Par Sophie Senpau Roca, Responsable des business game, enseignante à l’ISC Paris
Un cadre classique bousculé par les événements
Prévu depuis le printemps 2019, le Business Game des étudiants de Master 1 en alternance devait se dérouler les 31 mars et 1er avril 2020. Tout était prêt, y compris les professeurs qui allaient participer à ce Business Game dédié au management de projet. Le management de projet, c’est prévoir mais aussi s’adapter. Alors, justement…parlons-en !
Le cours était programmé, sa conception terminée, tout devait se passer comme sur des roulettes. Mais rien n’est jamais acquis, c’est une formidable illustration du Management de projet que nous avons eue ! L’environnement a changé, le Covid 19 et son confinement obligatoire sont arrivés. Il a fallu tenir compte de ces nouvelles données et intégrer le risque « Covid-19 » dans ce projet !
Des circonstances qui ont poussé à l’innovation
Nous voilà donc prêts à manifester de la souplesse, à nous adapter aux circonstances. Pour l’organisation d’un business game, c’est un challenge particulier. En effet, le principe même du Business Game est fondé sur le présentiel tant pour les étudiants que pour les professeurs : travailler en équipe, communiquer dans un temps imparti pour prendre des décisions qui engagent, déceler et éviter les « passagers clandestins », assister des équipes d’étudiants de près, alors qu’ils travaillent en autonomie, leur faire des retours personnalisés par équipe.
Notre première décision : s’appuyer sur une équipe réduite à son minimum, constituée de Raymond Schivre, professeur de Management de projet et moi-même, responsable des business game à l’école.
Des outils adaptés et une programmation revue
Si les choses changent, il faut changer, alors il a fallu nous organiser et penser autrement. Nous n’allions pas monopoliser la plateforme de visio-conférence utilisée par l’école –3CX – toute la journée pour une centaine d’étudiants. Nous avons donc positionné trois séances « les ateliers 3CX » pour chaque journée, matin, début d’après-midi et fin d’après-midi. Cela permettait de rythmer la journée mais également de profiter des heures de moindre affluence pour optimiser l’utilisation de la bande passante. Ces séances permettraient de faire le point et les bilans nécessaires avec les étudiants.
Un accompagnement particulier des étudiants
Dans un business game, il faut que les étudiants se sentent soutenus en permanence, il faut les motiver, qu’ils ne se heurtent pas à des difficultés insolubles sans recevoir l’aide d’un professeur et une oreille attentive. Parfois, le simple fait d’exposer leur difficulté, fait qu’ils trouvent eux-mêmes leur solution, combien de fois ai-je entendu : « Ah, mais oui, ça y est, j’ai compris ! » alors que je n’avais pas encore ouvert la bouche…
Une répartition claire des responsabilités entre enseignants
Nous avons relevé le défi et avons adapté ce cours. Nous nous sommes répartis les tâches, Raymond gérant la partie cours de Management de projet et moi la gestion de la plateforme pour parer aux questions relatives à cette dernière et aux difficultés informatiques. Heureusement tous les outils nécessaires étaient là : 3CX, Moodle, boîte mail et même téléphone, lorsque la situation l’exigeait.
A chaque atelier 3CX, Raymond reprenait les éléments théoriques ponctués d’anecdotes enrichissantes et leur donnait, en plus de l’avancement du projet à réaliser, des challenges : élaboration du chemin critique, recherche de mots clés, retour d’expérience. L’avantage, à distance, est que les équipes ne se gênent pas les unes les autres. Les remarques, parfois sensées, parfois plus surprenantes (et à canaliser) se font par l’intermédiaire du chat. Nous leur donnions un retour sur les résultats. Et leur proposions aussi de prendre la parole s’ils souhaitaient s’exprimer ou faire un retour sur leur expérience.
Au coeur du dispositif à distance : la communication et la disponibilité !!
L’enjeu était tout de même d’une certaine taille : gérer et motiver à distance des équipes d’étudiants confinés chacun chez eux (et regroupés aléatoirement !). L’avantage de ce Business Game de Cesim : « Management de projet » est qu’il y a dans chaque groupe autant de managers d’équipes virtuelles que d’étudiants. Ils étaient obligés de travailler, les projets des équipes virtuelles étant interdépendants.
Quant à moi, j’étais joignable pendant les deux jours en back up, par mail (j’appelais les étudiants par téléphone quand c’était nécessaire et je pouvais rejoindre l’équipe sur la plateforme et leur montrer ce qui n’allait pas). Je leur avais demandé de la patience car je répondais aux mails dans l’ordre d’arrivée mais je répondais toujours.
Environ une heure après le lancement, à notre grande joie à Raymond et à moi, tout le monde était sur les rails, ensuite les mails pleuvaient, il est vrai, mais j’arrivais à gérer sans trop de difficultés la vingtaine d’équipes finalement, il fallait juste décider très vite si, pour la réponse, un simple mail suffisait, ou s’il valait mieux demander son numéro à l’étudiant et l’appeler (solution lorsque j’avais besoin de rassurer l’étudiant, de communiquer avec lui et d’aller avec lui sur la plateforme).
Un retour d’expérience riche
Du côté des enseignants
Ce sont deux journées intenses que nous avons vécu… Paradoxalement, les enseignants ont eu l’impression de moins crouler sous les questions qu’en présentiel, lorsque l’étudiant est là, impatient, son ordinateur sous le bras, attendant qu’un camarade ait fini de poser son problème… On ne voit pas leurs émotions autrement qu’à travers le mail et cela a des avantages certains, notamment en termes de mise à distance du stress. Cela implique néanmoins d’avoir un délai de réponse rapide des enseignants (généralement 5 minutes, 10 minutes au maximum). Mais cela a été tout à fait gérable pour l’équipe, n’ajoutant aucun stress.
Du côté des étudiants
Raymond a demandé aux étudiants des mots clés, et outre les mots clés classiques que l’on peut trouver dans ce type de travail, certains m’ont semblé intéressants tels que « Harmonie, entraide, attentif, stress, challengeant, dépendance, mutualisation, frustration, imprévus, … »
Voici également quelques témoignages issus de leurs retours d’expérience :
« Nous avons réussi à communiquer via plusieurs outils mais principalement avec WhatsApp (photos, vidéos, audio). Au final, cela a été deux journées pleines de rebondissements, avec une communication intense, nous avons réussi à bien nous entendre, à maintenir un bon niveau de communication et à réussir un projet dont nous sommes fiers. Nous avons apprécié le fait de travailler ensemble et nous pourrons recommencer sans trop de difficultés. » Antonio, Mathilde, Lucille, Sara et Margaux .
« En quelques mots, nous pouvons affirmer que cette expérience était incroyable pour notre équipe ! Ce business game avait un caractère extraordinaire dû aux événements actuels. Effectivement, cela n’a pas rendu les choses faciles pour notre coopération à distance par tous les moyens que nous avions à notre disposition. Mais chaque membre du groupe à fait de son mieux pour contribuer à la réussite de l’équipe. » Adrien, Blandine, Camille, Assya et Clément.
« Le business game est un événement que j’ai trouvé très intéressant pour ma part, tant sur le point de vue humain que sur le point de vue “scolaire”. En effet, ce type de travail requiert une véritable interaction entre les membres du groupe sans laquelle il nous est impossible d’avancer. Le contexte actuel rend cette collaboration assez complexe mais une fois de plus intéressante et enrichissante.
Je constate que la gestion de projet est donc assez compliquée du point de vue organisationnel. Il faut réussir à concilier toutes les variables, argent, temps, qualité et humaine. La gestion de l’imprévu doit également être prise en compte et ce qui est frustrant… c’est qu’elle ne peut pas être anticipée. Il faut donc faire preuve d’adaptabilité pour avancer et garder la tête haute.
(…) La collaboration avec les membres de mon équipe c’est excellemment bien passé et j’en suis très satisfait ! » Clément
« Dans un premier temps, je trouve que ce fut une belle expérience pour apprendre à travailler en équipe et surtout de pouvoir sortir de sa zone de confort pour travailler avec des personnes avec qui nous n’avions pas l’habitude de travailler. De plus devoir travailler dans un temps limité, avec des situations qui changeaient constamment, m’a demandé de faire appel à mes performances stratégiques mais aussi créatifs et inventifs, ce qui représente une belle opportunité de me challenger sur mes capacités à m’adapter à des situations complexes. Gérer son stress n’est pas toujours un facteur très simple pour moi, ce type d’exercice m’a permis de pouvoir repousser mes limites et de prendre connaissance de mes capacités à gérer une situation compliquée (car nous pouvons tout à fait imaginer que dans notre vie professionnelle nous pourrions faire face à tout type de problème qui n’était pas prévu). J’ai trouvé que ce projet était une belle approche de ce que peut-être la gestion d’un projet et comment le mener à bien. » Blandine
Paradoxalement, les étudiants se rendent peut-être encore plus compte de leur interdépendance quand ils sont à distance. Ils perdent moins de temps à bavarder de choses et d’autres, ils se concentrent sur l’essentiel.… L’expérience du Business Game à distance a été intense et son bilan positif. Peut-être à l’avenir, est-ce une solution intéressante. Si en plus les étudiants ne sont pas confinés, ce sera encore plus facile. Des solutions hybrides pourraient même être envisagées.
L’article Les Business Game en temps de confinement – une contrainte à la source de l’innovation est apparu en premier sur Les carnets de l'innovation pédagogique.
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