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Personnaliser son CV étudiant : les open-badges, un atout pour se démarquer ?

Un article repris de https://theconversation.com/personn...

Un article repris du magazine The Conversation, une publication sous licence CC by nd

Les résultats des enquêtes d’insertion montrent de manière récurrente l’importance du diplôme pour se faire une place sur le marché du travail, mais pointent aussi les risques de déclassement et de précarité qui peuvent toucher aussi des jeunes pourtant passés par l’enseignement supérieur.

Cela conduit parfois à se demander si le bagage acquis dans le supérieur et la reconnaissance universitaire suffisent, et dans quelle mesure les étudiants gagnent à étoffer leur CV avec des certifications complémentaires.

De plus en plus de modules et de formations en ligne se développent en effet, permettant d’acquérir des compétences informatiques (initiation au code, découverte d’un logiciel, etc.) ou des savoirs professionnels (animation d’une communauté en ligne, gestion d’une association, etc.), et certains s’assortissent d’une validation. Parmi ces certifications, les open-badges font l’objet de nombreux débats.

Reconnaître les apprentissages informels

Les établissements d’éducation ne sont pas les seuls lieux d’apprentissage. De nouvelles places comme l’Internet ou encore les Fab Labs prennent de plus en plus d’importance. La question de la reconnaissance des acquis et compétences que nous pouvons acquérir dans ces nouveaux lieux devient donc de plus en plus essentielle. Poursuivies par cette motivation, les fondations Mozilla et MacArthur ont imaginé l’open-badge en 2011 pour répondre, en partie, à ce nouveau défi. À l’instar du QR code, l’open-badge peut être défini comme « une image numérique dans laquelle sont enregistrées un certain nombre d’informations, ou métadonnées » permettant de rendre compte des différents apprentissages, engagements, réalisations ou encore compétences d’un individu.

Quelques exemples d’open-badges proposés à l’Université de Bourgogne Franche-Comté.

Concrètement, un open-badge fournit diverses informations sur l’émetteur ainsi qu’au récepteur du badge, sur les critères d’obtention qui lui sont associés ou encore sur les preuves justifiant son attribution. Ces dernières peuvent aussi bien prendre la forme d’une évaluation formelle que d’une trace vidéographique par exemple.

À la différence du diplôme, l’open-badge peut être qualifié de « matière vivante » puisque l’individu peut ajouter de nouvelles preuves ou traces tout au long de la vie de l’open-badge. Ainsi, s’il le désire, un badge numérique évolue en fonction du parcours de son bénéficiaire. Par exemple, pour un badge qui valoriserait des compétences oratoires, son propriétaire pourrait ajouter au fur et à mesure des vidéos de ses différentes communications.

Une fois obtenu, les open-badges peuvent être stockés dans un « backpack » (Open Badge Passport, Badgr…). Ce dernier présente l’avantage pour l’individu de centraliser l’ensemble de ses open-badges sur une même plate-forme et d’en assurer la portabilité, notamment sur les réseaux sociaux comme LinkedIn par exemple. Pour les tiers, celui-ci permet de vérifier l’authenticité de l’open-badge. En effet, les métadonnées adossées aux open-badges présentent l’avantage d’être vérifiables, mais aussi infalsifiables.

Si de nombreuses universités (Harvard, Purdue, California Irvine…) ou grandes entreprises (IBM, Disney-Pixar, Microsoft…) ont été séduites par les open-badges outre-Atlantique, la progression de cet outil digital reste globalement plus mesurée en Europe. Toutefois, le mouvement semble s’accélérer ces dernières années, notamment au sein des universités françaises comme le montrent les initiatives des universités de Normandie, de Bordeaux, de Nantes ou encore de l’université de Bourgogne Franche-Comté.

Si, initialement, les premiers concepteurs d’open-badges mettaient l’accent sur la possibilité qu’offrait l’outil de reconnaître et rendre visibles les apprentissages informels des individus, les premières recherches scientifiques se sont concentrées autour des avantages pédagogiques attendus de l’outil.

L’open-badge comme outil pédagogique

Par son caractère souple, l’open-badge pourrait permettre aux universités de diversifier leurs systèmes d’évaluation tout en fournissant un soutien pédagogique plus efficace sur l’apprentissage. L’outil pourrait notamment soutenir les situations de reconnaissance par les pairs ou encore les initiatives d’évaluations formatives, ces dernières servant de diagnostic à l’apprenant se situant toujours en cours d’apprentissage.

La possibilité qu’offre l’open-badge de séquencer l’apprentissage permet également à l’individu de se concentrer sur des objectifs moins ambitieux afin de développer progressivement ses compétences dans le but d’atteindre finalement la maîtrise de concepts plus vastes.




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Parfois assimilés à des balises d’apprentissage, les open-badges peuvent guider les apprenants tout au long du processus d’apprentissage tout en proposant un cadre plus souple favorisant l’auto-régulation des individus. Ainsi, la reconnaissance par open-badges des principales étapes de l’apprentissage pourrait induire un renforcement de la confiance des individus.

De nombreux travaux scientifiques se sont également intéressés à la relation entre l’open-badge et la motivation des apprenants. Les premières recherches ont montré que les badges numériques avaient des effets sur la motivation extrinsèque (celle qui est provoquée par une circonstance extérieure, comme une récompense ou encore une punition) comme sur la motivation intrinsèque (où seuls comptent l’intérêt et le plaisir que l’individu y trouve) des apprenants. Cependant, la simple présence d’open-badges ne suffit pas à augmenter les niveaux motivationnels des apprenants.

Pour ne pas transformer les open-badges en de simples incitations extrinsèques, les concepteurs d’open-badges ne doivent pas sous-estimer la phase réflexive autour de la création d’un écosystème de badges numériques. En effet, des open-badges mal construits pourraient finalement être néfastes à l’apprentissage en favorisant davantage la motivation extrinsèque au détriment de la motivation intrinsèque. Autrement dit, utiliser l’open-badge comme on utilisait auparavant le bon point à l’école a peu de chances de fonctionner.

Communiquer sur les compétences

Outre sa qualité pédagogique, l’open-badge peut également être utilisé comme un moyen de reconnaitre des acquis qui ne sont pas mis en avant formellement dans le cadre d’une formation. Il devient un moyen pour l’enseignement supérieur de valoriser davantage les compétences et acquis développés par les élèves et étudiants dans le cadre informel, par exemple dans les associations ou encore les clubs sportifs.

Il permet aussi d’expliciter ce que les spécialistes d’éducation appellent le curriculum caché qui échappe à la conscience des enseignants et des élèves. Sans se substituer aux diplômes, ils peuvent aussi venir, en complément d’autres titres de compétence (diplômes, relevés de notes…), délivrer des informations plus précises sur le parcours ou sur les compétences réellement acquises par les apprenants tout au long de leur cursus.

Les open-badges pourraient permettre aux individus de mieux communiquer à l’extérieur sur ce qu’ils savent faire et ce qu’ils peuvent faire. Les premières études américaines sur la perception de l’outil par les employeurs indiquent une réception positive dans le milieu professionnel. Toutefois, il n’existe pas à ce jour d’études similaires adaptées au contexte francophone.

Construire son parcours professionnel

Un troisième intérêt de l’open-badge est de contribuer à la construction d’un parcours professionnel, d’un projet d’orientation ou de réorientation, en partant de ses acquis et en permettant de comprendre quelles compétences peuvent être mises en avant. Utilisés comme première étape dans une démarche de validation des acquis de l’expérience, ils alimentent la réflexivité sur la diversité des expériences accumulées. Notre suivi ethnographique d’un collectif d’acteurs qui a souhaité engager sur un territoire une culture de reconnaissance basée sur les open-badges a montré la diversité des contextes où cette reconnaissance peut être développée. La formation initiale, la formation d’adultes dans l’entreprise ou le milieu associatif, l’accompagnement de personnes faiblement qualifiées mais également la reconnaissance pour les étudiants de leurs engagements ou de nouvelles compétences.

Si les open-badges commencent à gagner du terrain au sein des universités francophones, la manière dont les étudiants s’approprient ce nouvel objet digital est encore mal documentée. Une récente enquête, menée dans deux universités francophones en France et en Belgique, au sein de trois filières (Psychologie et Éducation, Economie Gestion, Sciences techniques et de l’ingénieur), a porté sur la perception de ce type d’outil par les étudiants.

L’open-badge :un outil numérique pertinent au service du développement de compétences transversales ? (Inas Umons).

Si seulement 15 % d’entre eux connaissaient ce dispositif numérique, plus de deux étudiants sur trois se révèlent pourtant intéressés par un tel outil et sont prêts à les utiliser dans leur CV. Plus de sept étudiants sur dix souhaiteraient obtenir des badges numériques dans leur université, notamment dans le cadre d’une valorisation de leurs soft-skills ou encore d’une reconnaissance de leurs activités extracurriculaires.

Par ailleurs, près de 63 % des étudiants déclarent que les open-badges pourraient les motiver davantage dans le cadre de leurs études. Les différences sont également marquées entre les filières. Les étudiants en cursus ingénieur sont par exemple moins intéressés par l’outil que les étudiants en Psychologie et Sciences de l’Éducation. On peut penser que pour les premiers, la confiance dans le signal du diplôme l’emporte largement sur des certifications alternatives.




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En parallèle, une expérimentation d’open-badges sur le métier d’étudiant a eu lieu au sein d’une première année en licence sciences de l’éducation à l’université de Bourgogne. Celle-ci révèle que certaines caractéristiques individuelles interviennent dans l’engagement des étudiants dans un dispositif proposant des open-badges. Les étudiants qui sont allés au bout de l’expérimentation et acquis le plus d’open-badges sont les plus familiers avec le numérique, ceux qui avaient le plus d’expériences extracurriculaires, ceux qui ont les meilleures performances scolaires ou qui sont les plus motivés par leurs études.

La mise en place d’un dispositif de badges numériques doit donc s’accompagner d’une attention particulière vis-à-vis de certains publics étudiants qui n’ont pas les mêmes chances de réussite dans l’enseignement supérieur, au risque d’augmenter les inégalités. Ce sera d’autant plus le cas s’il s’agit d’en faire un certificat de compétences, susceptible d’avoir une valeur sur le marché du travail.

The Conversation

Bastien Rollin a reçu des financements de RITM-BFC qui est le fruit d’un appel à projet lancé dans le cadre du 3ème Programme d’Investissement d’Avenir « Nouveaux cursus à l’université » (ANR-17- NCUN-0003) dont l’objectif est d’assurer une meilleure réussite en 1er cycle universitaire.

Jean-François Giret a reçu des financements du programme PIA RITM-BFC (ANR-17-NCUN-0003).

Marc Demeuse ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

Licence : CC by-nd

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