Un article, communication au colloque QPES 2019, "(Faire) coopérer pour (faire) apprendre ?", une publication sous licence CC by sa nc
MATHIEU MURATET
Sorbonne Université, CNRS, INS HEA, Laboratoire d’Informatique de Paris 6, LIP6,
MAN N’HARI
Sorbonne Université, CAPSULE,
BERNOLD HASENKNOPF
Sorbonne Université, CNRS, Institut Parisien de Chimie Moléculaire, IPCM,
BENOIT GROSJEAN
Sorbonne Université, CNRS, PASTEUR, Université PSL, Département de chimie, École normale supérieure,
RODOLPHE VUILLEUMIER
Sorbonne Université, CNRS, PASTEUR, Université PSL, Département de chimie, École normale supérieure,
THIBAULT CARRON
Sorbonne Université, CNRS,Université Savoie Mont Blanc,Laboratoire d’Informatique de Paris 6
1. Introduction : une nouvelle génération d’apprenants
Les générations d’apprenants se succèdent, façonnées par la société et les avancées technologiques. Ainsi, ces nouvelles générations d’apprenants travaillent différemment et ont développé descapacitésparticulières.AprèslagénérationY,nomméeainsipourqualifier d’une part une génération cherchant sans cesse des explications au monde qui l’entoure (« Y » et« Why » sont des homonymes en anglais) et d’autre part une génération, écouteursaux oreilles(le« Y » représentant la forme du fil), s’isolant ainsi du monde des études et du travail (Reilly,12),lessociologuesontmaintenantidentifiélaprochaine génération : la génération Z ou la génération alpha ou encore nommée également peut être de manière la plus explicite,lagénérationCpourlacommunication,lacollaboration,laconnexionetla créativité (McCrindle, 12). Si nous nous appuyons sur la littérature en sociologie (Palley, 12), nos étudiants appartiennent désormais à cette dernière génération : Z.
Cesgénérationssuscitentdespréoccupationsetdesréflexions,quecesoitdansune entreprise, pour leur intégration (Sheahan, 05) et leur management (Cui, 06), mais aussi dans les sciences de l’éducationoùnouscherchonsdesstratégiespouraméliorer l’apprentissage desgénérationsfutures(Sanzo,12).Lesparticularitésdecesgénérationssontidentifiées : elles ont grandi avec l’ordinateur, Internet et sont immergées dans les nouvelles technologies. Elles sont toujours à la recherche d’innovations et d’épanouissement personnel. Par conséquent, elles sontplutôtréfractairesauxhorairesetplusgénéralementauxformes traditionnellesdehiérarchie,àunenseignementtrèsinterventionniste.Deplus,habituésà obtenirrapidementdesinformations,desréponsesoudesrésultats, cesnouveauxétudiants font preuve d’une certaine impatience, ce qui,dans le monde de l’entreprise, peut être un atout pour progresser rapidement et être acteur du principe du « turn over » : ils changent sans états d’âme d’entreprises (Reilly 12). Ils essaient également de se démarquer des autres générations.LagénérationZestassezprochedelaprécédentemaisvaencoreplusloinen terme de communication numérique qu’elle utilise et alimente en permanence. Elle se montre peu sensible au concept et respect de la vie privée en mettant systématiquement en ligne tout type d’informations ou d’images personnelles.
Naturellement, ces changements affectent et continueront d’affecterleurcomportementen tant qu’apprenants. Par conséquent, leurs spécificités doivent être prises en compte. Parmi les principales difficultés rencontrées et soulevées par les enseignants, nous retrouvons notamment un apprentissage superficiel ou différé(dans le temps ou dans l’espace), un faible intérêt pour les aspects théoriques et / ou certains modes d’enseignement, une difficulté à transmettrelesconnaissances faceàlaprésencesimultanéed’innombrables moyensde communication. Ainsi, certaines méthodes traditionnelles ne fonctionnent plus : comment les intéresser ?Commentlesmotiver ?Commentlesengagerdanslatâched’apprentissage ?Et commentvérifierquecetapprentissageestdurable, efficace, satisfaisant ?Cesontdesdéfis importants qui s’imposent au monde de l’éducation et même de l’entreprise avec la formation tout au long de la vie.
Faceàcesconstatsouproblèmes,deuxapprochesexistent:ramenerlesétudiantsàun fonctionnementquenousmaîtrisonsbienou bien essayer d’exploiterlesnouvellescapacités dont sont dotées ces générations émergentes.
Lapremièreapprochesetraduitparfoispardesméthodescoercitives,quiconsistentpar exempleàinterdireouàbloquerlesmoyensdecommunication(smartphone,ordinateur portable), qui brouillent le message du professeur et perturbent le centre de l’attention.
Lasecondeapprocheconsisteà faireévoluernospratiquespédagogiques:c’estàdire repenser les manières d’enseigner et imaginerdenouveauxsupportspourfairetravailler les étudiantsenutilisanteten"mélangeant"lesvoiesdel’information,lestechnologies permettantdetirerprofitdeleurscapacitésd’adaptationetd’intégrationd’instruments innovants.
Le travail présenté dans cet article, tente d’aborder le problème du point de vue de la seconde approche : nous allons voir comment l’université réagit face à ces évolutions et focaliser sur lethèmedelamotivation.Nousavons décidé d’analyser deux initiatives innovantes(outils, objets, moyens ou même posturesdel’enseignant)qui ont étémisesenœuvreet expérimentées au sein de Sorbonne Université et intégrées dans le plan de formation.
Demanièreplusgénérale,notreobjectifestdemontrerquenouspouvonsnousappuyer sur des innovations constantes portées par des enseignants et soutenues par des services spécifiques de l’université. C’est aussi l’utilisation/l’intégration de dispositifs qui permettent de créer des sessions d’apprentissage plus riches et mieux adaptées à ce type de public.
Dans un premier temps,nous présenterons comment des impulsions institutionnelles permettent aux enseignants deproposerdesenseignementss’écartantd’uneapproche transmissiveclassique.Nousdécrironsensuitedeuxdispositifsoriginauxetemployésdans desdomaines d’enseignement différents au sein de Sorbonne Université. La dernière partie tentera de faire la synthèse de ces deux initiatives et d’en extraire le gain sur le plan de la motivation faceauxattentesidentifiéesparlesnouvellesgénérationsd’apprenants.Pour replacer tout ceci dans le thème proposé, « (Faire) coopérer pour (Faire) Apprendre » s’entend iciauniveauinstitutionneloùlesdispositifsquenousdécrironssontissusdelacoopération souvent informelle d’enseignants qui cherchent des solutionsdansleurdifférentdomaine d’enseignement.
2.Des initiatives d’enseignants et des impulsions institutionnelles à la mise en œuvre pédagogique
Lesenseignants sont lespremiers observateurs des difficultés rencontréespar leursétudiants et sont les mieux placés pour imaginer des solutions pédagogiques répondant aux besoins des étudiants. Bien que l’enseignement supérieur offre une grande liberté tant sur la forme que sur le fond des enseignements, il n’empêche que les enseignants du supérieur doivent composer avec les contraintes inhérentes aux formations dans lesquelles ils interviennent. En premières annéesdeLicenceparexemple,où le nombre d’inscrits peut facilementdépasser lemillier d’étudiants,lecadrepédagogiquefavorisel’uniformisationdes enseignementsafinque chaqueétudiant puisseavoir accèsaux mêmes méthodes d’enseignement et d’évaluation. Dans ce contexte,un enseignant volontaire qui souhaiterait proposer à son groupe d’étudiants uneapprochepédagogiquedifférentecréeraitdemanièreincidentesuneinégalitéentreles étudiants suivant une même formation.
Revisiterlesapprochespédagogiquespour parexemplesusciter lacoopérationentreles étudiants etfavoriserlamotivation ne relève donc pas uniquement de l’enseignant comme acteurde sesenseignementsmaisreposesurtoutsurlecadrequilui estoffertpourinnover dans sa pratique.Nousévoquionsprécédemmentquel’enseignementsupérieuroffreune grandelibertétantsurlaformequesurlefonddesenseignementsproposés.Eneffet, contrairement aux enseignements primaire et secondaire régis par des programmes nationaux, le contenu des enseignements dans le supérieur est défini entre pairs et validé par les instances décisionnellesdechaqueuniversité. Leséquipespédagogiques peuventalorssestructurer pour définir un cadre propice à la mise en place d’approches pédagogiques différenciées. SorbonneUniversitépropose untelcadre auxétudiantsdepremièreannée à travers l’unité d’enseignement ARE (Atelier de Recherche Encadrée). Cette unité d’enseignement à vocation à permettreauxétudiantsinscritsdansunportaildeformationdetravaillerdesdisciplines complémentaires. Les ARE correspondent à une forme d’apprentissage basée sur la recherche (Research-BasedLearning(Healey&Jenkins,2009))qui mettentenexergueletravailen autonomieetengroupeafindes’approprierunethématiquescientifique,menerun raisonnementdansledomaine,restituerleprocessusderéflexionetlesconclusionsquien découlent. Cette unité d’enseignement compte pour 1/5 du second semestre de première année de licence (6 ECTS) et représente donc une part importante de la formation.
Ce canevas de formation offre doncl’opportunitéauxenseignantsd’expérimenterde nouvellesméthodesetdedifférencierleursenseignements.Ainsi,sontproposésdesateliers combinant des disciplines proches comme Informatique/Mathématique ou Physique/Chimie et d’autres mêlant des disciplines plus éloignées comme Géoscience/Sport, Chimie/Informatique ou Physique/SHS.Danschaquecas,lesenseignantssontpleinementacteursdeleurs approches pédagogiques et sont libres d’expérimenter des approches par projets, des classes inversées,d’adapterleursévaluationsoudesuivredesenseignementsplusclassiques alternants cours/TD/TP. Nous présenterons en section 3.2 l’une des initiatives proposées dans ce contexte.
Transversalement à l’élaboration de ces parcours de formation définis par les enseignants eux-mêmes,lesinstitutionsdéploientdesservicespouraccompagnerlesenseignantsdansleur démarchedefaireévoluerleurspratiques. Pourlecasde SorbonneUniversité,laprisede conscienced’unmanquedecommunicationausujetdel’innovationpédagogiqueet/ou globalement du « Numérique » a permis de fédérer un certain nombre d’approches isolées.
Un centre transversalà SorbonneUniversité aainsiétécréé.Intitulé CAPSULE(Centre d’AccompagnementàlaPédagogieetSupportàl’Expérimentation),il apour ambition d’accompagner les enseignants dans la conception, la réalisation et l’évaluation de projets pédagogiques innovants grâce à ses ressources humaines et à leurs compétences. Le centre est structuré autour d’une équipe d’ingénierie pédagogique, d’une équipe de production vidéo et d’une équipe d’ingénierie logicielle. Outre ces moyens humains, le centre est doté également de moyens matériels, il dispose de locauxd’expérimentation (teaching lab., studio d’enregistrement) et de matériel à disposition des enseignants (table collaborative, casque de réalité virtuelle, écran interactif, clickers...).
CAPSULE permet donc aux enseignants d’échanger sur leurs pratiques, de découvrir et de se former sur ce qui existe au niveau local, national et même international en vue de monter des projets pédagogiques en lien avec leurs problématiques d’enseignement.
Intermédiairesentrel’universitéetlesenseignants,lesUFR(UnitédeFormationetde Recherche)peuventégalementjouerunrôleimportantpourinciterlesenseignantsà dynamiser leurs enseignements. C’est le cas à Sorbonne Université où l’UFR d’Ingénierie organisedepuis2015les« Midisdelapédagogie » (reprisaujourd’hui par CAPSULE).Ces réunionsontpourobjectifde permettreàtoutepersonneintéressée parcesquestions de réfléchir ensemble sur les pratiques pédagogiques.
Nous voyons donc à travers ces quelques exemples (voir Figure 1)que les ressorts permettant aux enseignants de faire évoluer leurs approches pédagogiques s’appuient bien entendu sur les enseignants eux-mêmes qui conçoivent et définissent le cadre des formations mais également surdesimpulsionsinstitutionnelles validantlespropositionsdesenseignantsetfournissant des services supports aidant les enseignantsàpréparer, mettre enœuvre etévaluer leurs enseignements. Le processus d’aide à l’innovation pédagogique à Sorbonne Université repose doncsurdeuxpiliersfondateurs:lesenseignantsetlesservicessupportsfournispar l’institution.
3.Description et analyse de deux dispositifs destinés à rebooster la motivation
L’hypothèsefaitedanscetarticleestdeconsidérerquelestransformations réussies d’enseignements reposent sur des initiatives d’enseignants qui ne peuvent émerger et être rendues opérationnelles sansdesimpulsionsetdessoutiensinstitutionnels. C’estcette hypothèse qui a permis l’émergence de plusieurs initiatives au sein de Sorbonne Université ; nousallonsenprésenterdeuxexemples.Lepremierest un jeusérieuxdetype escapegame traitantduthèmedela pédagogie.Cejeuaétéexploitélorsde laformationdesnouveaux enseignants-chercheurs recrutés à Sorbonne Université.Le second est un dispositif qui s’appuie d’une partsur certains aspects de la classe inversée et d’autre part sur une approche par projet afin d’initier au code informatique desétudiantsde première année suivant un parcours Biologie-Géoscience-Chimie.
3.1. E-LearningScape un jeu sérieux sur le thème de la pédagogie
E-LearningScapeestuneadaptationdujeuLearning ScapeconçuparSAPIENS [1] etleCRI [2]. La versionoriginale consistaitenun escapegame grandeurnaturetraitantduthèmedela pédagogie (Roger, 2018). Dans cette version du jeu, les participants (en équipe de 4) jouent le rôledemarchands desableimmergésdanslerêvedeCamille,unejeuneenseignante-chercheuseàlaveilledesonpremierenseignement. LeurdéficonsisteàaiderCamilleà structurersapenséedurantsonsommeilparlarésolutiond’énigmessurlethèmedela pédagogie.
Bienqueceformatgrandeurnaturesoitparticulièrementappréciédesparticipants,la contrainte principale de ce genre de jeu est le passage à l’échelle. En effet, déplacer l’escape game et en créer des copies nécessite un investissement important en temps et en équipement. C’estdanscecontextequeE-LearningScapeaétédéveloppéparSorbonneUniversitéà travers l’équipe MOCAH du LIP6 [3], le projet Play@SU et CAPSULE.
E-LearningScape reprend donc le thème et l’atmosphère du jeu original mais le transforme en un jeu hybride mêlant réel et virtuel (voir Figure 2). Les concepteurs de ce jeu ont choisi de maintenir certains éléments du jeu dans le monde réel afin d’encourager la collaboration entre les joueurs. E-LearningScape peut donc être joué par 2 à 5 joueurs autour d’un ordinateur. Les joueurs évoluent dans un univers virtuel, découvrent des fragments de rêve leur donnant accès à du matériel dans le monde réel. Ils résolvent alors des énigmes à l’intérieur et à l’extérieur du jeu vidéo, ces deux facettes s’alimentant mutuellement.
E-LearningScapeaétéexpérimentéà quatre reprises.Lapremièresessiondejeuaété organiséelorsdelaformationdesnouveauxenseignants-chercheursrecrutésàSorbonne Université et les trois sessions suivantes avec les doctorants de Sorbonne Université ayant des charges d’enseignement. L’organisation des séances a suivi le format suivant : 1 heure de jeu par groupe de 4 joueurs suivi d’une session de débriefing de 30 min sur l’expérience de jeu et les concepts abordés.
Ce temps d’institutionnalisation des savoirs est fondamental pour permettre aux joueurs et futursenseignants d’appréhender le fondement des énigmes qu’ils ont résolues et d’ancrer l’apprentissage dans le réel. Ilestànoterquecejeuprendtoutsonsens avec l’appui et le supportdesformateursmenantcettephased’institutionnalisation. Autrement,lesjoueurs risqueraientdenepasapprécierle réel contenudujeumaisseulementd’enretenirles éléments de surface.
Les deux sessions de jeu qui ont été conduites à ce jour ont produit un grand intérêt chez des participants, certains d’entre eux ont manifesté le souhait de réutiliser le jeu dans leurs futurs enseignements. Suiteàcesretoursd’expérience,le jeu aétémisàjour afindepouvoir modifier lecontenudesénigmestoutenconservantlesmécaniquesdejeu. Ainsile jeupeut être facilement transformé pourêtreutilisédansd’autrescontextesetpourd’autres formations.
Uneenquêtepost-expérimentationlorsdelapremièresessionamontréuntauxde 83% de satisfaction, etau-delàdeladimensionludique, lesparticipantsontindiquéquelaforcedu jeu résidait dans le travail d’équipe entre les membres du groupe. Ainsi, les participants n’ont pas seulement apprécié l’environnement onirique et les mécaniques de jeu, mais ont confirmé l’importance de la séance de débriefing.La force et la valeur ajoutée du jeu se trouvent dans sa dimension collaborative dans le monde réel et sa transposition dans un monde narratif virtuel qui plonge le joueur dans un processus réflexif sur sa manière d’aborder l’enseignement.
3.2. Initiationàlaprogrammationparlaconceptiondejeusérieux de chimie
Dans lecontexte desAREprésentéensection 2, desenseignantsontproposél’ARE ChemCraft qui accueille chaque année 30 étudiants du parcours Biologie-Géoscience-Chimie. Danscetatelier,lesétudiantstravaillent engroupede3à4 personnespourconcevoiret réaliserunjeusérieuxsurlaproblématiquedechimiedeleurchoix.La Figure 3présente quelques captures d’écrans de jeux réalisés lorsdesannéesprécédentesquisontdisponibles aux adresses suivantes :
– Année universitaire 2014-2015 : https://scratch.mit.edu/studios/2069468/
– Année universitaire 2015-2016 : https://scratch.mit.edu/studios/2069467/
– Année universitaire 2016-2017 : https://scratch.mit.edu/studios/4471281/
– Année universitaire 2017-2018 : https://scratch.mit.edu/studios/5752753/107
Ainsi,contrairementàE-LearningScapeoùles apprenants jouentàunjeusérieuxet apprennentdeleurexpériencedejeu(institutionnaliséparlaphasededébriefing),iciles étudiants sont positionnés en tant qu’expert de leur domaine de compétence et doivent réaliser leurproprejeu.Cetteapprocheinversée leurdemandefinalementdesedocumenteretde maîtriser leur problématique en vue de pouvoir l’exprimer sous la forme d’un jeu. Parce changement de posture imposé à l’étudiant, on retrouve une pratique pédagogique qui se rapproche même de la « classe renversée ».
Afin de permettre aux étudiants d’arriver à cet objectif final, l’ARE ChemCraft est structuré en trois parties. La première consiste à permettre aux étudiants d’expérimenter un jeu sérieux traitant du thème de la programmation : le jeu Prog&Play [4]. L’objectif ici est double : illustrer lesproblématiquesinhérentesauxjeuxsérieux(motivationintrinsèque,progressiondela difficulté, analyse de traces...) et donner une expérience ludique de la programmation à des étudiantspotentiellementpeuintéressésparcettedisciplinecarayantchoisidesuivreun parcours ou l’informatique disciplinaire est absente. Comme ces étudiants sont pour la plupart noviceenprogrammationlesenseignantsontchoisid’utiliserlejeuProg&Playavec l’environnement de programmation Scratch.
Suiteàcettepremièrepartie,lesétudiantstravaillentensuitesurdesarticlesscientifiquesde chimiepour choisir la problématique qu’ils traiteront dans leur jeu. La troisième partie de l’ARE est la plus importante et permet aux étudiants avec une approche par projet de réaliser untravailcollaboratifafindeproduirelejeusérieuxenScratchetdeledéfendredevantles autres lors de la dernière séance de restitution des travaux réalisés.
CetAREestreconduitdepuis4annéesetrencontreunréelsuccèsauprèsdesétudiants.Ils soulignent l’intérêt d’être positionné en tant qu’expert de leur domaine de compétence etla stimulationdutravailengroupe.Pourlesenseignants,ilsnotentunréelinvestissementdes étudiants :
- Certains viennentvolontairementauxséances quineleursontpasréservéeset doublent ainsi leur temps de présence aux travaux pratiques.
- D’autres réalisent des ressources non demandées (trailer vidéo de présentation de leur jeu)
- Enfin,certainsgroupes ont poursuiviledéveloppementdeleurjeuau-delàdela période d’évaluation.
4 Discussions, points saillants et invariants.
Les deux expérimentationsmontrent queletravailcollaboratifentreles apprenants,vecteur d’apprentissagequel’onretrouvedesdeuxcôtésserévèle unmécanismepuissantde motivation. On constate également que la dimension ludique inhérente également à ces deux initiatives a eu un impact positif sur la motivation des apprenants : proposition de réutiliser le jeu expérimenté dans d’autres contextes, présence des étudiants à des séances non obligatoires et étudiants souhaitant poursuivre leur projet au-delà de la fin de l’unité d’enseignement.
Ilestégalementànoterque les deuxdispositifsprésentésdanscetarticle n’ontpasété optimaux dès les premières expérimentations.Le processus est itératif : les premiers résultats permettent d’identifier les améliorations à apporter et permet defaireévoluer lesinitiatives pédagogiques en fonction des attentes.L’évaluation des formations est donc fondamentale et là encore le support apporté par CAPSULE et ses ingénieurs pédagogiques est très précieux.
Lesenseignants apprennent donc de leurs expérienceset les initiatives telles que les« Midis delapédagogie »permettentauxenseignantsd’échangersurleurspratiqueset peuvent susciter/motiverdenouvellesvocations. Eneffet,silepremierpasestdifficileàfranchir, coûteux : ces expériences montrent qu’ils ont eu le mérite d’amorcer une démarche qui est reconduite et s’étend chaque année.
Néanmoins, comme toutes nouvelles initiatives, elles ont demandé un investissement importantdelapartdesenseignants.Danscertainscas,l’aideprécieusedesingénieurs pédagogiquesapermisderésoudrelesdifficultésetd’accompagnerlesenseignants,par exemple pour l’encadrement des différents groupes de joueurs lors de l’expérimentation de l’E-LearningScape. Mais d’une manière générale, les enseignants s’engagent dans de telles initiativesnonpaspourgagnerdu tempsdansleursenseignements mais parce qu’ils jugent lesrésultatsdel’enseignement plusriches,plusprécisentermesd’individualisation,de didactiqueoudefeedbackversl’apprenant. Ausujetdel’évaluationetau-delà des questionnaires dont nous avons parlé plus haut, E-LearningScape est depuis début 2019 tracé au format xAPI ce qui permet d’identifier les difficultés, suivre plus facilement la progression au cours du jeu et les actions/tentatives qui sont entreprises par les joueurs.L’objectif est dans un premier temps d’être en mesure de faire de la régulation sur l’activité d’apprentissage afin de mieux maitriser le déroulement d’une séance (apporter une aide progressive) puis dans un second temps, envisager du diagnostic didactique avec une analyse plus fine des actions faites par les utilisateurs.
5.Conclusion
Au travers de deux dispositifs très différents, nous avons vu comment certains enseignants de SorbonneUniversitéavecl’appuide leurinstitution repensent leurs enseignements.Les ressortsdemotivationmisenlumièresontdiversetpeuventmêmeêtrecombinés. Cesdeux dispositifs ont en commun leur dimension collaborative autour du concept de jeu sérieux mais exploitentcescomposantesdifféremment.DansE-LearningScape, lesapprenantsjouentau jeuetcollaborentpourrésoudrelesénigmesquileursontproposéesalorsquedans ChemCraft les apprenant collaborent dans une démarche par projet pour concevoir et réaliser leur propre jeu sérieux. Dans E-LearningScape,les apprenantsconsomment le jeu, alors que dans ChemCraft ils le produisent mais dans les deux cas, les apprenants sont acteurs de leurs apprentissages.
CAPSULE a investi des moyens financiers dans le développement du jeu E-LearningScape et fournit également des moyens humains (à travers ses ingénieurs pédagogiques) pour seconder les enseignants et aider au déploiement du jeu lors des séances de formations. L’Université quant à elle a su offrir aux enseignants un cadre propice à l’innovation pédagogique en L1 aux traversdesAREdontChemCraftn’enestqu’unexemple.Ainsi,quecesoitpourE-LearningScape ou ChemCraft, ces initiatives n’auraient pu être rendues opérationnelles sans l’implication fondamentale d’enseignantsetlesupport toutaussifondamental deleur institution.
Références bibliographiques
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Sheahan, P.(2005).Generation Y : thriving and surviving with Generation Y at work, Prahran, Victoria : Hardy Grant.
Palley, W.(2012).Disponible en ligne :http://www.jwtintelligence.com/wp-content/uploads/2012/04/F_INTERNAL_Gen_Z _0418122.pdf, consultéen juin 2015.
McCrindle M. (2012). Disponible en ligne :http://clairemadden.com/wp-content/uploads/2013/07/Generation-Z-Defined-Global-Visual-Digital_McCrindle-Research-2013.pdf, consulté en décembre 2018.
Healey,M.,Jenkins,A.(2009),Developingundergraduateresearchandinquiry, TheHigher Education Academy, York, UK.
Roger, V., Freudenthal, M. (2018). “Learningscape:créer un escape game pédagogique en 2 jours”. Disponible en ligne :https://sapiens-uspc.com/creer-un-escape-game-pedagogique-dossier-learningscape/, consulté en décembre 2018.112
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