Innovation Pédagogique et transition
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Eco’mune : partager des idées opportunes pour nos communes

Un article repris de https://isf-france.org/node/1743

Nous sommes Laurène et Charlotte, deux étudiantes ingénieures agronomes et membres du groupe local Ingénieurs Sans Frontières de Bordeaux. Soucieuses des enjeux environnementaux qui impactent notre société, nous souhaitons transformer le sentiment d’éco-anxiété en une force motrice de changement. A travers Eco’mune, notre projet international réalisé en 2022, nous cherchons à transmettre notre intérêt pour la transition écologique et donner l’envie d’agir aux différents acteurs d’un territoire.

Au vu des multiples crises que nos sociétés rencontrent face au dérèglement climatique : énergétique, économique, agricole, alimentaire, sociale, de plus en plus d’initiatives émergent dans les territoires afin de permettre aux citoyens de participer à la transition écologique. Portée par des entreprises, des associations ou des citoyens, elles proposent aux habitants de changer leurs habitudes quotidiennes en portant un regard sur la durabilité de ce qu’ils consomment et de ce qu’ils produisent. Eco’mune nous a permis de partir à la rencontre d’une trentaine d’initiatives européennes afin de comprendre leur fonctionnement, d’identifier leurs interactions avec le territoire et de mesurer leur impact.

Mais au fait, qu’est-ce que la transition écologique ? Commençons par là. La transition écologique d’un quartier, d’une commune ou d’un pays est la nécessaire modification de nos manières de vivre dans une société industrielle. Elle doit s’appliquer à une multitude de secteurs tels que l’alimentation, les énergies, les mobilités et la gestion de nos ressources. Pour qu’elle s’opère, tous les acteurs d’un territoire doivent s’allier et interagir entre eux afin de faire évoluer nos modes de fonctionnement dans le même sens. Ainsi, la transition écologique passe avant tout par une transition démocratique et politique. À plus grande échelle, la transition écologique ne dépend pas uniquement du comportement de l’individu ou d’un collectif. Effectivement, aujourd’hui, 80% des gaz à effet de serre sont causés par seulement 10% des habitants de la planète, ceux localisés dans les pays les plus développés. De par ces inégalités, la transition requestionne la géopolitique mondiale et les modèles économiques de nos sociétés actuelles.

De par nos différents échanges, nous avons compris que la transition écologique est la résultante de plusieurs transitions. Celles-ci doivent être amorcées à la fois sur le plan local et international. Dans le cadre d’Eco’mune nous avons choisi de nous concentrer sur les transitions alimentaires, énergétiques et démocratique au sein d’une commune.

Nous avons réalisé une première phase d’interview en France, auprès d’organismes impliqués dans le développement territorial afin de dresser un état des lieux de notre fonctionnement actuel et d’identifier les rôles des différents acteurs décisionnaires.

Nous avons pu identifier des freins expliquant l’évolution de nos territoires. L’un d’entre eux est l’ampleur de la tâche. Les élus, qui ont un pouvoir énorme sur le développement local, ne savent pas par où commencer, ni comment s’y prendre pour amorcer la transition écologique au vu des divers sujets qu’elle implique. Quel que soit le domaine, les projets ont du mal à s’implanter et à durer dans le temps. Pourtant, tout existe aujourd’hui : la volonté, l’expertise et l’argent. Ce qui manque est la conjonction de tout ça. L’absence d’ingénierie territoriale, toutefois essentielle pour faire le lien entre les différents acteurs, représente un deuxième frein à la mise en place de projet durable. Enfin l’organisation en silo des institutions, notamment en France, empêche d’aborder la question de la transition écologique de manière transversale. En effet, chaque sujet est abordé de manière isolée (l’alimentation, la gestion des déchets, l’énergie), alors que sa transversalité supposerait de nouvelles façon de penser, de travailler et d’agir au sein des collectivités.

Pour dresser cet état des lieux sur l’organisation actuelle de nos territoires et discerner ses limites, nous nous sommes également intéressés aux rôles des acteurs présents, notamment celui du citoyen, dans cette transition écologique. Encore un fois, de nombreux freins à l’implication des différents acteurs ont pu être identifiés. La déresponsabilisation, le déni, la désinformation, la pression sur les jeunes générations, l’absence d’écoute, etc.. expliquent la difficulté des citoyens mais aussi des politiques à agir en faveur de l’écologie. Heureusement, nos échanges nous ont aussi apporté des clés d’actions pour favoriser la coopération entre les acteurs, d’encourager l’implication citoyenne et de mettre en place des projets. La mise en récit semble faire partie des actions à mener en amont pour permettre un changement de regard sur la transition écologique et de donner envie aux acteurs d’agir. De plus, le droit à l’erreur et l’expérimentation devraient aussi être intégrés au sein des collectivités, car même si demain un projet échoue, celui-ci aura permis à des acteurs de se rencontrer, de travailler ensemble voir de construire une relation de confiance qui seront des choses précieuses pour les futurs projets. Pour limiter l’incohérence ou l’échec de projets territoriaux, connaître son territoire et les acteurs présents représente également un autre levier. En effet, il y a un réel besoin d’identifier les forces et les faiblesses de son territoire, les ressources et acteurs existants afin de pouvoir répondre aux enjeux de manière collective. Enfin, pour que les citoyens s’impliquent il faut déjà qu’ils soient sensibilisés aux différentes problématiques que nos sociétés rencontrent aujourd’hui. Cette sensibilisation se fait notamment grâce à l’éducation populaire, essentielle pour lutter contre la désinformation, pour transmettre des connaissances et compétences mais également pour faire prendre conscience aux citoyens du pouvoir qu’ils possèdent et de comment ils peuvent aujourd’hui concrètement l’utiliser.

Après avoir fait un état des lieux du système actuel, nous avons échangé avec des chercheurs, des ingénieurs, et des doctorants afin d’appréhender les enjeux autour de l’alimentation, de la gestion des déchets, de l’énergie et des mobilités au sein de nos territoires. Puis, avec des idées de leviers en tête, nous sommes parties à la rencontre d’initiatives locales ayant déjà fait leurs preuves, ce qui nous confirme que ces transitions sont à la portée de tous. Vous trouverez ci-dessous une partie des éléments de réponses que nous avons identifiés pour répondre à ces enjeux.

La pérennité du système agro-alimentaire actuel est ébranlée par nos modes de fonctionnement. D’une part, la pollution des eaux, les émissions de gaz à effet de serre et la dépendance de nos terres vis-à-vis des intrants sont la preuve que nos sols peinent à se montrer résilients. D’autre part, les productions ne répondent plus à une demande, mais de par leur localisation, répondent à des incitations de commerce international et à une volonté de profit selon Gilles Billen, chercheur au CNRS. Face à ces problématiques et de par la rencontre d’acteurs internationaux, nous avons pu identifier 4 leviers principaux pour aller vers un mode de production et de consommation alimentaire plus durable. Afin de limiter l’usage des engrais de synthèse, les rotations de cultures, réalisées par exemple par la ferme Osterby en Suède , permettent d’augmenter la part de nutriment dans le sol. Pour une production à plus petite échelle, la pratique de l’agro-écologie comme le fait Le champ du Chaudron, Mjinstadsuin ou Loaseter, et le recours à l’agriculture biologique comme le fait Karshamra permettent également de retrouver des modes de productions qui dépendent moins des intrants chimiques. L’agriculture doit aussi être reconnectée avec l’élevage comme nous le décrit l’exploitant de la ferme Osterby, pour que s’opère un cycle fermé de matière sur la zone de production. Davantage d’importance doit être accordée aux circuits courts comme le propose la boutique ROT en Suède , afin que les agriculteurs soient rémunérés au juste prix. De ce fait, les exploitations agricoles diversifiées doivent être plus nombreuses pour répondre à la demande d’un territoire tout en augmentant son autonomie alimentaire. Enfin, les consommateurs doivent revoir leurs régimes alimentaires en retrouvant une proportion de protéines (animales vs végétales) plus conformes aux capacités productrices des systèmes agricoles actuels.

Les déchets représentent un problème majeur à l’échelle planétaire. Quelques que soit le domaine dont ils sont issus (agriculture, industrie, bâtiments, etc…), les volumes produits sont conséquents (315 Mt en France en 2020)* et ont un impact négatif sur l’environnement. En parallèle, nos modes de vie sont de plus en plus consuméristes et expliquent l’épuisement de nombreuses ressources finies. Les problématiques autour des déchets étant suffisamment documentées, nous avons souhaité aborder le sujet d’un autre angle en s’intéressant aux potentiels de ces déchets. En effet, ce que certains appellent déchets aujourd’hui est de plus en plus vu comme matières premières pour d’autres. Ainsi, à travers diverses initiatives nous avons pu voir comment les déchets des uns étaient utilisés pour répondre à des besoins locaux en termes d’alimentation (Taste Before Your Waste , CultureGhem, Kom à la maison), d’énergie (Jepuan Biokaasu), de constructions (Kunst-Stoffe ) ou encore d’équipement (ReUseStore). Cependant, bien que ces initiatives participent à la revalorisation des déchets produits localement, nous avons réalisé qu’elles ne pouvaient pas rectifier à elles seules le fond du problème : la surconsommation. Comme l’a appuyé Jérôme Perrin, Co-fondateur de Love Your Waste, " le meilleur déchet est celui que l’on ne produit pas " Ainsi, il y a également des changements à faire dans nos façons de penser et de consommer qui passent plus par de la sensibilisation, de l’éducation populaire mais aussi par de la législation.

En France, comme dans de nombreux pays occidentaux, le système énergétique est pilotée par des structures maîtresses de production d’énergie telles que EDF. Selon, Baptiste Soubra, doctorant en sciences techniques et société, ce système, anti-démocratique, est entre les mains d’une trop faible partie de la population, essentiellement des ingénieurs, des économistes et des financiers. En parallèle, l’incorporation d’éoliennes et de panneaux solaires dans nos paysages amène le citoyen à se questionner sur son système énergétique. De ce fait, des mouvements tel que celui des énergies partagées émergent progressivement afin que les citoyens puissent s’impliquer dans les prises de décision. Le développement d’énergies renouvelables, locales et citoyennes sur un territoire présenterait donc plusieurs bénéfices. Tout d’abord, l’implication des habitants dans leur mise en place ainsi que la consommation d’électricité issue de celles-ci, leur permettrait de comprendre les mécanismes qui assurent une production d’énergies renouvelables et de prendre conscience des enjeux de la sobriété énergétique. Ils pourraient ainsi mieux se rendre compte de ce qu’ils consomment, comme les étudiants de Tvindau Danemark dont le campus est alimenté par une éolienne citoyenne. Ces deux points sont indispensables si l’on veut qu’il y ait un changement social et culturel autour de ces questions. De plus, les énergies citoyennes pourraient résoudre des problématiques liées à la précarité énergétique. Effectivement, de par l’indépendance de ces nouveaux systèmes, des citoyens s’alimentant d’énergies locales se verraient payer des coûts de consommation moins élevés. Nous avons pu voir ces bénéfices sur différentes échelles : en partant du citoyen qui s’alimente grâce à son barrage hydraulique, en passant par un centre de méthanisation qui produit du biogaz pour les environs, à une coopérative énergétique qui approvisionne une partie d’Amsterdam grâce à ses panneaux solaires et en terminant par Samso, une île danoise autosuffisante en énergies renouvelables . L’implication citoyenne amènera-t-elle à une transformation structurelle de notre système énergétique ? Là est la question …

En termes de mobilité, ils s’agissaient pour nous de s’intéresser aux modes de déplacements plus sobres dans un contexte où nos sociétés sont de plus en plus vulnérables aux prix des hydrocarbures et aux impacts engendrés par le secteur des transports. Notre échange avec Matthias Beaufis-Marquet, ingénieur mobilités actives et qualité de l’air à l’ADEME Île-de-France, nous a permis de définir les mobilités douces et d’identifier les 5 étapes clés pour tendre vers la neutralité carbone des transports.

Les mobilités douces intègrent à la fois les mobilités actives, représentant essentiellement la marche, le vélo et tous les modes de déplacement qui implique une force humaine, et les mobilités propres qui peuvent réunir le train, les transports en commun ou encore l’autopartage. De plus, lorsqu’on parle de mobilités douces, il faut également s’intéresser aux infrastructures et outils permettant de les favoriser. Prenons l’exemple du vélo. Pour encourager les citoyens à se déplacer à vélo, il est important de leur offrir un environnement propice à ce type de déplacement : pistescyclables sécurisées, limitation de vitesse de circulation dans les villes, mise à disposition de moyens matériels et humains pour l’entretien des vélos, outils de lutte contre le vol, etc… Par cet échange nous avons compris qu’il ne s’agissait pas de supprimer totalement la voiture mais de revoir les usages que nous en faisions. Ainsi, un travail de réflexion est nécessaire pour repenser nos modes de déplacements au quotidien et enclencher une transition des mobilités.

 Tout d’abord, il faut s’interroger sur nos besoins de transport, sont-ils vraiment nécessaires ? Pouvons-nous les réduire ? Exemple : Faire du télétravail, limiter les trajets en avion long-courrier plusieurs fois par an pour une semaine de vacances, etc…
 Ensuite arrive la question du report modal. S’il faut se déplacer, quel sera notre mode de transport ? S’agira-t-il de l’avion, du train, de la voiture, des transports en commun, du vélo ou bien de la marche ?
 Dans le cas où on utilise une voiture, on doit réfléchir à son taux de remplissage (seul ou à plusieurs).
 On devra également réfléchir à l’efficacité de son véhicule c’est-à-dire favoriser une voiture petite et légère qui sera plus économe en énergie.
 Enfin, en dernier recours, si on utilise la voiture, il faudra aussi regarder sa motorisation. Quelle est l’énergie utilisée par celle-ci ? De l’hydrocarbure, de l’électricité, de l’hydrogène ou du biocarburant ?

Durant notre projet, nous avons eu l’opportunité de découvrir des initiatives qui permettaient aux citoyens d’adopter ce raisonnement plus facilement dans leur quotidien (Cargo Bike, Sykkelhotell, Mobilitetspunkt, Transdev).

La prochaine étape de notre projet est de construire un carnet de référence, sous format papier et numérique, analysant les différentes initiatives écologiques européennes rencontrées durant notre voyage. Nous les distribuerons aux acteurs locaux (élus, agents territoriaux) afin qu’ils s’en inspirent pour mettre en place de nouvelles actions au sein de leur commune. Une série documentaire verra également bientôt le jour. De par des témoignages que nous avons récolté, nous souhaitons montrer aux citoyens qu’ils seraient gagnants en s’impliquant localement dans leur territoire. Notre documentaire, en cours de réalisation, sera publié sur des grandes plateformes telle que Youtube pour permettre à toute personne d’y avoir accès gratuitement. Enfin, nous ferons découvrir notre projet Eco’mune à travers des ateliers de sensibilisation à destination des étudiants, un jeu de société sera notamment animé lors des ReSIC en mars.

Eco’mune fut une expérience riche sur le plan professionnel et humain. Ce projet nous a permis de rencontrer des personnes généreuses, inspirantes et déterminées à agir de manière positive sur leur territoire. Cette aventure n’est que le prélude d’une multitude de projets.

Pour avoir des informations supplémentaires sur notre projet, n’hésitez pas à aller suivre @eco.mune sur instagram.

*Source : Eurostat, Déchets générés par catégorie de déchets

Licence : CC by-sa

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