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L’apprentissage en équipe

Article écrit par J.-F. Parmentier et Q. Vicens

L’apprentissage en équipe (« Team-based learning ») est une méthode pédagogique développée durant les années 70 et qui a démontré son efficacité dans l’enseignement supérieur (Swanson et al., 2019). Cet article en présente les principes et fournit des recommandations pour une mise en pratique optimale.

Organisation

L’approche est conçue autour d’« unités thématiques » (sous-parties d’un cours), qui sont enseignées sur l’année selon un cycle en trois phases : le travail préparatoire individuel, le processus de validation du niveau des élèves et enfin la mise en pratique sur des cas complexes et authentiques.

C’est donc une forme de classe inversée dont l’activité en classe comprend essentiellement du travail en équipes permanentes de 4 à 7 élèves. De nombreuses conditions d’efficacité du travail en groupe sont mises en application : responsabilité individuelle, interdépendance positive, tâches adaptées et réflexions sur les relations entre membres (Buchs, 2017 ; Gillies 2008 ; Michaelsen et Sweet, 2008).

Les différentes phases

Phase 1 : le travail préparatoire individuel

Au début de chaque nouvelle unité d’enseignement, les étudiants doivent réaliser un travail préparatoire de consultation de ressources. Celles-ci peuvent être des chapitres de manuels, d’articles, des vidéos ou des diapositives PowerPoint. Le contenu doit mettre en évidence le vocabulaire de base et les concepts les plus importants dont les étudiants ont besoin pour commencer à résoudre des problèmes. Il ne doit cependant pas tout couvrir ce qu’ils doivent savoir à la fin du module. Ce travail s’effectue avant les séances en présentiel.

Phase 2 : le processus de validation

La première séance de chaque nouvelle unité d’enseignement commence avec le processus de validation du niveau des élèves. D’une durée de 45 à 75 min, l’objectif est de s’assurer que tous les élèves aient le niveau nécessaire pour aborder la phase 3.
Ce processus se déroule en quatre temps :

  1. Les élèves répondent individuellement à un questionnaire d’une durée de 15 à 20 min et composé de QCM portant sur les points clés et à des niveaux de la taxonomie de Bloom faibles (répéter, comprendre, appliquer).
  2. Les élèves rejoignent ensuite leur équipe, et ils doivent répondre alors au même questionnaire en donnant une réponse collective. Un système de correction automatique avec pénalité leur permet de réaliser plusieurs essais pour chacune des questions et de voir immédiatement la solution.
  3. Les élèves peuvent ensuite “faire appel” pour les questions auxquelles ils ont répondu faux. Dans ce cas, ils doivent fournir une argumentation écrite qui sera prise en compte par l’enseignant après le cours. Si l’enseignant est convaincu, la note change (par ex. si la question était finalement ambiguë).
  4. L’enseignant effectue enfin un retour à l’oral sous forme de bref cours magistral portant uniquement sur les points qui posent des difficultés.

Les réponses aux questionnaires à l’étape 2 s’effectuent sur papier via un système astucieux de cases à gratter : à chaque question, les élèves grattent l’un des choix de réponses et une étoile apparaît dessous si la réponse est correcte. Il est possible d’imiter ce système en fournissant un ordinateur par équipe (disposant de préférence d’un navigateur sécurisé) et en demandant de répondre à un questionnaire en ligne sous Moodle avec tentatives multiples.

Phase 3 : les exercices d’applications

Cette dernière phase est consacrée à du travail en équipe et s’étale sur plusieurs séances, pour une durée totale entre 1 et 4 h. Les exercices proposés aident les étudiants à appliquer et élargir les connaissances qu’ils ont préalablement apprises et validées lors de la phase 2.

Le même problème est présenté à l’ensemble des équipes. Celui-ci propose un cas parlant aux étudiants (par ex. un médecin qui doit effectuer un diagnostic sur la base de certains symptômes) et demande aux équipes d’arriver à un consensus pour choisir la "meilleure" solution parmi des options proposées. À la fin du travail, toutes les équipes indiquent simultanément et publiquement leur choix (par ex. en levant un carton de couleur). L’enseignant anime alors une discussion entre les équipes pour explorer les réponses possibles au problème, en se focalisant sur le "comment êtes-vous parvenu à votre décision ?" et non sur "quelle est la bonne réponse ?".

Le travail demandé repose sur des interactions fortes entre les membres d’une même équipe tout en utilisant les concepts du cours. Un type d’activité qui génère de telles interactions consiste à inviter les élèves à prendre des décisions qui impliquent un ensemble de paramètres en interaction. Au contraire, les activités qui demandent aux équipes de produire un résultat volumineux, comme par exemple un long rapport, sont à éviter. En effet, l’urgence à réaliser le travail demandé conduit à une répartition du travail et non à des échanges mettant en jeu le contenu du cours. Le travail demandé est donc différent de ce qui est généralement appelé “projet” dans l’enseignement supérieur.

L’évaluation sommative

L’évaluation est un point essentiel afin d’assurer à la fois la responsabilité individuelle et l’interdépendance positive entre les membres d’une équipe. Elle porte sur 3 critères :

  • préparation : les notes reçues sur le travail préparatoire (phase 2), qui incluent la note individuelle et la note pour la réponse de son équipe,
  • contribution : la participation de chacun au travail d’équipe, évaluée à mi-parcours et à la fin de la phase 3,
  • produit final : l’évaluation de la réponse finale donnée par l’équipe en phase 3.

L’évaluation de la contribution de chacun au travail d’équipe prend en compte l’assiduité en classe et la participation durant le travail de groupe. Cette dernière est réalisée par une évaluation par les pairs en utilisant différents critères (ex. : fait des propositions pertinentes, encourage la participation de tous, s’assure de l’accord des autres, etc.) complétés des questions ouvertes sur les points appréciés et des suggestions d’amélioration.

La pondération finale entre les 3 critères (préparation, contribution et produit final) est discutée avec les étudiants afin de répondre aux préoccupations d’équité qui surgissent lorsque le résultat d’un travail en groupe fait partie de la note d’une personne.

La gestion des équipes

La composition

Les équipes se composent de 4 à 7 étudiants, bien que la méthode fonctionne mieux lorsque les celles-ci comptent 4 ou 5 étudiants (Swanson et al., 2019). Elles sont formées par l’enseignant afin d’éviter des problèmes de coalitions entre certains membres d’une même équipe, de garantir une hétérogénéité des niveaux initiaux et d’assurer une diversité de points de vue (en particulier si les étudiants proviennent de parcours ou formations différentes).

Le fonctionnement des équipes

Les équipes sont fixes pour toute la durée du cours (semestre) pour que la cohésion de l’équipe ait le temps de se construire. Il n’y a pas de rôles spécifiques attribués à tel ou tel membre. Le travail proposé est conçu pour générer de nombreuses interactions entre les membres du groupe. Les évaluations entre pairs permettent ensuite de donner du feedback à chacun des membres sur son attitude (points positifs et améliorations demandées par ses coéquipiers) et ainsi d’améliorer le fonctionnement de chacune des équipes.

Différences avec l’apprentissage par problèmes ou par projets

Bien qu’un point commun avec l’apprentissage par problèmes ou par projets est le travail en équipe sur des cas authentiques, il y des différences fondamentales entre les approches.

L’apprentissage en équipe est une forme de classe inversée où les contenus théoriques ont été fournis aux étudiants (phase 1) et dont l’acquisition a été validée avant le travail sur des cas d’applications (phase 2). Les cas d’application servent uniquement à approfondir la compréhension d’un contenu déjà fourni.

Au contraire, dans l’apprentissage par problèmes, les élèves n’ont reçu aucune formation particulière concernant les notions qui seront utiles à la réalisation du problème posé (Loyens et al., 2012 ; Loyens et Rikers, 2016). C’est aux étudiants de déterminer et sélectionner la littérature pertinente sur le sujet, puis de l’étudier d’ici la prochaine réunion de groupe. Lors de celle-ci, les étudiants réévaluent la pertinence des contenus qu’ils ont étudiés puis cherchent si besoin de nouvelles sources d’information.

L’apprentissage par projets reprend les mêmes principes, mais il y a cette fois-ci un produit final à produire. La plupart du temps, les étudiants ont un certain degré de liberté sur le sujet du projet (Loyens et Rikers, 2016). Comme dit précédemment, le travail demandé lors de l’apprentissage en équipe est axé sur la prise de décision et non sur la production d’un contenu décomposable. De plus, le sujet est identique pour toutes les équipes afin de réaliser une discussion entre groupes à la fin de la phase 3.

Conclusions

L’apprentissage en équipe est une pédagogie qui intègre de multiples éléments (classe inversée, travail en équipe, évaluations, etc.). Comme pour toutes les interventions « macroscopiques », les effets mesurés sur l’apprentissage reflètent l’intervention dans son ensemble et il est très difficile de savoir quels sont les éléments les plus déterminants, ceux qu’on pourrait optimiser (comme par ex. le nombre d’élèves par équipe) ou voir si certains en réduisent son efficacité (Swanson et al., 2019). La méthode de l’apprentissage en équipe met en application de nombreuses recommandations concernant l’efficacité du travail en groupe. Cependant, c’est aussi une forme de classe inversée, et l’un des facteurs majeurs déterminants l’efficacité de cette pratique est le contenu du travail préparatoire (Guilbault et Viau-Guay 2017 ; Lo et al., 2017). Or cet aspect, réalisé en phase 1, comporte uniquement de la consultation de ressources et gagnerait donc à être rendu plus efficace en suivant les recommandations issues de la recherche (voir par ex. Parmentier et Vicens, 2021).

Bibliographie

Buchs, C. (2017). Comment organiser l’apprentissage des élèves par petits groupes  ? In Différenciation pédagogique  : Comment adapter l’enseignement pour la réussite de tous les élèves  ? Conseil National d’évaluation du Système Scolaire ; https://archive-ouverte.unige.ch/unige:95551

Gillies, R. M. (2014). Cooperative Learning  : Developments in Research. International Journal of Educational Psychology, 3(2), 125‑140.

Guilbault, M., & Viau-Guay, A. (2017). La classe inversée comme approche pédagogique en enseignement supérieur  : État des connaissances scientifiques et recommandations. Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 33(1), Article 1. https://doi.org/10.4000/ripes.1193

Lo, C. K., Hew, K. F., & Chen, G. (2017). Toward a set of design principles for mathematics flipped classrooms  : A synthesis of research in mathematics education. Educational Research Review, 22, 50‑73. https://doi.org/10.1016/j.edurev.2017.08.002

Loyens, S. M. M., Kirschner, P. A., & Paas, F. (2012). Problem-based learning. In APA educational psychology handbook, Vol 3  : Application to learning and teaching (p. 403‑425). American Psychological Association. https://doi.org/10.1037/13275-016

Loyens, S. M. M., & Rikers, R. M. J. P. (2016). Instruction Based on Inquiry. In Handbook of Research on Learning and Instruction (2e éd.). Routledge.

Michaelsen, L. K., & Sweet, M. (2008). The essential elements of team-based learning. New Directions for Teaching and Learning, 2008(116), 7‑27. https://doi.org/10.1002/tl.330

Parmentier, J.-F., & Vicens, Q. (2021). Scénario 3 - La classe inversée. In 4 scénarios pour enseigner ou former à distance  : Exemples concrets et fiches pratiques. Dunod. https://doi.org/10.5281/zenodo.4641271

Swanson, E., McCulley, L. V., Osman, D. J., Scammacca Lewis, N., & Solis, M. (2019). The effect of team-based learning on content knowledge  : A meta-analysis. Active Learning in Higher Education, 20(1), 39‑50. https://doi.org/10.1177/1469787417731201

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