Innovation Pédagogique et transition
Institut Mines-Telecom

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À l’European Lab, des initiatives porteuses d’espoir

Un article repris de http://theconversation.com/a-leurop...

European Lab Winter Forum.

« Contre les récits entraînants des exaltés de l’identité, il faut armer des contre-récits tout aussi énergiques » affirmait Patrick Boucheron, invité de l’European Lab Winter Forum 2017.

Cette édition, intitulée « Des subcultures à l’engagement citoyen, alternatives et résistances », visait justement à démontrer que la culture ouvre un nouveau champ des possibles, à la faveur d’une reconstruction citoyenne et collective.

C’est encore loin l’Europe ?

Il y a six ans naissait la première édition du forum European Lab, avec pour objectif d’ouvrir le débat sur l’Europe, loin de son image parlementaire et institutionnelle, et de mettre l’accent sur sa jeunesse, ses artistes, ses porteurs de projets. Bref, ceux qui la façonnent au quotidien et qui contribuent à en esquisser l’identité, à la rendre vivante.

Puis l’urgence de s’engager s’est affirmée de plus en plus, du traité de 2005 aux politiques d’accueil de certains pays entrants au tout récent Brexit : le projet européen s’est fissuré. Son projet économique, politique et citoyen ne parvient plus à répondre à l’urgence dans laquelle se trouvent ses États-Nations. La défiance des citoyens à l’égard des politiques paraît immense et en toile de fond se dessinent de bien sombres perspectives protectionnistes et nationalistes.

Pourtant, des initiatives citoyennes émergent de toutes parts pour répondre à cette crise. De SOS Méditerranée qui porte secours aux migrants se tournant vers l’Europe au mouvement pan-européen de Diem 25, l’action et les idées se structurent et s’organisent. Artistes, penseurs et acteurs de la société civile s’attellent à relever le défi de la transition démocratique européenne, pour faire vivre un débat citoyen, dédié aux valeurs d’ouverture qui scelleront le pacte du (re)vivre ensemble.

La jeunesse russe

Que cache l’image de la Russie que les médias véhiculent, celle d’un pays de plus en plus fermé et dont le positionnement sur la scène internationale fait écho aux années les plus sombres de notre histoire ?

En réalité, loin des spotlights médiatiques, une partie de la jeunesse russe s’engage et se bat au quotidien pour défendre des valeurs citoyennes et d’émancipation.

Artistes, médias, penseurs et activistes – dont certains sont en exil – contribuent à faire vivre le terreau de la résistance et à porter l’espoir du renouveau. Nous interrogerons cette jeunesse qui n’a quasiment connu que les années Poutine. Ainsi, par une plongée dans les ironies de la Révolution fantasmée, entre échecs et grandeurs d’une jeunesse perdue, le film Utopie Russe porte un regard doux-amer sur le rêve révolutionnaire des jeunes d’hier et de demain.

Défense de l’opposition, liberté des médias, lutte contre l’homophobie, ces voix de l’ombre luttent contre une Russie monolithique et réactionnaire et esquissent un champ des possibles pour toute une génération.

Crise des réfugiés ou crise du traitement médiatique de l’information ?

Depuis le choc provoqué par la diffusion de la photo d’Aylan, l’image de la crise des réfugiés à travers les médias n’en finit pas d’évoluer. Le traitement médiatique des questions soulevées par cette crise a mis à mal l’opinion publique et sa capacité d’analyse quant à la tragédie vécue par ces personnes, tout en effaçant les opportunités que représente cette situation labellisée comme crise.

Le discours des médias sur les réfugiés soulève une problématique plus profonde, celle d’une crise identitaire européenne.

Pour contrer cette crise, des initiatives existent : par exemple, « Waynak », de Christopher Kousouros, webdocumentaire en six épisodes tournés au Liban, en Grèce, en Angleterre, en Turquie, en Allemagne et en France qui introduit des solutions à la crise des réfugiés et propose des moyens concrets d’engagement. Waynak permet de changer le récit sur la crise des réfugiés, et transforme pour la première fois le spectateur en acteur d’une mobilisation globale.
Aujourd’hui, dans le monde, entrepreneurs, experts, artistes et citoyens s’associent dans le but de résoudre la crise des réfugiés.

L’initative MakeSense Stories met ainsi en lumière les histoires et les solutions développées par ces entrepreneurs, artistes et organisations, qui proposent des innovations pour répondre aux grands enjeux sociaux et environnementaux de notre temps.

De son côté, Techfugees est une ONG qui promeut l’utilisation des nouvelles technologies numériques et des applications digitales pour favoriser l’inclusion sociale des réfugiés en Europe et dans le monde.

Wintegreat, ONG fondée en 2015, tente quant à elle d’apporter une réponse pragmatique et inclusive pour révéler les talents des personnes réfugiées et leur donner les moyens d’exprimer leur potentiel en France et en Europe afin qu’ils redeviennent acteurs de la société. L’organisation propose entre autres des programmes gratuits et certifiants au cœur des Grandes Écoles et des Universités, afin que réfugiés et demandeurs d’asile puissent reprendre leurs études ou trouver un emploi sans déclassement.

Vers une révolution culturelle au Maroc ?

Autour d’une table ronde avec Kenza Sefrioui, le « Radio Lab » organisé dans le cadre de l’European Lab proposait un éclairage sans tabous sur le Maroc d’aujourd’hui : statut des femmes, conditions de travail, droit de la nationalité et radicalisation… Des militants culturels ont évoqué leurs espoirs et leurs inquiétudes quant au futur de leur pays.

Ainsi,l’initiative Racines est née de la volonté d’acteurs culturels marocains, convaincus que la problématique de la culture est commune aux pays africains : faiblesse d’implication de l’État en terme de politiques culturelles, non-reconnaissance de la culture comme un droit humain, faibles industries créatives, non-protection des droits des artistes, insuffisance de l’offre de formation aux métiers de la culture… Même si chaque pays et chaque région possèdent leurs propres spécificités, il est primordial de capitaliser sur les acquis de chacun et améliorer la place de la culture dans les pays africains.

Revenons à Patrick Boucheron, professeur au Collège de France, qui a dirigé et rassemblé 122 historiens pour son Histoire mondiale de la France. Ce projet, placé sous l’égide de Jules Michelet montre la lente formation de la France dans les ruptures et les discontinuités, insistant sur les hommes et les influences venues d’ailleurs ou parties d’ici et appelant à prolonger l’ouvrage posthume de Fernand Braudel, L’Identité de la France.

Pour Patrick Boucheron toujours, il est nécessaire de sortir de ce dilemme artificiel qui oppose histoire du monde et histoire de France, d’où la proposition d’une histoire mondiale de la France : « La France doit s’expliquer par le monde et avec lui ». En ces temps de rétrécissement identitaire, nous avons besoin d’une histoire ouverte de la société française.

Pour cet auteur, il y a, aujourd’hui, une vraie ligne de partage entre ceux qui croient au travail collectif – c’est-à-dire, fondamentalement, à la possibilité d’être plus intelligents ensemble qu’isolés – et ceux qui n’y croient pas. Entre ceux qui pensent que la réflexion est une ascèse douloureuse et ceux qui pensent que le plus urgent aujourd’hui est d’échapper aux passions tristes : il s’agit de se rassembler.

Et, ensemble, pour armer des contre-récits, des héros anonymes de l’essor rural du XIIIᵉ siècle jusqu’à Marie Curie ou Aimé Césaire, il y a bien des raisons d’espérer.

Rappelons ce que disait Fernand Braudel sur l’« identité » : « Identité, le mot m’a séduit, mais n’a cessé des années durant de me tourmenter. » On peut rappeler, aussi, que le livre de Braudel, L’Identité de la France, est un livre qui n’était que le premier temps d’une histoire qui s’est arrêtée, pour ce temps infime… de l’écriture. « Construire l’identité française au gré des fantasmes, des opinions politiques, ça je suis tout à fait contre », disait Braudel
Une histoire que trente ans après la disparition de Braudel, nous avons, collectivement, la responsabilité de remettre en mouvement.

Dans sa leçon inaugurale prononcée au Collège de France (17 avril 2015), Patrick Boucheron nous le réexplique :

« Si “Paris représente le monde” – tel était le titre de la première leçon que Jules Michelet prononça au Collège de France le lundi 23 avril 1838 –, c’est parce que tous les peuples affluent pour y puiser les éléments de leur civilisation. C’est le grand carrefour où viennent aboutir les routes des nations… C’est à une réassurance scientifique du régime de vérité de la discipline historique que nous devons collectivement travailler. J’ose la dire “scientifique” en ce lieu si singulier qu’est le Collège de France, où se rencontrent à la fois, et depuis si longtemps, des textes anciens et des objets modernes, les premiers nous intimant l’ordre de les lire lentement, les seconds précipitant notre désir de répondre au plus vite aux urgences du présent. Pour que les premiers s’accordent aux seconds, il convient de réconcilier, en un nouveau réalisme méthodologique, l’érudition et l’imagination. L’érudition, car elle est cette forme de prévenance dans le savoir qui permet de faire front à l’entreprise pernicieuse de tout pouvoir injuste, consistant à liquider le réel au nom des réalités. L’imagination, car elle est une forme de l’hospitalité, et nous permet d’accueillir ce qui, dans le sentiment du présent, aiguise un appétit d’altérité. Si c’est cela l’histoire, si elle peut cela, alors il n’est pas tout à fait trop tard ».

Enfin, pour paraphraser P. Boucheron :

« Je veux demeurer ce que j’ai décidé d’être […], un enseignant, redevable à la jeunesse. La nôtre, la vôtre, la leur : c’est elle qui nous oblige. Pour elle, on se doit de répondre aux appels du présent… »

The Conversation

Fabien Dworczak ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son poste universitaire.

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