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Informatique au féminin : déséquilibre de genre et pistes pour y remédier

15 septembre 2023 par Maude Pupin, Mohamed Nassiri, Yann Secq Adjectif 194 visites 0 commentaire

Un article repris de https://adjectif.net/spip.php?article597

L’atelier concerne la problématique du déséquilibre de genre, important dans le secteur de l’informatique, et propose quelques pistes pour tenter d’y remédier. Après un échange sur l’expression “informatique au féminin”, quelques notions clés sur les stéréotypes et discriminations sont introduites avant de réaliser une activité ludique pour aborder les inégalités de genre avec les élèves au lycée. L’atelier se termine sur un autre partage d’expérience concernant une action visant spécifiquement des collégiennes dans le cadre de leur semaine d’observation de 3ème afin de les initier à la programmation créative et leur faire découvrir des métiers du numérique.

Un article de la revue Adjectif, une publication sous licence Creative Commons by nc sa

Objectif

L’objectif de l’atelier est de sensibiliser les participantes et participants à la problématique du déséquilibre de genre dans le secteur de l’informatique en offrant quelques clés de compréhension et d’analyse sur la situation actuelle, ainsi que des actions concrètes pour y remédier.

Un axe important est de faire prendre conscience aux élèves de lycée des inégalités de genre existantes dans la société. Le jeu de cartes « Genres & Inégalités » incite les élèves à discuter sur différents sujets et leur donne envie de se documenter pour trouver les bonnes réponses aux questions posées sur les cartes.

Un autre axe consiste à faire découvrir la programmation aux filles, ainsi que la diversité des métiers du numérique. Depuis plusieurs années sur la métropole lilloise et plus récemment sur le valenciennois, un stage collectif d’observation est proposé aux collégiennes en classe de 3ème. Durant quatre jours, les collégiennes sont accueillies par une entreprise partenaire. Le cinquième jour, elles découvrent l’Université de Lille. Le stage se clôture en présence des parents et des partenaires.

Ces actions illustrent des outils complémentaires visant à lutter contre le déséquilibre de genre fortement présent dans le secteur du numérique et encore plus dans celui de l’informatique.
Description de l’atelier et de l’activité proposée

L’atelier proposé lors de Didapro était structuré en quatre temps :

  • un partage de représentations sur le terme “informatique au féminin”.
  • une présentation de concepts clés autour des notions de genre, de sexe, de stéréotypes, de préjugés et de discrimination afin de mieux comprendre la problématique du déséquilibre de genre.
  • la réalisation d’une activité ludique permettant de prendre conscience des multiples déséquilibres de genre présents au sein de la société et, ainsi, d’aborder ces questions avec des élèves de lycée.
  • un retour d’expérience sur une action à destination de collégiennes pour démystifier la programmation, découvrir son pouvoir de création et s’ouvrir aux multiples métiers du numérique.

Le premier temps est réalisé au travers d’une activité déclenchante permettant de regrouper de manière non stigmatisante, car anonyme, les associations d’idées des participantes et participants par rapport au terme “informatique au féminin”. Les mots et phrases partagées lors de cette phase permettent un premier regard sur les préoccupations du groupe liées aux déséquilibres de genre en informatique. Cela facilite aussi la transition pour préciser certains concepts importants pour comprendre une partie des mécanismes sous-jacents expliquant les déséquilibres observés dans certains domaines.

Le second temps est plus frontal avec la présentation des concepts suivants :

-* la différence entre la notion de sexe, qui se réfère aux caractéristiques biologiques et physiologiques, et celle de genre, qui se réfère aux rôles déterminés socialement considérés comme appropriés pour les hommes et les femmes ;

  • ensuite, c’est le cycle classique qui est introduit :
    • en démarrant avec les stéréotypes, c’est-à-dire les représentations d’un individu ou d’un groupe humain ;
      -** qui mènent aux préjugés, des opinions préconçues portant sur un sujet, un objet, un individu ou un groupe d’individus ;
      -** et qui entraînent des discriminations, c’est-à-dire des traitements inégaux et défavorables appliqués à certaines personnes en fonction d’un critère lié à un préjugé… qui renforcent à leur tour les stéréotypes, entraînant une boucle de renforcement induisant les déséquilibres.

Finalement, pour conclure cette phase explicative sur des facteurs sous-jacents aux déséquilibres de genre en général, quelques données plus spécifiques, portant sur cette situation en informatique, sont partagées autour des choix de spécialités des filles au lycée, de leur poursuite en études supérieures et ensuite dans le monde du travail, comme l’illustre la figure 2.

Figure 2 : Quelques données illustrant le déséquilibre de genre en informatique, au lycée, dans le supérieur et dans le monde du travail, extraites du site femmes@numérique

Après avoir partagé ces éléments conceptuels et quantitatifs expliquant une partie des causes et l’état du déséquilibre actuel, l’atelier bascule sur deux propositions concrètes pour éveiller les enseignantes et enseignants et espérer changer certaines représentations de l’informatique qui limitent le champ des possibles au niveau de l’orientation des jeunes filles dans leurs études et insertion professionnelle.

Expérimentations réalisées et envisagées

Le jeu de cartes “Genre & Inégalités”

Ce jeu a été créé au sein du Groupe Informatique de l’IREM de Lille et du groupe Informatique au féminin, dans le cadre d’une formation inscrite au Plan Académique de Formation de l’Académie de Lille. Cette formation s’adresse aux collègues enseignants et enseignantes qui interviennent dans l’enseignement “Sciences Numériques et Technologie” (SNT) en seconde générale et technologique et/ou les référentes et référents égalité filles-garçons. L’objectif de cet outil est de permettre à chacune et chacun d’être conscient des injonctions de la société en ce qui concerne leur place, de se questionner quant aux représentations qu’elles ou ils ont du numérique et de leur rendre possible, au travers d’expérimentations et de réflexions, de se projeter potentiellement vers des métiers liés au numérique.

Le jeu est basé sur un ensemble de cartes organisées en 6 thématiques (Politique, Sport, Cinéma, Argent, Études, Qui est-ce) et 9 questions par catégorie. Sur chaque carte, une question est posée et 4 réponses sont proposées (les enseignants disposent de cartes contenant les bonnes réponses, avec la source de la donnée questionnée).

Voici un exemple de deux questions dans la catégorie “Politique” :

 en 2016, quel était le pourcentage de femmes dans la délégation “Affaires Sociales” des vice-présidences dans les exécutifs régionaux ? A) 25% B) 50% C) 75% D) 100% ;
 en 2016, quel était le pourcentage de femmes dans la délégation “Budget/Finances” des vice-présidences dans les exécutifs régionaux ? A) 25% B) 50% C) 75% D) 100%.

Peut-être l’avez-vous deviné, mais les bonnes réponses sont D) pour la 1 et B) pour la 2, ce qui est une illustration parmi d’autres de la force des stéréotypes et préjugés et leurs impacts en termes de discriminations sur des fonctions politiques entre femmes et hommes.

Au début du jeu, les cartes sont réparties sur différents groupes d’élèves qui ont pour objectif de répondre aux questions d’une thématique et de remplir leur carte-réponse. Après avoir répondu à toutes les questions d’une thématique, les élèves peuvent vérifier la validité de leurs réponses à l’aide d’un site web sur lequel il est possible de saisir les réponses proposées et vérifier si elles sont bonnes ou pas. Dans le cas où toutes les réponses sont bonnes, cela donne accès à une vidéo qui est en lien avec la thématique résolue.

Les collègues impliqués dans le comité qui a créé ce jeu sont des universitaires et professeures et professeurs du secondaire : Philippe Marquet, Patricia Everaere, Asli Grimaud, Marie Guichard, Maude Pupin, Yann Secq et Mohamed Nassiri. Le projet n’aurait jamais abouti sans elles et eux, ni sans le soutien très actif de nombreuses personnes qui ont contribué à son développement, son expérimentation et sa promotion, qu’ils en soient ici toutes et tous remerciées.

La semaine d’observation “L décodent l’@venir”

Le dernier temps de l’atelier est une présentation d’une action de promotion de l’informatique, L décodent l’@venir, pour un public un peu plus jeune de collégiennes en classe de 3ème dans le cadre de leur stage d’observation. Une des difficultés avec les métiers du numérique porte sur le peu de stages d’observation proposés dans ce domaine et l’attrait assez faible de suivre pendant 5 jours une développeuse d’application, une gestionnaire de base de données, une administratrice-système ou encore une chargée de projets. Suite à ce constat, le projet d’organiser une semaine d’observation sous la forme d’un stage collectif à l’aide de trois partenaires est né. L’université de Lille s’est ainsi associée au Syntec Numérique Hauts-de-France et à la Fondation Agir Contre l’Exclusion de la métropole lilloise (FACE MEL) afin de proposer une semaine d’observation au sein d’une entreprise, avec un encadrement pédagogique de l’université et de collaboratrices de l’entreprise.

L’action se met en place en amont avec la réalisation d’ateliers de sensibilisation au numérique dans des collèges d’éducation prioritaire de la métropole lilloise par l’association FACE MEL. Cette étape permet de créer un vivier de jeunes filles potentiellement intéressées par le stage d’observation sur le numérique.

Ensuite, la semaine est organisée afin de poursuivre 3 objectifs principaux :

 changer les représentations que les collégiennes ont sur le numérique et l’informatique ;
 découvrir la programmation créative et la fabrication ;
 découvrir la diversité des métiers du numérique .

Ainsi, durant 4 jours et demi, le groupe de 10 à 16 collégiennes découvre :

 les bases de la programmation en Python pour générer des images 2D vectorielles permettant ensuite de créer un objet en bois à l’aide d’une découpeuse laser,
 différents métiers au travers de speed dating avec des collaboratrices de l’entreprise qui partagent leur parcours leurs missions et projets ,
 un campus universitaire lors de la dernière journée de stage puis prépare et communique sur leurs réalisations de la semaine à destination des parents et enseignantes et enseignants.

Ainsi, à l’issue de l’atelier Didapro, les participantes et participants ont pu identifier quelques concepts clés pour comprendre certains mécanismes induisant des déséquilibres de genre et découvrir deux actions concrètes pouvant être mises en œuvre avec leurs élèves. Que cela soit le jeu de cartes ou la séquence pédagogique liée à la fabrication (où le dessin peut juste être imprimé plutôt que découpé, peu d’établissements étant équipés de découpeuses lasers, mais de plus en plus de fablabs sont présents dans les milieux urbains), ces ressources sont accessibles librement et utilisables par toutes et tous.

Liens avec la recherche

La partie de l’atelier consacrée à l’action concernant les collégiennes a fait l’objet des publications suivantes :

How to make teenage girls love coding ?

Tatiana Rocher, Maude Pupin, Philippe Marquet, Yann Secq.

womENcourage2017 - 4th ACM Europe Celebration of Women in Computing, ACM, Sep 2017, Barcelona, Spain. ⟨hal-01552490⟩

L codent, L créent : créations numériques artistiques pour démystifier l’informatique... au féminin !

Philippe Marquet, Maude Pupin, Yann Secq.

Didapro 7 – DidaSTIC. De 0 à 1 ou l’heure de l’informatique à l’école, Feb 2018, Lausanne, Suisse. pp.1-2. ⟨hal-01753402⟩

Les filles qui… et L Codent L Créent : constituer un bien commun de médiation en informatique.

Pascale Gautron, Cécile Plaud, Maude Pupin, Vincent Ribaud, Yann Secq

Ludovia#CH - Université de printemps, Apr 2020, Yverdon-les-bains, Suisse. ⟨hal-02911731⟩

Liens vers les ressources et points de contact

 Formation ’Orientation des filles dans les filières du numérique’ et jeu “Genre & Inégalités”
 L décodent l’@venir - session 2022-2023
 Mohamed Nassiri (Professeur agrégé de Mathématiques Lycée d’Excellence Edgar Morin à Douai, mohamed.nassiri@ac-lille.fr)
 Maude Pupin et Yann Secq (enseignant·e-chercheur·e en Informatique à l’Université de Lille, maude.pupin@univ-lille.fr et yann.secq@univ-lille.fr)

Maude Pupin
Mohamed Nassiri
Yann Secq

 
Numéro thématique 3 de la revue Adjectif

Licence : CC by-nc-sa

Documents joints

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