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Normaliens de Saint-Cloud : un mémorial de la Grande Guerre

Un article repris de https://ahl.hypotheses.org/361

par Olivia Moreels, Pierre-Paul Samaille et Deborah Tant

Le site internet des Normaliens de Saint-Cloud morts pour la France repose, à l’origine, sur un projet étudiant effectuant un travail de recherche historique à partir de la plaque commémorative des Normaliens de Saint-Cloud, érigée en 1920 dans les locaux de l’Ecole Normale Supérieure (ENS) à Saint-Cloud et transférée en 2008 dans le hall de cette dernière qui a déménagé à Lyon en 2000.

Bandeau d’accueil du site

L’école de Saint-Cloud, instituée par décret du 22 mars 1882, a été transformée en École Normale Supérieure de l’ enseignement primaire par décret du 18 janvier 1887. Destinée à la formation des professeurs des écoles normales primaires et primaires supérieures, elle recrutait sur concours, chaque année, deux promotions en lettres et sciences, à l’origine parmi des instituteurs déjà en poste1. L’école comporte aussi des cours de préparation militaire alors que la loi de 1905 institue l’égalité de tous devant les obligations militaires. Les élèves normaliens effectuaient une année de service militaire, une fois le concours obtenu, dans les régiments d’infanterie, comme simple soldat dans un corps de troupe.

Le site étudié a une vocation pédagogique dans le cadre d’une initiation à la recherche de normaliens de première année : nous y trouvons sept rubriques présentant le projet et les aboutissements des recherches des étudiants mobilisés sur le projet. Les rubriques portent sur les sources disponibles (rubriques « Le Monument », « Le Projet »), la méthodologie employée (rubrique « Le Projet »), l’aboutissement de ces recherches (rubriques « Articles de synthèse », « Cartes »).

La mise en page du site est simple, sobre, peu attrayante. Sur la page d’accueil, une section « à télécharger » est toujours annoncée « en construction » et ne comporte aucun lien actif, de même que le pied de page censé renvoyer aux « crédits » et aux « mentions légales ». Seuls le nom de la personne morale et la date de création sont mentionnées.

Dimensions techniques de la recherche

Acteurs et objectifs

Ce site a été réalisé par dix-sept élèves de première année d’histoire, entrés à l’ENS de Lyon en septembre 2013. Leurs noms sont repris dans la page « contributeurs » du projet de recherche qu’ils ont rédigée ainsi que ceux des trois enseignants qui les ont encadrés : Jean-Luc Pinol (Professeur d’histoire contemporaine), Emmanuelle Picard (Maîtresse de conférences en histoire contemporaine) et Solenn Huitric (Doctorante en histoire contemporaine). Six membres de la Direction des Services Informatiques et de l’Institut Français de l’Éducation, intégré à l’ENS de Lyon, ont apporté leur concours au projet, sous la forme d’une assistance technique dans l’organisation et la protection du site, ainsi que d’un point de vue pédagogique.

Deux objectifs ont présidé à la réalisation site : former les étudiants à la recherche (rassembler les données, les synthétiser et les traiter selon les méthodes scientifiques propres à la discipline historique) ; et les initier aux humanités numériques (créer un site web pour mettre, à disposition de tous, les informations collectées sur les élèves morts pour la France durant la Grande Guerre et pérenniser leur souvenir sous forme d’un mémorial virtuel).

Plusieurs types de sources ont été mobilisées par les étudiants :

  • Livre d'or de l'ENS

    Livre d’or de l’ENS (capture reprise sur le site Les normaliens de Saint-Cloud…)

    La plaque commémorative qui est une plaque en mosaïque commandée à l’artiste Paul Landowski, érigée en 1920 dans les locaux de l’ENS à Saint-Cloud.

  • Des archives écrites comme celles de la manufacture de Sèvres et du Musée National de la Céramique2
  • Les registres d’état civil détenus dans les mairies font également parties des sources utilisées par les étudiants3
  • Les registres matricules numérisés, source privilégiée des parcours militaire des français des XIXe et XXe siècles
  • Le Livre d’Or 1914-1918 de l’ENS4 regroupant les biographies, les informations personnelles et scolaires des 101 normaliens « morts pour la France ». Ce Livre d’Or est présenté officiellement lors de la cérémonie d’inauguration du monument le 1er novembre 1920.
  • Le Journal de l’Association des anciens élèves de Saint-Cloud, qui est publié depuis 1905.
  • Des bases de données, comme « Mémoire des Hommes », qui regroupe plus d’un million de fiches des « Morts pour la France » de la Première Guerre mondiale et donc, ici, l’utilisation de fiches individuelles de 101 poilus à partir de la base de données numérisées et indexées, créée par le ministère des Anciens Combattants
  • Enfin le témoignage oral d’anciens élèves ayant participé à la construction mémorielle de l’école ; source importante permettant de replacer les événements dans leur contexte et qui fut associée aux sources écrites.

Les problématiques soulignées au sein de la recherche

L’aboutissement de ces recherches fut la construction de ce site internet qui constitue un mémorial virtuel des 101 normaliens morts pour la France à partir du monument commémoratif installé dans le hall de l’ENS à Lyon, mais aussi la rédaction d’une série de 10 articles de synthèse consacrés à « l’expérience de guerre et à sa mémoire » : du « service militaire » au « Bulletin de guerre de l’Amicale« en passant par une « analyse statistique des décès« . Ces articles de synthèse sont dans l’ensemble assez détaillés avec des références en bas de page ou des liens internet, enrichis par des illustrations, des photographies ainsi que par la création de tableaux de statistiques et de graphiques à l’appui des arguments avancés.

La réalisation de cartes est à l’image de la cartographie des monuments aux morts proposé sur le site de la Mission Centenaire, réalisée en partenariat avec l’IRHiS et l’université de Lille 35 . On retrouve, ici, l’utilisation d’une carte type « Google Maps » que l’on peut créer à partir d’une interface accessible pour peu que l’on dispose d’un compte Google. Le positionnement de points géo-référencés sur la carte permet un renvoi vers un lien qui situe le lieu et la date de naissance de chacun des normaliens morts pour la France. On constate que ceux-ci viennent de toutes les régions de la métropole, un est né en Belgique et deux d’entre-deux sont nés en Algérie. Une autre carte, sur le même principe, répertorie le lieu et la date de décès Pour l’immense majorité d’entre-eux, la mort survient sur les champs de bataille des frontières nord et est de la France et sur la frontière belge. Deux sont décédés en Allemagne et un en Grèce.

Carte des décès

Capture réalisée à partir de la carte des lieux de décès sur le site

Deux interrogations semblent avoir guidé les étudiants dans la réalisation de ce projet : quelles sources mobiliser ? et comment restituer cette production ?

Ils se sont également intéressés aux problématiques liées à l’avant-guerre des soldats. De la naissance jusqu’à la mobilisation, il s’agit d’étudier l’évolution sociale, intellectuelle et professionnelle des militaires : étude des implications du passage à l’École Normale de Saint-Cloud et du parcours professionnel jusqu’à la mobilisation, mais également les engagements politiques éventuels dans la France d’avant-guerre. Il s’agit de déterminer en quoi cette population est ou n’est pas une population originale par rapport au reste des soldats mobilisés à l’aube de la Grande Guerre. Cette démarche est ainsi comparable au travail de Nicolas Mariot6 consacré aux étudiants de la rue d’ULM et analysant leur répartition par âge, année de décès, grade et type de mort.

Les modalités de diffusion de la recherche

Les apprentis chercheurs ont dû, également, prendre en compte les exigences d’un support internet ce qui les amène à devoir déterminer le public auquel ils souhaitent s’adresser, dans le contexte particulier de la commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale.

Leur travail semble surtout consister en la réalisation d’une enquête collective à visée pédagogique plutôt que viser une diffusion vers le grand public. Il a, par ailleurs, permis de corriger certaines erreurs biographiques en croisant les sources primaires issues des registres d’état-civil et matricules, des fiches « morts pour la France » et du Livre d’Or et faire, ainsi, un travail critique de réappropriation des sources lors de la réalisation de la fiche de synthèse de chacun des normaliens étudiés. On peut citer, parmi ces erreurs, des inversions de nom et de matricule ou des prénoms erronés lors de la saisie au bureau de recrutement. Certains registres avaient été détruits ou perdus, d’autres ne sont pas numérisés et nécessitent un contact direct avec les municipalités concernées.

On peut également évoquer les difficultés d’indexation liées, par exemple, au redécoupage des départements ou des villes depuis 1914 et qui nécessitent de définir des normes de numérisation en amont du travail lui-même : Faut-il utiliser les informations d’époque ou récentes ? Comment faire état, par exemple, des variations du statut des Mosellans, annexés par l’Empire allemand en 1871, soumis à un nouveau découpage administratif en 1919 ? Ce choix n’est pas précisé mais reprend, sur les cartes, le découpage administratif actuel sans évoquer le cas particulier de l’Alsace-Lorraine en 1914.

La présentation de ce projet de recherche révèle les étapes de la démarche des étudiants, leurs doutes, les balbutiements et certaines de leurs problématiques, notamment méthodologiques : Existe-t-il un statut-type du normalien au sein de l’armée ? Faut-il s’inscrire dans le cadre d’un commémoration nationale ou institutionnelle ? C’est à l’élaboration d’un carnet d’apprentissage du métier d’historien qu’ils nous invitent, ce qui amène à considérer les divers champs historiographiques concernés.

Les enjeux historiographiques

Une pluralité d’histoires en jeu

C’est tout d’abord, une histoire sociale ainsi qu’une histoire de l’éducation qui sont proposées ici : cette recherche permet de s’interroger sur la place de l’éducation militaire dans la société de l’époque et dans les grandes écoles. La question du service militaire renvoie clairement, dans le cas des Normaliens de Saint-Cloud à la figure complexe du soldat / intellectuel. Il s’agit donc d’interroger ce statut qui contribue au renforcement d’un certain esprit de corps au sein de l’institution normalienne.

L’histoire et l’historiographie de la mémoire constituent également un axe majeur de réflexion menée par ces étudiants. En effet, les élèves de l’ENS Lyon ont insisté grandement sur le rôle à la fois social, culturel et anthropologique de la commémoration. Car celle-ci s’incarne matériellement dans cette plaque qui devient, alors, objet à la fois matériel et intellectuel de mémoire. Cette commémoration veut être un outil de « construction mémorielle de l’école », un désir « d’auto-célébration » pour reprendre les termes employés par les étudiants, « un hommage à la communauté faite à elle-même » rendu possible par cet « esprit de corps et l’investissement d’individualités ». La commémoration comme moyen de « construction mémorielle de l’école » permet à l’historien de se poser la question du rôle de la mémoire au sein des écoles, et plus largement, au sein de la République Française, de son importance pour le maintien de ce que l’on appelle le ‘mythe républicain’, un rôle qui apparaît, par le biais de ce site, comme formateur et extrêmement fédérateur.

Cette question de la matérialité de la mémoire pose également la question d’une histoire matérielle de la commémoration : « Comment la mémoire s’incarne t-elle dans l’espace public ? ».

Un travail de reconstitution du récit historique par l’étude de la mémoire

Les étudiants-chercheurs mobilisés sur ce projet ont dû travailler sur de nombreuses sources de nature différente, qui contribuèrent toutes à faire le lien entre une connaissance un peu plus profonde de la Grande Guerre et celle de la génération de normaliens qui y ont participé. Ils rejoignent, ici, le travail de Nicolas Mariot sur leurs collègues de la rue d’Ulm que nous citions plus haut. On peut, aussi, rappeler l’étude de Jean-François Condette7 consacrée à la mobilisation des acteurs éducatifs (enseignants, cadres et étudiants). Plusieurs interrogations s’en sont suivies dans ce parcours de (re-)création du récit historique par le biais de l’étude de la mémoire.

Tout d’abord, une interrogation quant au parcours des normaliens pendant la guerre. Existe-t-il un statut-type ? Il existe, en fait, trois types de normaliens soldats : d’une part, les engagés volontaires (qui restent minoritaires, voire marginaux) et les normaliens ayant usé de leur droit à être dispensé de service armé en qualité de fonctionnaires de la fonction publique. D’autre part, un quart des 62 hommes mobilisés en août 1914 n’avaient aucune expérience des armes. Pour ces derniers, le service s’est donc en partie confondu avec l’épreuve du feu. Enfin, entre ces deux premiers groupes se trouvent les normaliens ayant effectué leur service militaire dans la période d’avant-guerre : la majorité de la population étudiée. Soulignons, également, que selon Jean-Jacques Becker8 la France ne s’employa aucunement à protéger ses élites intellectuelles.

Ensuite, une interrogation primordiale au sein de cette recherche et au sein de notre étude sur ce site concerne l’aspect mémoriel. La question de la commémoration est, comme nous l’avons déjà dit précédemment, omniprésente dans le travail de ces normaliens-chercheurs. Elle prend plusieurs formes : tout d’abord, la commémoration nationale des « morts pour la France au XXe siècle » avec, de la part des chercheurs, une remise en question de la définition juridique et sociale de ce qu’être « Mort pour la France », mention accordée en vertu des articles L488 à L492 bis du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre. Rappelons, également, qu’avec la publication entre 1984 et 1992, des Les lieux de mémoire sous la direction de Pierre Nora, que la mémoire devient un objet d’histoire à part entière.

Toujours concernant l’interrogation sur les aspects mémoriels, l’objet même des monument aux morts de la Grande Guerre est questionné par le biais de ces recherches : S’agit-il d’une mémoire de la République ou bien d’un culte républicain mis en place par cet objet de mémoire ? Nous pouvons dire, par le biais de cette recherche, que, si le monument aux morts est l’un des grands pôles laïcs et sacrés de la commune, bien des stèles sont placées dans les établissements d’enseignement, les tribunaux, les principales administrations ou entreprises, des stèles qui donnent la liste des membres de l’institution décédés dans le conflit. Tous ces lieux et objets de mémoire questionnent le rapport avec la République et ce que nous pourrions appeler ‘l’identité républicaine’.

‘L’identité cloutienne’ de ces soldats morts pour la France est donc un paramètre important si l’on veut bien comprendre cet objet de mémoire et la volonté ‘d’auto-célébration’ qui l’illustre. Tout d’abord ce monument n’est pas une initiative de l’école mais il est initié et financé par la seule Association des anciens élèves9 qui menait, déjà, des actions visant à maintenir le lien entre les poilus et « la famille Saint Cloud » comme les 25 lettres-circulaires envoyées durant les années de guerre afin de tenir les mobilisés informés du sort de chacun. En ce sens, l’Amicale peut être considérée comme le prolongement de l’École autour d’une communauté resserrée et représente un véritable réseau de solidarité. Enfin, le Livre d’Or de l’Amicale des anciens élèves contient 111 hommages car il contient aussi les biographies de 9 autres normaliens morts durant le conflit sans avoir eu droit au titre de « Morts pour la France »ainsi que celle du concierge de l’École, mort en 1917 au Chemin des Dames. Ce livre est également un véritable programme mémoriel qui permet de mettre en scène l’héroïsme des élèves de l’ENS qui rejaillit automatiquement sur l’institution.

Les questions posées par le choix du support numérique

Pour achever cette partie, il convient de dire, brièvement, que le choix du support numérique de la part de ces étudiants-chercheurs soulève, lui aussi, de très nombreuses questions d’ordre technique et historiographique.

En effet, comment lier dans sa recherche à la fois son sujet et le support numérique ? Ceci constitue une question importante pour beaucoup de chercheurs et d’historiens en devenir, qui se doivent dans leur travail d’interagir assidûment avec le monde qui les entoure. Le support numérique pose plusieurs interrogations : quelles méthodes pour une recherche orientée dans et vers les humanités numériques ? Quels moyens mettre en œuvre pour cette recherche spécifique ? À quel public s’adresser ? Mais aussi, comment mettre en forme les résultats de la recherche, à la différence d’un mémoire rédigé ?

Réception du travail de recherche

Un faible retentissement du site…

Nous avons été surpris du caractère assez confidentiel du site consacré aux normaliens de Saint-Cloud morts pour la France et de ne pas retrouver d’éléments significatifs quant à sa réception et son retentissement. Un courriel a donc été envoyé par l’intermédiaire du formulaire de contact installé par les organisateurs du projet. Emmanuelle Picard et Jean-Luc Pinol qui ont encadré le groupe d’élèves-historiens de l’ENS, nous ont répondu le 10 octobre en confirmant l’absence de réaction publique. Aucune autre réponse ne nous est parvenue des autres participants au projet, et notamment, des étudiants qui avaient été parallèlement sollicités. Jean-Luc Pinol nous a, par contre, précisé que le site avait été présenté au salon web de la mission centenaire et lors de la table ronde du 11 avril 2015 :

Cette table ronde, modérée par Emmanuelle Picard et à laquelle participaient Nicolas Mariot et Jean-Luc Pinol, nous a confirmé que l’objectif initial du projet était l’étude des deux populations de Normaliens, ceux d’Ulm et ceux de Saint-Cloud avec, notamment, dans le cadre d’une enquête collective réalisée par de jeunes étudiants, la comparaison des répartitions des décès, par âge ou par année de survenue, ou encore l’analyse des géolocalisations des lieux de naissance et de mort. L’avantage qui a été souligné, était, en disposant de sources numérisées, de ne pas devoir multiplier les déplacements et de pouvoir effectuer un travail critique en confrontant les diverses bases de données mises à disposition.

…dû à un manque de visibilité.

Nous nous sommes donc interrogés sur ce faible retentissement.

Il ne s’agit pas d’un défaut de fiabilité au vu des sources mobilisées, du travail de recoupement effectué, de l’encadrement scientifique et technique du projet et notamment de l’outil numérique mis en place. Sa sélection au salon web d’avril 2015 témoigne, d’ailleurs, du crédit apporté à ce site.

Il s’agit plus vraisemblablement d’un manque de visibilité car cette initiative locale n’a guère bénéficié, lors de son lancement en 2013-214, de relais auprès des instances de la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale ce qui aurait contribué à sa diffusion. Rien n’indique, en particulier, que le Comité Départemental du Rhône en ait été informé, ce qui l’aurait fait connaître, par exemple au sein des milieux scolaires et étudiants Lyonnais, ou en utilisant largement les modes de communication que sont internet ou les messageries instantanées. D’ailleurs, dans la présentation du projet, les enseignants expliquent qu’au-delà du site web (dont on a vu qu’il n’ouvrait vers aucun lien actif) et des articles de synthèse qui y sont publiés, les données rassemblées devaient servir à une publication interne : un numéro du Bulletin de l’Association des Anciens des ENS de Lyon, Saint-Cloud et Fontenay.

Il ne semble, donc, pas qu’il y ait eu anticipation de la transmission de ce travail au plus grand nombre. Il est daté de septembre 2014 sans mise à jour ultérieure mise en évidence, peut-être en liaison avec le caractère éphémère de la promotion d’étudiants qui l’a produit.

Des échos limités

Les concepteur du site on néanmoins entrepris de communiquer sur ce projet. Ainsi, sur le site de l’ENS Lyon, la section consacrée à la diffusion des savoirs présente un item intitulé « humanités numériques » qui renvoie sur le site du mémorial virtuel analysé ici. Il est aussi repris dans l’item « L’ENS dans les médias » (archives 2014), au même titre que les autres travaux réalisés au sein de l’école. La mise en ligne du site a aussi fait l’objet d’un très court signalement par Emmanuelle Picard sur le carnet de recherche Le Pupitre.

On retrouve, sur le « Le Carnet de route polyphonique des historiens de l’ENS de Lyon », le Blog des historiens de l’ENSL, des historiens de l’ENS, auquel participe Soleen Huitric, une page intitulée « Recherche collective » qui présente la problématique de cette recherche et signale la présence du groupe sur les réseaux sociaux, par un compte Twitter créé en octobre 2013 @Normaliens1418. Le lancement du site y est annoncé par un tweet du 8 octobre 2014 :

Annonce de la « phase test » du site sur Twitter

Ce compte comporte, à ce jour, 115 abonnements et 238 abonnés. On peut y trouver des références aux sources consultées : registres matricules des élèves de 1892 à 1907 et 1907-1933, fiches « morts pour la France » et de monuments aux morts, photographies de carte de combattants et de stèles. Il ne révèle néanmoins au total que 28 tweets et n’est plus actifs depuis le 10 octobre 2014, deux jours après l’annonce de la mise en ligne du site en « phase test ».

Il nous semble ainsi que le projet s’est surtout voulu éducatif au sein même de l’ENS Lyon : apprendre aux étudiants à trouver, sélectionner et croiser des sources, utiliser les outils informatiques notamment les bases de données numérisées qui représentent au XXIe siècle, un formidable vecteur de propagation des connaissances.

La collecte de sources numériques, effectuées par les étudiants de l’ENS Lyon, leur a permis de rompre avec le travail habituel aux Archives, constitue une économie de moyens et facilite la collecte d’éléments, parfois, très dispersés. Il faut, cependant se méfier des risques liés, d’une part, à la perte de contact avec la matérialité des documents ou la cohérence des fonds et, d’autre part, aux politiques de numérisation mises en œuvre qui décideront de l’accessibilité ou non de certains types de sources.

En revanche, cette démarche interne donne le sentiment d’un site confidentiel, négligeant toute interactivité, composante qui apparaît, maintenant, au cœur des transformations du métier d’historien par les échanges qu’elle permet.

*

Les Normaliens de Saint-Cloud morts pour la France peut finalement être considéré comme un ‘exercice de style’ de jeunes étudiants-chercheurs en histoire se confrontant à la double problématique de la recherche (croisement des sources, mise en problématique, production d’archives orales…) et du choix d’un support de publication numérique. Cependant, ce travail, à forte portée pédagogique, tant pour les étudiants que pour les visiteurs du site, ne dépasse pas sa fonction ‘d’exercice de style’ dans le sens où son caractère inachevé en limite la portée, ce qui apparaît regrettable au vu des efforts fournis pour sa création.

Ce ‘carnet de bord’, comme nous pouvons l’appeler, peut toutefois s’avérer utile pour tout apprenti historien voulant se confronter aux humanités numériques. Il nous permet de saisir qu’Internet a des contraintes, en plus d’être un formidable vecteur et propagateur de connaissances. Il est également un lieu d’apprentissage et d’entraînement pour tout historien en devenir.


Crédit image de une : photographie de la plaque commémorative déposée dans la base « Les monuments aux morts. France Belgique » de l’IRHiS – Lille 3 (aucune licence indiquée pour la photographie – site est sous licence CC)


  1. Luc Jean-Noël. La formation des professeurs de maîtres d’école en France avant 1914 [ l’Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud]. In : Revue française de pédagogie, volume 51, 1980. pp. 50-57
  2. Série S – Terrains et propriétés ; Guerres et occupations : cartons S3 liasse 6 et Plaques commémoratives, 1914-1918 : carton U50
  3. Certains sont accessibles en ligne sur les sites des centres d’Archives départementales 
  4. « 1914-1918 : Livre d’or de l’Ecole Normale Supérieure d’enseignement primaire de Saint-Cloud Cérémonie d’inauguration du monument élevé à la mémoire des élèves de Saint-Cloud morts à l’ennemi 1er Novembre 1920 », Nancy, Berger-Levrault, 1921
  5. Qui développe depuis plusieurs années une base de données collaborative plus large Les monuments aux morts. France – Belgique
  6. Mariot Nicolas, Tous unis dans la tranchée ? 1914-1918, les intellectuels rencontrent le peuple, Paris, Le Seuil, coll. « L’Univers historique », 2013, 496 p.
  7. Condette Jean-François, Les Écoles dans la guerre. Acteurs et institutions éducatives dans les tourmentes guerrières : XVIIe-XXe siècles, Presses Universitaires du Septentrion, 2014, page 174
  8. Becker Jean-Jacques, La Première Guerre mondiale, Paris, Belin, 2003, p. 174
  9. Arch. Nat. 61 AJ 63, École Normale Supérieure, dossier des commémorations. Souscription ouverte en vue de l’érection du monument aux morts, liste des souscripteurs

Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)

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