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MOOCs : une révolution pour le système éducatif chinois

3 septembre 2014 par André Guyomar Retours d’expériences 1918 visites 0 commentaire

Auteur : Zhen HUANG / Vice-président de Shanghai Jiaotong University, doyen chinois de ParisTech SJTU Elite Institute of Technology / August 26th, 2014
Un article, sous licence Creative Common publié sur le site ParisTech Review, traitant du développement des Moocs en Chine.

Dans un mouvement irréversible, les MOOCs pénètrent tous les niveaux du système éducatif chinois, offrant aux étudiants une liberté sans précédent pour choisir leurs cours et accéder aux meilleures ressources en matière d’éducation où qu’ils se trouvent. Certaines institutions ont ouvert la voie, mais il ne s’agit pas seulement d’une question de stratégie pour les universités. Dans un pays où une réforme de l’éducation est indispensable, les MOOCs obligent le système éducatif à évoluer.

Les MOOCs (massive open online course, cours en ligne ouverts et massifs) constituent un moyen efficace de connecter des enseignants de différents établissements avec des millions d’élèves à travers le monde, par le biais d’immenses ressources ouvertes en ligne ainsi que par des technologies informatiques de pointe et l’Internet. Véritable tempête dans le monde de l’enseignement, les MOOC sont considérés comme « la plus grande innovation pédagogique depuis l’imprimerie ».

Selon le New York Times, 2012 a constitué l’an I de l’ère des MOOCs. Cette année-là, deux professeurs de Stanford créèrent Coursera – une plate-forme en ligne de cours gratuits – et le MIT lança edX, son programme d’enseignement en ligne en collaboration avec l’université de Harvard. Dans la foulée, la plupart des grands pays développés lancèrent leurs MOOCs : FutureLearn au Royaume-Uni, FUN en France, iUniversity en Allemagne, JMOOC au Japon, Open2Study en Australie. L’UE ouvrit également sa propre plate-forme, OpenupEd.

En à peine un an, plus de cent universités internationales (dont Princeton et Stanford) fournirent plus de 630 cours de grande qualité à Coursera et plus de sept millions d’étudiants provenant de différents pays à travers le monde étaient inscrits. Aujourd’hui, les MOOCs constituent indéniablement la plus grande innovation en matière d’éducation sur le plan international.

En Chine, l’université Jiaotong de Shanghai (SJTU) et l’université de Tsinghua ont pris les devants en lançant des cours en ligne, avec d’autres établissements d’enseignement supérieur, mettant en avant des idées et des initiatives audacieuses. Certaines écoles secondaires ont créé des cours de type « Khan Academy » pour éviter aux élèves de devoir suivre des heures de rattrapage et d’avoir besoin de trop de livres.

Des malentendus à lever

Les nouveautés suscitent toujours des controverses et les MOOCs, dont le développement s’accompagne de commentaires enthousiastes mais aussi de critiques, n’échappent pas à la règle. Selon moi, les MOOCs constituent une innovation incomparable dans le domaine de la philosophie de l’éducation et de la méthodologie. Ils auront sans aucun doute un effet positif sur l’égalité devant l’éducation et le progrès social.

Dans une large mesure, les critiques envers les MOOCs résultent de malentendus. Certains considèrent par exemple les MOOCs comme des vidéos de cours en ligne et estiment qu’ils n’apportent vraiment rien de neuf. Pourtant, les MOOCs n’ont rien à voir avec les cours enregistrés qui se sont popularisés dans la décennie qui vient de s’écouler, et ceci pour trois raisons.

La première concerne leur grande échelle de diffusion. Comparés aux cours traditionnels qui s’adressent à quelques dizaines, ou tout au plus, quelques centaines d’étudiants, les MOOCs peuvent facilement toucher des dizaines de milliers de personnes : il n’y a théoriquement pas de limite.

La deuxième différence réside dans l’aspect vivant des MOOCs. La combinaison de micro-cours et de petits quizz, l’utilisation de vidéos, d’animations, etc., en font presque un jeu d’apprentissage, plus attrayant pour les jeunes étudiants.

Enfin, les MOOCs pallient les lacunes de vidéos d’enseignement traditionnelles « à sens unique », qui n’offrent pas suffisamment d’interaction. En répondant immédiatement aux étudiants dans les communautés en ligne, les enseignants, qui doivent trouver rapidement des solutions à de vrais défis, peuvent aussi améliorer leurs propres connaissances et leurs propres compétences.

Deux avis diamétralement opposés alimentent également le malentendu au sujet des MOOCs. Certains considèrent qu’ils représentent l’avenir de l’éducation et peuvent être utilisés dans tous les cas, tandis que d’autres les dénigrent, leur reprochant la fin de l’interaction en face-à-face, laquelle est selon eux l’essence même de l’enseignement.

En réalité, ces deux opinions sont aussi fausses l’une que l’autre. Les MOOCs ne sont pas une réponse à tout. Il est indéniable qu’ils constituent un excellent outil en matière de qualité de l’éducation, d’innovation et d’égalité. Mais, plus important encore, ils contribuent à remettre en question le système éducatif traditionnel et sa philosophie.

Depuis plusieurs milliers d’années, notre modèle d’éducation repose sur des enseignants qui parlent et des étudiants qui écoutent, puis font leurs devoirs et s’entraînent chez eux.

L’une des innovations des MOOCs est ce qu’on appelle la flipping classroom (« salle de classe inversée ») : les étudiants achèvent de regarder les cours en ligne chez eux tout en discutant, débattant, interagissant et s’entraînant avec des enseignants et d’autres élèves dans de véritables salles de classes. Ainsi, le modèle d’enseignement est centré sur l’élève et sur un apprentissage et un développement individualisé.

Plusieurs essais ont montré que ces flipping classrooms permettaient d’améliorer considérablement la productivité et l’apprentissage des élèves. Ce modèle, également appelé O2O (offline-to-online, « hors ligne à en ligne »), tire pleinement parti du système d’apprentissage en ligne et des interactions en face à face pour améliorer la diffusion des connaissances.

Depuis les deux années qui viennent de s’écouler, on a remarqué que le nombre d’étudiants inscrits à des cours en ligne était très important mais que seul petit nombre d’entre eux suivaient les cours jusqu’à leur terme et qu’une part plus restreinte encore – environ 5 à 6% – obtenait un diplôme. J’attribuerais ce phénomène à une des caractéristiques inhérentes des MOOCs : la fragmentation de l’apprentissage.

Plusieurs éléments caractérisent les MOOCs. Il faut tout d’abord disposer de cours d’excellent niveau, mais aussi d’une plate-forme interactive (intégrant les fonctions relatives aux big data). Enfin, il est nécessaire d’avoir un mécanisme de partage de cours et de transfert de crédits. Ce troisième point est crucial pour améliorer le taux d’achèvement de l’apprentissage en ligne.

Une stratégie chinoise

Sur la base des trois éléments mentionnés précédemment, SJTU apparaît aujourd’hui comme le fer de lance de la promotion des MOOCs en Chine.

L’établissement a ainsi été le premier du pays à conclure un accord avec Coursera et il a depuis mis six cours sur cette plate-forme mondiale. Au total, trente cours devraient être disponibles d’ici la fin de l’année. En mai 2014, celui consacré à la médecine chinoise traditionnelle et aux médicaments avait déjà attiré quelque 20000 étudiants issus de plus de 38 pays. On constate que le sujet les passionne, bien que le plupart des cours soient donnés en chinois avec des sous-titres en anglais. Pour chaque cours, un enseignant à temps plein répond aux questions des étudiants dans la communauté en ligne. Ceux qui ne comprennent pas l’anglais peuvent tout de même s’inscrire et traduisent les sous-titres dans leur propre langue grâce à Google.

Les MOOCs sont donc accessibles à tous.

Le 8 avril 2014, nous avons officiellement lancé CnMooc, pour permettre à « tous les Chinois d’avoir l’opportunité d’aller dans les meilleures universités du pays » grâce à la plus grande plateforme de MOOCs chinois dans le monde. Tous les cours sont ouverts et gratuits. Les étudiants de SJTU s’inscrivent, choisissent les cours qui les intéressent et acquièrent des « crédits ». Le bureau de promotion des MOOCs, créé pour l’occasion, dépend directement du conseil d’administration de l’université. Il assume l’entière responsabilité de la construction et du fonctionnement de CnMooc.

Depuis une vingtaine d’années, un pôle comprenant 19 institutions prestigieuses de la région de Shanghai s’est constitué autour de SJTU, parmi lesquelles l’École normale supérieure de l’Est de la Chine, l’université technologique de l’Est de la Chine, l’université des sciences politiques de l’Est de la Chine, l’université de Donghua, l’Académie de théâtre de Shanghai, le conservatoire de musique de Shanghai (East China Normal University, East China University of Technology, East China University of Political Science, Donghua University, Shanghai Theatre Academy, Shanghai Conservatory of Music) ; la réunion de ces institutions est un atout considérable pour le développement des MOOCs.

Un mécanisme d’inscriptions croisées et de transfert de crédits d’apprentissage a été mis en place au sein de ce pôle universitaire et nous nous attachons à combiner les MOOCs sur cette base.

Par exemple, chaque université crée des cours en fonction des matières dans lesquelles elle excelle ; les cours sont ensuite disponibles sur CnMooc pour tous les étudiants du pôle qui veulent s’inscrire et les suivre. Les élèves suivent les cours en ligne puis vont dans des flipping classrooms pour interagir avec les enseignants, passer leurs examens et obtenir des crédits reconnus par leur établissement d’origine. Au final, ils obtiennent un certificat ou un diplôme.

Il convient de souligner que nous pratiquons le O2O, avec les étudiants qui travaillent à la fois dans des salles de classes virtuelles et réelles. Nos objectifs principaux visent à partager les ressources éducatives de bon niveau, d’améliorer l’apprentissage, de faciliter l’innovation en matière d’éducation.

Une réforme nécessaire

Le développement rapide des technologies de l’Internet et du cloud computing révolutionne la vie, le travail et l’apprentissage des individus. Le commerce électronique, par exemple, qui combine commerce et Internet, a radicalement modifié la manière de faire du commerce. Il en va de même dans le secteur bancaire et financier. Aujourd’hui, c’est au tour des MOOCs d’apporter à l’enseignement supérieur et à l’éducation de base des défis et des possibilités sans précédent.
Les MOOCs annihilent le temps et l’espace, ils modifient de manière radicale la façon d’acquérir des connaissances. Les murs des universités tombent et les frontières sont abolies. Si les enseignants continuent à « gaver » les étudiants de savoir, ceux-ci pourront choisir de « fréquenter » une classe en Chine simplement en suivant un MOOC conçu par une université américaine via leur ordinateur portable. Une réforme de l’éducation est plus que jamais impérative.

C’est en ce sens que les MOOCs obligent le système éducatif chinois à évoluer. Le modèle que nous connaissons depuis des milliers d’années doit changer et ceux qui s’avèrent incapables de surfer sur la vague de l’éducation numérique finiront par être dépassés. Le gouvernement devrait accélérer les études relatives à l’impact des MOOCs sur l’éducation en Chine et la réaffectation des ressources mondiales qu’ils ont amenée afin de définir dès que possible de nouvelles politiques. Dans le même temps, nous devrions nous préparer au mieux pour faire face aux changements potentiels que les MOOCs peuvent apporter à la méthodologie et à la structure. Le gouvernement devrait également jouer un rôle de premier plan dans la promotion du modèle O2O dans les écoles de tous les niveaux.

Le gouvernement devrait concevoir des micro-cours sur les points fondamentaux et les points difficiles de chaque discipline dans les écoles primaires et secondaires, investir dans la construction de plates-formes de MOOCs dans ces écoles, fournir aux étudiants des cours personnalisés, partager les ressources intéressantes à l’échelle nationale, répartir le développement de l’éducation entre les différentes zones, combler le manque de ressources entre les établissements, améliorer la qualité de l’éducation de base.

Dans l’enseignement supérieur, il faudrait encourager la construction de banques de cours et de plateformes de partage, faciliter le transfert et la reconnaissance des crédits d’apprentissage, encourager les inscriptions croisées entre les établissements, répartir avec équilibre les allocations de ressources, promouvoir les innovations éducatives.

Enfin, le gouvernement devrait faire des MOOCs le vecteur principal de l’enseignement et de la formation professionnelle des adultes, mais aussi promouvoir les « banques de crédits éducatifs » et initier un système souple et ouvert d’éducation permanente pour créer une société dans laquelle chacun peut apprendre quel que soit le moment et quel que soit le lieu où il se trouve.

Note des éditeurs.
Cet article est paru à l’origine dans notre édition chinoise, publiée conjointement avec l’université Jiaotong de Shanghai, SJTU ParisTech Review.

Licence : CC by

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