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Élaboration d’une échelle de mesure de la motivation dans un dispositif de cours en ligne ouvert et massif (EMOC-CLOM) en contexte francophone

Un article repris de http://journals.openedition.org/dms/8739

En se référant à la théorie de l’autodétermination, cette recherche propose l’élaboration d’une échelle de mesure de la motivation dans un contexte de cours en ligne ouvert et massif (EMOC-CLOM) en contexte francophone. Deux collectes de données ont été menées (N = 659 et 324) auprès d’apprenants inscrits dans le cadre du MOOC « Préparer et réussir le DELF B2 et le DALF C1 » de l’Université de Jendouba (Tunisie). Nous proposons une échelle de 16 items autour de quatre variables motivationnelles : la motivation intrinsèque, la motivation extrinsèque à régulation identifiée, la motivation extrinsèque à régulation externe et l’amotivation. Les résultats des différentes analyses statistiques, conformément au protocole de Churchill, ont montré que l’échelle proposée satisfait aux critères de fiabilité communément admis.

Un articlehttp://journals.openedition.org/dms/8739 repris de la revue Distances et médiations des savoirs, une publication sous licence CC by sa

Mejdi Ayari, Beatrice Mabilon-Bonfils et Laurent Jeannin, « Élaboration d’une échelle de mesure de la motivation dans un dispositif de cours en ligne ouvert et massif (EMOC-CLOM) en contexte francophone », Distances et médiations des savoirs [En ligne], 41 | 2023, mis en ligne le 18 mars 2023, consulté le 19 mars 2023. URL : http://journals.openedition.org/dms/8739 ; DOI : https://doi.org/10.4000/dms.8739

Introduction

Les cours en ligne ouverts et massifs (CLOM/MOOC) constituent un phénomène récent, mais ils suscitent déjà d’énormes attentes voire sont considérés comme une « révolution » (Friedman, 2012) qui offrira des possibilités d’apprentissage à un grand nombre de personnes partout dans le monde. Cependant le taux d’abandon annoncé par les porteurs de projets de MOOC est très élevé : pas moins de 90 % des participants n’arrivent pas à achever leurs cours (Liyanagunawardena et al., 2013) ce qui pose des questions sur l’efficacité d’un tel dispositif d’apprentissage. L’un des premiers rapports publiés à partir de données enregistrées sur 17 cours de HarvardX et MITX (Ho et al., 2014) fait état de 841 587 inscriptions, dont 5 % ont obtenu le certificat, 4 % ont échoué bien qu’ayant suivi au moins la moitié du cours, 56 % ont suivi moins de la moitié du cours, et 35 % des inscrits ne se sont jamais connectés.

Ce taux d’abandon demeure élevé dans des études plus récentes : conformément aux données provenant de XuetangX, l’une des plus grandes plateformes MOOC en Chine, entre 91 % et 93 % des participants n’arrivent pas à achever leurs cours (Goel et Goyal, 2020). Dans une deuxième étude, relative à un cours populaire appelé “Introduction à l’informatique” a été proposé en MOOC par la prestigieuse université de Harvard et malgré le nombre élevé d’inscriptions (150 000), plus de 90 % des inscrits n’ont jamais terminé le cours (Narayanasamy et Elçi, 2020). Selon les articles analysés les raisons de l’abandon peuvent être liées aux contraintes d’un dispositif de formation de type MOOC (absence de tutorat, manque d’interaction entre les pairs, absence de vérification des prérequis pour accéder au MOOC, etc.), mais aussi peuvent se référer à des raisons liées à la manière avec laquelle l’apprenant autodirige son apprentissage. En se référant au modèle d’autodirection de l’apprentissage de Carré (2003) ainsi qu’à la théorie de l’autodétermination (TAD) de Deci et Ryan (2004) nous proposons la conception d’une échelle de mesure de la motivation, afin qu’elle puisse être utilisée pour mesurer le niveau de l’autodétermination préalable des apprenants des MOOC. Nous nous intéressons au développement d’une telle échelle pour répondre à la quasi-absence, jusqu’à ce jour, d’un outil francophone pour évaluer la motivation des apprenants dans un dispositif de formation de type MOOC. Cependant une des rares échelles répondant à notre problématique, est l’Échelle de Motivation en Formation d’Adultes/EMFA (Fenouillet et al., 2015), ses auteurs proposent d’étendre son utilisation dans le contexte des MOOCs car ce genre de dispositifs s’adresse aussi à la formation des adultes.

Dans une première partie nous présenterons une rapide analyse de la littérature sur les échelles de mesure de la motivation, puis une présentation du modèle théorique mobilisé, à savoir la théorie de l’autodétermination. Cette première partie sera suivie par une présentation de la méthodologie choisie pour la construction de l’échelle de mesure, en se référant à la méthode définie par le paradigme de Churchill (Churchill, 1979). Les résultats de l’application de cette méthodologie seront détaillés dans la troisième partie, tout en respectant les étapes nécessaires à la validation de l’échelle proposée, via une analyse en composantes principales ainsi qu’une analyse factorielle confirmatoire. Nous terminerons le présent article par une discussion de nos différents résultats de recherche tout en essayant de poser les limites et les perspectives de l’échelle de mesure proposée.
Cadre théorique

L’apprentissage autodirigé recouvre un champ d’études majeur de l’apprentissage des adultes, propulsé à l’avant-scène par Knowles (1975) à la suite des travaux de ses prédécesseurs dans les années 1960. L’importance des travaux sur l’autodirection a été éclairée dans la communauté francophone par Philippe Carré (2003) qui s’est intéressé surtout à l’autodirection de l’apprenant et surtout aux aspects relatifs à ses dispositions à apprendre, ses intentions, motivations, cognitions et régulations motivationnelles et cognitives (Kaplan et Carré, 2009).

Carré (2003) propose donc de conceptualiser l’apprentissage autodirigé à partir d’une double dimension : autodétermination « pré-comportementale » de l’engagement d’un côté, autorégulation « volitionnelle » de l’action de l’autre. Cela signifie que pour entrer et se maintenir en autoformation, il est nécessaire d’être porté par un projet personnel fort, déterminé par une volonté intrinsèque ou extrinsèque, mais identifiée ou intégrée et de développer différentes stratégies d’autorégulation pour pouvoir apprendre.

Carré ajoute à ce propos que « l’apprenant autodirigé est à la fois fortement engagé dans son propre projet (autodétermination), armé de techniques et de ressources cognitives, matérielles et humaines dont il est capable de réguler les usages en fonction de ses propres objectifs (autorégulation), le tout étant fortement soutenu et dynamisé par un sentiment affirmé de son efficacité personnelle à apprendre. » (Carré, 2003, p. 89)

Le schéma ci-dessous résume cette articulation :

Figure 1. La double dimension de l’autodirection en formation d’après Carré (2003)

La composante motivationnelle, dans le modèle ci-dessus, présente une importance majeure. Cette composante se réfère aux travaux de recherche de Deci et Ryan (Deci et Ryan, 2002) regroupés sous une théorie appelée la théorie de l’autodétermination (TAD).

La TAD s’appuie sur le postulat que l’être humain est par nature un être proactif qui peut agir sur et maitriser les forces internes et externes qu’il rencontre au lieu d’être passivement contrôlé par celles-ci (Camus et al., 2017). La TAD propose l’existence de trois grandes familles de motivation :

 La motivation intrinsèque, c’est la plus autodéterminée : elle se manifeste lorsqu’on s’engage dans une tâche parce qu’on la trouve intéressante et qu’elle nous apporte satisfaction ou plaisir.

 La motivation extrinsèque, à l’inverse de la motivation intrinsèque, permet à l’apprenant de s’impliquer suite à un facteur extérieur tel que par exemple pour obtenir une récompense ou éviter une sanction.

- L’amotivation, correspond à l’absence de motivation, c’est-à-dire que la personne ne trouve pas de lien entre la tâche faite et l’intérêt que peut procurer une telle tâche.

Deci et Ryan (1985) ont proposé trois types de motivations extrinsèques qui se situent sur un continuum de motivation autodéterminée et cela en allant du degré le plus élevé de motivation autodéterminée au plus faible, c’est-à-dire : la régulation identifiée, la régulation introjectée et la régulation externe ».

Ainsi, la première forme de motivation extrinsèque est la régulation intégrée où le sujet choisit de son propre gré de s’engager dans une activité, car elle correspond à ses propres motifs ou besoins internes, par exemple : « je participe à cette activité parce que ça peut me procurer une nouvelle compétence ».

La deuxième forme est la motivation extrinsèque à régulation identifiée (MERID). Elle implique que « le sujet s’engage parce qu’il juge l’activité valable et qu’il a identifié l’importance de son engagement » (Ryan et Deci, 2000), par exemple : « je participe parce que ce que j’y apprends me sera utile pour plus tard ».

La troisième forme est la motivation à régulation introjectée qui implique que l’individu s’engage dans une activité « pour éviter des sentiments négatifs, tels que la culpabilité, ou pour chercher l’approbation des autres » (Wang et Biddle, 2001).

La dernière forme, où l’aspect auto-déterminé est complètement absent, est une motivation extrinsèque à régulation externe qui caractérise l’individu qui est motivé « par des éléments extérieurs à l’activité comme des récompenses matérielles ou l’évitement de punitions » (Ryan et Deci, 2000).

Ces différents niveaux d’autodétermination ont été schématisés par Deci et Ryan dans un schéma appelé le continuum de l’autodétermination (voir figure ci-dessous)

Figure 2. Continuum de l’autodétermination avec les différents types de motivation et de régulation (Deci et Ryan, 2000)


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Licence : CC by-sa

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