Innovation Pédagogique et transition
Institut Mines-Telecom

Une initiative de l'Institut Mines-Télécom avec un réseau de partenaires

Le projet CAPTE, apports et leviers d’un réseau d’accompagnants

1er mars 2020 QPES 2019 1484 visites 1 commentaire

Cette communication présente l’analyse d’un dispositif intra et inter institutionnel CAPTE (Communauté d’Accompagnants Pour une Transformation des Enseignements), réseau régional d’accompagnants à la transformation des pratiques pédagogiques, en particulier par le numérique. Il s’agit de questionner les formes de partage et de travail collaboratif au sein du réseau à une échelle territoriale en analysant ses apports et les leviers pour le faire fonctionner.

Un article, communication au colloque QPES 2019, "(Faire) coopérer pour (faire) apprendre ?", une publication sous licence CC by sa nc

CATHERINE COUTURIER, UArtois, Laboratoire RECIFES, catherine.couturier@univ-artois.fr

AURELIE DUPRE, CAPE, Laboratoire CIREL-théodile,

CELINE FAURE, Université Polytechnique Hauts-de-France,

CAROLINA GUTIERREZ RUIZ, COMUE

1. Introduction

Le réseau CAPTE (Communauté d’Accompagnants Pour une Transformation des Enseignements) a été conçu comme la réponse à un besoin de formalisation des liens et des échanges existants originalement au sein de l’Université Numérique Régionale Nord-Pas de Calais (UNR NPDC) [1] puis, à partir de 2015 au sein de la ComUE Lille Nord de France [2] dont le Campus Numérique a intégré le programme UNR NPDC. Avant la création de CAPTE, existait déjà le groupe de travail « TICE » [3] au sein de l’UNR NPDC regroupant à l’époque 6 universités ainsi qu’une école d’ingénieurs, ce qui avait permis dès 2008 la mise en collaboration entre les ingénieurs technico pédagogiques des établissements membres par le biais de l’organisation d’un séminaire Vivaldi (séminaire national financé par le Ministère).

Ce groupe TICE a ensuite permis de poursuivre le questionnement sur la place du numérique dans les pratiques d’enseignement (développement des usages, mutualisation, synergie et dynamique, accompagnement…) tout en resserrant les liens entre les différentes équipes. La création de Services Universitaires de Pédagogies (SUP) [4] dans certains établissements a conduit à un rapprochement et des collaborations entre SUP et TICE au sein de ces établissements. Les discussions engagées montraient une proximité des centres d’intérêt et des démarches. Sont apparus ainsi des besoins de mutualisation et de partage, exprimés par les personnels chargés de l’accompagnement des enseignants autour des méthodes pédagogiques et des outils numériques. Ces besoins ont été formalisés lors de l’appel à manifestation d’intérêt (AMI)||AMI : Appels à projets lancés par le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, permettant
d’obtenir un co-financement pour mener un projet dans le domaine de l’enseignement. ]] lancé en 2016 et a donné naissance au réseau CAPTE qui a permis, tout au long du processus de mise en place et d’action du réseau, d’instaurer des outils d’échange et de coopération de la communauté.

Nous étudierons cette communauté comme étant définie par le partage des compréhensions intersubjectives, une manière de connaître et de raisonner, constructrice d’un projet avec des valeurs communes. Elle est donc une organisation sociale dans laquelle les relations entre les individus sont fondées par la proximité qui existe entre ses membres ce qui entraîne un sentiment d’appartenance (Segestrin, 1980).

La communauté Capte agit comme un réseau institutionnel (Le Galès & Thatcher, 1995) porteur d’un projet. Le terme de projet est défini par Ann Mische et Philippa Pattison comme « evolving, imaginatively constructed configuration of desired social possibility, accompanied by an implicit or explicit theorization of personal and/or collective capacity to act to achieve that possibility » (Mische & Pattison, 2000). Ce projet de transformation des enseignements est le fruit du travail en commun et des coopérations. Celles-ci s’établissent sur des relations entre égaux, pouvant donner lieu à la collaboration : « coopération veut dire collaboration (cumlaboratore : travailler avec) et sous-entend échange, échange entre égaux en valeur absolue, attelés à une tâche commune, par laquelle chacun doit et reçoit » (Trebous, 1964). La collaboration est possible grâce à une série de facteurs institutionnels et individuels.

Après deux années de travail en commun, il apparaît pertinent d’en évaluer le fonctionnement, avec le souci de prendre du recul par le biais d’outils qui nous permettent de formaliser notre démarche, en questionnant la manière dont les institutions coopèrent pour créer de nouvelles formations, de nouvelles structures et de nouveaux modes de gouvernance en réseau (Sabatier, 1999). Ce premier retour, objet de la présente communication, représente également la possibilité de mesurer l’impact du travail collaboratif sur les pratiques afin de le partager avec la communauté de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche tout en identifiant les difficultés rencontrées et les perspectives de développement à travers les formes d’accompagnement d’un collectif. Nous interrogeons également la place de l’individu, des services et le management dans des relations de coopération et d’échange.

Nous présentons donc le réseau CAPTE, son projet et les outils mis en oeuvre pour l’évaluer afin de dégager ce qui nous semble être des facteurs de développement, et en particulier les étapes à franchir pour une coopération inter-établissements plus efficace.

2. Présentation du réseau

Le fonctionnement du réseau est basé sur plusieurs éléments : l’intégration et la mise en synergie de tous les acteurs concernés et cela dès l’étape d’élaboration du projet, la création d’un Comité Opérationnel (ComOp) en lien étroit avec les instances dirigeantes de la ComUE et des établissements membres, et enfin la mise en oeuvre de projets fédérateurs, soutenus par un financement spécifique. C’est ce que nous présentons maintenant.

2.1. Des individus avec des objectifs communs

Pour mettre en place cette communauté, tous les services concernés par
l’accompagnement des enseignants ont été mobilisés (TICE, SUP, SCD [5] et FCU [6]) et ce dès la mise en commun pour la réponse à l’AMI. Ceci a permis de formaliser des relations et de l’entraide qui restaient jusqu’alors ponctuelles, pour faire émerger les similitudes des problèmes traités et l’intérêt de mettre en place un collectif pour les résoudre (Lazega, 1998).

Ce travail impliquait de respecter les différentes manières de percevoir le travail d’accompagnement qui découlent des trois types de profils des membres du réseau : enseignants-chercheurs pour les personnels travaillant au sein des services SUP, Ingénieurs pédagogiques et techniciens travaillant dans les services TICE et bibliothécaires pour les personnels des SCD. Ces profils sont porteurs, dans l’enseignement supérieur français, des représentations d’autorité et de hiérarchie, implicites ou explicites, qui ont dû être repensées.

Le travail initial consistait alors à penser cette hétérogénéité des profils au profit du collectif. Ceci a été possible car les participants, membres du réseau, ont pu travailler dans un cadre perçu comme étant dénué de compétition personnelle ou professionnelle. D’ailleurs les échanges avaient lieu à la ComUE et non dans les établissements d’appartenance. L’objectif du réseau, à savoir l’accompagnement des enseignants, était reconnu comme étant une nécessité pour favoriser l’appropriation des différents dispositifs permettant la mise en place de nouvelles pédagogies ainsi que des outils à disposition des accompagnants pour provoquer et/ou soutenir ces initiatives (Rege Colet, 2014). La cohérence des actions de formation avec notre objectif commun d’amplifier les démarches de transformation des pratiques d’enseignement était recherchée.

2.2. Un environnement propice

Une fois le diagnostic posé et partagé, il fallait assurer le soutien institutionnel et donner une dimension territoriale à la démarche afin d’avoir un impact réel sur les pratiques et permettre les conditions de disponibilité et de reconnaissance pour les personnels impliqués, accompagnants et responsables de formation notamment. La Communauté d’Universités et Etablissements Lille Nord de France (ComUE LNF) a assuré un pilotage territorial en impliquant tous les établissements membres (Rhodes, 1997) : l’Université de Lille, l’Université Polytechnique Hauts-de-France, l’Université d’Artois, l’Université du Littoral Côte d’Opale, l’Université Catholique de Lille, l’Institut Mines Télécom Lille-Douai et l’Ecole Centrale de Lille. Des projets en cours et en lien avec la transformation pédagogique, notamment la mise en place de nouveaux espaces d’apprentissage (salles actives, espaces de coworking…), ont également facilité et rendu visible le fonctionnement du réseau CAPTE tout comme le co-pilotage partagé entre la coordinatrice du réseau des Vice-présidents formation et le vice-président en charge du numérique de la ComUE LNF, appuyés par les instances regroupant les différents établissements membres. Un comité opérationnel a été mis en place dès le début du projet en octobre 2016, afin de donner une cohérence au travail collectif. Au départ co-piloté par le VP Formation et le VP Numérique de la ComUE, il a également permis de réunir tous les acteurs impliqués dans le projet pour faciliter les échanges et mener les ajustements nécessaires au bon déroulement des actions. Ces réunions ont eu lieu toutes les six semaines, facilitant ainsi la régularité des échanges avec une participation régulière d’au moins un représentant par établissement.

2.3. La mise en commun de compétences

Les objectifs du projet étaient de stimuler la production d’une offre de formation transférable et un modèle organisationnel pour les établissements (Leclercq & Petit, 2015).

Cet objectif a nécessité la mise en commun et la montée en compétence des accompagnants. Au total, sept formations mutualisées à destination des accompagnants ont pu être délivrées au bout de la première année d’activité du réseau. Ces formations, proposées par les accompagnants eux-mêmes, ont pu être montées et dispensées rapidement grâce au mode de gestion agile qui facilite le travail en réseau (Institut Agile, 2010). La communauté a également organisé et animé le séminaire régional run.2017, « rencontres universitaires : pédagogie et numérique », qui a rassemblé 120 inscrits et 90 participants. En parallèle, des retours d’expérience ont été produits sous la forme de capsules vidéo de 3’ en moyenne, ancrées dans les disciplines mais rattachées à un type de dispositif (nouveaux espaces d’apprentissage, classe inversée, utilisation de QCM …) et partagées sur Canal-U (chaîne CAPTE). L’objectif était de comprendre pourquoi ces dispositifs avaient vu le jour, comment ils s’organisaient et quels en ont été les effets, pour les valoriser auprès des collègues enseignants, les utiliser comme supports de communication ou comme illustration.

2.4. Un financement qui légitime

Outre des actions bien définies issues des besoins observés, l’obtention d’un financement est un élément important et structurant d’une telle démarche, et cela pour deux raisons : il légitime l’investissement en temps des personnels et donne les moyens nécessaires à la mise en oeuvre des actions, et il assoit l’obligation de résultat et favorise l’implication des participants. L’Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) a permis de financer les actions de 2016 à 2017. Le réseau CAPTE a ensuite été intégré au financement des actions du Campus Numérique de la ComUE pour permettre de pérenniser les activités.

En résumé, les objectifs de CAPTE pour mener à bien son projet de transformation des enseignements sont de travailler à la mutualisation d’une offre de formation commune à destination des accompagnants, l’organisation d’un séminaire annuel sur une thématique travaillé au sein du réseau (séminaire rencontres universitaires : pédagogie et numérique) et la valorisation des dispositifs de transformation des enseignements par la production des retours d’expériences (capsules vidéo sur la chaîne Canal U du réseau). Toutes ces activités permettent de donner une visibilité et une légitimité à l’action du réseau ainsi qu’à l’activité professionnelle des membres le composant.

3. Évaluation de l’action du réseau

Dans le paragraphe précédent, nous avons présenté les caractéristiques de notre réseau en cherchant à souligner les éléments qui, de notre point de vue, pouvaient expliquer son fonctionnement depuis deux ans. Il nous importe toutefois d’aller plus loin que ces premières considérations et de chercher à analyser plus rigoureusement les effets. Nous présentons ici le processus d’évaluation qui a été mis en place avec le comité opérationnel.

3.1 Méthodologie de l’enquête

Une méthodologie qualitative a été mise en oeuvre par deux biais : une auto-évaluation sur le modèle d’un document d’évaluation fournie par la Direction Générale de l’Enseignement Supérieur et de l’Insertion Professionnelle (DGESIP) ainsi qu’un questionnaire conçu plus spécifiquement pour évaluer les aspects propres au travail collaboratif inter établissement.

Pour permettre d’apporter les éléments nécessaires à l’élaboration du document d’évaluation fourni par la DGESIP, une grille d’évaluation des actions a été mise en place dans un espace collaboratif de travail créé sur OAE [7] – Esup [8]. Cette grille nous a permis de collecter les éléments pour l’inventaire et la classification des formations proposées dans les établissements autour de cinq catégories (concevoir, transformer, interagir, évaluer, communiquer) [9] puis la mise en place d’une nouvelle offre de formations mutualisée à destination des accompagnants en réinvestissant les catégories travaillées. Un premier bilan a ainsi été réalisé sur plusieurs dimensions : les aspects « transformé/transformant » du projet, les dimensions « systémiques » (acteurs/impacts), l’évaluation de la méthodologie et des résultats du projet et les possibilités de transfert ou dissémination (ressources, méthodes et points de vigilance). Les aspects concernant la capacité transformative du projet ont été bien perçus par la DGESIP. Parmi ces aspects, nous retrouvons une forte participation des membres du réseau, tous intéressés par la pédagogie et pour qui le projet avait du sens dans le contexte de leurs activités professionnelles mais également par rapport à leurs cadres cognitifs, leurs croyances et leurs valeurs de partage. Ces premiers éléments d’évaluation nous ont conduits à une démarche de pérennisation du réseau et de quête des outils pour mieux établir notre bilan avec une démarche prospective des actions à venir.

D’autre part, un questionnaire a été envoyé par courriel aux membres actifs du réseau. Il est composé de 24 questions fermées et 3 questions ouvertes, et 13 personnes (sur les 17 actives dans le réseau) y ont répondu, appartenant aux services TICE, services d’appui à la transformation de pratiques d’enseignement et Services Communs de Documentation.

3.2 Analyse des résultats

La majorité des répondants ont estimé que le réseau Capte avait répondu à leurs attentes. Le graphique suivant en récapitule les principaux apports :

Comme l’on pouvait s’y attendre, il apparaît que la première plus-value du réseau est de permettre de faire de nouvelles rencontres professionnelles dans la région et ce tant avec des structures similaires qu’avec des structures différentes. En effet, les aspects relatifs au développement de partenariats avec des structures différentes que la leur ainsi qu’en dehors de leur établissement ressortent comme une plus-value reconnue par presque deux tiers des répondants. Ceci est en lien, également, avec la valorisation de leur structure d’accompagnement pédagogique, de part cette action coordonnée inter-établissement, au sein de leur propre établissement. Ces rencontres ont alors pu déboucher sur la mutualisation de scénarios de formation, le partage d’expériences, de bonnes pratiques, mais aussi de difficultés. Le réseau a permis, par exemple, à des membres des SUP de connaître leurs interlocuteurs régionaux dans les services de documentation de la région et de réfléchir ensemble sur des thématiques communes. Compte tenu des spécificités du métier d’accompagnant pédagogique dans l’enseignement supérieur et de l’isolement que peuvent ressentir certains membres dans leurs structures, le fonctionnement du réseau comme espace de partage est réellement significatif.

Il apparaît, également, que le réseau a rempli sa mission principale : faire monter en compétence les accompagnants. En effets, la plupart d’entre eux estiment s’être développés professionnellement. Interrogés plus précisément sur la nature de cette montée en compétence, les participants identifient trois principaux axes de développement.

La plupart des membres considèrent que le réseau leur a permis de se développer professionnellement sur de nouvelles thématiques de formation. Nous l’avons évoqué plus haut, le réseau a permis de faire venir des intervenants extérieurs sur des thématiques précises, en lien avec les besoins formulés par les participants. Ceux-ci ont alors pu s’approprier des scénarios de formation voire même les mutualiser avec d’autres établissements. Au fil des partage d’expériences, ils ont également pu apprendre à mieux appréhender le public enseignant dont les attentes sont souvent méconnues (Demougeot-Lebel & Perret, 2011).

Permettre la montée en compétence des accompagnants semble ainsi être indiscutablement un autre atout important du réseau. Plus des trois quarts des répondants estiment que les activités mises en place par réseau ont eu un réel impact sur la qualité de leurs pratiques d’accompagnement pédagogique auprès des enseignants de leur établissement. Par ailleurs, dans un contexte régional très compétitif entre les établissements des membres du réseau, le travail collaboratif dans un cadre « neutre », à la ComUE, a permis une collaboration ancrée dans leurs problématiques du quotidien et donc perçu comme utile.

Toutefois, si les répondants identifient bien le réseau Capte comme étant un réseau de partage tant d’expériences que de formations, le partage de ressources pédagogiques semble plus difficile à appréhender. Il est pour l’instant difficile d’avancer sur la création de ressources pédagogiques mutualisées pour un ensemble d’établissements. On peut s’interroger sur les raisons de ces difficultés. Est-ce un manque de temps pour cette activité qui demande peut-être un investissement plus important ? Est-ce parce que la rétribution est moins visible pour les établissements d’origine ? Pour l’instant, les enjeux semblent davantage orientés, pour les participants, vers leurs établissements respectifs d’appartenance et les préoccupations tournent plutôt autour de la reconnaissance et la valorisation de leurs actions au sein de leur établissement. Ceci peut sans doute s’expliquer par le fait que les métiers de l’accompagnement pédagogique dans l’enseignement supérieur sont encore relativement émergeants et que les périmètres des différents peuvent être parfois encore flous dans les établissements (Frenay et al., 2010).

4. Bilan critique et perspectives

Le bilan après ces deux premières années de fonctionnement apparaît donc positif. Le réseau fonctionne comme un espace de partage inter et intra-établissements qui contribue à l’amélioration des pratiques d’accompagnement pédagogiques mises en oeuvre sur le territoire. Toutefois, il nous faut préciser que nous n’avons pu mesurer de façon effective cet impact. Nous n’avons recueilli ici que les perceptions des participants et rien ne nous permet d’affirmer que les accompagnants sont effectivement montés en compétence dans leurs pratiques d’accompagnement pédagogique. Comme le souligne Rege Colet, il est particulièrement délicat de mesurer les effets des pratiques d’accompagnement pédagogiques sur la transformation des pratiques pédagogiques des enseignants et, peut-être plus encore, sur l’amélioration de la réussite des étudiants (Rege Colet, 2014). Nous avons ainsi à réfléchir encore à la manière de construire d’autres indicateurs pour évaluer l’impact de notre réseau.

Par ailleurs, l’analyse menée a permis de mettre en évidence un certain nombre d’écueils sur lesquels il faudra travailler pour améliorer la qualité de notre travail en communauté et permettre la pérennité de notre réseau. Il nous semble en effet que le travail collectif engagé jusqu’à présent nécessite d’une part une clarification des objectifs communs que nous recherchons et d’autre part une acculturation des termes employés et des pratiques déployées du fait de l’hétérogénéité des profils. Cette acculturation est une condition sine qua none de relations de confiance et de partage indispensables à la poursuite de notre action en commun.

Enfin des progrès restent encore à accomplir notamment en ce qui concerne le partage de ressources. Les difficultés que nous rencontrons pour cet aspect de notre projet nous interrogent particulièrement. Les membres considèrent bien le réseau comme un espace « favorisant une démarche collaborative » [10], toutefois ils n’ont pas souhaité, du moins pour l’instant, mutualiser et partager sur un espace commun les ressources pédagogiques produites en lien avec leurs pratiques d’accompagnement des enseignants dans leurs établissements (scénarios et supports de formations, grilles d’évaluation, questionnaires d’évaluation des enseignements, etc.). Nous ne pensons pas qu’il faut forcément y voir une réticence vis à vis de l’idée de partage ou un sentiment de propriété exacerbé, car les accompagnants n’hésitent pas à diffuser largement leurs ressources lors des échanges ou des formations mutualisées par le réseau. Il faut peut-être davantage questionner le besoin de cet espace de stockage, son utilité pour le travail des accompagnants, et peut être aussi le sens de ces documents décontextualisés de leurs situations de production et d’utilisation.

La réalisation de cette première étude a permis à notre réseau une prise de recul particulièrement intéressante et a renforcé notre volonté de poursuivre un travail en commun autour de nouvelles actions à destination des accompagnants, enseignants et étudiants. Une deuxième édition de notre séminaire a ainsi interrogé la thématique des learning analytics et s’intitulait : « Comprendre, adapter, personnaliser ? Apports des Learning Analytics pour l’enseignement et les apprentissages » [11]. Il nous importe également de prendre le temps de réfléchir aux difficultés qui ont été mises en évidence. Notre ambition est bien de mener un travail constructif autour d’objectifs communs, tout en affirmant les spécificités de nos établissements respectifs. Cette démarche repose sur un certain nombre de principes : démarche progressive et réflexive, respect du temps d’acculturation des membres, souci de la plus-value apportée par le réseau et évaluation régulière de nos actions …

Actuellement, notre réseau poursuit son travail et son développement autour de trois axes : (1) poursuite de la montée en compétence des accompagnants par la mise en place de formations de formateurs régulières, (2) ouverture plus large des différents dispositifs de formation des établissements aux enseignants de l’ensemble du territoire, et (3) développement d’un projet inter établissements sur l’accompagnement des étudiants dans l’« apprendre à apprendre ». Cette pérennisation du travail collaboratif est également rendue possible par les relations professionnelles et de confiance qui se sont créées et renforcées au sein de la communauté.

C’est cette double rétribution, cognitive-opérationnelle et relationnelle, qui permet aujourd’hui la poursuite d’un projet commun, quelle que soit la forme que prendra CAPTE par la suite (association …) quand la ComUE LNF arrêtera ses activités.

Références bibliographiques

Demougeot-Lebel, J., & Perret, C. (2011). Qu’attendent les enseignants universitaires en termes de formation et d’accompagnement pédagogique ? Revue Internationale de Pédagogie de l’Enseignement Supérieur, 27(1).

Frenay, M., Saroyan, A., Taylor, K. L., Bédard, D., Rege Colet, N., Paul, J.-J., & Kolnos, A. (2010). Accompagner le développement pédagogique des enseignants universitaires à l’aide d’un cadre conceptuel original. Revue Française de Pédagogie, (172), 63‑76.

Institut Agile. (2010). Référentiel des concepts, pratiques et compétences agiles. Consulté 9 janvier 2016, à l’adresse http://institut-agile.fr/

Lazega, E. (1998). Réseaux sociaux et structures relationnelles. Paris : PUF.

Le Galès, P., & Thatcher, M. (1995). Les réseaux de politique publique. Débat autour des policy networks. L’Harmattan.

Leclercq, G., & Petit, L. (2015). Dispositifs, pédagogie et formation d’adultes, lire l’agir pédagogique. Education Permanente, 203, 139‑150.

Mische, A., & Pattison, P. (2000). Composing a Civil Arena : Publics, Projects, and Social Settings. Poetics, (27), 163‑194.

Rege Colet, N. (2014). Une première enquête de suivi auprès des participants. Les cahiers de l’IDIP.

Rhodes, R. A. W. (1997). Understanding governance : policy networks, governance,
reflexivity, and accountability. Open University Press.

Sabatier, P. (1999). Theories of the policy process (Theoretical lenses on public policy. Westview Press.

Segestrin, D. (1980). Les communautés pertinentes de l’action collective : canevas pour l’étude des fondements sociaux des conflits du travail en France. Revue française de sociologie, XXI(1), 171‑203.

Trebous, M. (1964). Coopération et développement, Revue Tiers Monde. Revue Tiers Monde, 5(20), 915‑920.

Licence : CC by-nc-sa

Notes

[1Lancée en 2003 par le Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche,
l’opération « Universités Numériques en Région » avait pour objectif de développer les services numériques destinés à l’ensemble de l’enseignement supérieur, via des consortiums régionaux. En Nord Pas-de-

[2ComUE : Etablissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel qui regroupe des établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Ses missions sont de coordonner les offres de formation ainsi que les stratégies de recherche et de transfert des établissements membres, sur un territoiredonné.

[3TICE : Désigne les technologies numériques au service de l’enseignement et de l’apprentissage

[4SUP : Service Universitaire de Pédagogie, c’est-à-dire service (ou mission) ayant pour vocation, au sein d’une université, d’accompagner les enseignants et équipes d’enseignants dans la transformation de leurs pratiques
d’enseignement.

[5SCD : Service universitaire qui regroupe toutes les structures participant à la fourniture d’un service documentaire.

[6FCU : Service de Formation Continue dans les universités, proposant des formations aux entreprises ou directement aux personnes en poste ou en recherche d’emploi.

[7OAE : Plateforme collaborative, conçue par une communauté universitaire internationale. Cette plateforme est hébergée par une seule université mais permet de disposer d’une architecture multi-tenant c’est-à-dire avec autant d’instance virtuelle qu’il y a d’établissements intéressés.

[89 Esup : Consortium d’établissements français, promouvant la coopération

[10Expression utilisée par un des membres lors d’une des séances d’autoévaluation des actions de Capte.

[11L’événement s’est tenu le 8 novembre 2018 http://www.unr-npdc.org/campus-numerique/fr/run-2018

Vos commentaires

  • Le 2 janvier 2022 à 16:10, par Ahmed Elyaagoubi En réponse à : Le projet CAPTE, apports et leviers d’un réseau d’accompagnants

    Innover et coopérer pour accroître l’attractivité , l’éducabilité, l’efficacité, la pertinence , le pragmatisme de l’enseignement scolaire et universitaire doit être un idéal sans frontières .

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