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La collaboration dans le travail en groupe en contexte d’examen collaboratif à l’université

Un article repris de http://journals.openedition.org/rip...

Le développement d’habiletés de collaboration est devenu un aspect important de l’enseignement universitaire et une exigence non négligeable pour l’employabilité. Il n’est pas rare que des enseignants utilisent la collaboration en classe, grâce à des travaux d’équipe, pour moduler leur enseignement et susciter la participation. Pourtant, le travail en équipe génère son lot de difficultés dont celle, courante, de se diviser les tâches à faire sans réelle vue d’ensemble et, conséquemment, sans vraiment collaborer. Ce constat est à la source de notre question de recherche : comment la collaboration se manifeste-t-elle dans le travail en groupe pendant un examen à l’université ?

Pour y répondre, nous avons mobilisé des travaux portant sur le travail en équipe et la collaboration qui fournissent plusieurs cadres conceptuels. Le modèle de Landry (2010) nous a interpelé parce qu’il synthétise l’ensemble des processus à l’œuvre dans tout groupe restreint. Son postulat est qu’il existe trois zones dynamiques - le travail, l’affection et le pouvoir - et que l’évolution du groupe se joue dans leurs interdépendances et dans leurs interactions.

Dans notre étude, nous avons placé en équipe de quatre ou cinq des étudiants d’un cours en fondements de l’éducation devant réaliser un examen collaboratif visant à évaluer les acquis pour faire émerger les dimensions de la collaboration et de la zone du travail. Nos résultats indiquent que les groupes ont peu clarifié la visée commune, que la structuration de leur travail était adéquate, que leurs prises de décisions se sont faites de façon collaborative et qu’ils ont appliqué implicitement plusieurs normes concernant le respect, les attitudes à adopter et les interactions. L’étude fait aussi ressortir l’importance de mieux préparer et de former autant les enseignants que les étudiants à la collaboration.

Un article repris de la revue Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, une publication sous licence CC by nc sa

Diane Leduc, Mathilde Cambron-Goulet, André-Sébastien Aubin et Audrey Raynault, « La collaboration dans le travail en groupe en contexte d’examen collaboratif à l’université », Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur [En ligne], 38(3) | 2022, mis en ligne le 23 décembre 2022, consulté le 31 décembre 2022. URL : http://journals.openedition.org/ripes/4290  ; DOI : https://doi.org/10.4000/ripes.4290

« On apprend toujours seul, mais jamais sans les autres. » (Carré, 2015, p. 13)

1. Introduction

Dans un contexte éducatif marqué par de multiples changements, un des multiples défis des enseignants consiste à s’adapter à des impératifs mettant en avant-plan le travail en équipe et la collaboration. En effet, dans les milieux professionnels, les habiletés reliées à la collaboration et à l’exercice d’actions efficaces avec des pairs s’imposent de plus en plus comme une valeur ajoutée et méritent d’être enseignées. En milieu universitaire, les méthodes de travail collaboratif ne manquent pas (Cozma, 2021). L’enseignement par les pairs, la résolution de problème en petit groupe, la stratégie réfléchir-discuter-partager (think-pair-share) n’en sont que quelques exemples (Johnson et al., 2011). Ces méthodes ont en commun le fait de soutenir l’apprentissage grâce à l’interaction entre pairs et de favoriser la réflexion individuelle notamment par la rétroaction immédiate dans l’action. Cependant, ces méthodes ne sont que très peu transposées aux évaluations et encore moins aux évaluations sommatives (Cozma, 2021). L’évaluation des apprentissages étant centrale dans le parcours des étudiants, et non moins exigeante pour l’enseignant, elle pourrait être une occasion privilégiée pour exploiter ces méthodes. Parmi les multiples modalités évaluatives, l’examen collaboratif en est une qui est peu exploitée, du moins en milieu francophone, alors qu’elle s’avère être un terrain fertile pour examiner comment la collaboration se déploie au sein des équipes en travail (Cozma, 2021).

C’est donc dans un contexte d’évaluation en classe universitaire que nous avons réalisé notre étude. La problématique et les assises conceptuelles sont présentées avant de détailler la méthodologie et une partie des résultats. Nous concluons par une discussion et un résumé de nos résultats.

2. Problématique

Bien qu’apprendre à collaborer se fasse notamment par le faire, c’est-à-dire en collaborant, nous savons par plusieurs auteurs et par expérience que le seul fait de demander aux étudiants de collaborer n’est pas garant d’un bon fonctionnement et qu’il faut bien les y préparer (Gosselin-Picard, 2015 ; Laberge, 2004). Malgré ce constat, des enseignants universitaires exigent régulièrement la réalisation de travaux d’équipe, pour lesquels les étudiants doivent collaborer, et utilisent la collaboration en classe pour moduler leur enseignement et susciter la participation ainsi que l’engagement des étudiants. Le travail en équipe permet certes aux étudiants d’exprimer leur point de vue, d’être à certains égards plus efficaces, de prendre des décisions chargées de compromis. Cependant, ce type de travail génère aussi son lot de difficultés comme celle de se diviser les tâches à faire individuellement sans réelle vue d’ensemble et, conséquemment, sans vraiment collaborer (Mucchielli, 2019). Gosselin-Picard (2015) recense plusieurs études qui mentionnent d’autres difficultés telles que « l’absence d’une vision commune, une faible cohésion, une répartition inadéquate des rôles et l’iniquité » (p. 125). Elles surviennent notamment lorsqu’enseignants et étudiants ne sont pas suffisamment préparés à travailler en collaboration même si la collaboration fait partie des compétences dans bien des métiers et professions. Les écrits montrent assez bien que les étudiants sont peu préparés au travail en équipe et collaborent de façon intuitive en espérant que tout se passe bien (Cozma, 2021 ; Thomas et Kilmann, 2007). Hormis les formations spécialisées, par exemple en coopération internationale, il existe en effet peu de cours à l’université portant sur le travail en équipe ou sur l’ensemble des aspects de la collaboration, même si des centres de développement pédagogique de plusieurs universités proposent des ateliers courts qui sensibilisent les enseignants à la collaboration et les accompagnent dans la mise en place d’activités de travail en équipe (Caniëls et al., 2019). Ajoutons à cela le manque de définition claire de ce qu’est la collaboration et de comment elle se déploie dans l’action engendrant des difficultés tant sur le plan de la recherche empirique que sur celui de l’amélioration des pratiques (Bedwell et al., 2012). Chiocchio et ses collègues (2012) mentionnent par exemple les problèmes suivants : confusion et utilisation indifférenciée de différents termes, manque de précision, niveaux d’analyse variés, effets sur la qualité des instruments utilisés pour évaluer la collaboration, confusion entre les causes et les conséquences de la collaboration.

Ces difficultés propres à la collaboration et au travail en équipe sont depuis longtemps documentées et se retrouvent aussi dans des travaux portant sur les groupes restreints et notamment dans ceux de Landry (2010), de Chiocchio (2012) et de Mucchielli (2019). Pour Landry (2010), chercheure de référence dans ce domaine, l’action d’un groupe restreint se concentre dans ce qu’elle appelle la zone du travail. C’est dans cette zone que se coordonnent les efforts des membres, « en un partage plus ou moins précis du travail à accomplir entre eux », en vue de l’atteinte de la visée commune (p. 229). Puisqu’elle est la dimension instrumentale du groupe restreint, la zone du travail regroupe des problèmes liés, par exemple, à une visée commune non explicitée pouvant entrer en conflit avec les buts individuels, le manque de planification des tâches, une gestion ou un suivi des actions déficient, des normes et des rôles non respectés, un processus de résolution de problème absent ou mal compris. Les problèmes liés au travail dans un groupe restreint ont des conséquences sur l’ensemble des actions et des membres, mais aussi sur l’efficacité. Par exemple, une prise de décision déficiente ou erronée peut mener à un résultat incohérent avec la visée commune ou ralentir les travaux.

Cette problématique se retrouve également dans le contexte spécifique de notre étude, soit celui d’un programme de formation initiale en enseignement secondaire. Au Québec, la collaboration est inscrite dans les compétences professionnelles à acquérir pour les futurs enseignants du secondaire (Ministère de l’Éducation, 2020). Ils doivent savoir collaborer et travailler de concert avec les divers intervenants du milieu scolaire. Pourtant, à l’intérieur des programmes de formation en enseignement de bien des pays, la collaboration est surtout utilisée lors des activités pédagogiques et dans les évaluations formatives. Elle est peu réinvestie lors des évaluations sommatives qui sont réalisées pour la plupart individuellement (Cozma, 2021 ; Shindler, 2004). Ce faisant, ceci amène les étudiants à reproduire dans leurs pratiques futures les mêmes schèmes et à utiliser la collaboration en dehors du cadre sommatif. De plus, elle fait rarement l’objet des évaluations possiblement à cause de sa complexité, de son caractère à priori intangible et des défis de mesure qu’elle pose (Chiocchio, 2012). Ainsi, à l’instar de Chiocchio et de ses collègues (2012), nous nous demandons comment la collaboration se manifeste dans le travail en groupe en contexte d’évaluation à l’université.

Nous avons tenté de répondre à cette question en plaçant la collaboration au cœur de la démarche évaluative d’un cours de fondements de l’éducation s’adressant à de futurs enseignants québécois. L’utilisation d’un examen collaboratif sommatif s’est imposée comme un terrain pertinent pour aborder cette problématique. Les enseignants sont en effet appelés à collaborer et doivent fréquemment prendre des décisions en équipe. Le cours de fondements de l’éducation vise entre autres à amener les étudiants futurs enseignants à mettre de côté la question des notes, souvent mise de l’avant dans le système scolaire, pour se concentrer sur les facteurs de motivation intrinsèque et d’apprentissage. Même si ce type d’examen est relativement simple à concevoir et à implanter dans un cours universitaire, il est peu utilisé par les enseignants en milieu francophone (du moins peu d’études démontrent le contraire) surtout parce qu’il apparait moins éprouvé que les examens de format conventionnel (Cozma, 2021 ; Rieger et Heiner, 2014 ; Shindler, 2004). Pour notre part, nous avons réalisé une étude exploratoire moins pour en vérifier ses effets sur la réussite ou sur la rétention de la matière que pour observer comment la collaboration se déploie dans le travail en groupe restreint.

3. Assises conceptuelles

3.1. Collaboration

Dans son sens commun, la collaboration signifie simplement « travailler de concert avec quelqu’un d’autre pour élaborer en commun une solution négociée et consensuelle » (Dubois, 2009, p. 370 ; Thomas et al., 2007). Depuis les échanges d’idées et les réflexions entre pairs, au concept d’interdépendance sociale en passant par les travaux sur le leadership, la définition de la collaboration n’est pour autant pas encore stabilisée (Raynault, 2018). Utilisé depuis longtemps dans de multiples disciplines, ce concept en apparence simple traîne avec lui un flou conceptuel le confondant notamment avec le travail en équipe ou la coopération (Raynault et al., 2021). Il en est de même pour la collaboration appliquée à l’apprentissage. Depuis le début du XXe siècle, de nombreuses études traitent des apports de la collaboration pour l’apprentissage (dont les travaux de méta-analyses de Johnson et Johnson (1989) portant sur plus de 470 études) sans arriver à une définition facilement exploitable.

Cependant, à travers un exercice systématique d’analyse compréhensive d’écrits, Bedwell et ses collègues (2012) proposent une définition de la collaboration, issue de l’intégration de plusieurs conceptualisations, qui nous semble bien refléter les réalités à l’université. Pour eux, la collaboration est un « processus évolutif par lequel deux ou plusieurs entités sociales participent activement et réciproquement à des activités conjointes visant à atteindre au moins un objectif commun » (p. 130)((]]. Ils complètent leur propos en illustrant les rapports entre la collaboration et trois termes courants (figure 1).

Figure 1. Espaces partagés entre la collaboration, le travail d’équipe, la coordination et la coopération (Bedwell et al., 2012, p. 136)

Le concept de travail en équipe partage avec la collaboration la plupart des éléments de leur définition. La collaboration est une manifestation du travail d’équipe et elle est un indice de la qualité du travail réalisé (Bedwell et al., 2012 ; Chiocchio, 2012). Leur principale différence réside dans leur niveau d’analyse : le travail en équipe implique exclusivement des individus au sein d’un groupe et ne peut par définition se faire entre groupes ou entre organisations. Ainsi, si tout travail en équipe est un exemple de collaboration, celle-ci peut exister sans celui-là. Concernant le terme coordination, il met en jeu les mécanismes et les interdépendances pour accomplir une tâche de manière efficiente à partir des ressources de l’équipe, mais là s’arrête leur point commun. Quant à la coopération, trop souvent considérée comme un synonyme de la collaboration, elle s’en distingue notamment par le fait qu’elle est une attitude ou une prédisposition à travailler avec d’autres personnes (Bedwell et al., 2012 ; Salas et al., 2007). Coopérer serait aussi davantage tourné vers la finalité, la production d’une œuvre sans tenir compte du processus, alors que la collaboration mise plutôt au processus en tenant moins compte du résultat. La coopération suppose une répartition des tâches bien définies et une mise en commun par juxtaposition des apports de chacun (Henri et Lundgren-Cayrol, 2001 ; Heutte, 2011). Pour Bedwell et ses collègues (2012), elle est nécessaire pour collaborer, mais elle ne décrit pas la collaboration en tant que telle. De leur côté, Chiocchio et ses collègues (2012), tout en relevant eux aussi les problèmes liés à la confusion des concepts de collaboration et de travail en équipe comme limitant notre compréhension de leur efficacité, proposent la définition de la collaboration que voici : « l’interaction des usages adaptés à une situation de quatre processus interdépendants : la communication en équipe, la synchronicité, la coordination explicite et la coordination implicite [1] » (p. 12). La communication renvoie non seulement aux échanges d’informations entre les membres d’une équipe, mais aussi à un processus centré sur l’amélioration des interactions incluant notamment le partage libre des idées, l’écoute et les rétroactions. La synchronicité est un processus dans lequel les membres effectuent leurs tâches à temps et dans le respect des autres tâches. La coordination explicite réfère au processus par lequel les membres échangent de l’information sur leurs rôles et leurs tâches, alors que la coordination implicite est celui où ils anticipent les besoins des autres et s’adaptent aux situations.

Ces différents modèles théoriques de la collaboration en décrivent les étapes dynamiques. Ils mettent aussi l’accent sur l’efficacité, soit sur le jugement de l’équipe sur sa capacité à atteindre l’objectif commun (Chiocchio et al., 2012). L’efficacité est représentative de ce que font les coéquipiers, de leur perception sur la qualité de la performance (donc du fonctionnement de l’équipe, de ses mécanismes d’adaptations, des modes de prises de décisions, etc.) et de leur satisfaction des interactions. En somme, la collaboration est un concept multidimensionnel qui a été largement documenté et dont les ramifications théoriques, bien qu’elles soient nombreuses, comportent plusieurs points communs. Nous en abordons quelques-uns dans ce qui suit.

3.2. Zone du travail dans les groupes restreints de Landry (2010)

Le postulat de base du modèle de Landry (2010) est qu’il existe, dans tout groupe restreint, trois zones dynamiques : celle du travail, celle de l’affection et celle du pouvoir (Landry, 2010, p. 124). L’évolution du groupe se joue dans ces trois zones interdépendantes et dans leur interaction avec l’environnement. La zone du travail se caractérise par le réseau de relations se traduisant par une structuration et une division du travail qui permettent l’atteinte de la visée commune. À la zone de l’affection correspond la cohésion groupale favorisée par la mise en place d’un réseau de relations affectives et par l’émergence d’émotions et de sentiments groupaux. Dans la zone du pouvoir, ce sont les enjeux d’émergence et de consolidation d’une structure de pouvoir et d’un leadership stables qui sont déterminantes (Landry, 2010).

Dans cet article, nous nous concentrons sur la zone du travail, soit celle qui correspond au fonctionnement du groupe et au déroulement des actions. Ce choix se justifie par le fait que la zone du travail est celle qui documente le plus et le mieux la collaboration, ses dimensions entrant davantage dans cette zone, et parce qu’elle est la plus visible des trois zones puisqu’elle s’attarde aux actions que font les membres du groupe. Par ailleurs, même si notre étude contient plusieurs phases et comprend un regard sur chacune des trois zones et leur articulation, cet article ne présente, pour des raisons de clarté et de concision, que les résultats de celle qui traite la zone du travail.

La zone du travail se compose des aspects suivants : la clarification de la visée commune et de ses objectifs, la structuration du travail à accomplir, le traitement de l’information, les normes groupales et les rôles instrumentaux. Succinctement, voici en quoi consistent ces aspects.

La visée commune représente un idéal à atteindre et commande l’adhésion au groupe (Landry, 2010). Si elle n’est pas explicitée, la visée commune peut être perçue et interprétée de bien des manières par chacun des membres du groupe et influencer le climat de travail (Caniëls et al., 2019). Il importe donc que chacun sache vers quelle production s’oriente le groupe et par quels moyens il y parviendra. Tout le monde devrait avoir une vision d’ensemble claire du travail à faire. La visée commune prend parfois l’allure d’objectifs ou de résultats concrets à atteindre (Chiocchio, 2012). Le groupe procède ensuite à la structuration du travail à effectuer pour atteindre sa visée. Il planifie alors en grandes étapes les actions à réaliser et organise l’articulation des actions en des moyens concrets. C’est à cette étape que s’effectuent les choix des procédures, le partage des tâches, l’attribution de rôles, la gestion et le suivi des actions coordonnées, l’exécution du travail proprement dit et les mises en commun (Mathieu et al., 2020).

Le troisième aspect dans la zone du travail touche au traitement de l’information fait par le groupe. Les quatre principaux processus de traitement de l’information au sein d’un groupe restreint sont les suivants [2] : le processus de consultation, soit la synthèse de la position des membres, le processus de prise de décision, le processus de résolution de problèmes et le processus de discussion. Ces processus sont notamment garants de l’efficacité du travail.

Les normes sont les règles guidant la conduite au sein groupe. Dans le modèle de Landry (2010), elles correspondent, d’une part, aux procédures, c’est-à-dire aux moyens mis en place pour la réalisation des actions. Ce sont elles qui assurent le bon déroulement des tâches du groupe. Ce sont par exemple, les types d’interventions, la structure des droits de parole, les modalités de prises de décision, les techniques visant à faire l’inventaire des solutions possibles (remue-méninge), le traitement des propositions, la gestion du temps. Le dernier aspect de la zone du travail touche aux rôles attribués aux membres du groupe. Outre les rôles instrumentaux, bien identifiés et définis, émergent des rôles associés aux activités concrètes du groupe (Mucchielli, 2019). Trop souvent occultés, ces rôles contribuent parfois de façon significative à l’évolution du groupe. Landry (2010) formule cependant un rappel important : « un rôle ne peut se réduire à un seul comportement, mais se définit plutôt par une constellation de comportements variables d’un groupe à l’autre » (p. 250).

4. Objectifs de recherche

Nous voyons que, malgré certaines difficultés conceptuelles qui la limitent au regroupement de personnes pour réaliser une tâche, la collaboration est somme toute bien documentée dans les écrits. Cependant, bien qu’utilisée comme une technique d’enseignement à l’université, elle demeure peu exploitée dans les évaluations en milieu francophone. Pourtant, les évaluations, particulièrement celles à visée sommative, mettent bien en jeu ce qui se passe dans la zone du travail et elles sont un terrain propice pour faire émerger la partie instrumentale de la collaboration qu’est justement le travail. Dans la première phase de notre recherche sur la collaboration en situation d’évaluation, nous avons donc voulu documenter la zone du travail par le biais des propos des étudiants sur le fonctionnement de leur équipe. Précisons que nous ne visions pas dans cette étude à étudier l’évaluation de la collaboration, mais plutôt à mettre en évidence comment la collaboration se manifeste dans le travail en groupe restreint en contexte d’évaluation. Nous visions donc à atteindre les objectifs suivants : lors d’un examen collaboratif 1) décrire les dimensions de collaboration en jeu et 2) décrire comment le travail en groupe restreint se manifeste.

5. Méthodologie

5.1. L’examen collaboratif à l’université comme contexte au travail en groupe restreint

Dans notre étude, l’examen collaboratif est utilisé comme terrain pour éprouver la collaboration dans la zone du travail. Comme le démontrent les recherches conduites sur les examens collaboratifs dans des disciplines aussi variées que les sciences, les soins infirmiers et la psychologie, l’usage de la collaboration en situation d’examen en milieu universitaire n’est pas nouveau (Leight et al., 2012 ; Rao et al., 2002 ; Sandhal, 2010 ; Yuretich et al., 2001). Cependant, ils sont peu présents dans les classes universitaires francophones, du moins ils ne sont pas documentés, et on en trouve très peu dans les disciplines liées à l’éducation (Cozma, 2021). L’examen collaboratif utilisé comme un outil d’évaluation formative est fréquent, mais il est plus rare qu’il le soit à titre d’évaluation sommative (Rieger et al., 2014).

Il existe plusieurs manières de faire des examens collaboratifs et il ne semble pas y avoir de typologie. L’examen en deux phases((]] demeure le plus courant (Gilley et Clarkston, 2014). Implanté pour la première fois en 2011 dans leurs cours de sciences à l’Université de Colombie-Britannique, l’examen en deux phases est utilisé dans plus de 50 cours dans cet établissement (Rieger & Heiner, 2014). Il consiste en une partie individuelle (environ 2/3 du temps avec des questions à choix multiples) et une seconde partie à réaliser en petits groupes de 3 ou 4 où les étudiants discutent de leurs réponses initiales et les justifient.

La section suivante décrit l’examen collaboratif utilisé comme terrain dans notre étude.

5.2. Description du cours et participants à la recherche

L’étude a eu lieu dans un cours obligatoire de fondements en éducation, d’une durée de 45 heures de présence en classe à 107 étudiants de première session inscrits au baccalauréat en enseignement secondaire de l’Université du Québec à Montréal. Le cours s’est offert à deux groupes : l’un composé de 54 étudiants et l’autre de 53. De disciplines variées, les étudiants proviennent majoritairement du collège (cégep) et la plupart ont entre 20 et 23 ans au moment de réalisation de l’étude.

Le cours est offert depuis plusieurs années par la même professeure et propose une initiation à l’histoire et à la philosophie de l’éducation afin de préparer les étudiants à une pratique réfléchie de l’enseignement en les invitant à se positionner par la pratique du dialogue et de l’argumentation. Le contenu est offert par des exposés interactifs et inclut des exercices à réaliser en équipe en classe. Les apprentissages sont évalués 1) par cinq devoirs individuels à choisir parmi une liste de 11 (50 % de la note finale ; 2) par cinq fiches d’observation sur les devoirs (5 %) et 3) par deux examens de même format : un réalisé individuellement à la mi-session (20 %) et un autre réalisé en collaboration à la fin de la session (25 %). Les réponses aux examens nécessitent des réponses complexes à développement et de faire des choix que les étudiants justifient en appuyant leur argumentation sur les différents courants de pensée vus en classe. Les étudiants n’avaient pas le droit à leurs notes de cours lors des examens.

5.3. Considérations éthiques

Lors de la première séance de cours, une fois la certification éthique obtenue, la chercheure responsable du projet a présenté aux étudiants les éléments clés de l’étude à réaliser tels que ce qu’est un examen collaboratif, les principaux résultats de recherche à son sujet, les objectifs poursuivis par l’étude, la nature de leur participation, la confidentialité et le consentement. Il leur a été expliqué que leur participation était volontaire, que la recherche était indépendante du cours et que leur non-participation à l’étude n’aurait aucun impact sur leur réussite puisque les responsables des analyses n’auraient pas accès à leurs résultats à l’examen ni à leur identité. Les étudiants ont aussi été informés du déroulement de l’examen collaboratif et des précautions prises pour préserver leur anonymat. Ainsi, ils ont été invités à n’inscrire sur le carnet de réponse que leurs matricules de manière à ne pas pouvoir les identifier. Dans certains cas, les données contenant les prénoms des étudiants ont été anonymisées par des codes. De plus, ils ont été informés que, pour pouvoir recueillir des données dans le respect des conditions éthiques, il fallait que chaque membre d’une équipe consente à participer, à défaut de quoi aucune collecte de données ne serait faite pour cette équipe et ce, sans aucun préjudice individuel. Enfin, pour réduire la pression à participer à la recherche, considérant que les étudiants sont obligés de réaliser l’examen final en mode collaboratif (ce qu’ils ont accepté collectivement par la négociation d’une entente d’évaluation au début de trimestre obligatoire dans cette université), la professeure a été invitée à quitter la classe lors de la présentation des conditions et règles liées au consentement.

5.4. Avant l’examen : un atelier sur le travail collaboratif

Après celui de mi-session, nous avons offert à chaque groupe d’étudiants un atelier de trois heures portant sur le travail collaboratif précédé de la description de notre projet de recherche. Les étudiants y ont appris les conditions et l’utilité du travail collaboratif, l’importance des responsabilités individuelles et la prévention des conflits. Ils ont répondu à une question d’examen fictive semblable à celles des examens pour ensuite observer et analyser le fonctionnement de leur équipe. Le but était de les rassurer sur le déroulement de l’examen collaboratif en les plaçant dans un mode de simulation. À la fin de l’atelier, les équipes ont été constituées en divisant le groupe en deux : ceux qui s’identifient comme étant des personnes qui parlent beaucoup et ceux qui s’identifient comme des personnes qui parlent peu. Ils ont ensuite été invités à constituer leur équipe de quatre parmi les personnes de leur sous-groupe. Considérant que les équipes demeureraient les mêmes jusqu’à l’examen, ils avaient ainsi environ six semaines pour se connaître davantage, pour étudier ensemble et s’y préparer. Il faut noter ici que nous n’avons pas recueilli de données au sujet de l’apport de l’atelier à la collaboration puisqu’il n’était pas le cœur de notre projet. À la fin de l’atelier, le consentement à la recherche leur a été réexpliqué et les formulaires distribués et recueillis. Deux équipes n’ont pas consenti à participer à la recherche.

5.5. Durant la séance d’examen collaboratif : collecte de données

Lors de la séance d’examen collaboratif, le premier groupe était réparti en 13 équipes de quatre (deux personnes étaient absentes à l’examen) et le second groupe en 12 équipes de quatre plus une équipe de 5 étudiants. Les équipes étaient réparties dans deux salles afin de limiter le niveau de bruit. La professeure était assistée par deux étudiants aux cycles supérieurs et deux chercheurs ont observé le déroulement de la séance. Ensuite, les étudiants ont reçu des consignes précises liées au contenu de l’examen, notamment celle de ne remplir qu’un seul cahier de réponse par équipe, et d’enregistrer leur conversation tout au long de l’examen [3]. Ils ont également reçu la consigne d’enregistrer, à la fin de l’examen, leurs réponses aux deux questions suivantes :

Q1. Avez-vous été efficaces lors de l’examen collaboratif ? Si oui, comment ? Sinon pourquoi ?

Q2. Comment avez-vous pris vos décisions pour en arriver une réponse ?

Bien qu’incomplètes pour documenter toute la zone du travail, nous visions par ces questions à ce que les étudiants décrivent le fonctionnement de leur équipe et la manière dont ils ont collaboré pour réaliser la tâche d’examen. Nous avions également le souci d’être brefs pour susciter leur désir d’y répondre et ne pas prolonger indûment leur séance d’examen.

5.6. Après l’examen collaboratif : méthode d’analyse

Pour atteindre nos objectifs, nous avons effectué une analyse de contenu uniquement des réponses aux deux questions précédemment mentionnées, enregistrées sur support audio, de chacune des équipes qui ont consenti à participer (Fortin et Gagnon, 2016). Ces réponses, formulées oralement par chacune des équipes à la fin de l’examen collaboratif, ont été analysées de la manière suivante :

  Transcription complète des verbatim des deux questions.
  Élaboration d’un tableau contenant les six aspects de la zone du travail (Landry, 2010).
  Sélection des éléments de réponse qui correspondent aux six aspects de la zone du travail.
  Classement de ces éléments dans le tableau selon les aspects auxquels ils sont liés.
  Transformation du verbatim en éléments dépersonnalisés (code G pour groupe et E pour équipe avec un numéro fictif pour chacun, retrait des prénoms s’il y a lieu).
  Pour chacun des six aspects de la zone du travail, codage des éléments selon leurs différentes dimensions et regroupements en fonction du codage.
  Catégorisation des éléments de réponse restants : perceptions des étudiants de l’efficacité, appréciation de la collaboration, effets et contraintes du travail de groupe.
  Ajout dans le tableau d’analyse de deux éléments de la zone de l’affection : les caractéristiques de l’équipe et le processus communicationnel.
  Prise de notes simultanément à ces étapes d’analyse sur des considérations méthodologiques.

6. Résultats

Nous présentons ici les résultats en fonction des six aspects de la zone du travail. Sur les 23 équipes qui ont consenti à participer, 16 ont répondu aux deux questions (un enregistrement n’a pu être utilisé à cause d’un mauvais fonctionnement de l’appareil), deux n’ont pas répondu à la question deux et quatre n’ont répondu à aucune des questions. Ce dernier élément peut s’expliquer par le fait que, dans le brouhaha de la fin de l’examen (que nous avons constaté de visu), certains étudiants ont quitté rapidement la salle de classe en oubliant tout simplement de répondre aux questions. Il n’a pas été possible de nous assurer que toutes les équipes, dans les deux salles, avaient bel et bien répondu aux deux questions. Considérant l’expérience complète de l’examen, rien n’indique un possible rejet de l’examen collaboratif par ces équipes. Pour la plupart, les réponses étaient courtes, dites spontanément et témoignaient d’un accord entre les membres des équipes.

6.1. La visée commune

Le premier aspect de la zone du travail concerne la visée et les objectifs de la tâche. La visée semble être demeurée sous-entendue puisqu’aucune équipe ne la mentionne explicitement. Plusieurs d’entre elles disent s’être assurées, sans spécifier comment, d’une compréhension commune de la tâche et ont manifesté le désir « d’arriver à se comprendre ». Il apparaît évident, à travers l’ensemble des données et surtout à l’issue de l’atelier, que la réussite de l’examen a fait office de visée commune pour l’ensemble des équipes. Concernant les objectifs, aucune équipe ne mentionne s’être concrètement dotée d’objectifs communs. Il est possible qu’elles l’aient fait lors de l’atelier à la mi-session. Cela dit, nos analyses montrent que chacune des équipes avait une vision claire de l’examen collaboratif à réaliser sans pour autant avoir ressenti le besoin de décrire des tâches précises au préalable. À titre d’exemple, trois équipes mentionnent que chacun de leurs membres a étudié et deux autres affirment que chacun était bien préparé. Des membres de trois autres équipes disent que tous étaient responsables des autres et soucieux de ne pas faire échouer l’équipe. Sans être des objectifs de réalisation de la tâche, ces résultats portent à croire que les membres ont au moins discuté de moyens pour atteindre la visée commune.

6.2. La structuration du travail

Rappelons d’abord les étapes de la structuration du travail selon Landry (2010) : la planification, l’organisation, la coordination, l’exécution et l’évaluation. L’étape de la planification a pris diverses formes sans être identifiée comme telle ni explicitée. Pour la majorité des groupes, l’étude individuelle et les révisions d’équipe constituent une manière de planifier les actions à faire en vue de l’examen. Un groupe affirme que ses membres se sont entraînés, ce qui suggère qu’ils avaient planifié une manière d’étudier. Un autre groupe admet avoir prévu, au début de l’examen, partir de leurs connaissances communes pour compléter ensuite leurs réponses et trois autres affirment avoir autorisé au préalable le débat comme stratégie de réponse aux questions. Nous avons aussi pu observer que la prévision de gérer le temps et les tours de parole était bien présente. Cependant, nous n’avons obtenu aucune donnée sur le partage des tâches.

Pour l’étape d’organisation durant l’examen, un groupe dit que ses membres se sont réparti le travail équitablement, deux autres qu’ils se sont assurés que chacun ait pu participer à la réponse en demandant « qui veut ajouter quelque chose ? » (G20-E4) et « Vas-y exprime ta pensée ! » (G20-E7). Le fait de détendre l’atmosphère, de s’autoriser à divaguer, de cabotiner, de laisser les conversations dévier constitue aussi une manière d’organiser le travail. L’étape de coordination s’est effectuée, pour tous les groupes, par la gestion du temps, les rappels à l’ordre et par les révisions des réponses écrites avant la fin de l’examen. Bien qu’exprimés par les étudiants par plusieurs expressions, nos résultats témoignent d’une gestion réfléchie et d’un sérieux en regard de l’examen.

L’étape d’exécution est celle qui a été la plus nourrie par les groupes lors de notre collecte de données. En premier lieu, ils étaient nombreux à être présents en classe bien avant l’examen (deux heures dans certains cas) pour réviser ensemble. Ceci témoigne notamment d’un investissement individuel et collectif pour une exécution sérieuse de la tâche. Ensuite, nos résultats, toujours issus des réponses aux deux questions, démontrent que les équipes ont utilisé, lors de l’examen, des moyens variés pour construire leurs réponses aux questions :

  le remue-méninge ;
  l’échange des connaissances et des idées individuelles ;
  la composition des réponses tous ensemble par l’accumulation des connaissances complémentaires ;
  la justification et l’argumentation de leurs choix individuels pour mener au consensus ;
  l’apport d’une consigne visant à s’entendre rapidement sur les éléments de réponse ;
  l’émission leur avis personnel sur la réponse élaborée.

Il semble y avoir eu peu de débats, bien qu’un groupe ait explicitement mentionné l’avoir autorisé. Cependant, l’étape d’exécution ne s’est pas faite sans heurts. Un groupe admet la difficulté à écrire la pensée d’une autre personne (G20-E7) alors qu’un autre constate qu’il était « difficile d’écouter et de rédiger en même temps » (G50-E5). Le travail en groupe a aussi suscité des temps morts et des décalages : « Je me souvenais plus de ce que l’on avait discuté » (G50-E6), « On perdait du temps à retrouver nos informations » (G50-E6). Soulignons ici un souci d’efficacité pour plusieurs.

Enfin, nous avons peu de données concernant l’étape d’évaluation qui consiste dans ce contexte-ci à vérifier l’accomplissement des tâches individuelles et l’atteinte des résultats. Selon nous, les résultats pour cette étape ne sont pas suffisamment étayés pour affirmer que les groupes aient procédé à une évaluation. Néanmoins, la révision de leurs réponses, le constat sur leur avancement durant l’examen et l’expression de leur satisfaction quant à leur performance suggère que le fait de devoir répondre à nos deux questions les a amenés à porter un regard de nature évaluative comme en témoigne ces extraits : « on a réussi à faire de belles réponses » (G20-E7) « on a été efficace » (G20-E5), « nos réponses allaient plus loin, étaient plus complètes » (G20-E18).

6.3. Le traitement de l’information

Le modèle de Landry (2010) stipule que le traitement de l’information se fait par quatre processus : la consultation, la prise de décision, la résolution de problème et la discussion. Dans nos résultats, nous repérons le premier processus par le fait que certaines équipes ont partagé les quelques actions réalisées individuellement. Par exemple, un groupe dit : « quand une idée était complète, on l’écrivait soi-même plutôt que de la dicter au scribe. Quand tu as ton idée, ça va mieux ainsi, même s’il y a une disparité entre les styles d’écriture. Ensuite, on choisissait les idées les plus pertinentes et on les lisait aux autres » (G50-E6). D’autres groupes ont procédé par élimination des éléments de réponse après avoir échangé leurs idées personnelles et retenu les parties les plus convaincantes. D’autres encore ont souligné que la formule collaborative leur a permis d’écrire des réponses diversifiées en synthétisant plusieurs points de vue. La consultation a aussi pris la forme d’une entente tacite pour s’assurer d’être « sur la même longueur d’ondes » (G20-E8). Cette stratégie de coordination dite implicite par Chiocchio et al. (2012) leur a permis, selon eux, de s’exprimer librement en évitant de revendiquer la paternité d’une idée, celle-ci devenant tout de suite celle de l’équipe.

Le processus de prise de décision s’est effectué de diverses manières que voici :

  par recherche de consensus ;
  par accord naturel, sans réelle prise de décisions et plus par élimination ;
  par voie démocratique
  par l’identification de ce qu’ils savent d’un penseur avant de choisir d’écrire sur lui.

Aucune équipe ne parle de problèmes opérationnels pour élaborer et rédiger les réponses. Nous avons aussi observé que la majorité des équipes arrivait facilement à s’entendre. Seules deux équipes admettent avoir trouvé difficile le fait de devoir structurer leurs idées ou d’avoir à choisir la meilleure idée et d’élaborer celle dont elles étaient le plus sûres. D’ailleurs, ce sont là les deux seuls résultats que nous avons obtenus concernant le processus de résolution de problème.

Pour le processus de discussion, nos analyses montrent que l’approfondissement des notions s’est réalisé par des allers-retours individuels et collectifs. En effet, un groupe mentionne s’être momentanément divisé les questions en fonction des forces de chacun pour ensuite élaborer les réponses ensemble en se passant le cahier de réponse. « Chaque membre avait des forces et une partie de la matière qui était plus dans ses cordes. Ça nous a aidés » (G50-E10). Deux autres groupes expliquent que l’élaboration des réponses était issue de la mise à plat, à l’écrit et lors de discussions, de toutes les informations qu’ils possédaient. La discussion a suscité aussi, selon deux équipes, une plus grande compréhension et la consolidation de la matière : « Dans un examen, on oublie parfois, mais ici les autres étaient là pour nous aider. Ça va rester dans notre mémoire à long terme » (G50-E4). Enfin, quelques équipes parlent de fouiller, individuellement et ensemble, dans leur mémoire pour retrouver les bribes de la pensée d’un auteur donné. Le fait de savoir qu’au moins une personne de l’équipe connaissait mieux un auteur aidait au rappel et à une élaboration plus complète des réponses.

6.4. Les normes

Les normes permettent la réalisation adéquate des tâches pour l’atteinte des objectifs. Dans l’examen collaboratif, il s’agissait donc des règles de fonctionnement mises en place par les équipes pour s’assurer de remettre un cahier de réponse satisfaisant et complet. Les normes de type procédurales apparaissent dans nos résultats par la prégnance de la collaboration due probablement à la façon dont nous avons posé nos deux questions. Il semble qu’elle ait été implicite et non émise clairement au départ (du moins nous n’avons pas de données qui en fassent état). On retrouve donc dans nos résultats le fait de considérer les opinions, les hypothèses et les idées de chacun, de partager ses idées, l’obligation de prendre les décisions ensemble et de répondre à toutes les questions en groupe. Il ressort aussi le fait d’avoir prévu respecter les tours de parole, de s’être partagé les tâches de façon égale, d’avoir la liberté d’exprimer leur point de vue et d’aider l’autre à se souvenir d’une notion ou d’un penseur.

Outre les procédures, plusieurs autres normes non formelles étaient également présentes. Nos résultats en révèlent au moins trois : 1) le respect des personnalités, des tempéraments de chacun et du rythme de travail individuel ; 2) les attitudes individuelles à adopter : être ouvert, présent, à l’écoute, se montrer intéressé, encourager ses coéquipiers comme « on est bon, on est capable, on a la meilleure équipe de toute la classe ! » (G50-E7) ; 3) les interactions : faire confiance aux autres, faire des compromis, accepter la critique et la confrontation. Cet exemple l’illustre bien : « il est légitime que l’un te dise que ce que tu as écrit n’est pas suffisant s’il connaît mieux la matière que toi » (G20-E9). Fait particulièrement intéressant : aucune équipe n’a eu à gérer un conflit ou de malentendus durant l’examen, hormis un moment où un groupe dérangeait les autres en parlant trop fort. À ce propos, quatre groupes nous ont fait part du bruit ambiant qui a perturbé leur travail et nuit à leur concentration.

6.5. Les rôles

Le dernier aspect de la zone du travail concerne les rôles que les membres du groupe s’attribuent et qui sont associés à ses réalisations. Nos résultats mettent en évidence trois rôles typiques du travail de groupe qui semblent être les seuls à avoir été définis avant de commencer l’examen. Ce sont le scribe, le gardien du temps et les experts en contenu ou les « têtes pensantes du groupe » (G50-E2). Aucun groupe ne mentionne clairement s’être distribué d’autres rôles et nous avons observé que la plupart n’avaient qu’un seul scribe. Cela dit, deux groupes mentionnent avoir bien soutenu la personne qui écrivait les réponses et, à l’inverse, une autre qu’il aurait fallu mieux la soutenir puisqu’il y avait un décalage entre elle et celles qui discutent. Deux autres groupes constatent qu’ils auraient pu s’échanger les tours d’écriture et un seul groupe mentionne s’être passé le cahier de réponses pour le compléter.

7. Discussion

En vue de discuter de nos résultats, rappelons que nos objectifs visaient à décrire les dimensions de la collaboration et le travail en groupe restreint durant un examen collaboratif.

7.1. Se préparer à être ensemble

Avec l’atelier préparatoire, les étudiants ont été encouragés à se connaître, mais aussi ils ont été initiés au processus de communication présent dans tout groupe restreint. Selon Chiocchio et Essiembre (2009), la communication est le véhicule qui permet la coordination et la collaboration. La bonne entente et le sentiment de synergie décrits par les étudiants après l’examen ont certainement participé à la cohésion groupale. La mise en place d’un réseau de relations affectives positives et l’émergence de significations partagées sont les premiers indices d’une évolution personnelle et sociale (Landry, 2010). Dans notre étude, la préparation à l’examen, notamment par l’atelier et la constitution des groupes bien avant la séance d’examen, semble avoir permis d’éviter des conflits entre les membres d’une même équipe et d’assurer un soutien mutuel. Ce qui est notable, c’est que, malgré le fait que notre collecte de données ait été ciblée sur la zone du travail, nous avons obtenu plusieurs commentaires individuels (dans leurs réponses aux deux questions) d’étudiants concernant leurs émotions et sentiments face à l’examen collaboratif. « J’ai vraiment aimé faire cet examen » (G20-E5), « J’ai eu du plaisir à faire un examen. Ça m’a beaucoup aidé » (G20-E10), « Je n’oublierai jamais cet examen ! » (G50-E4), « Je n’ai jamais autant ri dans un examen ! » (G50-E5) témoignent d’une dynamique de groupe et d’un vécu significatif pour eux. Ceci rejoint les conclusions de Landry (2010) à l’effet que les mécanismes en jeu dans un groupe, porteurs de significations et de médiations particulières, chevauchent les trois zones de son modèle.

Par ailleurs, il est intéressant de noter que la qualité de l’ambiance peut jouer un rôle sur le vécu de l’examen. En effet, selon Soller (2001) le plaisir et les émotions ressenties pendant une activité, en restituant à celle-ci son caractère d’événement, sont susceptibles d’activer la mémoire. Les réponses formulées oralement par les étudiants à nos questions constituent des indices qu’ils perçoivent intuitivement ce lien entre plaisir et mémoire : « J’ai adoré les évaluations dans ce cours. Je n’ai pas eu besoin d’étudier. Je me rappelle beaucoup de choses. » (G50-E7), « On a suscité les réminiscences » (G50-E4). Nous ne pouvons affirmer ce lien de dépendance, mais nous y voyons un effet possible sur l’apprentissage grâce à la situation collaborative. À ce sujet, Chiocchio (2012) mentionne le concept de mémoire transactive. Il réfère à la conscience qu’ont les individus d’un groupe de ce qu’ils savent individuellement et collectivement pour la tâche à accomplir. Ce type de mémoire est « fortement corrélée à l’atteinte des buts de l’équipe » (p. 46).

Tout comme Blasco-Arcas et ses collègues (2013) l’affirment, la collaboration prend tout son sens en milieu éducatif si elle place les étudiants dans un mode où ils doivent se situer face aux autres. L’examen collaboratif dont sont issus nos résultats a amené très tôt les étudiants à prendre des décisions, à prendre position, à s’affirmer, contrairement aux examens individuels où ils ne sont face qu’à eux-mêmes. Ils n’ont pas le choix de s’appuyer sur leurs coéquipiers et développent du même coup leur responsabilité collective. Les écrits de Chiocchio (2012) montrent aussi que, parmi les avantages de la collaboration, on retrouve un fort engagement et, par extension, le plaisir d’apprendre, ce qui coïncidait dans notre cas avec les objectifs d’apprentissage du cours de fondements de l’éducation et rendait par conséquent le choix de l’examen collaboratif particulièrement pertinent. L’évaluation aide en outre à la gestion du stress et du temps (Gilley et al., 2014). Nos résultats montrent effectivement que l’examen collaboratif est notablement moins anxiogène et moins stressant qu’un examen individuel.

7.2. La dynamique des groupes par l’action collaborative

Comme nous l’avons vu, la zone du travail est constituée de l’ensemble des activités qu’effectue le groupe pour atteindre la visée commune. Pour Landry (2010), la zone du travail se trouve entre celle de l’affection et du contrôle. Elle est le lieu des relations d’action et des mécanismes de structuration du travail. Dans notre étude, cette zone se caractérise globalement par une centration sur la tâche, probablement parce que celle-ci était incontournable pour les membres du groupe, l’examen étant un passage obligé pour réussir le cours. Les étudiants ont rapidement compris, dès l’atelier, qu’ils se devaient de miser sur les forces de chacun, de discuter beaucoup, de viser prestement le consensus et de s’organiser. C’est là un exemple typique de la dynamique de groupe de Landry (2010) qui se met en place lorsque se pointe à l’horizon une décision importante ou une obligation inévitable.

Cette situation à caractère urgent (ils avaient trois heures) a permis aux groupes de dépasser rapidement l’étape initiale du cheminement groupal où les expériences personnelles priment sur les exigences du travail à faire (Chiocchio, 2012 ; Landry, 2010). Bien que nous n’ayons pas documenté le fonctionnement des groupes entre l’atelier et l’examen collaboratif, nos résultats démontrent qu’ils semblent avoir peu planifié explicitement, mais qu’ils ont bien géré le temps et qu’ils ont été efficaces. Ils ont fait une gestion réfléchie et équitable de l’examen, avant et pendant celui-ci. Pour Chiocchio et Essiembre (2009), une équipe vraiment fonctionnelle et adaptative est capable d’éviter la surcharge de tâches et est capable de séquencer, synchroniser et rythmer ses activités. Ceci se repère dans nos résultats notamment par l’importance qu’ils ont accordée à la révision, par la variété des modes de prise de décision et par la variété des stratégies utilisées pour répondre aux questions de l’examen.

Nous relevons aussi que les étudiants se sont généralement sentis libres de s’exprimer, mais sans que la justification de leur point de vue personnel ne soit au centre de leur propos. Comme dit l’un deux : « on s’est vite habitué à l’opinion des autres » (G50-E5). Ce qui primait était de rédiger de bonnes réponses, approfondies, unifiées et complètes. La conscience claire du travail à faire, en amont et pendant l’examen, a favorisé une efficacité et même un certain regard critique sur leurs propres productions. Une étudiante juge que ce type d’examen « n’est pas très efficace si on évacue le plaisir. Seule, j’aurais été plus efficace. Il fallait discuter et tout, mais, c’était le fun » (G50-E5). Cette remarque illustre bien l’évolution du groupe. Selon Landry (2010), la notion de plaisir participe au sens qu’accorde le groupe à son existence et elle survient généralement lorsqu’il est capable de questionner son organisation et lorsque ses membres peuvent confronter leurs positions au sujet des éléments décisifs. À cet égard, le développement des habiletés de collaboration semble avoir amené les groupes de notre étude à atteindre rapidement une forme de maturité groupale (Chiocchio et al., 2012 ; Landry, 2010). Elle se manifeste notamment par un sentiment d’appartenance au groupe, par la gestion saine des conflits et par le constat que plusieurs têtes valent mieux qu’une. L’examen a été « plus facile, nos connaissances sont plus poussées » (G20-E3), « On a mieux réfléchi à quatre que si on avait été seul » (G50-E11). Si nous demeurons dans la ligne de pensée de Landry (2010), nous avançons l’idée que les besoins d’affection et de contrôle ont été satisfaits lors de la préparation à l’examen collaboratif ce qui aurait favorisé une évolution aisée des groupes. De même, la manière de constituer les équipes, en partie imposée et en partie choisie, a possiblement influencé positivement le degré de collaboration (Cozma, 2021). De plus, on peut facilement percevoir à travers nos résultats que le processus de structuration de tous les groupes de notre étude est dynamique, le fait que chaque action ne soit pas figée assure une certaine stabilité au groupe.

7.3. Interaction et interdépendance des zones : apports de la collaboration

L’une des difficultés que nous avons rencontrées lors de nos analyses concerne le fait que certains résultats pouvaient se retrouver sous plusieurs aspects. Ainsi, faire un remue-méninge est une manière de traiter les informations en amorçant une discussion pour approfondir, mais c’est aussi une façon d’exécuter le travail, aspect plutôt lié à la structuration. Il en est de même pour le processus de décision qui fait à la fois partie de l’étape d’exécution dans la structuration du travail et à la fois du traitement de l’information. Ces difficultés ne sont pas que circonstancielles. Elles illustrent l’interaction entre les zones du modèle de Landry (2010), appuyée également par Chiocchio (2012), qui nous rappelle que la structure, les actions, les comportements et les normes se construisent dans l’interaction et que les zones ne sont pas exclusives. Par exemple, nous pouvons dégager de nos résultats que le fait de s’entendre rapidement sur un sujet donné améliore l’efficacité du groupe, mais reflète aussi sa manière de communiquer. L’interaction est présente aussi dans notre étude sous le signe de l’évidente entraide présente dans chacun des groupes restreints et par les multiples itérations des actions du groupe et des individus.

Ce processus interactif nourrit également les comportements d’étude. En prévision de l’examen, les étudiants se sont préparés à argumenter leurs réponses et à défendre leur point de vue. C’est aussi ce que notent Wieman et al. (2014) : dans leur étude, à quelques rares exceptions près, tous les membres des équipes ont participé activement en interagissant avec leurs coéquipiers. Par ailleurs, des chercheurs notent aussi qu’après avoir vécu une expérience d’examen collaboratif, les étudiants participent mieux et s’engagent davantage dans les activités de collaboration au cours du trimestre (Rieger et al., 2014). Ils sont plus convaincus de l’importance de la discussion et ils voient mieux la cohérence entre les contenus vus en classe et les évaluations. Émerge ici, le caractère essentiel de l’interaction dans la construction du groupe en tant que système débordant de la stricte activité qu’est l’examen. Cela étant dit, l’interaction n’a pas que des aspects positifs. Certains de nos résultats vont dans le même sens que ceux de Landry (2010) et de Chiocchio (2012) qui suggèrent de bien contrôler l’environnement dans lequel la tâche, ici l’examen collaboratif, aura lieu. Par exemple, il peut être utile de prévoir plusieurs locaux pour réduire le bruit ou d’envisager la possibilité que les groupes utilisent l’ordinateur pour rédiger les réponses pour faciliter le rôle du scribe.

Nous constatons aussi dans nos résultats la présence d’une interdépendance positive, d’une part, entre les membres d’un même groupe et, d’autre part, entre les zones du modèle de Landry (Johnson et al., 2011 ; 2010). Ceci indique que les coéquipiers ont vécu une situation de collaboration et non de compétition (interdépendance négative). Plusieurs extraits de verbatim illustrent l’accent sur la mise en commun des savoirs individuels. « Tu ne peux pas te séparer les parties, parce que l’on a juste trois heures, il faut que tu le fasses. C’est rare que l’on s’installe ensemble » (G50-E5), « C’est une force de travailler en équipe » (G50-E5), « J’ai aimé la collaboration, on met tous nos savoirs ensemble et on se rappelle des choses ensemble » (G20-E7). Dans ces exemples, nous retrouvons l’importance de l’interdépendance positive pour atteindre la visée commune qu’aucun membre n’aurait pu atteindre seul, du moins pas de la même manière. Avec l’examen collaboratif proposé, les étudiants ne peuvent faire autrement que de partager les ressources avec le groupe et ils utilisent le travail réalisé en groupe pour continuer à apprendre par leur participation au travail poursuivi. Les impératifs de la zone du travail doivent permettre d’actualiser sans cesse l’interdépendance positive et de conserver un niveau élevé de celle-ci pour éviter une perte de cohésion groupale. L’interdépendance positive entre les membres dans notre étude est aussi marquée par une souplesse dans l’organisation et la division du travail. Les règles n’étaient pas rigides et la plupart des normes semblent avoir été définies au fur et à mesure pour s’ajuster aux imprévus.

Parallèlement, l’interdépendance entre les zones du modèle de Landry (2010) se perçoit notamment par les émotions vécus (zone de l’affection) qui agissent sur l’action (zone du travail) : « l’être humain est fait de rationalité et d’irrationalité, [aussi] la seule satisfaction de ses besoins d’action ne lui suffit pas, ses besoins d’affection et de contrôle, de même que son besoin de sens, déterminant également son agir » (Landry, 2010, p. 252). Au cours de notre étude, nous avons pu déceler que les trois zones s’interpellent sans cesse et qu’elles étaient tour à tour dominantes selon l’évolution du groupe et des enjeux en cause (comme la difficulté à justifier les choix du groupe). Par ailleurs, l’examen collaboratif que nous avons fait vivre aux étudiants ne peut se réaliser sans une stratégie pédagogique favorisant l’interdépendance affective, cognitive et sociale des étudiants (Johnson et al., 2011). Les rapports affectifs, provoqués par la nature collaborative de l’examen et pour la plupart positifs, ont eu une incidence sur la qualité du travail rendu et réciproquement. Nous avons observé lors de l’examen des groupes en équilibre : prêts pour l’action, stimulés par la complémentarité de leurs membres, en confiance et travaillant en totale interdépendance.

8. Conclusion

Afin de mieux comprendre la collaboration dans la zone du travail, nous avons inséré un examen collaboratif sommatif dans un cours de fondements de l’éducation s’adressant à 107 étudiants. Nos résultats indiquent que les groupes n’ont pas eu à clarifier une visée commune autre que celle liée à la réussite de l’examen. De ce fait, aucun problème notable de fonctionnement n’ont été relevés ; la structuration de leur travail était adéquate : ils ont planifié, se sont organisés et ont bien géré la séance d’examen ; leurs prises de décisions se sont faites de façon collaborative et variée ; les groupes ont appliqué implicitement plusieurs normes non formelles concernant le respect, les attitudes à adopter et les interactions et ils se sont distribués des rôles typiques tels que le scribe ou le gardien du temps. L’étude fait ressortir l’importance de préparer et de former autant les enseignants que les étudiants à collaborer. Comme le dit Shindler (2004) : « We got to practice what we preach » (p. 277). C’est l’une des responsabilités professionnelles de l’enseignant que de se préparer adéquatement à la collaboration avant de placer ses étudiants dans ce mode sans prendre la mesure des effets importants qu’elle peut générer sur l’apprentissage et le développement personnel. À cet égard, l’atelier préparatoire a servi à sensibiliser les étudiants, à vivre l’étape initiale de cheminement groupal et à l’enseignante à bien se préparer. Comme pistes d’action, il serait pertinent, par exemple, de former les enseignants à la collaboration, d’ouvrir la discussion à son sujet entre étudiants et enseignant et d’utiliser les résultats des recherches notamment sur l’examen collaboratif pour évaluer autrement.

Avec son fort potentiel pour l’apprentissage, l’examen collaboratif est somme toute facile à implanter dans un cours et peut répondre aux deux finalités de l’évaluation, à savoir évaluer pour apprendre et témoigner des acquis. Il requiert une volonté de responsabiliser les étudiants, un souci d’équité, une bonne planification, un certain encadrement et la conviction que le travail collectif est pertinent et efficace. C’est ce que nous avons voulu démontrer aux étudiants-futurs enseignants avec l’atelier offert avant l’examen collaboratif. Durant cet atelier, ils ont été encouragés à reconnaître leurs forces et leurs faiblesses, à fraterniser, à prévoir leur préparation à l’examen, à bien communiquer, etc. Bien sûr, insérer un atelier sur la collaboration dans un cours exige de revoir la planification de celui-ci. Cependant, les écrits montrent que les bénéfices de cet exercice sont supérieurs aux difficultés éprouvées en considérant d’emblée que les étudiants savent collaborer. Enfin, selon nous, vouloir mieux comprendre ce qui se joue lors de la collaboration a aussi pour effet d’offrir aux enseignants et aux étudiants une plus grande prise sur les difficultés du travail en équipe et des leviers pour agir à la recherche de solutions. En ce sens, notre étude apporte un peu d’eau au moulin et ouvre sur l’élaboration d’autres études à venir.

Bibliographie

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Licence : CC by-nc-sa

Notes

[1Traduction libre. Citation originale : « the interplay of situation-appropriate uses of four interrelated processes : teamwork communication, synchronicity, explicit coordination, and implicit coordination ».

[2Il en existe bien d’autres correspondant notamment à différents types de réunions (Landry, 2010).

[3Précisons que l’ensemble de ces enregistrements n’a pas été analysé d’abord parce que nous n’avions pas les ressources pour analyser toutes les données de trois heures d’examen (trois heures fois 24 équipes) et ensuite parce beaucoup de ces données n’étaient pas pertinentes pour notre étude puisque liées au contenu de l’examen.

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