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Atelier de formation à la pédagogie "comment mieux motiver mes étudiants"

Cette communication rend compte de la conception d’un atelier de formation à la pédagogie « Comment mieux motiver mes étudiants ? ». L’évaluation de la formation fait apparaitre que les collègues apprécient la possibilité d’échanger entre pairs. La mise en pratique des outils abordés est perçue comme restant difficile, ce qui met en évidence la nécessité d’un accompagnement et la mise à disposition d’exemples ancrés sur les disciplines enseignées.

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Mots-clés : Formation, motivation, pédagogie active,pratiques d’enseignement, apports

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Catherine Couturier1,2, Johanne Masclet1, 2, Viviane Boutin1, 3

1 Univ Lille Nord de France, F-59000 Lille, France
2 UArtois, RECIFES, EA 4520, F-62000 Arras, France
3 UArtois, Faculté des Sports, F-62800 Liévin, France

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Un article publié au VIIIe Colloque des Questions de Pédagogie dans l’Enseignement Supérieur, Brest, 17, 18 et 19 Juin 2015.

I. INTRODUCTION

Ce projet de recherche rend compte d’un atelier de formation à la pédagogie sur le thème « Comment mieux motiver mes étudiants ? » conçu et animé en pédagogie active par le service universitaire de pédagogie de l’université d’Artois (SUPArtois). Cet article propose d’expliquer dans quel contexte cet atelier a vu le jour, de quelle façon il a été conçu, la méthodologie mise en œuvre pour l’évaluer, et enfin l’analyse de cette évaluation pour dresser un bilan critique ainsi que des perspectives d’évolution.

II. LE CONTEXTE

Le SUPArtois, créé en juin 2013, veut former et accompagner les enseignants, les enseignants-chercheurs et tous les membres du personnel impliqués dans l’expérience d’apprentissage des étudiants (Couturier, 2013). Il propose donc, entre autres, des ateliers de formation portant sur les thématiques liées à l’enseignement et à l’apprentissage. En 2013-14, le SUPArtois a conçu et animé en pédagogie active un atelier intitulé « Comment mieux motiver mes étudiants ? », thème choisi suite à une réflexion commune avec l’équipe du SUP de l’université de Lille1 [1] . Nous présentons maintenant les caractéristiques de cet atelier de formation tel qu’il a été conçu.

III. CARACTERISTIQUES DE L’ATELIER DE FORMATION

Notre objectif est double : permettre aux collègues de s’approprier des leviers motivationnels mais aussi d’expérimenter des modalités de pédagogie active, les uns et les autres étant transférables dans leurs enseignements quelle que soit la discipline. Nous explicitons ici les objectifs d’apprentissage, les leviers motivationnels mis en œuvre et le déroulement de l’atelier.

Objectifs d’apprentissage

Selon Prégent, commencer la conception d’un enseignement par la formulation des objectifs d’apprentissage visés pour ses étudiants a de nombreux avantages : plus que de décliner une simple liste de contenus, cette méthode permet de décrire les performances, d’identifier la nature des capacités exigées ainsi que les actions que les étudiants devraient être capables de réaliser à l’issue du cours (Prégent, 1990). Pour Viau et Bouchard, s’approprier les objectifs d’apprentissage constitue un puissant levier de motivation sur lequel nous reviendrons (Viau & Bouchard, 2000). La taxonomie des processus cognitifs de Bloom (Bloom & Krathwohl, 1956) nous permet de définir 5 objectifs formulés de la façon suivante : « à l’issue de cet atelier, vous devriez être capables d’identifier les principaux leviers motivationnels, de prendre conscience de l’importance de penser les objectifs d’apprentissage et de s’assurer qu’ils sont compris, de prendre conscience de l’importance de varier ses stratégies d’enseignement pour s’adapter à son public, de mettre en œuvre l’alignement constructif de Biggs, et d’identifier ce que vous avez envie de réinvestir dans vos enseignements ». Considérant qu’enseignement, apprentissages et évaluations forment un continuum (Rey, 2014), l’identification des objectifs d’apprentissage permet un choix éclairé quant aux méthodes d’enseignement aptes à faire atteindre les objectifs visés, et aux évaluations des apprentissages à mettre en œuvre, cet ensemble devant être cohérent. C’est le principe de « l’alignement constructif » de Biggs (Biggs, 1999) également visé par cet atelier de formation. Nous présentons maintenant les activités pédagogiques conçues en cohérence avec les objectifs d’apprentissage évoqués.

Leviers motivationnels
Il existe de nombreuses théories de la motivation selon Fenouillet (Fenouillet, 2012). Pour notre part, nous choisissons de travailler avec la théorie de la dynamique motivationnelle de Viau qui pose que « la motivation est un concept dynamique qui a ses origines dans la perception qu’un élève a de lui-même et de son environnement et qui l’incite à choisir une activité, à s’y engager et à persévérer dans son accomplissement afin d’atteindre un but » (Viau, 2009). Viau identifie ainsi trois leviers motivationnels : la perception de la valeur de l’activité, la perception de compétence et enfin la perception de contrôlabilité. En ce qui concerne la perception de la valeur de l’atelier proposé dans son ensemble, il nous semble pertinent de communiquer les objectifs d’apprentissage et faire en sorte que les collègues se les approprient. Nous décidons ainsi d’utiliser une « courbe de progression personnelle », telle qu’elle est décrite dans un précédent article (Couturier & Tittelein, 2013), et qui permet de visualiser le niveau à atteindre pour chacun de ces objectifs. Cette courbe permet également à chacun de mesurer ses progrès. En ce qui concerne la perception de la contrôlabilité et de la compétence, nous choisissons de proposer en début d’atelier une activité de groupe basée sur la méthode 1-2-Tous (Prégent, 2009) basée sur la lecture d’un texte inspiré du récit « Promo 2000 » de Lebrun, dans lequel un étudiant raconte les différentes phases d’un projet qu’il a vécu (Lebrun, 2007). Chaque collègue prend le temps de la lecture seul, puis confronte ses perceptions avec un autre collègue, et enfin nous confrontons ensemble les différents avis. Parce que nous pratiquons les « amphis actifs » [2] tels qu’ils sont préconisés par Prégent, nous avons rajouté au texte initial de Lebrun une partie qui en explique le fonctionnement. Nous présentons maintenant le déroulement de l’atelier.

Déroulement de l’atelier
L’atelier d’une durée de 3h30 se décompose en 5 temps principaux.
Courbe de progression personnelle : chaque collègue prend le temps de s’approprier les objectifs d’apprentissage et de se positionner entre « pas du tout » et « complètement ».
Tour de table : nous nous sommes inspirés de la technique Photolangage© qui articule une pratique de travail en groupe, une concentration sur la prise de conscience par chacun de ses images personnelles et une prise de parole devant l’ensemble des participants (Baptiste & Belisle, 1980). Il s’agit de faire le choix personnel d’une photographie parmi un lot pour exprimer visuellement et verbalement ce que représente la motivation. D’après les concepteurs de la méthode, les photographies « …choisies pour leur forte puissance suggestive [3] , leur capacité projective, leur qualité esthétique et leur valeur symbolique, viennent stimuler, réveiller les images que chacun porte en soi et à travers lesquelles il perçoit la réalité et se la représente ». Cette activité permet ainsi à chaque collègue d’exprimer ses représentations et de mesurer la variabilité de ces représentations dans le groupe.
Activité « 1-2-Tous » : Il s’agit, seul, puis en binôme puis en groupe, de définir ce qui dans ce récit de Lebrun cité plus haut, peut être motivant ou déstabilisant du point de vue de l’étudiant. Cette activité permet de faire émerger les connaissances antérieures de chacun, ce qui facilite les apprentissages ultérieurs (Tardif, 1997), et suscite un débat toujours très riche.
Apports théoriques : nous avons prévu une présentation courte de 15 diapositives seulement, mais nous appuyons sur tout ce qui a été dit par l’ensemble du groupe.
Recontextualisation : chaque collègue revient sur sa Courbe de Progression Personnelle et, s’il le souhaite, explique ce qu’il pense pouvoir réinvestir dans ses enseignements.
Nous explicitons maintenant la méthodologie mise en œuvre pour évaluer cet atelier de formation, dresser un bilan critique et dégager des perspectives d’amélioration.

IV. BILAN CRITIQUE ET PERSPECTIVES

Nous avons distribué un questionnaire d’évaluation écrit aux 43 participants en 2013-14, remis à chaque participant au début de l’atelier, et recueilli en fin d’atelier. Il propose d’abord de noter de 0 à 10 la qualité de 8 paramètres : contenu, vie de groupe, animation, supports, pertinence par rapport au questionnement, répartition du temps et enfin accueil et salle. Il propose ensuite 3 questions ouvertes : « Ce que j’ai trouvé intéressant », « Ce qui reste difficile » et enfin « Mes remarques et suggestions ». Il demande enfin une appréciation globale entre A (excellente) et D (très mauvaise). Le taux de retour est de 100%.
Pour les 8 paramètres, les notes moyennes sont comprises entre 8 (pour la salle et les activités) et 9,2 (pour l’animation) avec des écarts-types compris entre 1 et 1,9. La perception globale est majoritairement A (25 fois) puis B (17 fois). Un collègue a une perception globale de C, et jamais D n’a été choisi. En ce qui concerne chacune des 3 questions ouvertes, nous avons réalisé une analyse sémantique avec Tropes [4] . Pour la première question (« Ce qui m’a intéressé ») la catégorie de mot, désignée par référence dans ce logiciel, apparaissant le plus souvent est échange, suivie de la référence coéquipier. De plus, 3 relations apparaissent majoritairement. La première concerne relation-apprentissage, que l’on trouve par exemple dans « mettre en relation tous les aspects de l’apprentissage et la relation enseignant/apprentissage » ; les deux relations qui apparaissent ensuite sont échange-expérience ainsi que expérience-coéquipier que l’on trouve dans des réponses telles que « les échanges et retours d’expérience » ou « le partage d’expérience avec les collègues ». Il s’avère ainsi que, au-delà de la découverte d’une théorie de la motivation, l’échange avec les pairs est un point important de cet atelier de formation.
Pour la seconde question ouverte (« Ce qui reste difficile ») 2 références dominent : pratique et application, tandis que trois relations sont mises en évidence : mise-pratique, temps-maquette et enfin pratique-enseignant, que nous trouvons dans des réponses telles que « la mise en pratique, ne pas retomber dans des automatismes normatifs anciens, ne pas baisser les bras quand les fruits ne sont pas tels qu’on les aurait espérés » ou « la mise en pratique, construire des situations d’enseignement permettant de gérer au mieux l’hétérogénéité, avec peu de temps maquette ». Il apparait que cet atelier permet également aux enseignants de se remotiver eux-mêmes et que la mise en pratique de la théorie reste une difficulté. Enfin, en ce qui concerne les remarques et suggestions, 9 demandent des exemples et des cas concrets, 7 demandent une suite et des retours d’expérience et 3 demandent d’autres ateliers de formation (sur l’auto-évaluation et les évaluations des apprentissages par exemple).
Les résultats du questionnaire d’évaluation montrent que globalement les collègues sont satisfaits ou très satisfaits. L’analyse thématique montre que les collègues expriment un besoin important d’échanger avec leurs pairs, ce qui met en évidence la nécessité pour le SUPArtois de proposer aux collègues des temps où ils peuvent échanger, et être écoutés sans jugement. L’analyse thématique montre également que les collègues sont en attente d’exemples concrets à mettre en œuvre, ce qui confirme la nécessité d’un accompagnement par le SUPArtois après la formation, d’autant que l’atelier aborde, au-delà d’une théorie de la motivation, plusieurs fondements des pédagogies actives. La conception d’un catalogue d’exemples ancrés dans les disciplines, dont la forme reste à définir, semble nécessaire. D’autre part, pour améliorer l’appropriation des leviers motivationnels de Viau proprement dits, il pourrait être intéressant de consacrer le dernier temps de l’atelier à une réflexion sur ses propres perceptions des 3 leviers motivationnels : j’ai perçu la valeur de l’activité, j’ai perçu ma compétence et j’ai perçu ma contrôlabilité. Enfin, il nous semble que cette étude doit être approfondie pour comprendre ce que les collègues apprennent de cet atelier, et quels sont les apports de celui-ci. Un entretien semi-directif a été mené avec 21 participants volontaires, dont l’analyse fera l’objet d’une autre recherche pour tenter en particulier de comprendre en quoi cet atelier de formation permet de transformer, ou non, les pratiques d’enseignement.

RÉFÉRENCES

Baptiste, A., & Belisle, C. (1980). Photolangage et formation d’adultes. Education Permanente, (52).

Bédard, D., & Béchard, J.-P. (2009). Innover dans l’enseignement supérieur. Presses Universitaires de France.

Biggs, J. (1999). What the Student Does  : teaching for enhanced learning. Higher Education Research & Development, 18(1), 57‑75.

Bloom, B. S., & Krathwohl, D. R. (1956). Taxonomy of Educational Objectives. The classification of educational goals. New York, McKay.

Couturier, C. (2013). Service Universitaire de Pédagogie du SUPArtois - Document fondateur. Consulté à l’adresse http://www.univ-artois.fr/Formations/Innovation-pedagogique

Couturier, C., & Tittelein, P. (2013). Apprentissage Par Problème  : Méthodologie en Licence de Sciences pour l’Ingénieur (p. 269‑278). Présenté à Questions de Pédagogie dans l’Enseignement Supérieur, Sherbrooke, Québec. Consulté à l’adresse http://colloque-pedagogie.org/?q=node/433

Fenouillet, F. (2012). Les théories de la motivation. Paris : Dunod.

Lebrun, M. (2007). Théories et méthodes pédagogiques pour enseigner et apprendre. Bruxelles : De Boeck.

Prégent, R. (1990). La préparation d’un cours - Connaissances de base utiles aux professeurs et aux chargés de cours. Editions de l’Ecole Polytechnique de Montréal.

Prégent, R. (2009). Enseigner à l’université dans une approche-programme. Ecole Polytechnique de Montréal.

Rey, O. (2014). Entre laboratoire et terrain, comment la recherche fait ses preuves en éducation. Dossier de veille de l’Institut Français de l’Education, (89).

Tardiff, J. (1997). Pour un enseignement stratégique, l’apport de la psychologie cognitive. Editions Logiques, Montréal.

Viau, R. (2009). La motivation en contexte scolaire. Bruxelles : De Boeck.

Viau, R., & Bouchard, J. (2000). Validation d’un modèle de dynamique motivationnelle auprès d’élèves du secondaire. Revue Canadienne de l’Education, 25(1), 16‑26

Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)

Notes

[1CAPE de Lille 1, dirigé par Frédéric Chirat, http://sup.univ-lille1.fr/CAPE, accédé le 17/11/2014

[2Méthode mise en œuvre lors de la rencontre « Au plus près des usagers » par les bibliothèques de l’université d’Artois, 17 avril 2014, http://podcast.univ-artois.fr/colloques-et-seminaires/bu-au-plus-pres-des-usagers.html

[3Nous les choisissons dans des magazines de voyage et tourisme

[4Tropes© est un logiciel réalisant l’analyse du contenu d’un texte pour « tenter de savoir quels sont les principaux acteurs à l’œuvre dans le texte, la structure des relations qui les lient et la hiérarchie de ces relations » - d’après www.tropes.fr, accédé le 12/9/2014

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