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Quand les pouvoirs publics sont à l’origine de l’invisibilisation que font les acteurs locaux ?

Pour éclairer le mécanisme du non-recours, nous allons montrer qu’il ne s’agit pas seulement d’une absence d’accès aux droits, mais une absence de reconnaissance sociale.

Mots clés : non-recours, invisibilité, reconnaissance, discriminations.

L’invisibilisation de certains individus par les pouvoirs publics est un mécanisme clairement identifié et documenté dans le champ de la philosophie politique, notamment par les auteurs Spinoza, Arendt et Sang Ong-Van-Cung (Sang Ong-Van-Cung, K. 2013). Par mécanisme d’invisibilisation, nous entendons par exemple les populations victimes de discriminations. Leur invisibilité n’est pas physique, car elles existent bien dans la sphère publique. Cependant, leur invisibilisation se cristallise à travers un déni de visibilité quand les pouvoirs publics refusent de les prendre en considération. Cependant, si nous nous intéressons à ce phénomène à l’échelle d’un territoire, quelle est la posture des acteurs vis-à-vis de ce mécanisme d’invisibilisation de certains publics ? Les responsables de dispositifs sont-ils dans la continuité de ce mécanisme d’invisibilisation, ou bien marquent-ils une rupture en faveur d’une sortie de l’ombre ?

Pour éclairer le mécanisme du non-recours, nous allons montrer qu’il ne s’agit pas seulement d’une absence d’accès aux droits, mais une absence de reconnaissance sociale.

Mots clés : non-recours, invisibilité, reconnaissance, discriminations.

L’invisibilisation de certains individus par les pouvoirs publics est un mécanisme clairement identifié et documenté dans le champ de la philosophie politique, notamment par les auteurs Spinoza, Arendt et Sang Ong-Van-Cung (Sang Ong-Van-Cung, K. 2013). Par mécanisme d’invisibilisation, nous entendons par exemple les populations victimes de discriminations. Leur invisibilité n’est pas physique, car elles existent bien dans la sphère publique. Cependant, leur invisibilisation se cristallise à travers un déni de visibilité quand les pouvoirs publics refusent de les prendre en considération. Cependant, si nous nous intéressons à ce phénomène à l’échelle d’un territoire, quelle est la posture des acteurs vis-à-vis de ce mécanisme d’invisibilisation de certains publics ? Les responsables de dispositifs sont-ils dans la continuité de ce mécanisme d’invisibilisation, ou bien marquent-ils une rupture en faveur d’une sortie de l’ombre ?

Pour éclairer ce mécanisme, nous allons montrer qu’il ne s’agit pas seulement d’une absence d’accès aux droits, mais une absence de reconnaissance sociale.
Nous examinerons le mécanisme d’invisibilisation exercé par les pouvoirs publics, ainsi que ses enjeux politiques à travers la publication de Spinoza et Arendt (Sang Ong-Van-Cung, K. 2013), « L’invisibilité publique et la vulnérabilité du commun ». Dans un second temps, nous examinerons la posture des responsables de dispositifs « Territoires zéro non-recours ».

Le concept développé par les auteurs Spinoza et Arendt, rapportés par Sang Ong-Van-Cung, dans son article « L’invisibilité publique et la vulnérabilité du commun » paru en 2013 dans la Revue d’éthique et de théologie morale, explicite le mécanisme d’invisibilisation par les pouvoirs publics.

Dans cet article, nous vous présentons un résumé de ce concept afin de démontrer que le mécanisme d’invisibilisation par les pouvoirs publics produit une absence de reconnaissance sociale qui rend les individus invisibles. Le domaine public admet des formes de visibilité qui rendent possible un monde commun et partagé où ne sont admis que ceux qui se conforment aux règles de partage et sont pour ainsi dire « du bon côté » . Partant de ce principe, l’invisibilité est le résultat du partage actuel de la visibilité publique. Ce partage rend invisibles ceux qui ne parviennent pas à se conformer à ces normes.
La société est constituée d’un réseau d’interdépendances des individus. Cette interdépendance peut devenir source de vulnérabilité des individus dans leur existence corporelle, leurs besoins et leurs désirs. Cette vulnérabilité de l’existence humaine, signifie qu’un certain tissage d’actions est nécessaire pour maintenir la vie des individus, car s’ils étaient dépourvus de tout soutien, d’aide ou de reconnaissance sociale, ils ne pourraient persévérer dans l’existence.
L’expérience de la vulnérabilité peut être ainsi entendue comme une absence de reconnaissance sociale et conséquemment comme une invisibilisation dans l’espace public. Conformément à la théorie de la reconnaissance du sociologue Honneth : « l’invisibilité publique est la vulnérabilité de la puissance d’agir qui affecte l’expérience politique des dominés. » (Sang Ong-Van-Cung, 2013). Être invisible signifie ne pas exister ou vivre une existence de peu de réalité dans le champ public.

Il existe un mécanisme d’invisibilisation des individus par les pouvoirs publics dans l’espace public. L’espace public est régi par un ensemble de règles qui rendent possible ou « représentable » ce qui peut être visible. Cette visibilisation répond à des normes et des objectifs qui dépendent d’un agenda politique. Le mécanisme de visibilisation met donc inévitablement dans l’ombre, ce qui échappe aux normes des pouvoirs publics.

Les politiques publiques fabriquent en quelque sorte l’invisibilité et nous donnent à « voir » et à penser les questions relatives à « l’entendre » ou à la souffrance sociale. Elles lui donnent son expression, ses grandes lignes. Dans l’espace public, l’invisibilité devient l’objet d’un discours acceptable.
L’invisibilité c’est aussi l’absence du discours des invisibles dans l’espace public. Or, le discours des invisibles (porteurs de souffrances sociales) dans cet espace les rendrait audibles. Pour devenir « audibles », il faudrait que ces « inaudibles » (Sang Ong-Van-Cung, 2013) puissent s’exprimer dans le vocable de leur expérience propre et dans les règles des pouvoirs publics qui régissent le domaine public (qui précisément les effacent).

C’est cette inaudibilité (Sang Ong-Van-Cung, 2013) qui conduit les invisibles au renoncement. C’est pour cette raison que lever les freins de l’invisibilité et de l’inaudible suppose l’exercice de la puissance d’agir, sous forme de « stratégie transgressive » (Sang Ong-Van-Cung, 2013), qui reste toujours à imaginer.
L’invisibilisation des individus c’est encore l’absence de reconnaissance sociale qui les rend inaudibles par les pouvoirs publics dans l’espace public. C’est une violence sociale, une injustice (en tout cas vécue comme telle) qui relève en premier de politiques publiques, c’est donc, selon nous, à l’État d’agir, afin de rendre ces invisibles audibles et de rétablir leur existence dans l’espace public.
Plus concrètement, il y a des actions portées par l’Etat et décentralisées sur les territoires.

Par exemple, partant du constat que le non-recours est massif avec des conséquences sociales importantes l’Etat et le ministère des Solidarités, lance un appel à projets au national dénommé « Territoires zéro non-recours » . Seulement dix départements seront retenus dans sa phase test qui durera 3 ans. L’ambition de cette expérimentation est de lutter contre le non-recours aux droits sociaux, qui se définit comme toute situation où une personne éligible à des aides et prestations, ainsi que, le cas échéant, aux services n’en bénéficie pas.

Ici, l’action de l’État s’inscrit dans une logique de compensation des mécanismes d’invisibilisation à l’œuvre dans tout déploiement d’une politique publique.

Selon Jean-Christophe Combe, le ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, lors de son intervention au 30 janvier au comité de coordination pour l’accès au droit, le non recours est un signe de triple échec collectif : échec de l’organisation de nos politiques sociales, échec de notre politique économique et échec pour les finances publiques car cela accroit le coût à long terme des politiques de solidarités.

La volonté de réduire le non-recours et de rendre visible un public jusque-là invisible fait partie des objectifs du dispositif « territoire zéro-recours » mis en place au niveau local. L’amélioration des relations en termes de confiance entre les publics et les institutions pourrait représenter un moyen permettant de diminuer le non-recours. Être reconnu, accepté en tant individu ou groupe d’individu par autrui plus particulièrement par les pouvoirs publics constitue une forme d’intégration sociale indispensable à la reconnaissance sociale déficiente pour un public « invisibilisé ».

En outre l’amélioration de la confiance envers les institutions peut permettre à terme de faire émerger des énergies créatrices et ainsi permettre la dynamisation du territoire en permettant à chaque individu de prendre part à la vie de sa ville [1]

Bibliographie :

Adam, M., & Mestdagh, L. (2019). Invisibiliser pour dominer. L’effacement des classes populaires dans l’urbanisme contemporain. Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement. Territory in movement Journal of geography and planning, 43, Art. 43. https://doi.org/10.4000/tem.5241

Sang Ong-Van-Cung, K. (2013). L’invisibilité publique et la vulnérabilité du commun de Spinoza à Hannah Arendt. Revue d’éthique et de théologie morale, 275(3), 37 58. Cairn.info. https://doi.org/10.3917/retm.275.0037
Site de la Direction Régionale Interdépartementale de l’Economie, de l’Emploi, du Travail et des Solidarités https://idf.drieets.gouv.fr/Appel-a-projets-Territoires-zero-non-recours.

Licence : CC by-sa

Notes

[1Site de la Direction Régionale Interdépartementale de l’Economie, de l’Emploi, du Travail et des Solidarités https://idf.drieets.gouv.fr/Appel-a-projets-Territoires-zero-non-recours.

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