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En stage au cœur du pouvoir législatif ou une autre histoire des archives de l’État

Un article repris de https://ahl.hypotheses.org/1195

Julie Ille-Rousel (M2) est en stage au service Archives de l’Assemblée nationale à Paris. Elle renoue là le lien établi par C. Parenthoën en 2017 qui avait relaté son expérience ici et rappelle les origines du service – et des Archives nationales -. Sa mission principale réside dans le classement des travaux d’une commission d’enquête.


Une institution d’accueil historique [1] :

L’histoire des archives de l’Assemblée nationale est étroitement liée à celle de l’institution. Le 17 juin 1789, les députés du Tiers État se proclament « Assemblée nationale ». En juillet de cette même année, l’idée de conserver les documents des travaux parlementaires pour garantir les droits du peuple émerge dans l’esprit des représentants. C’est ainsi que le 9 juillet 1789, Armand Gaston Camus, député de Paris, est désigné secrétaire par ses pairs puis archiviste de l’Assemblée, le 14 août.

Armand Gaston Camus
(Salle du serment du Jeu de paume – Versailles)

Le 7 septembre 1790, un décret entérine la création d’un dépôt destiné à la conservation des « pièces originales relatives aux opérations de l’Assemblée »[2]. Cette disposition est précisée par la loi du 7 messidor an II (25 juin 1794) qui confère une souveraineté aux archives publiques, placées sous l’autorité centralisatrice de l’Assemblée. L’arrêt consulaire du 8 prairial an VIII (28 mai 1800) met un terme au lien étroit qui unit le pouvoir législatif et les Archives nationales, qui passent sous la coupe de l’Exécutif et prennent ensuite place à l’hôtel de Soubise en 1808.[3] Les archives des Assemblées sont explicitement reconnues autonome à partir de 1815.

Que conserve-t-on à la division des Archives et de l’Histoire parlementaire de l’Assemblée, et que peut-on consulter ? Tout d’abord, sont librement consultables les archives législatives qui font l’objet d’une publication, telles que les comptes rendus des séances publiques et des réunions des commissions, le Journal Officiel (JO), les impressions officielles parlementaires, les rapports publiés des missions d’information et des commissions d’enquête. Ensuite, y sont conservées toutes les archives qui résultent de l’activité des services législatifs ainsi que les archives administratives, c’est-à-dire l’ensemble des documents relatifs au fonctionnement de l’institution (le Bureau, la Questure, entre autres). Enfin, quelques fonds d’archives privées de députés et de groupes politiques viennent compléter cet ensemble[4].

La gestion des archives des assemblées parlementaires, rappelée par le Code du patrimoine, relève du principe d’autonomie. La division des Archives est donc autonome dans sa gestion et assure son propre contrôle. Pour les documents qui ne sont pas publiés, le délai de communicabilité de droit commun est de 25 ans, prévu par l’Instruction générale du Bureau de l’Assemblée nationale, sous réserve des délais plus longs fixés par l’article L. 213-2 du Code du patrimoine.

Dans le cadre de ses missions, la division des Archives collecte, classe, conserve et communique aux chercheurs. La numérisation des fonds est en cours afin d’en améliorer l’accès et de faciliter la recherche en droit et en histoire parlementaire. De plus, le service valorise ses fonds sous diverse formes (rédaction de notices d’anciens députés, participations à des expositions…).


Un cadre de travail agréable  :

Mon cadre de travail est un bureau individuel qui se trouve dans les locaux de l’Assemblée nationale. Il est orné de documentation parlementaire.[5] ex. L’Almanach impérial, commissions extraordinaires, les comptes rendus de séance du Corps Législatif du Second Empire. A cela viennent s’ajouter mes 19 boîtes Cauchard qui commencent à être remplacées par des boîtes Dimab. Je dispose de mon propre ordinateur et d’une imprimante. Ma fenêtre donne sur d’autres bureaux de l’Assemblée.

Mon cadre de travail

Trois missions variées  :

Ma première mission est le classement des travaux de la commission d’enquête sur la langue française. Dans le cadre de cette mission, je dois classer, décrire, reconditionner et rédiger l’instrument de recherche. Une commission d’enquête est « une commission temporaire créée pour une durée de six mois afin d’enquêter sur des faits déterminés et d’en faire rapport. [Elle] dispos[e] de pouvoir particuliers d’investigation. »[6] La création de celle-ci relève uniquement de l’initiative parlementaire. A l’issue du travail d’enquête, les parlementaires doivent rédiger un rapport qui est, le plus souvent, publié.[7] Cependant les documents produits par la commission d’enquête dans le cadre de son travail, hors rapport publié, sont mis sous scellés pendant 25 ans [8].

Le 10 décembre 1980, après trois propositions de résolutions déposées et un rapport effectué par un membre de la commission des Lois, l’ultime proposition de résolution est acceptée et la commission est créée. Sur quoi porte-t-elle ? Sur la question déjà sensible de l’invasion de la langue française par l’anglais. Les parlementaires chargés de cette mission interrogèrent plus d’une centaine de personnalités et visitèrent 19 pays afin de d’étudier l’expansion du français sur les différents territoires.

Cette commission n’a pas encore fait l’objet d’une demande de communication. Cependant, il est intéressant de noter que cette problématique de la langue française, et donc de sa défense, est un sujet encore actuel. L’anglais occupe aujourd’hui une place beaucoup plus importante qu’en 1980 dans la Start-up nation. Le 8 avril 2021, ce n’est pas l’impact de l’anglais dans la langue française qui a suscité l’intérêt des députés mais plutôt les langues régionales.[9]

La deuxième tâche est la refonte de l’arborescence de gestion informatique de la division des Archives. L’accumulation des dossiers informatiques au premier niveau du serveur rend difficile la recherche rapide d’un document. Il s’agit donc de discuter avec les collègues concernés afin de dégager les grandes missions des agents et les catégories l’arborescence correspondantes à créer. Ex. les demandes de communication, la numérisation, les recherches historiques, les dossiers des députés. Au fil des entretiens, l’enjeu est d’affiner et rendre plus simple l’utilisation du réseau. A terme, je dois également fournir un guide de « bonnes pratiques » pour aider les collègues à continuer à utiliser la nouvelle arborescence.

La difficulté actuelle est de composer avec les emplois du temps divers des collègues qui sont notamment rythmés par le télétravail.

La troisième et dernière mission est bien naturellement de prendre part à la vie du service. J’aide ponctuellement à la manutention de cartons d’archives dans les annexes de l’Assemblée et au transport de documents d’archives pour la réalisation d’expositions (uniquement internes à l’institution en raison du contexte sanitaire). Par exemple, récemment deux expositions ont été mises en place, l’une sur les députés communards et l’autre sur le bicentenaire de la mort de Napoléon.


[1] Pour en apprendre davantage sur l’histoire et le fonctionnement de l’Assemblée nationale et son fonctionnement, je conseille la BD de Kokopello, Palais-Bourbon, les coulisses de l’Assemblée nationale, Paris, Dargaud, 2021.

[2] Décret du 7 septembre 1790 portant sur la création des Archives nationales, archives produites par l’Assemblée nationale.

[3] Les Archives nationales prennent place au Palais Bourbon, siège du Conseil des Cinq-Cents à partir de 1789, jusqu’à l’acquisition de l’hôtel de Soubise en 1808. C’est à cette date que les deux organes se distinguent.

[4] https://gallica.bnf.fr/edit/und/bibliotheque-et-archives-de-lassemblee-nationale.
https://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/role-et-pouvoirs-de-l-assemblee-nationale/l-administration-de-l-assemblee-nationale/le-service-de-la-bibliotheque-et-des-archives

[5] Dans un souci de sauvegarde, l’Assemblée nationale et le Sénat conservent la documentation parlementaire de l’autre.

[6] Définition d’une commission d’enquête, L’Assemblée nationale, dans les institutions françaises, Connaître l’Assemblée, fiches de synthèse, 3e édition, novembre 2009, p. 582

[7] Une fois le rapport rédigé, il est soumis au vote de la commission. Pour être publié, il doit être adoptée à l’unanimité, sinon il est rejeté.

[8] Art. 6 de l’ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958.

[9] Proposition de loi n°591 sur la protection patrimoniale des langues régionales et leur promotion.

Licence : CC by-nc-nd

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