous comparons, c’est à dire les biais humains déjà présents, et la possibilité de mesurer les résultats finaux pour détecter, et ainsi corriger, d’éventuels biais.

La formation Objectif IA consacre plusieurs chapitres de son cours à restituer les enjeux éthiques, non seulement en démystifiant certaines idées reçues, mais également en précisant les points de vigilance et en proposant des solutions concrètes aux enjeux d’utilisation des données, d’information, de décisions algorithmiques et de biais.

VS : Le fait que des tâches cognitives de plus en plus complexes soient réalisées par des programmes nous amène-t-il à reconsidérer l’intelligence humaine ? Est-ce cela a des impacts sur notre vision de l’IA ? Sur son enseignement ?

TL&ML : Les systèmes d’intelligence artificielle sont très performants lorsqu’il s’agit de certaines tâches précises. Cela peut donner l’illusion que l’IA évolue rapidement vers le niveau d’intelligence humaine, et ainsi développer une vision négative et menaçante de l’IA.

Si les résultats de systèmes d’IA continuent à s’améliorer à grands pas, dans la plupart des cas ces avancées sont liées aux progrès en matière de puissance de calcul, qui ne sont pas toujours synonymes d’une plus grande intelligence, au sens de l’intelligence générale.

Comprendre la différence entre les atouts de l’intelligence étroite des systèmes d’IA largement utilisés dans notre société, et ceux de l’intelligence générale, le “sens commun”, dont disposent les humains, est essentiel pour articuler au mieux les deux.

VS : Nous vivons au temps des algorithmes. Quelle place voulons-nous accorder aux algorithmes dans la “cité” ? Est-ce que cela nous conduit à repenser cette cité ? Comment mieux nous préparer au monde de demain

Le recours de plus en plus massif aux algorithmes pour répondre à certains besoins quotidiens, tant au niveau individuel que collectif, est inévitable et doit être encouragé. Il existe néanmoins en France une défiance particulièrement forte envers les outils numériques – les difficultés du gouvernement à déployer l’application StopCovid (renommée TousAntiCovid) en est un exemple. Ces contestations mêlent parfois une variété d’enjeux posés par les outils numériques au sens large (protection des données personnelles, surveillance, transparence). Tout l’objectif d’Objectif IA est d’aider à démêler ces enjeux dans le cas de l’IA.

Théophile Lenoir, Responsable du programme Numérique, Institut Montaigne.
Milo Rignell, Chargé de l’innovation, Institut Montaigne.

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