Innovation Pédagogique et transition
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Une « supervision douce » : un dispositif pour les formateurs occasionnels des personnels de l’enseignement supérieur

Un article repris de http://journals.openedition.org/dms/4876

Alors que l’hybridation est une injonction politique dans la transformation des pratiques de formation et que la mise en place de l’accompagnement des acteurs impliqués dans la formation supérieure est difficile à mettre en œuvre, nous souhaitons utiliser la notion de supervision de Villemonteix pour analyser un dispositif de l’Amue (Agence de Mutualisation des Universités et des Établissements). À travers cette étude de cas, nous présentons une démarche de professionnalisation des formateurs occasionnels de l’enseignement supérieur. Cette démarche prend appui sur une supervision « douce » des acteurs impliqués (des formateurs non formés à ce métier et peu disponibles, un environnement technologique préconfiguré, un dispositif de formation porté par une stratégie et un accompagnement pédagogique personnalisé) à travers six types de relations. Nos investigations offrent une réponse sous forme de lâcher-prise des acteurs souhaitant la mise en place de transformations rapides de pratiques de formation alors que la temporalité des changements est plus longue.

Stephen Lédé, Chrysta Pélissier et Bertrand Mocquet, « Une « supervision douce » : un dispositif pour les formateurs occasionnels des personnels de l’enseignement supérieur », Distances et médiations des savoirs [En ligne], 29 | 2020, mis en ligne le 17 mars 2020, consulté le 09 mai 2020. URL : http://journals.openedition.org/dms/4876 ; DOI : https://doi.org/10.4000/dms.4876

Introduction

La rupture de grande ampleur que constitue la société numérique amène à une (r)évolution des usages et des pratiques intégrant le fait que les ressources et informations toujours plus pléthoriques sont proposées dans une « palette de choix assez large dans une sorte de bazar » (Baron et Villemonteix, 2016, p 106) : la formation professionnelle en ligne ne déroge pas à ce constat qui l’amène à développer et concevoir une offre à distance dont il faut maîtriser les enjeux à tous les niveaux de développement (choix des outils, de l’accompagnement et de la formation des intervenants). Ces choix font partie de la politique de l’organisme de formation, son identité (Méliet, 2017) et assurent sa pérennité. En complément, nous ajoutons que depuis la loi française n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, les établissements de l’Enseignement supérieur et de la recherche (ESR) se sont transformés par le passage aux responsabilités et compétences élargies (RCE) en matière financière et de ressources humaines, les rendant davantage autonomes. Cette transformation de l’organisation de l’université repose, en partie, sur les compétences de leurs personnels (Mocquet, 2020) dont la formation est un enjeu fort pour l’ESR.

Une étude de cas : l’Amue et ses formateurs occasionnels

L’étude que nous avons réalisée se situe dans le contexte de la formation des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) réalisée par des formateurs occasionnels. Parmi, les différents organismes de formation, l’Agence de Mutualisation des Universités et Établissements (Amue) est un Groupement d’intérêt public (GIP) crée en 1998. Comme le mentionne son site internet, l’Agence « organise la coopération entre ses membres et sert de support à leurs actions communes en vue d’améliorer la qualité de leur gestion ». Elle dispose de trois axes stratégiques d’activités, en l’occurrence Systèmes d’Information (SI), Formation et Accompagnement. Les trois axes sont imbriqués dans la stratégie de cette organisation : l’arrivée d’un SI dans un établissement se faisant en formant les personnels et en accompagnant le changement et s’appuie sur une valeur commune : la mutualisation.

Dans le domaine de la formation, l’Amue déclare dans son contrat quinquennal de développement 2016-2020 (Amue, 2016, p 19) désirer mettre en place une formation « a minima hybride » mêlant présentiel et distanciel au sein d’une « plateforme de type LMS (Learning Management System) à l’instar des usages des établissements ».

Ainsi, l’Amue s’engage dans une amélioration de ses outils de formations depuis septembre 2017 par le dispositif Campus Amue qui marque des changements de points de vue et de pratique sociale (Linard, 2002). Campus Amue ambitionne ainsi d’adapter les pratiques de formation aux usages numériques disponibles en termes d’appropriation (Proulx, 2005) par les formés et les formateurs. Ce dispositif se traduit à la fois par le déploiement d’une plateforme de gestion de l’apprentissage (en anglais Learning Management System ou LMS) destinée à assurer la diffusion des informations et aussi par un accompagnement des formateurs qui mettent en œuvre les actions proposées par le GIP à ses membres (180 établissements dont 75 universités et 105 écoles d’ingénieurs et autres institutions réparties sur le territoire métropolitain ainsi qu’en outre-mer). En effet, la formation à distance implique d’importants changements pour le formateur (Ferone, 2017) tant sur le plan de la conception pédagogique des cours, de l’accompagnement des apprenants, de la maîtrise des technologies ou de la diversité des rôles qui doivent être assumés.

Or, les formateurs intervenants sont essentiellement des formateurs occasionnels : c’est-à-dire que ce n’est pas leur travail principal que de former, c’est un autre travail pour lequel ils possèdent et développent des compétences. De surcroît, ils sont pour la plupart des personnels administratifs et n’ont pas été formés pour enseigner.

Accompagner, guider, superviser : des termes en tension

L’étude de ce dispositif implique une approche systémique prenant en compte à la fois la dimension pédagogique, l’appropriation des technologies ainsi que le sentiment de compétences (Lebrun, Lison, et Batier, 2016). Ces trois dimensions prennent la forme de différents dispositifs (Peeters et Charlier, 1999) : la mise à disposition dans un premier temps d’une plateforme LMS adaptée, suivi dans un second temps par un accompagnement personnalisé (Berger et Mutuale, 2012) concomitant à une supervision qui se déploient sur plusieurs années. Nous faisons l’hypothèse que la supervision est le socle de l’accompagnement techno-pédagogique mais qu’elle doit être « adoucie » pour être acceptée pour des formateurs occasionnels.

Accompagnement ou guidage

Selon le Trésor de la langue française informatisé (TLFi), accompagner comporte une idée de mouvement, de déplacement. Cependant, la définition ne précise pas le rôle de l’accompagnant. Il peut être un guide, un protecteur voire un compagnon d’où la tension mise en évidence par Berger et Mutuale (2012) entre le fait d’accompagner quelqu’un à l’endroit où on veut le conduire et le fait de l’accompagner là où il veut aller. Gremion dans son étude (Gremion, 2020, p 35) met en exergue la tension qui s’exprime entre deux logiques de formation.

D’une part, il définit l’accompagnateur comme cheminant « avec la personne en formation, […] là où ses réflexions et analyses la mènent, juste derrière elle » ce qui implique une personnalisation des apprentissages en tenant compte des rythmes de l’apprenant et rend difficile toute anticipation. Ainsi, l’accompagnement s’inscrit comme un accompagnement professionnel (Vial et Caparros-Mencacci, 2007) ou un compagnonnage réflexif (Donnay et Charlier, 2008) laissant une grande place à l’informel. D’autre part, Gremion précise le rôle du guide vis-à-vis de la personne guidée. Il le présente comme marchant « devant car le guide sait où il veut aller » ce qui implique une approche normative avec des contraintes plus ou moins fortes. Dans cette approche, l’atteinte d’objectifs est explicite et se fait au travers d’étapes interdépendantes et organisées les unes par rapport aux autres (Vial, 2005). Cela l’inscrit dans le paradigme de l’enseignement (Gremion et Maubant, 2017 ; Vial et Caparros-Mencacci, 2007) ou du monitoring (Paul, 2009). L’action de guider fait également référence à des notions telles que l’étayage ou l’orientation. Elles visent à permettre la progression de l’apprenant. L’étayage, concept emprunté à Bruner, (1983) désigne toutes les formes d’aide apportées par un enseignant à ses apprenants. Il agit comme une « béquille » provisoire. A contrario, l’orientation d’après le TLFi est définie comme le fait de donner une direction par rapport à un repère normé, le rapprochant ainsi de l’enseignement. Nous percevons là une première tension entre l’accompagnement et le guidage qui traduit deux approches différentes : l’apprentissage (par l’accompagnement) et l’enseignement (guidage).

Formes de l’accompagnement

La notion d’accompagnement apparaît comme étant plus facile à définir au travers de contextes ciblés que d’une manière générale. Ainsi, Maeva Paul (Paul, 2009) distingue six formes d’accompagnement. Nous retenons trois des six formes envisagées dans notre contexte : le coaching, le compagnonnage et le tutorat.

De manière générale, le coaching se définit comme un terme en tension entre « entraînement sportif » avec volonté de résultats et « maïeutique » avec démarche réflexive non directive. Dans le contexte de l’Amue, le coaching opéré vise d’une part à satisfaire la politique souhaitée par l’organisation tout en permettant la réflexivité et l’évolution des pratiques des formateurs qui la mette en œuvre. Pour abolir cette tension, de nombreux organismes de formation utilisent un système artefactuel (Agostinelli, 2003) qui prend la forme d’une plateforme LMS comme support du coaching pédagogique (Bullich, 2018).

La démarche d’accompagnement à l’Amue a trait également à du compagnonnage qui s’organise autour de trois composantes « apprendre, pratiquer et transmettre » (Paul, 2009, p. 94) avec une relation d’ancien à apprenti qui comporte une dimension morale. À l’Amue, les nouveaux formateurs sont incités à aller observer les pratiques de formateurs confirmés.

Enfin, le tutorat s’inscrit dans une logique de passage d’une vie professionnelle vers une autre d’où la nécessité d’un « passeur » qui en partage les codes. À l’Amue, deux ingénieurs de formation sur les trois présents ont une formation d’enseignant et partagent les codes du milieu éducatif.

Nous avons ainsi défini un système qui met en relation, un outil (la plateforme), une connaissance (le contenu de la formation), une situation (la formation des personnels des universités), un contexte (l’ESR), et des utilisateurs (les formateurs occasionnels, les ingénieurs de formation). Notre attention porte dorénavant sur les interactions entre ses deux actants. L’enjeu stratégique du dispositif serait de faire converger une injonction politique et une intention individuelle du formateur occasionnel dont nous définirons les spécificités. Si l’accompagnement ne peut se concevoir qu’au travers de la prise en compte du projet de l’individu, cela nécessite une supervision respectueuse des individualités des acteurs impliqués.

Supervision : moyen d’accompagnement

L’enjeu de rassembler une volonté politique et une volonté individuelle ne peut prendre forme qu’à travers une supervision dans le but est de réguler le système pour qu’il puisse atteindre le but fixé. Le TLFi définit la supervision comme un moyen de « contrôler dans ses grandes lignes une activité, l’exécution d’un travail accompli par d’autres » ce qui véhicule une idée d’asymétrie (Baron et Villemonteix, 2016) entre le superviseur (en surplomb) et la personne dont il a la responsabilité. Ce terme est original dans le contexte français, puisque dérivé de l’anglais supervisor. Il a été proposé par Villemonteix (2007) à travers l’enseignement du premier degré où la supervision est locale et partagée entre plusieurs acteurs, dont des prescripteurs intermédiaires tels que les conseillers pédagogiques qui agissent au nom de l’inspection sans être dans une relation hiérarchique avec les enseignants (Villemonteix, 2007). La multiplicité des acteurs illustre le fait que la supervision comporte deux missions qui se complètent (Baron et Villemonteix, 2016) : réguler le système en s’assurant de l’atteinte des objectifs fixés tout en faisant preuve de la conciliation nécessaire pour permettre l’évolution des pratiques. En effet, la régulation de l’activité pédagogique prend deux formes (Develay, 2013) : une régulation interne concernant la capacité des acteurs à interroger ou modifier ses pratiques et une régulation externe émanant des acteurs situés en périphérie tels que les inspecteurs de l’Éducation nationale ou leurs conseillers dans le cas de l’enseignement du premier degré français. La tension entre ces deux missions explique l’existence de quatre formes de supervision (classique, avec contrôle central, avec appui de proximité ou par une inspection par les pairs) dégagées par Voulgre et Villemonteix (2016) avec un rôle de superviseur plus ou moins marqué. Ainsi, ce que nous nommons supervision s’apparente à la notion d’aménagement par le management (Fusulier et Lannoy, 1999), un dispositif qui permet de relever les défis de renouvellement nécessaire, de conciliation et de régulation sans contraindre.

Problématisation en contexte : positionnement de l’Amue

Spécificité des formateurs occasionnels

Nous rappelons que la formation au sein de l’Amue n’est pas menée par des spécialistes de la formation, mais par des collègues en exercice dans les établissements membres de l’Agence. Ainsi, les formateurs occasionnels ont un vécu professionnel et personnel varié. Ils sont recrutés principalement par cooptation au cours de diverses actions menées par l’Agence telles les formations. Au cours d’une d’elles, un formé peut décider de devenir « référent » (ou « expert ») au sein de l’université ou être repéré du fait de son expertise sur les outils/méthodes qu’il utilise ou qui sont utilisés par d’autres. La recommandation est ainsi basée sur des indices pédagogiques et/ou instrumentaux, mais aussi par un système de reconnaissance entre pairs.

Cependant l’appellation « formateur occasionnel » nie la chaîne d’acteurs à laquelle les formateurs appartiennent qui permet l’accompagnement et la supervision. De ce fait, nous considérons les formateurs comme des « prescripteurs de fin de chaîne » selon le terme de François Villemonteix (2007). Ce terme met en évidence la variété de leurs pratiques pédagogiques qui est la conjonction de leur formation antérieure et/ou de leur environnement local.

En complément, nous précisons que les formateurs occasionnels n’ont pas les mêmes disponibilités en raison de leurs contraintes personnelles et/ou professionnelles, mais aussi du volume de l’autorisation de cumul indispensable pour exercer une activité secondaire.

Hybrider l’offre de formation

Le type de formation délivrée par l’Amue est de la formation professionnelle dans les champs disciplinaires utiles dans les métiers administratifs des agents de l’ESR (ressources humaines, finances, comptabilité, communication, etc.) ou bien dans les métiers de l’enseignement. Certaines formations reposent sur des analyses de bonnes pratiques menées exclusivement en présentiel. Le contrat quinquennal (Amue, 2016) postule d’une hybridation de l’offre de formation ce qui bouscule des pratiques établies. En faisant ce choix, cet organisme pose une politique identitaire (Méliet, 2017). Elle a pour conséquence la nécessité d’une supervision afin de garantir l’atteinte des objectifs politiques posés. La supervision apparaît donc comme un moyen d’accompagner les formateurs dans l’évolution de leurs pratiques afin qu’ils intègrent autant que possible les évolutions du blended learning (Graham, 2006) qui maintient une forte présence humaine tout en mettant à profit la flexibilité offerte par le numérique (Nissen, 2014).

D’après Peraya et al. (2012), six types de dispositifs hybrides peuvent être envisagés selon deux groupes : un groupe centré sur l’enseignement (une approche essentiellement transmissive) et un sur l’apprentissage (une approche plus interactive et basée sur la construction des savoirs). D’une part, nous observons dans le Campus Amue que l’hybridation prend la forme d’un soutien à un présentiel ce qui mobilise le type 1 (« la scène ») et le type 2 (« l’écran »). Ces deux types visent essentiellement un soutien d’une partie présentielle par l’ajout de ressources majoritairement textuelles (type 1) ou multimédias (type 2). Et d’autre part, en ce qui concerne le soutien au processus de construction des connaissances et sur les interactions interpersonnelles (type 4), la partie apprentissage est portée par le formateur en présence des formés, et non par la plateforme.

Instrumenter la formation : le choix de Moodle

Le choix de l’Agence s’est porté sur la solution Moodle. Il s’explique en raison de son importance dans l’Enseignement supérieur et la recherche en France : en 2016 Thierry Koscielniak, alors directeur de la pédagogie numérique à l’université Paris-Descartes estime à « 86 % le nombre d’universités françaises utilisant actuellement la plate-forme Moodle » (Educpros, 2016). Pour Campus Amue, Moodle est simplifié dans une perspective d’affordance (Paveau, 2012) afin de baisser la charge cognitive (Tricot, 1998) pour le formateur qui prend en main l’outil.

Les préconfigurations des sections des cours sur Moodle sous la forme de gabarits (cf. 4.4) donnent du sens aux formateurs en rendant explicites les exigences du GIP. Afin d’éviter que les gabarits apparaissent réducteurs pour des formateurs plus aguerris à la pratique de plateforme de formation, des rôles « progressifs » s’ajoutent : le formateur de « premier niveau » dispose des outils les plus courants alors que le formateur « avancé » dispose de l’ensemble des outils. Par défaut, l’ensemble des formateurs dispose du « premier niveau » alors que le « second niveau » est attribué de manière personnalisée dans l’accompagnement réalisé par les personnels de l’Agence.

Pourtant, le LMS ne suffit pas à développer des compétences pédagogiques d’où la mise en place dans un second temps de formation pour les formateurs qui le souhaitent. Campus Amue propose ainsi aux formateurs volontaires de suivre 5 modules de formation indépendants et certifiants portant notamment sur « Le corps et la voix pour communiquer » ou encore « Le numérique au service du travail collaboratif ». Chaque module peut être valorisé dans le cadre d’un master « Pratiques et Ingénierie de la Formation » porté par l’École Supérieure du Professorat et de l’Éducation Centre Val de Loire donnant lieu à une dispense de suivi pour les formateurs qui veulent s’engager vers la diplomation.

L’autonomie du formateur sur la plateforme de formation est cruciale et passe, pour nous, par une appropriation en termes d’usages numériques (Proulx, 2002). L’ensemble des recherches s’accorde pour dire que le quotidien ou le contexte au quotidien sont cruciaux concernant l’appropriation d’un objet technique (Bernoux, 1991). Ceci peut paraître paradoxal pour des formateurs occasionnels. Fort de cela, des tutoriels ont été produits en amont en tenant compte des usages de chacun, récoltés lors des sessions de travail. Ils ont pour but de faciliter l’appropriation de la plateforme, définie en amont par le concepteur du LMS (« état prescrit » et « état prévu ») et en aval par les formateurs (« état vécu » et « état perçu ») (Paquelin, 2009). L’objectif est de donc viser dans un premier temps les compétences instrumentales manipulatoires, qui « couvrent en premier lieu les compétences opérationnelles qui relèvent d’un savoir-faire de base » (Brotcorne et al., 2010, p. 12) essentiel. Pour l’usage de ce LMS, l’Amue considère que les compétences instrumentales sont : se connecter, rejoindre un cours, répondre au forum, éditer le cours, déposer des documents numériques et créer une activité simple. Cette approche permet de déplacer le centre de gravité de l’accompagnement prodigué au-delà des compétences instrumentales manipulatoires.

Afin de faciliter la conduite de ce changement, et limiter la quantité d’informations présentées aux formateurs, Campus Amue a été présenté en deux temps : le LMS a été présenté en septembre 2017 alors que les formations ont été présentées en septembre 2018.

Il était indispensable, dans ce temps contraint imposé par l’Amue, de mettre en place une supervision adaptée de manière à diminuer les éventuelles, mais inévitables tensions entre les formateurs et la politique de formation souhaitée par l’Agence.

Hypothèse : une supervision à travers les gabarits

Toujours selon le TLFi, le gabarit se définit comme un « vérificateur de forme et de dimension d’un objet ». Le terme comporte donc une dimension réglementaire par un contrat et normée dans le sens ou le gabarit s’applique à toutes les actions de formation menées par l’Amue, fournissant ainsi à l’usager une expérience homogène.

Le gabarit affiche systématiquement pour l’usager de la plateforme Moodle le choix d’hybridation de l’Amue. Il se matérialise par des icônes et images facilitant la mise à disposition de ressources en amont ou en aval de la formation ainsi qu’un temps pour des échanges (au moyen de forums), suivi d’un temps d’évaluation, rendus ainsi plus visibles et explicites.

Il personnalise et contribue à une grande liberté d’action (Bullich, 2018). Selon cet auteur les gabarits permettent d’uniformiser les enseignements proposés par la définition et l’application d’un standard de qualité formelle. Les gabarits correspondent à un objet technique mis en place avec une répartition des tâches (certaines rubriques sont complétées par les services de l’Agence) et une vision idéologique portant sur une expérience homogène pour tous les stagiaires et formateurs.

Dans le cas observé, l’adaptation de la plateforme Moodle propose systématiquement un gabarit aux formateurs qui est leur seul et unique point d’entrée. Elle se présente comme une structure de formation hybride et permet à chaque formateur d’introduire en ligne des contenus sans modifier l’ordonnancement global du gabarit organisé en cinq sections successives (Informations sur la formation, Forum d’annonces, Questionnaires, Ressources mises à disposition avant la formation, Ressources disponibles après la formation) systématiquement proposées. Le formateur occasionnel a la possibilité de faire un choix en rendant visibles ou non certaines parties ce qui contribuerait à la personnalisation de la formation.

L’ingénieur de formation peut ainsi vérifier la mise à disposition des contenus aux stagiaires, mais ne peut porter de jugement pédagogique sur la qualité de ceux-ci sans les ouvrir explicitement et sans échanger avec le formateur quant à ses objectifs. Ces contenus et cette organisation peuvent donc être regardés par les personnels de l’Amue, mais les ressources déposées ne sont pas discutées sans un échange entre le formateur et l’accompagnant de l’Amue.

Méthodologie mise en œuvre

Observations participantes et plurielles ?

Dans une approche systémique, nous abordons la complexité dans sa globalité sans isoler les composants de l’objet de recherche étudié. Ainsi, nous mettons en œuvre une méthodologie qui s’appuie sur une succession d’observations, mobilisant un champ interdisciplinaire emprunté aux sciences du langage, de l’éducation et de la formation et de l’information et de la communication.

Notre démarche épistémologique s’appuie sur une posture explicative qui « vise à mettre en lumière les relations entre phénomènes par le biais de l’observation d’enchainements réguliers » (Schurmans, 2009, p. 91). Appuyée sur un cas réel sur lequel nous cherchons des significations en analysant des interactions entre les acteurs sollicités, notre approche est ainsi inductive et interprétative. Nous nous inscrivons ainsi dans une perspective constructiviste, une « conception de la connaissance comprise comme un processus actif avant de l’être comme un résultat fini » (Piaget, 1970, p. 75).

Étudier un dispositif complexe d’accompagnement implique de disposer de multiples données tant d’un point de vue global que sur des points de détails ce qui nécessite de croiser les données collectées lors de la période analysée. Pour prendre en observation la complexité systémique qui est ici regardée et interprétée comme une étude de cas (Leplat, 2002), nous avons réalisé trois types de relevés de données durant l’étude réalisée.

Figure 1 : Plan de collectes de données

La première approche (1) fut de mener une observation participante correspondant à une ethnographie de la communication (Cefaï, 2010) ou plus particulièrement d’une ethnographie numérique sur une période s’étalant de septembre 2017 (correspondant au lancement du LMS de Campus Amue) à mai 2019 (correspondant à la fin des premières sessions de formation).

À un niveau plus approfondi, l’étude dans sa seconde approche (2) mêle des aspects quantitatifs et qualitatifs. Durant la période observée, les formateurs ont été regroupés en présentiel une fois par année universitaire (en septembre 2017 pour l’année 2017-2018 et septembre 2018 pour l’année 2018-2019). Le premier regroupement portait sur la présentation du dispositif global d’accompagnement et sur la prise en main du LMS de Campus Amue alors que le second regroupement présentait la formation des formateurs de ce dispositif. À l’issue de ces deux journées, deux enquêtes quantitatives anonymes (2a et 2d) ont été menées sur le LMS de Campus Amue. Elles ont recueilli 69% de réponses en 2017 (parmi les 52 présents) et 40% de réponses en 2018 (parmi les 40 présents).

En complément de ces enquêtes, une observation (2c) des usages des formateurs et des démarches de changement mises en œuvre durant la période observée a été effectuée entre septembre 2017 et mars 2018 lors des premiers mois suivant le déploiement du LMS Campus Amue. Ainsi, ce sont près de 254 espaces de formations qui ont été observés afin de voir les principales fonctionnalités utilisées dans les gabarits de formations, mais aussi de mesurer les changements opérés sur cette période. Une série d’entretiens (2b) qualitatifs complète ces enquêtes. Elle a été menée auprès des personnels de l’Amue chargés de l’accompagnement et de la supervision des formateurs. Ils ont été interrogés une heure par semaine entre septembre 2017 et mars 2018 durant les premiers mois du déploiement du LMS Campus Amue. Cependant, les enquêtes (2a et 2d) ne prennent en compte que les formateurs qui ont participé aux deux regroupements présentiels ce qui constitue une première limite. En effet, les deux regroupements présentiels ont respectivement rassemblé 28,9 % des formateurs en 2017 et 22,2 % des formateurs en 2018 ce qui ne permet pas d’apprécier globalement le dispositif.

La troisième approche (3) concerne la perception globale de Campus Amue de manière qualitative et quantitative. Dans un premier temps, les aspects quantitatifs sont abordés au moyen d’une enquête anonyme (3a) en ligne, adressée aux 180 formateurs actifs de l’Amue en avril 2019. Elle a reçu un taux de réponse de 31,6 % et visait essentiellement à cerner la représentation qu’ont les formateurs de leurs interventions à l’Amue ainsi que leur perception du dispositif à travers des questions fermées ou à réponses courtes demandant un rapide point de vue sur des éléments ciblés. Cette enquête a été complétée par un focus group (3b) qui constitue l’aspect qualitatif de notre troisième approche grâce à l’analyse des représentations sociales « construites, transmises, transformées et soutenues dans les processus communicationnels » (Linell, 2001). Il a été organisé durant deux heures en mai 2019 avec quatre formateurs ayant répondu à l’enquête. Nous définissons le focus group comme « une discussion de groupe ouverte, organisée dans le but de cerner un sujet ou une série de questions pertinentes pour une recherche » (Kitzinger, Markova et Kalampalikis, 2004, p 237) où le chercheur « utilise explicitement l’interaction entre les participants, à la fois comme moyen de recueil des données et comme point de focalisation dans l’analyse » (Kitzinger, Markova et Kalampalikis, 2004, p 237). Nous avons suivi les préconisations de ces auteurs quant à la composition du focus group (3b) et avons constitué un groupe homogène de formateurs occasionnels « afin de capitaliser l’expérience de tous les membres » et ainsi d’analyser les représentations sociales (Moscovici, 1984). Le focus group (3b) était donc composé de deux formateurs avec ancienneté (l’un engagé dans le dispositif Campus Amue et l’autre non engagé) et de deux nouveaux formateurs (l’un engagé dans le dispositif Campus Amue et l’autre non engagé dans celui-ci) appartenant au domaine de la scolarité. Les échanges ont eu lieu en visioconférence et ont été retranscrits.

Résultats de l’étude

L’analyse des différentes données recueillies laisse apparaître quatre composants fondateurs d’une supervision adaptée à cette étude de cas.

Les « formateurs » occasionnels cooptés et peu disponibles

L’étude montre que 63% des formateurs occasionnels (3a) se jugent experts des contenus de formation et considèrent que leur expertise suffit à devenir formateur (3a). Cependant, pour certains, ils ne se perçoivent pas professionnels de la formation dans le sens où nous ressentons qu’ils se considèrent comme n’ayant pas été formés pour transmettre leurs connaissances.

À un autre niveau, ces mêmes formateurs sont recrutés majoritairement par recommandation puisque dans l’enquête (3a), 77,6 % ont été recommandés soit par un personnel de l’Agence, soit un réseau professionnel soit par un formateur déjà engagé : ceci permet selon les mots de l’un d’entre eux « d’aller chercher la richesse là où elle est à savoir dans les établissements en privilégiant les formateurs experts » (3b). En effet, il s’agit surtout pour eux d’enrichir leur expertise grâce aux échanges qui se mettent en place lors des formations qui leur permettent de se confronter à d’autres contextes que leur environnement habituel (3b).

Par ailleurs, nous notons une difficulté de mobilisation en raison du caractère secondaire de leur activité, car plus de 56% assurent entre 1 et 9 jours de formation depuis leur recrutement en dépit de leur ancienneté dans la collaboration avec l’Agence (3a). L’indisponibilité est renforcée par les multiples tâches assurées puisqu’en plus de leurs missions ordinaires, ils sont près de 75,6% à concilier l’animation de formations internes à leur établissement et de formations pour le compte de l’Agence. Elle est renforcée par les difficultés à renouveler un vivier de formateurs relativement ancien où seuls 42,1% des formateurs (3a) sont engagés depuis moins de 3 ans alors que 33,3% forment depuis plus de 6 ans.

Ces trois points montrent que la stratégie de formation de l’Amue repose sur des « prescripteurs de fin de chaîne » très occupés et non permanents dans la structure. Ils s’engagent donc dans des formations mutualisées (3a, 3b), car ils sont « sensibles à cette valeur », mais aussi « au plaisir de l’échange », de la transmission ou par « volonté de reconnaissance voire d’une légitimité » supérieure à celle ressentie dans leur établissement.

Dispositif de formation porté finalement acceptée des formateurs

Lors du premier regroupement des formateurs en septembre 2017, la totalité de la stratégie de formation a été communiquée aux formateurs occasionnels présents. Ainsi, la nouvelle stratégie de l’Amue a été présentée après un état des lieux du système existant mettant en évidence la densité des supports de formations créés (car englobant dans des documents de différentes natures tels que présentation, notice, capture d’écran, tutoriels, textes réglementaires, etc.) ainsi que le caractère anecdotique des échanges entre les stagiaires et les formateurs en amont et en aval de la formation. Un communiqué ayant été effectué pour les formateurs non présents à ce regroupement, nous pouvons donc avancer que la stratégie est connue de la majorité des formateurs même si elle n’a pas été bien accueillie dans son ensemble. En effet, les formateurs pointaient lors du premier regroupement le fait qu’on leur en demande « trop », qu’ils ne se sentent « pas à la hauteur » et ne sont « pas des profs ».

Lors du deuxième regroupement des formateurs en septembre 2018, les formateurs n’ont pas fait preuve de la même hostilité vis-à-vis de la stratégie de formation et du dispositif Campus Amue ce que nous pouvons interpréter comme un début d’acceptation.

Le début de l’acceptation se confirme dans l’enquête (3a) qui montre que, bien que 73,7% des formateurs jugent que le LMS de Campus Amue demande un effort de prise en main, celui-ci est utile pour les stagiaires pour 59,6% d’entre eux et permet de faire évoluer les pratiques pédagogiques de 56,1% des formateurs. Ces chiffres révèlent d’autant plus une acceptation de la stratégie de l’Agence que l’enquête (3a) était anonyme ce qui a permis une expression libre des formateurs. Ainsi, seuls 2 sur 57 répondants ont rapporté des sentiments négatifs en jugeant la politique de formation « au ras des pâquerettes » ou « exploitant les formateurs ». Nous pouvons donc gager que les formateurs ont fini par accepter la stratégie de formation en dépit de leurs réserves initiales.

Retour sur l’accompagnement technologique

La plateforme rationalise au sein d’un même espace les outils différents utilisés précédemment (messagerie, liste de diffusion, service d’échange de fichiers volumineux) ce qui constitue un progrès pour les formateurs. À l’issue du regroupement présentiel de septembre 2017, l’enquête (2a) indique que les participants apprécient la création du LMS « qui permet de faire un lien plus simple entre les formateurs, l’Amue et les futurs stagiaires ». Ces éléments ont été confirmés lors du focus group (3b) et par une augmentation dans l’usage du LMS (2c) : 159 sessions en 2017-2018 et 190 en 2018-2019. C’est un signe important d’adoption par les formateurs occasionnels.

En ce qui concerne la plateforme, elle est jugée comme « conviviale » et « facile à prendre en main » selon les données de l’enquête (2a) complétée par celles des entretiens (2b) au cours desquels les personnels permanents de l’Agence confirment le bon accueil réservé en indiquant « n’avoir aucune difficulté avec les formateurs pour leur présenter le dispositif ». À la question « est-ce que la plateforme est utile ? » (3a), sur 57 acteurs interrogés, 8 disent « oui bien sûr » et 26 disent « un peu ». Par ailleurs, 60 % des personnes disent que cela a un intérêt pédagogique que nous traiterons dans le paragraphe suivant.

La prise en main de la plateforme (début de l’exploitation) pour un formateur débutant est estimée à 10 à 20 minutes par les personnels de l’Amue. Néanmoins, l’autonomie des formateurs occasionnels sur la plateforme ne serait pas acquise en termes de compétences (Tardif, 2006, p. 22) définies comme « savoir-agir complexe reposant sur la mobilisation et la combinaison efficaces d’une variété de ressources internes et externes à l’intérieur d’une famille de situation ». En effet, la fréquence ponctuelle des formations dont ils sont en responsabilité ne leur permet pas d’exercer d’assurer l’autonomie technique (Albero, 2000) de type « où cliquer pour passer en mode édition ? ».

Cependant, les formateurs occasionnels n’ont pas conscience que Moodle constitue la solution technologique du LMS de Campus Amue (3b) et ne se tournent pas vers les services d’appui à la pédagogie de leur établissement pour solliciter de l’aide. Dans le cadre du focus group (3b), les formateurs ont regretté de ne pas avoir conscience que Moodle était la solution technique utilisée pour construire le LMS de Campus Amue. L’Agence pensait que la présence de Moodle dans les universités fonctionnerait comme un élément facilitateur d’adoption du LMS de Campus Amue. Il s’avère finalement que la personnalisation à travers notamment les gabarits a fait écran : la pratique de Moodle que certains avaient n’a pas été transférée.

Dans l’observation des usages des gabarits du LMS (2c), en ce qui concerne le gabarit, seulement 3% des formateurs occasionnels ont souhaité les personnaliser à leur besoin de formation (ajout d’un module test sous Moodle, initialement non prévu). Le gabarit conçu convient donc aux formateurs occasionnels qui ne sollicitent aucune évolution de celui-ci, peut-être par méconnaissance des possibilités ou par respect de leur position de mise en œuvre de la stratégie de l’Agence.

Retour sur l’accompagnement pédagogique

D’après l’étude, l’accompagnement pédagogique (modules de formation, tutorat des ingénieurs de formation de l’Amue, et les activités suggérées par le gabarit de la plateforme) est individualisé par les formateurs dont l’un d’entre eux indique qu’il a « pris goût au métier de formateur » (3b) suite à celui-ci.

Les modules apportent un complément de formation, mais ils sont sous-utilisés : les premières sessions programmées ont respectivement rassemblé 11 et 13 inscrits alors que 25 places étaient proposées et que la planification a été concertée avec les formateurs. Les formateurs inscrits sont quasiment les mêmes sur deux de ces modules : ce qui pour nous à ce stade laisse penser à un souhait de professionnalisation de leur part par la diplomation. En effet, dans le focus group (3b), il est confirmé que les acteurs sollicités n’ont pas été formés pour enseigner. Certains ont une expérience professionnelle personnelle de formateurs et d’autres aucune. Certains ont un intérêt pour le contenu véhiculé (les savoirs, les supports) et moins pour la démarche pédagogique qui pourrait lui être associé (appétence pour la pédagogie, mais pas d’expérience) : 100% des formateurs déclarent avoir un intérêt pour « Transmettre ses compétences » (3a) alors que seuls 27% des personnes interrogées ont participé (ou indiqué leur souhait de participer) aux modules de formations pédagogiques proposées par l’Amue (3a).

Vu par les personnels qui le délivre (2b), le tutorat concerne essentiellement une redite au niveau technologique plutôt que sur le plan pédagogique. Le manque d’appétence pour les questions pédagogiques est confirmé par l’enquête (3a) puisque sur 57 personnes interrogées, 18 affirment « ma seule expertise me suffit ». On peut donc en déduire que pour eux, il suffit d’être expert d’un domaine disciplinaire pour être formateur. Les questions pédagogiques semblent donc ne pas les intéresser pour la majorité ce qui apporte un élément d’explication complémentaire au manque de suivi des modules de formation. Cependant, le focus group (3b) a montré qu’il existe un nombre restreint de formateurs intéressés par les questions pédagogiques en raison de leur vécu personnel. Certains ont eu une expérience d’enseignant, ils ont été sensibilisés au fait que la formation requiert une réflexion pédagogique en amont. Ainsi, ils acceptent un accompagnement pédagogique, tel que le définit Paul (2009).

Discussion

En synthèse des résultats de cette étude, nous qualifions la supervision à l’Amue de « douce », terme qui au sens du TLFI recouvre ce « qui n’est pas brusque, qui est facile à gravir, qui reste modéré ». Celle-ci prend forme à travers six niveaux.

Ces données nous amènent à caractériser la supervision douce comme un accompagnement visant l’autonomie technologique et pédagogique du formateur occasionnel dans un contexte très tendu permettant davantage que le formateur soit dans l’acceptation et l’adoption du changement. Elle ne bouscule ni l’individu qui pratique une appropriation au rythme de son besoin ni la politique qui impose une marche forcée.

Nous percevons deux difficultés essentielles dans la mise en place de cette supervision douce. La première se situe au niveau de l’expertise des formateurs qualifiée comme forte par eux. Cette expertise aurait pour effet d’annihiler l’effet de l’accompagnement et de développer chez les agents de l’Amue un paradoxe entre l’accompagnement et la supervision. La seconde consiste à ce que les personnels de l’Amue n’occupent pas une position leur permettant de dire à un formateur qu’il n’est plus compétent pour assurer ces fonctions. Au sein de la supervision, il faudrait identifier des éléments factuels qui donneraient les moyens à la structure de prendre des décisions pour changer un formateur en décalage avec la politique de formation de l’Agence.

Conclusion

À travers notre étude de cas, notre objectif était d’entrer en compréhension d’un dispositif d’accompagnement des formateurs occasionnels de l’enseignement supérieur. Dans ce contexte, nous nous sommes permis de caractériser un type de supervision, la supervision douce comme un accompagnement visant l’autonomie technologique et pédagogique du formateur occasionnel, un délicat équilibre entre tension et lâcher-prise maintenu par l’ensemble des acteurs présents, tous les agissants, matériels, immatériels ou humains, sur le système.

Cependant, nous reconnaissons la limite de notre proposition d’un point de vue méthodologique liée à la durée observée et à la forte spécificité des formateurs de l’Agence. Par ailleurs, tous les domaines de formation ne sont pas couverts équitablement. Notre approche se heurte à une difficulté de généralisation à un contexte proche issu de l’ESR ou plus éloigné dans le domaine de la formation continue et professionnelle. Pour autant nous percevons des similitudes avec celles liées à la non-diffusion des technologies numériques à l’Université. De tels changements dans les universités s’étalent sur des décennies et il est nécessaire de construire une relation sur le long terme avec les formateurs pour espérer faire évoluer ces aspects.

Outre ces limites, il est intéressant de se pencher sur des indicateurs pour définir une supervision douce permettant l’atteinte des objectifs politiques, mais aussi une autonomie des formateurs occasionnels. Il serait également souhaitable de mettre en place un outil permettant au formateur de situer son évolution en termes de degré d’autonomie, et d’envisager, le cas échéant, des conditions bienveillantes de sortie au moyen d’un contrat entre le formateur et l’Agence. Ce contrat pourrait être signé lors des premières formations assurées pour l’Agence par les formateurs afin d’être partagé dès le début de la collaboration.

Dans les travaux ultérieurs, conscient que l’enjeu est de dégager des pistes d’évolution des pratiques pédagogiques de formation de manière durable, nous devrons prendre garde à ce que ce type de supervision dure dans le temps, mais soit évolutive. C’est un travail progressif sur le long terme qui est à envisager avec les formateurs, avec l’Agence, en insistant sur ce qui peut être observé à savoir, à ce jour, l’utilisation de la plateforme pour mettre les documents à disposition des stagiaires, ou d’autres formes à déterminer à ce jour.

Bibliographie

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