Un article repris du magazine The Conversation, une publication sous licence CC by nd
Avec la démocratisation de l’informatique, au début des années 1980, la question de son enseignement à l’école revient régulièrement. La première mention de l’informatique dans les programmes scolaires date de 1985, avec l’objectif de faire comprendre aux élèves de CM1 et CM2 ses impacts sur la société et ses principes de base. C’est ainsi que le langage LOGO, développé au MIT, fait son apparition à l’école afin d’initier par le jeu les enfants à la programmation.
Mais les nouveaux programmes, initiés en 1995 n’intègrent plus cet apprentissage de la conception informatique et se centrent davantage sur les technologies du point de vue de l’usager, avec la découverte des outils bureautiques et d’Internet, compétences qui sont d’ailleurs au cœur de la certification B2I, brevet visant à attester la maîtrise des outils multimédias des collégiens.
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Dès 2013, l’Académie des Sciences plaide pour un enseignement de la science informatique du primaire au lycée, mais il faudra attendre la rentrée 2014 pour que des cours d’initiation au code soient de nouveau proposés à l’école, tout en restant facultatifs et dispensés sur le temps périscolaire. Et c’est finalement à la rentrée 2016 que ces enseignements ont été intégrés dans les programmes, du CM1 jusqu’au baccalauréat, et suivent la logique énoncée dans le rapport de l’Académie des Sciences en 2013, avec une phase de « sensibilisation » en primaire, une « évolution vers l’autonomie » au collège et un « perfectionnement » au lycée.
Logique de programmation
Bien que n’apparaissant pas en tant que telles dans les programmes, certaines compétences du programme de mathématiques de CE1 et de CE2 permettent de s’initier à la logique informatique. Il s’agit par exemple des exercices nécessitant de coder des déplacements dans une grille.
Du CM1 jusqu’en sixième, les enseignements en informatique se retrouvent dans deux composantes du programme officiel. Dans les enseignements de « Sciences et technologie », les élèves apprennent à « utiliser des outils numériques pour communiquer des résultats, traiter des données, simuler des phénomènes, représenter des objets techniques et identifier des sources d’information fiables ». Nous retrouvons ici les enseignements orientés « usages » qui existaient dans les programmes précédents. Les nouveaux programmes intègrent dans la partie « Mathématiques » la résolution de problèmes en utilisant de multiples données ou en construisant une démarche nécessitant plusieurs étapes. Cet enseignement, pouvant se réaliser avec ou sans ordinateur, pose les jalons de la logique de programmation et représente bien une initiation à l’informatique.
À compter de la classe de cinquième, et jusqu’à la fin du collège, les enseignements intègrent toujours cette double dimension usage/programmation. Ainsi, les élèves doivent être capables d’utiliser des outils de représentation numérique, que ce soit comme support de présentation orale, pour la collecte de données, ou pour réaliser des simulations numériques. Les programmes incluent également la maitrise des principes élémentaires de l’algorithmique et du codage dans l’objectif de résoudre des problèmes simples.
L’approfondissement de l’apprentissage de la programmation débute au lycée, avec l’introduction dans les programmes de vocabulaire spécifique comme les variables, les instructions, les conditions ou encore les boucles. Le langage Python est utilisé pour appliquer les principes appris en raison de sa simplicité.
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Intégrer l’informatique et surtout la programmation dans les programmes pose de multiples difficultés. Le premier écueil concerne les équipements disponibles dans les établissements. Comme l’indique le ministère de l’Éducation nationale, de grandes disparités existent entre les établissements, en particulier dans les lycées. Dans un rapport publié en 2019, la Cour des comptes confirmait « de fortes inégalités d’équipement de classes et des élèves entre les territoires », fortement préjudiciables à la mise en œuvre des enseignements.
Formation des enseignants
Une autre problématique repose sur le manque de formation des enseignants, qui n’ont pour la plupart aucune formation en informatique. L’Académie des Sciences, dans son rapport de 2013, insistait bien sur ce prérequis pour garantir le succès de l’introduction de ces cours dans les programmes. Cet écueil est particulièrement important au niveau primaire, le même enseignant devant maitriser toutes les matières. Mais un nombre non négligeable d’enseignants, très enthousiastes vis-à-vis de ce nouvel enseignement, sont aussi à l’initiative de projets innovants, souvent multidisciplinaires.
Pour aider les enseignants moins à l’aise, le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse soutient de nombreux projets destinés à les aider dans la mise en application du programme, comme le projet Class’Code, qui propose des enseignements en ligne de type MOOC (Massive Open Online Course). Des formations sont également proposées, en particulier avec le dispositif M@gistère qui propose de nombreux parcours.
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Au-delà de ces initiatives soutenues par le Ministère, d’autres associations proposent des contenus ou des formations, comme l’association EPI (Enseignement public et informatique), fondée en 1971 pour promouvoir l’enseignement de l’informatique dans le service public d’enseignement. Des initiatives universitaires viennent compléter le support disponible pour les enseignants, tel l’application PixelArt développée par l’université de Nantes et testée auprès d’élèves de primaire en 2021.
Les retours d’expérience de ces différentes initiatives sont positifs et apportent aux enseignants un support essentiel pour pouvoir assurer la qualité des cours proposés. Nous pouvons également noter que ces compétences sont inscrites dans les formations des futurs professeurs des écoles. Un CAPES (certificat d’aptitude au professorat du second degré) « numérique et sciences informatiques » a par ailleurs été créé. À partir de la rentrée 2020, des professeurs spécialisés dans ces disciplines seront donc intégrés aux niveaux collège et lycée. Une amélioration de l’équipement informatique des écoles, collèges et lycées reste cependant nécessaire pour assurer un succès dans la mise en œuvre de ces cours.
Delphine Billouard-Fuentes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
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