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Leçon(s) du confinement : des compétences instrumentales des enseignant-e-s dans le supérieur

26 août 2020 par Angeline Silly Coopérer 578 visites 0 commentaire

Alors que la pandémie mondiale de Covid-19 continue de faire planer la menace de reconfinements partiels &/ou localisés et que les gouvernances appellent à privilégier le distanciel, quels enseignements tirer du confinement ? De quelle manière et dans quelles mesures la pratique professionnelle des enseignant-e-s a-t’elle été modifiée par cet épisode inédit ?

Nous sommes prêts (…). On se souvient de la déclaration fracassante de Jean-Michel Blanquer évoquant le Plan de Continuité des activités pédagogiques (PCAP) dans son discours du 12 mars 2020.

On se souvient également de quelle manière ses espoirs – réels ou feints – ont été douchés en quelques jours.

L’institution n’était prête ni d’un point de vue technique (serveurs ENT sous-dimensionnés et incapables d’absorber la montée en charge), ni d’un point de vue pédagogique.

Evidemment, le bouleversement provoqué par le confinement sanitaire dans le secondaire n’a pas épargné l’enseignement supérieur, pourtant théoriquement mieux préparé. La mise en place du distanciel s’est heurté aux mêmes difficultés.

5 mois plus tard, où en est-on ? Alors que la pandémie mondiale de Covid-19 continue de faire planer la menace de reconfinements partiels &/ou localisés et que les gouvernances appellent à privilégier le distanciel, quels enseignements tirer de cet épisode inédit ? De quelle manière et dans quelles mesures la pratique professionnelle des enseignant-e-s a-t’elle été modifiée ?

VERS UNE VALORISATION DES COMPÉTENCES INSTRUMENTALES DES ENSEIGNANTS

C’est l’instrumentation des enseignements (recours aux outils numériques) qui a permis d’assurer la continuité pédagogique.

Optionnelle jusqu’alors, elle est devenue en quelques heures la clef de voûte du système éducatif disqualifiant du même coup les tenants d’une expertise disciplinaire garantissant seule la compétence professionnelle.

On le sait désormais, l’acte d’enseigner requiert des compétences techniques et instrumentales capables d’être mobilisées à tout moment.

Au minimum, l’enseignant/formateur devra disposer à l’avenir des savoir-faire nécessaires au maniement des plateformes numériques (LMS, solutions de classes virtuelles, exerciseurs en ligne), connaître les usages pédagogiques associés, les techniques de médiatisation, d’animation, d’évaluation des acquis et savoir construire des scénarios d’apprentissage hybrides, comodaux ou à distance.

FAVORISER L’ACQUISITION DES COMPÉTENCES INSTRUMENTALES EN PRENANT EN COMPTE LES FACTEURS D’ADOPTION

Le basculement en distanciel a confirmé la prédominance de plusieurs facteurs d’adoption qu’il faut intégrer dans le choix des outils et l’élaboration des stratégies numériques.

 La simplicité d’accès et d’utilisation des plateformes (intuitivité/navigabilité des interfaces, identifiants de connexion uniques), qui renvoie au sentiment d’efficacité personnelle.

– L’existence d’un environnement numérique intégré. La multiplication des plateformes et des outils constitue un des principaux freins à l’adoption (perte de temps et de sens).

– L’existence de modèles d’utilisation des outils numériques (trames, scénarios d’intégration dans une séquence de cours). La technologie n’est pas (encore) perçue comme un outil naturel dans les processus d’apprentissage. On ne s’improvise pas réalisateur de séquences d’enseignement à distance, il faut pouvoir être guidé/assuré.

– Un support technique et techno-pédagogique réactif et clairement identifié au sein de l’établissement.

– Une politique institutionnelle capable de communiquer une vision partagée du numérique au service des apprentissages.

METTRE EN PLACE UN ACCOMPAGNEMENT INDIVIDUALISE SUR LE LONG TERME

L’hétérogénéité des niveaux de maîtrise et d’acculturation au numérique pédagogique des acteurs de la formation nécessite une prise en charge différenciée, en lien avec les habiletés/difficultés identifiées pendant le confinement, et un accompagnement individualisé mené sur le long terme (formation-action).

C’est à ce prix que les pratiques innovantes adoptées dans l’urgence pourront s’ancrer durablement.

De façon un peu schématique, l’accompagnement, plus exactement la formation aux premiers gestes d’enseignement à distance ou digital emergencies (!) fourni pendant le confinement, a permis d’identifier plusieurs profils d’utilisateurs/utilisatrices.

 Les enseignant-e-s ayant éprouvé des difficultés réelles à prendre en main les outils (appréhension, stress pouvant aller jusqu’à l’abandon). Minoritaires, rarement réfractaires mais retardataires (laggards), peu familiers des outils, ils ont eu besoin d’un accompagnement individuel soutenu pour s’emparer du distanciel.

 Les enseignants/formateurs techniquement à l’aise. Majoritaires, ils sont parvenus à s’auto-former ou à perfectionner un maniement initial dans l’urgence de façon autonome. L’accompagnement a porté sur les modalités d’intégration du numérique dans un dispositif 100 % distanciel.

 Enfin, les enseignants experts/autonomes (early adopters) ayant un usage du numérique pédagogique largement maîtrisé. Créatifs, innovants, prescripteurs, ils sont allés au-delà des usages recommandés.

Chacun de ces trois publics doit pouvoir bénéficier d’un accompagnement ancré dans ses pratiques : tutorat technique avec offre de support/hotline (besoin de réponses rapides) pour le premier, aide à l’analyse des besoins et à la pratique réflexive (démarche SoTL), proposition de scénarios d’usages pour le second, mise en place de communautés de pairs favorisant le partage & la valorisation des bonnes pratiques pour le dernier.

PASSER A L’ECHELLE

Au-delà des discours jovialistes ou alarmistes sur les technologies, le confinement a provoqué une prise de conscience des enjeux stratégiques du numérique pédagogique et révélé les opportunités offertes par les nouvelles technologies dans les dispositifs d’apprentissage.

Il a constitué un puissant accélérateur, conduisant en quelques semaines les enseignant-e-s à s’emparer d’outils auxquels ils n’avaient pas (ou peu) eu recours jusqu’alors, à questionner et analyser leur pratique professionnelle.

Néanmoins, après ces longs mois d’expérimentation et de tâtonnements pédagogiques collectifs, le défi est de passer à l’échelle et d’ancrer les pratiques innovantes dans la durée en particulier en adaptant les dispositifs d’accompagnement aux profils d’utilisateurs révélés/confirmés par le confinement (laggards, late majority, early adopters).

Licence : CC by-sa

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