Un article repris de la revue Distances et médiations des savoirs, une publication sous licence CC by sa
Laurent Heiser, « La pédagogie contemporaine, un nouveau concept pour intégrer les technologies en contexte éducatif ? », Distances et médiations des savoirs [En ligne], 35 | 2021, mis en ligne le 21 octobre 2021, consulté le 22 novembre 2021. URL : http://journals.openedition.org/dms/6564 ; DOI : https://doi.org/10.4000/dms.6564
Introduction
En quoi le concept de la pédagogie contemporaine, développé par Bernard Charlot dans l’ouvrage « Éducation ou Barbarie », offre-t-il un regard nouveau sur les questions de l’usage des technologies éducatives en présence ou à distance ? Éducation ou Barbarie, tel est le sujet, le problème et la question qui sont posés par ce titre à la consonance shakespearienne et paru aux éditions Economica Anthropos. Bernard Charlot propose, en s’appuyant sur de nombreuses références bibliographiques, un travail ambitieux qui évoque l’histoire des pédagogies et analyse les discours sur la qualité de l’éducation, propose une réflexion sur leur anthropologie, tente de définir la condition humaine et traite de l’évolution de l’Homme. L’ambition de cet ouvrage de 323 pages est affichée dès l’introduction : « L’ambition […] est de comprendre cette nouvelle configuration de la question de l’éducation dans la société contemporaine » (p. 8). Dans le contexte actuel, marqué par les discours sur le développement des compétences numériques des élèves et des étudiants, et la question de l’enseignement hybride et à distance (notamment en période de crise sanitaire), le lecteur trouvera chez Charlot une réflexion originale et compatible avec les concepts bien étudiés par la revue DMS, en particulier ceux de médiation et de médiatisation (Peraya et al., 2012) et de présence et de distance (Peraya, 2011). L’ambition de ce livre nécessite de penser la question de l’anthropologie avec complexité. Pour cela, propose l’auteur, les normes scolaires devraient moins se focaliser sur l’efficacité des apprentissages que sur la diffusion de valeurs humanistes par le biais de pratiques pédagogiques qui permettraient des apprentissages aux nouvelles technologies. Le potentiel de cette pédagogie contemporaine, et humaniste, réside dans le fait d’articuler celle-ci à une éducation du citoyen au monde des cybertechniques. Il s’agit donc bien de situer la question de la conception pédagogique dans la perspective de l’émancipation au numérique (augmentation des savoirs et savoir-faire) versus aliénation (diminution de ces derniers).
L’ouvrage est découpé en trois parties relativement déséquilibrées : la première, la plus courte, a pour objectif de remettre en perspective deux courants pédagogiques, la pédagogie traditionnelle et la pédagogie nouvelle ; la seconde vise à aborder et analyser les discours contemporains sur l’éducation des tenants de la neuroéducation. Ils n’ouvrent, déclare Charlot, « aucun débat sur l’éducation » (p. 301). L’auteur nuance leurs résultats ou innovations, déconstruit leurs arguments en montrant qu’ils participent à la norme de la concurrence et de la compétition. La réflexion de l’auteur s’attarde sur le paradigme de l’efficacité, dominant au sein du système scolaire, et le décrit comme un terreau fertile pour les contradictions. Il montre que l’usage des nouvelles technologies en contexte scolaire et universitaire répond difficilement à l’idéal de la cyberculture. La pédagogie par le numérique est pensée par les professeurs, décrit-il, surtout pour médiatiser des informations. Ils prennent le rôle de « professeur de l’information » (p. 114) ce qui permet difficilement d’enrichir les compétences numériques des élèves.
Ainsi l’auteur nous invite-t-il à penser la pédagogie du numérique au prisme du concept de « pédagogie contemporaine » compatible, selon nous, avec celui de médiations. Précisons qu’il s’agit pour lui d’envisager des médiations spécifiques dans la forme scolaire et universitaire puisqu’elles doivent s’articuler autour de la question de la place spécifique de l’homme dans notre monde des techniques. L’originalité de l’approche est de nous inviter à penser le concept de médiations, au sein des dispositifs numériques, comme indissociable de la question de l’enrichissement de notre humanité. Le lecteur pourra également profiter d’un prologue, et d’une conclusion, dans lesquels l’auteur évoque son parcours.
Dans cette note de lecture, nous tenterons d’établir un compte rendu le plus fidèle possible de chaque partie, sans être exhaustif, mais en formulant systématiquement un bilan sur la démarche de l’auteur. Nous poursuivrons, dans la conclusion, en soulignant que la pédagogie contemporaine, ainsi soutenue par le numérique, pose des difficultés de conceptions. Nous finaliserons notre note de lecture en mettant en évidence une autre difficulté, celle de l’autorisation des équipements des élèves.
Compte rendu de lecture
Bernard Charlot souhaite démontrer la nécessité de réinterroger la pédagogie dans notre monde marqué par la présence de plus en plus forte de l’IA.
Première partie
La première partie, plus courte que les deux autres, permet de faire une analyse comparée entre les pédagogies traditionnelle et nouvelle et permet d’ouvrir des perspectives sur son concept de « pédagogie contemporaine ». Chacune de ces trois pédagogies, précise l’auteur, doit être pensée comme un idéal désireux de faire avancer l’homme. La première pédagogie est une anthropologie fondée sur l’idée d’austérité. Elle est nécessaire pour élever l’homme vers une forme supérieure de l’esprit, à laquelle l’homme peut accéder au prisme de normes et surtout de la discipline. Pour cela, il doit intérioriser la « sagesse, sainteté, noblesse, Raison, citoyenneté » (p. 33) et refouler le désir qui est, décrit l’auteur, une « source de corruption » (ibid.). La seconde pédagogie, la Nouvelle, se situe plutôt « du côté du désir » (p. 47). Dans la droite lignée des idées de Rousseau, elle (ou plutôt elles, car il faudrait, selon l’auteur, parler de pédagogies nouvelles) « repose sur l’interprétation positive de la nature humaine » (p. 35). Dès lors, on est passé, à partir de la fin du 19e et du début du 20e siècle, d’une conception qui postule que la nature est corrompue (la Pédagogie Traditionnelle) à une pédagogie qui cherche à assurer un « élan vital » (p. 46). Mais dans les deux cas, pointe l’auteur, elles supposent toutes les deux que la nature soit transformable en bien ou en mal. Elles contiennent donc toujours la tension entre désir et norme, ce qui peut enfermer la réflexion dans l’essentialisme. Et Charlot conclut sur ce point que le « degré d’humanité de chacun est [donc] révélé par la position sociale et sexuelle » (p. 48). Pour dépasser cette hiérarchisation, l’auteur invite à nous demander s’il « existe […] encore » (p. 49) un discours anthropologique sur l’éducation.
Il propose maintenant de s’attarder sur « le discours pédagogique » (ibid.) et sur ce qu’il appelle la logique anthropologique de la concurrence et de la compétition. L’économie de marché a fait évoluer l’idée selon laquelle la croissance dépend de « la consommation » (p. 64). Le désir est légitimé en même temps que les principes de la compétition et de la concurrence, où les individus poursuivent « leur(s) intérêt(s) personnel(s) » (p. 68). Ces derniers deviennent des normes non universalisantes donnant lieu à des bricolages pédagogiques (entre norme et désir) et à des discours. Dans les deux cas, fait remarquer l’auteur, ces principes ne peuvent pas représenter une pédagogie contemporaine, car ils ne possèdent pas de « référent anthropologique » (p. 69). S’écartant parfois de l’objet de son ouvrage, qui est la pédagogie contemporaine, l’auteur décrit une société qui se perd, ou est en train de rompre, comme l’illustre le passage ci-dessous :
« Dans une telle configuration socioculturelle, la « crise de sens », c’est-à-dire l’absence de repères anthropologiques fonctionnant comme supports d’identification, et la pression permanente à la performance et à la réussite tendent à engendrer stress, angoisse, dépression et parfois même violence » (p. 69).
Configuration socioculturelle qui, pour l’auteur, permet de formuler l’idée selon laquelle la qualité de la « pratique pédagogique » repose sur des critères qui sont éloignés de la conception de l’humain.
Deuxième partie
On aurait pu s’attendre, à ce stade, à ce que Bernard Charlot s’attarde sur une analyse des critères issus des classifications internationales. Dans un avant-propos à cette seconde partie (p. 74), il précise que la situation qu’il vient de décrire est surtout le vecteur de nouveaux discours sur la pédagogie. Il leur attribue la qualité suivante : leur grande pauvreté anthropologique. Ceci justifie de poursuivre son travail d’analyse en s’attardant sur ces derniers, les « nouveaux discours sur l’éducation [qui se développent, précise-t-il] aux frontières du champ pédagogique » (p. 74).
Le cas de la neuroéducation, science associée à des questions de « la psychologie cognitive » (p. 85), est le premier de ces discours. Charlot précise que le champ scientifique sur les apprentissages peut s’avérer toutefois fort utile. Par exemple, pour « résoudre des difficultés pédagogiques liées à des lésions, défaillances ou perturbations […] et [connaître les] conditions d’une optimisation, de l’activité cérébrale […] pour espérer un meilleur apprentissage » (p. 86). Pour utiles que soient ces recherches, Charlot souhaite rappeler les conditions de production des résultats scientifiques. Ils sont produits, répète-t-il plusieurs fois, « en situation expérimentale donc artificielle » (p. 89) ce qui les rend difficilement généralisables : car le contexte de la classe est beaucoup moins contrôlé. De plus, les études sur le cerveau font courir le risque de ne pas considérer suffisamment le vécu du sujet dans son environnement. Deux prudences, qui, étayées par des exemples concrets, comme celui de la lecture, des émotions de l’attention, de l’erreur, sont autant d’invitations à lire et relire la démonstration de Charlot et à comprendre pourquoi, d’après lui, il n’est pas envisageable de « traduire directement des résultats de recherche sur le cerveau en prescriptions » (p. 92). Prudence finalement, pour le dire autrement, vis-à-vis de ces recherches sur la motivation ou la réussite des élèves en difficulté » (p. 105), alors que les données ont été collectées sur des échantillons réduits et/ou dans une démarche expérimentale. Car, insiste l’auteur, il ne faut pas oublier que l’apprentissage se construit à la fois « dans une histoire sociale et singulière » (p. 107). Ainsi, il démontre toute la fragilité, et le danger, des prescriptions et leur incapacité à proposer de nouvelles solutions dans la pratique pédagogique, sauf, comme nous l’avons dit, pour des cas particuliers. Le lecteur est donc invité à penser les problèmes éducatifs dans la complexité, et l’exemple de la neuroéducation sert aussi à cet objectif : « mais s’éduquer, ce n’est pas seulement apprendre, c’est construire un ensemble de rapports au monde, aux autres et à soi-même, et apprendre ne peut pas être réduit à l’activité cérébrale, qui en est le support organique mais non la cause » (p. 109).
Avec la même démarche, Charlot propose maintenant une analyse de la cyberculture. Il précise qu’il voit de nouvelles opportunités dans l’essor des technologies de l’information et de la communication. Mais il constate aussi des contradictions entre les discours et la pédagogie (cf. le cas des devoirs des élèves, des tricheries des étudiants, deux exemples évoqués dans cette introduction). Il analyse les discours épiques qui accompagnent le progrès technologique en soulignant qu’ils ne permettent pas de retrouver les logiques dans lesquelles les outils ont été conçus.
Concernant les algorithmes, l’auteur commence par des remarques communes : ils « organisent de plus en plus notre vie quotidienne » (p. 124), sont « utilisés dans divers domaines » (p. 125), entrent dans « la logique du marché capitaliste » et nous faisons face à une nouvelle « grande promesse […] des blockchains » (p. 127). L’auteur pense surtout que l’intérêt vient du fait qu’ils introduisent une nouvelle conception de la norme dans le social. Le traitement automatique des informations sur internet, les objets connectés, l’intelligence artificielle, font la Loi. L’auteur emprunte à Calimaq pour décrire « une sorte d’injection robotisée d’un droit négocié entre acteurs privés » (p. 129).
Ces discours épiques sur la cyberculture, ou plutôt sur le cyberespace, font penser au roman de science-fiction de Gibson Neuromancer que Charlot cite au début du chapitre 6 (p. 124). Il se demande si ces discours peuvent laisser entendre « que l’on pourra [prochainement, dans un avenir proche] produire des êtres humains intellectuellement supérieurs à ce qu’ils sont aujourd’hui (p. 132) ? Cette question est traitée à partir de nombreuses références permettant ainsi à l’auteur de s’attarder sur un autre type de discours anthropologique, le transhumanisme. Si Charlot commence par décrire le transhumanisme, et le situer comme un ensemble de philosophies, l’avènement imminent (p. 133) d’un homme augmenté ou robotisé, précise-t-il, est surtout l’« aboutissement logique des nouvelles possibilités techniques offertes […], mais aussi de la vision de l’homme sur laquelle reposent la neuroéducation et le discours sur la cyberculture » (p. 134). Ainsi le transhumanisme cherche-t-il à poursuivre et accélérer l’évolution de la vie intelligente au-delà de sa forme humaine … » (p. 132). L’auteur met en évidence quelques différences entre les libertariens et ceux qui « se réclament d’un transhumanisme démocratique (p. 140). Mais ils se rejoignent tous, précise Charlot, car ils croient en « la fin de la domination de l’espèce humaine » (ibid.), Jeunesse, santé, immortalité, voyage interplanétaire, et des références à leurs innovations rendent le chapitre sur le transhumanisme particulièrement intéressant. Mais l’auteur cherche surtout à cibler ce qui pose problème, c’est-à-dire la « façon dont le discours transhumaniste traite les données techniques et scientifiques » (p. 147).
Troisième partie
Au sortir des chapitres précédents, le lecteur est prêt à poursuivre la réflexion, comme cela avait annoncé par Charlot, sur la Condition Humaine en prenant appui sur certains héritiers d’Heidegger : Arendt, Schaeffer, et Sloterdjik, entre autres. Ce dernier étant celui auquel il s’identifie le plus en termes d’idées. Il lui en emprunte plusieurs, tout en tentant de les prolonger. Il adhère à l’idée selon laquelle les mutations seraient générées par la quête de l’Extase (ou de l’Ouverture de l’Être), mais le seraient également par la transmission entre espèces. Au passage, il peut confirmer l’idée de Schaeffer, selon laquelle la culture est cumulative et autocatalytique (qui se reproduit par elle-même) (p. 235), « ce qui conduit à une spécificité humaine » (p. 270). L’exemple de l’homo erectus est significatif :
« Physiquement ces espèces sont plus ou moins massives ou graciles […] Il voyage, s’installe dans les régions du monde très différentes, quant au passage, aux climats et aux conditions de survie [mais également grâce à la Technique puisqu’] Il produit des outils plus diversifiés, notamment les bifaces […] Et il tire profit d’un progrès fondamental : la maîtrise du feu […] Elle permet de cuire les aliments, ce qui non seulement augmente la gamme des aliments consommables, mais, en outre, allège le travail de l’intestin et, ainsi, libère une partie de l’énergie pour le développement du cerveau » (p. 249).
Deux tensions, au sein de la mutation, sont éclairées par la troisième partie, grâce à des références à la paléoanthropologie et à la primatologie. Le lecteur pourra y découvrir des classements (concernant primates ou Australopithèques et Sapiens). Cela éclaire les intentions de l’auteur : approfondir la question de l’évolution, à défaut de « disposer d’une définition de l’homme » (p. 261), et surtout donner au lecteur « des informations […] fondamentales pour comprendre comment l’évolution nous a produits » (p. 259). L’évolution est décrite à la fois comme aléatoire et logique (p. 266), mais les mutations doivent être appréhendées avec précaution, car elles ne sont pas toutes « adaptative[s] » (p. 265). L’adoption de nouvelles techniques, explique Charlot, et les « phénomènes culturels » (ibid.) sont aussi à prendre en considération. Un danger serait d’omettre l’action de l’homme sur son environnement. Le chapitre 8, en particulier, est chargé de nombreuses références, car il faut aussi considérer les facteurs aléatoires, les ruptures auxquelles succède le processus, normalement, de « la création » (p. 263). Mais Charlot insiste sur cet argument : il n’existe pas de révolution (ibid.), « pour le moins un saut [qualitatif], un bond symbolique » (p. 254), comme l’illustre le cas de Sapiens (lors de l’invention des villages) (p. 254) et encore plus sûrement celui de l’homo ergaster (p. 261) qui doit se déplacer hors de l’Afrique. Les formes spécifiques, dont le langage, sont la marque de « la socialisation du cerceau » (p. 282). Idem pour la bipédie, la manipulation des outils, l’accouchement, qui sont le signe d’une évolution en mosaïque : « [toutes ces évolutions] ne sont pas compartimentées, étanches, elles induisent des effets les unes sur les autres, parfois directs ou à long terme […] Ces effets sont parfois inattendus. Ainsi, il est possible, bien que ce soit une hypothèse encore en discussion, que la maîtrise du feu ait entraîné, indirectement, un développement du cerveau » (ibid.).
Toujours dans la troisième partie, l’auteur tente de repérer des différences avec d’autres espèces dans des domaines qui, a priori, semblent rapprocher l’homme des animaux et notamment du chimpanzé. Il exprime ses conclusions, toujours avec précaution, mais elles ne laissent aucune ambiguïté : « Il y a quelque chose de spécifique dans la bipédie humaine » (p. 272) ; « Dans le monde chimpanzé, l’outil est pratique. Dans le monde humain, il est significatif » (p. 274) ; « Le langage humain remplit donc des fonctions spécifiques, sous des formes propres à l’espèce » (p. 279). En outre, ces informations servent à justifier de cette grande inquiétude, celle de l’auteur sans nul doute, exprimée ainsi : « Le problème nouveau n’est pas l’extinction des espèces, c’est le fait que les actions humaines perturbent radicalement les cycles de vie sur la planète et les processus de création qui devraient accompagner ceux de l’extinction » (p. 263). Mais rien de tout cela, à savoir comprendre la problématique de l’évolution, des mutations, de tout ce qui fait le « propre de l’homme » (p. 271), n’est simple. C’est même, rajoute-t-il, jamais « une mince affaire » (p. 270).
Voyons à quoi peuvent servir ces informations propres à l’auteur mais à manipuler avec précaution : « On reste parfois perplexe devant la façon de procéder des paléoanthropologues lorsqu’ils abordent le thème du propre de l’homme. Les chimpanzés introduisent des branchages dans les termitières, et c’est réglé » (p. 288). Mais il les qualifie toutefois comme fondamentales pour que le lecteur comprenne l’évolution et la nécessité de l’enrichissement de l’homme en contexte numérique. Elles appuient ainsi la démonstration de Charlot qui se déploie de manière cohérente tout en assurant la preuve de l’existence des formes spécifiques de l’homme au sein d’un processus évolutif en mosaïque qui relie le génome de l’homme et sa culture, approche qualifiée par Charlot d’« épigénétique » (p. 286).
L’approche épigénétique, ou par la complexité, permet de penser l’homme dans le monde des technologies. Elle peut servir à lui apprendre à habiter le monde et à occuper, comme le formule l’auteur, le monde des cybertechniques. Le problème du fossé entre l’homme et la technique est un sujet déjà bien exploré dans la littérature. À l’heure des intelligences artificielles, cet ouvrage nous invite à poursuivre la réflexion en pensant les normes d’une éducation humaniste. Puisque, comme le décrit Charlot, les cybertechniques, comme les autres médias, ne sont pas « interprét[ables] par les seules aptitudes génétiques immédiatement disponibles, il y faut une éducation spécifique » (p. 296).
Conclusion
La prise de conscience ce ces enjeux, en contexte scolaire ou universitaire, renvoie à la notion d’expérience vécue des apprenants ou des étudiants. Elle nécessite de penser l’intégration d’usages pédagogiques du numérique dans un contexte où les apprenants vont apprendre à agir sur les technologies pour en contrôler les biais, en percevoir les limites et éventuellement proposer d’autres usages. Ceci nous permet d’évoquer brièvement la conception de ces scénarios pédagogiques. La piste que permet d’envisager Charlot, même s’il ne propose pas d’exemples concrets, consiste à penser la conception en termes d’ingénierie pédagogique. Pour cela, il faut donc confronter les élèves et les étudiants à cet environnement technique, que contiennent leurs smartphones, leurs applications et leurs objets connectés, si l’on souhaite engendrer une transformation dans leurs représentations. Les accepter au sein de l’école ou les interdire … telle est la question.Haut de page
Bibliographie
Peraya, D. (2011). Un regard sur la « distance » vue de la « présence ». Distances et savoirs, 9(3), p. 445-452.
Peraya, D., Marquet, P., Hülsmann, T. et Moeglin, P. (2012). Médiation, médiations… Distances et médiations des savoirs, 1(1). https://dms.revues.org/153
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