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Et si on proposait à nos élèves de changer de regard ?
Nous avons pris l’habitude de lire le monde de manière linéaire. Une ligne représentant le temps, l’évolution qui nous mènerait vers le progrès, vers l’avenir, la croissance qui nous conduit vers le toujours plus.
Pourtant, la ligne n’est pas la forme géométrique la plus présente dans le monde naturel. Elle existe, certes : la ligne de l’horizon par exemple. Mais elle est bien moins fréquente que le cercle, ou plus précisément le cycle qui est omniprésent dans la nature : cycle de l’eau, cycle de la lune, cycle des saisons, cycle de l’azote, etc. Or lire le monde sous cet angle permet une autre vision, une autre approche de ce qui nous entoure. Une vision, peut-être plus réaliste et plus rassurante, qui soit moins progressiste, moins anthropocentrée, permettant de replacer l’humain dans son contexte, dans un écosystème dont il est un maillon.
Faire constater aux enfants que les différents cycles s’imbriquent les uns avec les autres (le cycle des saisons est lié à celui des végétaux par exemple), c’est aussi leur apprendre la complexité du monde, c’est leur offrir une matière de réflexion bien plus riche qu’une simple vision linéaire proposant un début, un milieu et une fin. C’est ne pas les limiter dans leur analyse et de leur appréhension du monde, mais leur donner à voir la complexité et l’enchevêtrement des choses.
La cycle est aussi un éternel recommencement, une source d’espoir.
On voit bien aujourd’hui les limites d’une vision linéaire du monde qui nous entoure. Alors, pourquoi ne pas offrir à nos élèves et à nos enfants, aux adultes de demain, une autre manière de lire le monde ?
Sur le groupe Profs en transition, les idées sont nombreuses à ce sujet. En voici quelques exemples.
Les cycles temporels
Parmi les grands classiques de l’enseignement auprès des plus jeunes, les cycles temporels ont une place de choix pour apprendre à se repérer dans le temps : les cycles de la semaine, des mois et des saisons. En effet, c’est dès les premières années d’école que les enfants apprennent que les 7 jours de la semaine, les 12 mois de l’année et les 4 saisons se répètent dans un cycle immuable. Pour marquer les esprits des enfants et symboliser ces cycles, la représentation circulaire peut être privilégiée.
La mise en évidence des cycles saisonniers peut s’accompagner d’un travail en arts plastiques sur la représentation ou la prise de vue photographique d’un paysage aux différentes saisons. Cela permet de mettre en évidence les particularités de chacun et leur rôle dans le cycle (sans hiver, il n’y aurait pas de printemps).
On peut aussi revoir les cycles temporels avec les plus grands en abordant par exemple le sens des mots et leur rôle dans chaque partie du cycle. En effet l’étymologie de certains noms de mois est intéressante pour la compréhension même du cycle. Par exemple, Janvier qui vient de Janus, Dieu romain des portes et Dieu à deux têtes qui ouvre l’année et regarde à la fois l’année passée et l’année à venir ; Février qui vient de Februa, Déesse de la mort et de la purification dans la mythologie étrusque, car c’est, en Europe en tout cas, durant ce mois que les sols gèlent les purifiant pour permettre une nouvelle renaissance au printemps qui suit ; ou Avril qui vient de latin « aprilis » signifiant « ouvrir » car les bourgeons s’ouvrent durant ce mois.
De même, on peut mettre en évidence que dans le cycle des saisons, chaque temps a son importance pour permettre le suivant : à l’automne les végétaux perdent leurs feuilles qui tombent au sol permettant de le régénérer, de le protéger, de le nourrir, et donc de produire ensuite plus de vie ; en hiver la majorité des végétaux s’endorment pour mieux se réveiller au printemps et ne pas épuiser leurs ressources. Ainsi, chaque saison a un rôle et une utilité dans le cycle et aucune ne doit être négligée pour l’équilibre.
Expliquons aussi aux plus grands que notre mesure du temps est basée sur les mouvements cycliques des astres, et ce depuis la nuit des temps. On pourra comparer les différents calendriers : maya, révolutionnaire, grégorien, chinois, etc.
Le cycle de la Lune peut à lui seul être l’objet de très nombreux apprentissages.
On peut l’aborder sous l’angle scientifique dans l’étude du système solaire ou pour chercher à comprendre le jeu d’ombre et de lumière par exemple.
La littérature autour de la Lune est également très riche : « Voyage de la Terre à la Lune » de Jules Verne ou « Objectif Lune » de Hergé par exemple.
L’académie de Strasbourg propose une belle séquence pour les 12-15 ans : de la Terre à la Lune, entre réalité scientifique et ressources de l’imaginaire, pour lier les approches scientifique et littéraire.
On retrouve la Lune en poème également : ici ou ici par exemple.
En arts plastiques, les possibilités sont multiples : réalisation de prises de vue photographiques, d’un nuancier de couleurs lunaires, d’un court métrage en s’inspirant de celui de George Méliès ou des représentations réelles ou imaginaires de la Lune, etc.
Les cycles de vie
Le cycle de vie se retrouve naturellement dans le règne végétal, mais également dans le règle animal, avec quelques particularités à explorer chez l’humain(e), lié au cycle cellulaire que l’on pourra étudier également avec les plus grands.
Les cycles chez les animaux
La migration de la baleine à bosse, les déplacements des saumons qui remontent les rivières ou les parcours immuables des oiseaux migrateurs (des idées de séquences à réaliser en classe ici) peuvent aussi trouver leur place dans l’étude des cycles.
Les cycles spécifiques aux humain(e)s
Concernant les humain(e)s, pensons aussi au cycle du sommeil. Étudier et expliquer les différentes phases du sommeil permettra aux enfants de mieux appréhender la nécessité de prendre soin de leur sommeil pour rester en bonne santé (un exemple de travail documentaire ici), mais permettra également de mieux comprendre leur propre fonctionnement.
On peut également aborder le cycle menstruel des femmes au cours de la séquence sur la reproduction et le développement des humains.
Les cycles des végétaux
Le cycle des végétaux est relativement aisé à mettre en évidence en étudiant le développement et la reproduction des végétaux pour comprendre les étapes de la graine, à la plante, puis au fruit, et à nouveau à la graine. Dès le plus jeune âge, les enfants comprennent ce cycle et savent s’en émerveiller. Une membre de Profs en Transition a partagé ainsi son expérience en maternelle : « une année j’ai fait de la soupe au potiron et nous avons planté ses graines (je n’avais pas du tout prévu ça, c’est venu comme ça). Les enfants ont adoré voir les graines germer. Des semaines plus tard, ils sont repartis chez eux avec leur plante à soigner. De façon très simple, ils se sont organisés par eux-mêmes afin que les enfants n’ayant pas de jardin puissent compter sur ceux en possédant un. En octobre, à la rentrée suivante, super surprise pour moi : certains ont amené des potirons de leur plant pour que je refasse de la soupe avec mes nouveaux élèves. J’ai adoré ». Voilà une manière simple et efficace de mettre en évidence le cycle infini des végétaux, tout en créant un lien entre les enfants et les années.
Pour visualiser le cycle, en alliant sciences et arts plastiques, il est également possible de réaliser des photographies d’un végétal à ses différents stades de vie.
- Ce type de travaux peut être réalisé pour mettre en évidence tous les cycles.
Enfin, l’album « L’arbre généreux » de Shel Silverstein trace un parallèle entre la vie de l’être humain et le cycle du pommier, créant un lien intense entre ces deux êtres vivants et soulignant la générosité de la nature. Ce parallèle offre aux enfants une manière de mieux comprendre, par l’identification, ces cycles incroyables de vie.
Les cycles de la matière
« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » d’après Antoine Lavoisier. Cette phrase résume bien la notion du cycle de la matière. On peut ainsi étudier différentes matières pour l’illustrer :
- l’azote : l’azote contenu dans l’air va, par exemple, être fixé dans le sol par certains végétaux, puis transformer en ammoniac, en nitrite, et enfin en nitrate qui en partie redeviendra azote et en partie nourrira les plantes ;
- le phosphore : contenu dans les roches volcaniques et sédimentaires, le phosphore se libère par l’action de l’érosion. Il est alors absorbé par les plantes qui le transforment en phosphate organique. Une partie retourne aux sols à partir des excréments des animaux et de la matière organique morte qui va se transformer au fil du temps en roches sédimentaires ;
- le carbone : on parle ici du cycle des atomes de carbone qui transitent à travers le vivant, du glucose produit par les végétaux au CO2 rejeté par la respiration, puis retour aux végétaux par la photosynthèse, mais également des causes du réchauffement climatique.
- l’eau : on peut faire réaliser différentes expériences aux élèves pour visualiser et comprendre le cycle de l’eau (des exemples d’expériences à mener en classe ici ou ici) ou encore réaliser une roue pour matérialiser ce cycle essentiel à la vie.
A travers le cycle des déchets végétaux, c’est le cycle de la vie et de la mort qui est abordé avec le compostage et la production d’humus qui, par la décomposition d’organismes, favorise la croissance d’autres espèces. La mise en place d’un composteur dans l’école est une façon utile, ludique et efficace d’étudier, en temps réel, ce cycle.
En parallèle de l’étude de ces cycles naturels, il peut être utile de s’intéresser au parcours des déchets manufacturés. En effet, cela amène à réfléchir sur la notion de « re-cyclage » et d’empreinte environnementale puisque celle-ci ne se limite pas à la phase de consommation mais est significativement augmentée par la production et la fin de vie du produit. Se posent ainsi les questions de la destruction, du recyclage, de l’éco-conception, etc. Comparativement aux cycles naturels complètement intégrés aux écosystèmes, prélever une ressource ou encore introduire une espèce ou un composant pose la question de la perturbation des équilibres et des cycles déjà établis.
Même si parfois les déchets manufacturés poursuivent leur cycle en poésie, avec ce conte par exemple.
Mettre en évidence la présence des cycles dans la nature et dans nos liens, avec, notamment, le cercle vertueux (je réalise une action positive, c’est contagieux… et ça me revient), c’est offrir aux enfants une autre vision du monde. C’est leur donner la possibilité de comprendre le monde autrement, plus proche de la réalité de la nature et plus optimiste.
Venez partager avec les Profs en transition vos expériences et vos idées pour une pédagogie de la transition écologique et sociale !
L’article Enseigner les cycles : une autre manière de lire le monde est apparu en premier sur Profs en transition.
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