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La relation des étudiants à l’IA, entre soutien aux apprentissages et menace pour l’estime de soi

Un article repris de https://theconversation.com/la-rela...

Comment intégrer l’IA générative dans l’éducation de manière responsable et efficace, en tenant compte des besoins des étudiants ? C’est un défi auquel les établissements d’enseignement supérieur sont confrontés, sachant que l’IA a non seulement des effets sur les habitudes de travail, mais aussi sur l’estime de soi.


Les outils d’intelligence artificielle générative bouleversent aujourd’hui l’éducation à une vitesse fulgurante. En 2025, 74 % des 18-24 ans en France utiliseraient l’IA générative, soit 19 points de plus que la tranche des 25-34 ans.

En un clic, ces technologies permettent de rédiger un texte, de résumer un concept complexe ou de créer une image inédite. Un véritable atout pour des étudiants en quête d’efficacité, et un support prometteur pour les enseignants désireux de dynamiser leurs cours et de diversifier leurs approches pédagogiques. Mais cette efficience ne cache-t-elle pas certains risques ?


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Si l’IA procure des gains immédiats, l’externalisation cognitive pourrait ainsi avoir un coût élevé sur le long terme. Une étude préliminaire du Massachusetts Institute of Technology (MIT) introduit le concept de « dette cognitive », selon lequel plus nous déléguons de tâches à l’IA, plus notre cerveau risque de se mettre au repos, entraînant à terme une atrophie de compétences essentielles à l’apprentissage, telles que la mémorisation et la pensée critique.

Cependant, comme le soulignent certains chercheurs, ces résultats encore préliminaires, tout en ouvrant des pistes de réflexion importantes, pourraient également refléter en partie les spécificités de l’approche méthodologique utilisée.

Cette observation souligne un enjeu central : la nécessité de réfléchir à la relation des étudiants à l’IA et la manière d’intégrer et d’encadrer son usage.

Usage de l’IA et construction de soi

Au-delà de son impact sur l’activité cognitive, l’IA modifie également la relation émotionnelle des étudiants à l’apprentissage. Une étude menée dans une grande école de commerce en France a montré que les étudiants présentant une forte anxiété académique percevaient l’IA comme un soutien indispensable à leur réussite, tout en redoutant que son utilisation soit jugée illégitime ou qu’ils deviennent eux-mêmes remplaçables.

À l’inverse, les étudiants ayant une estime de soi plus élevée remettaient moins en question la légitimité de l’IA et des productions réalisées avec son aide, et exprimaient moins la peur d’être remplacés. Toutefois, eux aussi déclaraient une forte dépendance à ces outils. Pour ces derniers, l’IA est avant tout perçue comme un assistant efficace, tandis que pour les étudiants plus anxieux, elle apparaît à la fois comme une aide incontournable et une menace potentielle.

Cette ambivalence révèle un véritable paradoxe : si l’IA renforce l’efficacité perçue au point de devenir indispensable pour de nombreux étudiants, elle soulève également des inquiétudes profondes quant à la légitimité académique de son usage et à la crainte d’être remplacés à terme.

Ces ressentis témoignent d’une transformation plus globale : l’IA n’est pas qu’un outil neutre, elle s’inscrit dans un rapport de confiance et d’identité qui impacte profondément la construction de soi comme apprenant et futur professionnel.

Un outil aux multiples potentialités

Ces résultats posent une question clé : comment intégrer l’IA générative dans l’éducation de manière responsable et efficace, en tenant compte des besoins cognitifs et émotionnels des étudiants ?

Au-delà des risques qu’elle peut comporter, l’IA permet de personnaliser les parcours pédagogiques en s’adaptant aux besoins, au rythme et au niveau de chaque étudiant. Elle peut fournir des explications supplémentaires, reformuler un concept difficile ou proposer des exemples adaptés, offrant ainsi un soutien permanent, disponible 24h/24. Cette disponibilité permet aux étudiants de progresser en dehors des heures de cours et de renforcer leur autonomie.

Comment l’intelligence artificielle révolutionne le quotidien des enseignants (France 3 Nouvelle-Aquitaine, 2025).

Des études soulignent également que, bien encadrée, l’IA possède un potentiel considérable comme catalyseur de créativité et de performance académique, en générant des synergies inédites entre humain et machine.

Quelles nouvelles compétences pour les étudiants et pour les enseignants ?

L’enjeu est de concevoir l’IA comme un véritable levier pédagogique tout en tenant compte des différences psychologiques et des usages variés selon les étudiants.

Dans ce contexte, le rôle des enseignants est en pleine transformation. Intégrer ces outils dans les cours exige une réflexion pédagogique approfondie pour répondre aux questions de légitimité académique, atténuer les craintes liées au remplacement humain, et surtout faire en sorte que l’IA soit perçue comme un soutien à l’apprentissage, et non comme une menace pour les compétences futures. Par ailleurs, il est essentiel de prévenir les risques de dépendance et d’excès de confiance envers l’IA. Certains chercheurs insistent sur l’importance de développer la métacognition : cette capacité psychologique à observer, analyser et réguler ses propres pensées et comportements.

La métacognition englobe la compréhension explicite que l’on a de soi-même en tant qu’apprenant – ses forces, ses faiblesses, ses stratégies efficaces – ainsi que la capacité à planifier, surveiller et ajuster ses méthodes de travail. Concrètement, elle permet aux étudiants de prendre du recul sur leurs apprentissages, d’évaluer la qualité de leurs raisonnements et de réfléchir à leur vision du monde.

Car dans un monde où la collaboration entre humains et IA devient la norme, il sera plus que jamais nécessaire de cultiver nos compétences et valeurs profondément humaines. À cet égard, le « Future of Jobs Report 2025 » du World Economic Forum souligne que, bien au-delà des compétences techniques, des aptitudes telles que la pensée créative, la résilience, la flexibilité, l’empathie, la curiosité et la capacité à apprendre tout au long de la vie occuperont une place plus centrale que jamais.

The Conversation

Giulia Pavone ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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