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Aider à comprendre les histoires, ça s’apprend aussi !

Un article repris de https://theconversation.com/aider-a...

Dans les albums de jeunesse, beaucoup d’histoires s’appuient sur des allusions que les enfants ne comprennent pas toujours au premier abord. cottonbro/Pexels, CC BY

Avec un score de 511 points, les résultats des élèves français en compréhension de l’écrit, mesurés lors des enquêtes internationales, sont bien en – dessous de la moyenne européenne (540 points) et de celle de l’OCDE (541 points).

La recherche sur la compréhension des récits, et plus précisément sur la manière de l’enseigner (la didactique de la compréhension), est encore récente, surtout au niveau de l’école maternelle. Or, l’enseignement de la compréhension doit se faire dès le plus jeune âge et commence au sein même des familles.

Aussi, des chercheurs se sont mis à observer et analyser les difficultés des élèves de trois ans à six ans et travaillent sur ce que les professeurs des écoles peuvent faire ou font pour les aider à comprendre des histoires. Ces dernières années, les pistes à disposition des enseignants se sont donc multipliées.

Scénarios de compréhension

Certains enseignants choisissent de raconter d’abord les albums avec des mimiques, des intonations, voire avec des marionnettes, avant même de les lire. Parfois, les récits sont lus sans montrer les illustrations pour permettre la construction d’images mentales.

D’autres enseignants pratiquent les lectures dialoguées, c’est-à-dire qu’au cours de la lecture, l’enseignant explicite les images, pose des questions aux enfants, leur demande d’anticiper les réactions des personnages, d’émettre des hypothèses sur la suite possible. On appelle cela « des scénarios langagiers didactiques » dont certains sont proposés dans des sites de formations.

Cependant, s’appuyer sur l’un de ces scénarios ne suffit pas à garantir la compréhension chez les élèves. Pourquoi ? Pourquoi cela fonctionne-t-il pour certains enseignants et pas pour d’autres ? Ou plutôt, pourquoi les élèves de Mr A auront particulièrement bien retenu la chronologie et le nom de personnages, mais seront passés à côté de l’implicite, tandis qu’on observera le contraire dans la classe de Mme B ? Ils ont pourtant tous les deux utilisés le même album et le même scénario.

Certains enseignants pratiquent les lectures dialoguées, sollicitant alternativement les enfants pour commenter les images, anticiper les événements de l’histoire…. Shutterstock

Les recherches actuelles s’intéressent plus spécifiquement à l’enseignant. Que fait-il, et surtout que dit-il, lorsqu’il présente un album, dans l’un de ces scénarios ? En effet, ce sont bien ces Gestes professionnels langagiers et didactiques (GPLD) que l’enseignant mobilise qui vont être déterminants pour la compréhension. Les GPLD sont, par exemple :

  • Accentuer des mots lors de la lecture ;

  • Questionner les élèves sur les personnages et leurs motivations ;

  • Reformuler le texte avec des mots plus adaptés au vocabulaire des enfants ;

  • Expliciter le lexique lorsque celui-ci fait obstacle à la compréhension ;

  • Faire appel à l’expérience et au ressenti des élèves. Ces liens permettent à la fois une compréhension et une mémorisation du récit.

Mais quels sont les gestes professionnels langagiers didactiques les plus pertinents selon les scénarios ? Quels sont ceux qui aident à comprendre l’implicite ? Quels sont ceux qui aident à comprendre les motivations des personnages ?

Gestes didactiques

Prenons l’exemple d’un professeur des écoles, Charlotte qui enseigne en maternelle depuis 10 ans. Elle a travaillé avec sa classe de « moyenne section » sur l’album Juste un petit bout, d’Émile Jadoul. Voici le résumé proposé par l’école des loisirs :

« L’hiver est là ! Avec sa longue écharpe, Léa la poule a bien chaud. L’oiseau, qui a très froid, lui demande un petit bout de son écharpe. Le lapin fait de même. Léa les accueille bien volontiers. Mais lorsqu’arrive le renard, les trois animaux hésitent… »

Avant de proposer une lecture de l’album aux élèves, elle en a analysé l’histoire. L’implicite de cet album est de comprendre pourquoi les animaux hésitent à partager l’écharpe avec le renard. C’est parce qu’il peut les croquer ! Mais les enfants de 4 ans n’ont pas forcément tous construit le stéréotype du renard rusé et le ressort principal de l’histoire leur échappe. Ils se contentent de conclure que le personnage ne partage pas l’écharpe avec le renard parce qu’il n’y a plus de morceau d’écharpe.

Charlotte a remarqué que deux termes du texte permettaient de comprendre que les animaux avaient peur du renard : « ils se méfient » et « courageusement ». Aussi, a-t-elle prévu d’appuyer son attention et celle des élèves sur ce lexique. Voyons comment cela se passe au cours de la lecture dialoguée :

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Charlotte propose d’abord un recours au texte (souligné dans l’exemple) pour attirer l’attention des élèves sur le terme « courageusement » qu’elle accentue lors de la lecture. Ensuite, elle décide d’expliciter ce mot en employant « ça veut dire que » et trois fois elle reformule son propos. Puis en partant du personnage de Léa « elle prend son courage à deux mains », elle a recours à l’expérience des élèves en les impliquant par le pronom « on » pour revenir ensuite au texte « donc elle a un petit peu peur mais elle dit oui quand même ». Elle termine par un questionnement pour vérifier si les élèves ont bien compris.

Charlotte, par ses gestes professionnels langagiers didactiques, aide les élèves à mieux comprendre les émotions et motivations des personnages à travers l’explicitation du mot « courageusement ».

Ce travail, assorti d’autres interventions au cours de la séance, a permis aux élèves de comprendre l’implicite de l’histoire. D’ailleurs, des « traces » de ces GPLD apparaissent dans les discours des élèves lorsque l’autre enseignant, Martin, leur à poser des questions pour vérifier leur compréhension.

C’est le cas de Valentine et Timothée (4 ans) qui reprennent même le mot « courageusement » :

La recherche en cours a proposé ce même album de fiction à 8 enseignantes expérimentées (plus de 7 ans d’ancienneté) en classe de moyenne section de maternelle. Il s’agit, comme pour Charlotte, d’observer ce qu’elles font, disent pour permettre aux enfants de comprendre. Puis d’analyser les différences de compréhension entre les élèves et d’établir les liens entre ce que les élèves ont compris et ce que l’enseignante a mobilisé.

Le but serait de trouver quels sont les gestes professionnels langagiers didactiques qui favorisent la compréhension des récits de fiction chez des élèves de maternelle et comment proposer aux enseignants de les mobiliser.

À la maison, les parents peuvent aussi choisir un album et le raconter, le reformuler, questionner, expliciter le lexique, et inciter l’enfant à faire des liens avec ses propres expériences et émotions.

The Conversation

Caroline Creusot-Tuphile a reçu des financements de la Région Nouvelle Aquitaine qui finance la thèse.

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