Innovation Pédagogique et transition
Institut Mines-Telecom

Une initiative de l'Institut Mines-Télécom avec un réseau de partenaires

Colloque QPES : une expérience de transformation d’un écosystème de formation

Un article repris de https://tipes.wordpress.com/2025/06...

Le colloque « Questions de Pédagogies dans l’Enseignement Supérieur » proposait pour cette édition brestoise, comme thématique : « écosystème de formation. Pour quelle(s) transformation(s) » détaillée dans son appel à communications. 336 personnes sont venus à Brest, pour travailler et échanger sur un programme complet. D’un point de vue de l’organisation, l’enjeu était de proposer à cet écosystème formé par la communauté de ces participants une expérience de transformation. Un précolloque a permis d’explorer un écosystème de formation, et le colloque de proposer un processus de transformation, permettant de poser un constat, et d’entamer une transformation par le dialogue, la bienveillance, la proposition de pistes et d’éléments de sujets variés émanant des participants, l’exploration et la formalisation de propositions au travers de conférences inspirantes, et un temps de projection.

Commençons par le constat.

Le colloque a démarré avec un constat proposé par Guillaume Carbou qui a démontré au travers de la présentation d’une multiplicité des définitions de l’anthropocène, la multiplicité des questions posées autour de ce concepts et des domaines impactés. Le récent rapport de prospective de l’association Educause parle de contexte de polycrise (repris pas Jean-Sébastien Dubé de L’éveilleur, qui note des crises économiques, techniques, environnementales, sociales). Ce constat permet de poser le caractère systémique et politique des transformations qui nous attendent. Constat partagé par les deux autres conférenciers invités du colloque : Renaud Hétier et Irène Pereira. Systémique, car touchant tous les aspects de nos écosystèmes. Politique à la fois par le fait que les transformations seront basées sur des choix qui auront un impact sur nos organisations mais aussi sur nos sociétés. L’enjeu étant comme l’a rappelé Irène Pereira étant de viser une transition juste et équitable, et pour Guillaume Carbou de s’engager dans la transition.

Nos conférenciers nous invitent à reconnaître le fait que tout travail scientifique intègre une dimension politique et sur la nécessaire dimension d’exemplarité de nos institutions et de leurs personnels. Guillaume Carbou a notamment travaillé sur une analyse de discours d’inaction dans la communauté scientifique, qui pose clairement ce problème au moins dans le cadre de la recherche, mais que l’on retrouve dans la dimension enseignement de nos métiers. La neutralité scientifique est un leurre.

La conférence de Guillaume Carbou en ouverture a eu permis de poser un constat mais surtout de libérer la parole des participants. Beaucoup de remarques, de réflexions profondes ont été échangées qui ont démontré les attentes de l’assistance.

Suit à ce constat, l’objectif est bien d’entamer une transformation, au travers du dialogue, de la diversité et l’exploration.

Face à un contexte de poly-crise, plusieurs conditions sont nécessaires : la remise en question et l’explicitation, le dialogue croisé et collectif intégrant toutes les parties prenantes, l’exploration de pistes de solutions, le développement de nouveaux équilibres pour de nouvelles dynamiques.

La suite du colloque a permis à tous les orateurs de présenter des contributions de différents types : des retours d’expérience qui permettent de partager et de faire des bilans de ce qui est fait dans les différents dispositifs, des bilans de recherche qui permettent de creuser des questions précises, des débats qui permettent d’aborder des questions en tension, et des ateliers de s’approprier des solutions éprouvées. Cette diversité de contributions offre une richesse de points de vue et de pistes de transformation. L’importance de cette diversité de points de vue paraît indispensable pour aborder des transformations (éco)systémiques.

Lire le livre Les armes de la transition : l’intelligence collective au service de l’écologie / sous la direction de Pierre Gilbert, sur lequel je suis tombé par hasard, dans lequel sous forme de dialogues les mêmes questions pour aborder la transition écologique sont posées à des experts de domaine très différents, a été un révélateur sur la nécessité de permettre l’expression d’éléments de solution très divers, mais finalement allant dans la même direction et complémentaires. C’est pourquoi le maximum de diversité et de variété de points de vue paraît indispensable pour expliciter la complexité à laquelle nous faisons face. Les propositions cette année (au nombre de 119) ont permis de couvrir un large spectre.

Le dialogue croisé et collectif a été salué par de nombreux participants. Il a pu se dérouler durant les plénières d’ouverture et de clôture où les échanges avec les voisins, et au-delà a été orchestré jusqu’à permettre de faire émerger des idées partagées en clôture. Il fait également partie des fondements du colloque QPES durant les sessions, où les présentations des résultats de chacun est réduit au minimum pour lancer des discussions qui vont au-delà des contributions présentées. Dans les ateliers, les bilans réflexifs en groupe sont la règle. Ces dialogues permettent d’aller plus loin que des simples constats.

Un point d’attention a été relevé par plusieurs participants : ne pas parler à la place d’autres parties prenantes. Un étudiant nous l’a fort bien relevé en plénière d’ouverture en nous enjoignant à ne pas projeter les besoins et les souhaits des étudiants, il l’a rappelé en clôture en nous indiquant que la parole étudiante est souvent un « angle mort » dans les constructions pédagogiques. Le fait que des étudiants aient été invités à nous partager leur point de vue, et qu’il ait pu exprimer cet « angle mort » montre à la fois qu’il n’est pas si mort que cela mais qu’il reste des progrès à faire. Un collègue nous fait une remarque similaire sur des aspects de diversité, qui ne sont pas des sujets d’études mais des partenaires à part entière.

Un point de tension classique, mais que j’ai ressenti de manière différente est de trouver un équilibre entre la construction de l’individu social et émancipé, ou citoyen, d’une part et la construction professionnelle d’autre part. Je me souviens de la formule de François Coppens qui affirmait qu’il n’est pas possible d’obliger nos étudiants à choisir entre la bifurcation et le développement professionnel. Ces deux dimensions doivent trouver un équilibre dans nos organisations de l’enseignement supérieur. Cette édition du colloque QPES a clairement privilégié dans ses plénières et dans les sessions auxquelles j’ai participé sur l’explicitation de la première dimension, mais ne nie en rien la deuxième dimension, pour permettre d’associer développement citoyen et professionnel de l’individu.

Pour que le dialogue et la construction collective soit possible, la bienveillance et la recherche du bien être de chacun sont des prérequis. Les retours des participants soulignent cette bienveillance dans notre organisation, et la question d’une pédagogie du care était le sujet de la conférence de Renaud Hétier.

Sur le champs de l’exploration, la conférence de Renaud Hétier était inspirante, celle d’Irène Pereira engageante. Elle a posé de manière convaincante et argumentée le fait que les choix pédagogiques étaient également politiques. C’est en fait une évidence puisqu’elle vise une transformation des personnes et des collectifs. C’est aussi un rappel historique, puisque l’engagement des pédagogues qui nous inspirent, comme Paulo Freire (mais aussi bien d’autres) est en fait avant tout politique. Elle pose donc comme question une éducation pour une transition juste et équitable et propose comme réponse un modèle pédagogique radical, l’écopédagogie.

Un colloque est un moment pour faire le point, mais aussi pour se projeter dans nos prochaines actions. La plénière de clôture a été consacrée à ce temps réflexif et de projection de manière individuelle et collective, qui devrait irriguer dans actions des participants.

En guise de conclusion,

les retours des participants ont été extrêmement positifs, soulignant que l’organisation du colloque était parfaitement alignée avec son objectif. Pour ceux qui nous ont fait de tels retours, ils ont donc bien vécu une expérience de transformation du collectif que sont tous les participants du colloque. Pour nous organisateurs, c’est une superbe récompense et une fierté, et un encouragement à avancer.

Rendez-vous à la prochaine édition en 2027 à Louvain-La-Neuve.

Crédit photographique : le bilan du QPES 2025 de Tuyet Tram Dang Ngoc

Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)

Portfolio

Répondre à cet article

Qui êtes-vous ?
[Se connecter]
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.